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Merlock
Inscrit le: 19 Oct 2006 Messages: 2776 Localisation: Issy-les-Moulineaux
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Posté le: Ven Mar 02, 2012 23:25 Sujet du message: [Critique] L'Appel du 17 juin (André Costa) |
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Format :
# Broché: 332 pages
# Editeur : JC Lattès
# Année : 1980
Compte tenu du thème général de ce site, je suis surpris que ce livre n'ait pas encore fait l'objet d'un sujet dédié. Je suppose que la plupart des membres de ce forum l'ont lu depuis longtemps, mais je ne l'ai trouvé que récemment et l'ai lu cette semaine. Je vous livre donc ici mon avis sur cet opus.
Le livre.
Il s'agit d'un roman uchronique de la seconde guerre mondiale; Le 17 juin 1940, Charles De Gaulle n'accompagne pas l'officier de liaison britannique, le général Edward Spears à Londres. En effet, il entend le discours du Maréchal Pétain à la radio et décide de tenter une dernière démarche pour le convaincre de changer d'avis.
Et il y parvient.
C'est là que l'Histoire diverge: De Gaulle mène la délégation française aux négociations d'armistice et repousse les conditions allemandes. Les négociations sont rompues: la France continue la guerre en Afrique du Nord.
Ce livre est donc à la fois celui d'un récit "historique" où l'on voit évoluer des personnages historiques évoluant dans une trame historique fictive, doublé d'un roman mettant en scène des personnages secondaires "ordinaires" vivant les évènements de leur point de vue...
Disons le tout de suite les deux ensembles se mélangent très mal, j'y reviendrai.
Le récit
Il s'agit ici du récit romancé de la suite des opérations militaires en Afrique française du Nord (AFN) et en Méditerranée (l'Asie et l'Afrique orientale italienne ne sont pas abordées, ni même les opérations dans l'océan Atlantique).
A ce sujet, l'auteur fait preuve d'une érudition certaine à propos des opérations, de la situation en AFN et des caractéristiques du matériel aérien, terrestre et naval engagé; je n'ai pas vu d'erreur impardonnable.
Concernant les opérations, le récit est assez linéaire, mais pas forcément idiot: SPOILER a écrit: |
Pour faire court, la flotte italienne est quasiment anéantie dans une grande opération navale franco-britannique, surtout "franco" et un peu "britannique". D'ailleurs l'auteur donne la part belle à, la Flotte française, la Royal Navy ne jouant qu'un rôle de figurant dans ce match franco-italien. Et, ici, pas de raid sur Tarente, juste une version géante de la Bataille du Cap Matapan...
Les italo-allemands tentent une opération aéroportée pour envahir la Tunisie, mais leurs parachutistes se retrouvent coupés de leurs renforts, dos à la mer, et forcés de se rendre après avoir frôlé l'anéantissement.
En Grande Bretagne la Luftwaffe gagne pratiquement la Bataille d'Angleterre, mais faute de moyens adéquats (dont la perte de ses parachutistes en Tunisie), l'état-major allemand ne peut mener qu'un raid commando de grande ampleur (dans le plus pur style "Dieppe inversé"), mais sans lendemain, à Brighton.
Puis, la RAF finit par gagner la Bataille d'Angleterre, grâce au renfort de 300 pilotes de chasse français expédiés dans les îles britanniques. A noter qu'on se demande bien pourquoi la RAF rencontre davantage de difficultés qu'historiquement face à la Luftwaffe, puisque sa situation dans le livre n'est pas plus défavorable que dans la trame historique réelle... Et on se demande de quel poids réel seraient 300 pilote français de plus, même s'ils sont expérimentés...
Enfin, les anglos-français débarquent en Grèce, que Mussolini vient juste d'attaquer (comme historiquement) et aident à lui flanquer une rouste. Les Allemands interviennent dans les Balkans: Comme historiquement, ils envahissent la Yougoslavie, mais l'exemple français amène le roi de Yougoslavie à accepter de se battre en exil avec son armée en attaquant les Italiens en Albanie pour faire la jonction avec les Alliés.
Les Italiens perdent également les îles du Dodécanèse et après cette série de défaites, le roi Victor Emmanuel III fait arrêter Mussolini et demande la paix (et se retourne contre les Allemands qui tentent de prendre le contrôle du pays)
Enfin, le 6 février 1941, l'URSS attaque l'Allemagne qui appelle... la France et le Royaume-Uni au secours. Et c'est sur cet évènement que se finit le roman... |
Les personnages:
Les personnages historiques sont assez bien campés, en,tre un DE Gaulle manipulateur, un Pétain sous influence (mais pour la "bonne cause", cette fois) un Churchill égal à lui-même, un De Hautecloque survolté qui ne sera jamais "Leclerc" et un Darlan opportuniste et authentique fétichiste de "sa" flotte adorée...
D'autres acteurs historiques font une apparition qui sonne assez juste: Jean Monnet, Mandel, Weygan, etc. Mention spéciale pour ce malheureux Montgomery, très, très, maltraité...
Les personnages fictifs sont sensés donner du "corps" à l'histoire et, sans doute, justifier l'appellation de "roman". On y trouve, surtout, un jeune Français qui passe dans la Résistance et un ex-officier Français qui se lie d'amitié avec un SS qui lui expose se thèses personnelles à longueur de pages dans des échanges pseudo-philosophiques. En soit ça n'a d'autre effet que de nuire gravement à la cohérence du récit d'ensemble et le lecteur peut allégrement sauter tous ces passages pour retrouver la trame des "grands" évènements ce que cela ne leur nuise...
A la fin, tous ce personnages se retrouvent dans un "final" miteux...
Le personnage faisant le lien entre les personnages fictifs et les personnages historiques n'est autre qu'un certain Joseph Darnand utilisé dans un rôle qui lui va comme un gant; le récit de ses "exploits" est d'ailleurs assez jouissif!
En conclusion
Entre récit pseudo-historique et roman sans souffle, ce livre est au final assez bancal.
Que ce soit dans le récit mettant en scène les personnages fictifs ou celui des évènement uchroniques, on trouve des bonnes idées et un nombre presque équivalent de mauvaises idées qui annulent les précédentes, ce qui donne un résultat décevant...
Malgré ce sentiment mitigé, je ne regrette pas mon achat, car l'Appel du 17 juin d'André Costa fait figure de précurseur uchronique et il peut servir de base de réflexion à l'amateur du genre. On ne peut nier, en tout cas, que sa lecture en parallèle de celle de la FTL est extrêmement intéressante et génère son lot de réflexions à base de toujours plus de "et si... ?"
Note: 3/5 (honorable moyenne). _________________ "Le journalisme moderne... justifie son existence grâce au grand principe darwinien de la survivance du plus vulgaire." (Oscar Wilde). |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 13715 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Mar 02, 2012 23:48 Sujet du message: |
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1980, c'est loin...
Mais en effet, les membres de ce forum qui étaient d'âge à l'époque l'ont sans doute lu. En 1980, on voyait plus les qualités que les défauts, puisque, comme tu l'as dit, c'était un précurseur.
J'en avais même fait un article dans Casus (le journal...).
TRENTE-DEUX ANS.... _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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Merlock
Inscrit le: 19 Oct 2006 Messages: 2776 Localisation: Issy-les-Moulineaux
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Posté le: Sam Mar 03, 2012 10:49 Sujet du message: |
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J'avoue que je serais curieux de comparer ta critique avec la mienne, tu as encore le texte ?
PS: je n'ai commencé à lire Casus V 1.0 qu'en 1994.
18 ans, quand même... _________________ "Le journalisme moderne... justifie son existence grâce au grand principe darwinien de la survivance du plus vulgaire." (Oscar Wilde). |
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patzekiller
Inscrit le: 17 Oct 2006 Messages: 3940 Localisation: I'am back
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 13715 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Mar 03, 2012 11:31 Sujet du message: |
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Merlock a écrit: | J'avoue que je serais curieux de comparer ta critique avec la mienne, tu as encore le texte ? |
Oui bien sûr, dans ma collection de Casus, qui est à la cave, soigneusement emballée.
Mon article (qui doit dater de 81 voire 82) était très gentil. Je ne me préoccupais guère de la vraisemblance de ceci ou de cela, le principe du bouquin entraînait l'adhésion, et les narrations de bataille étaient assez réussies, dans mon souvenir. _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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Merlock
Inscrit le: 19 Oct 2006 Messages: 2776 Localisation: Issy-les-Moulineaux
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Posté le: Sam Mar 03, 2012 11:57 Sujet du message: |
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Casus Frankie a écrit: | le principe du bouquin entraînait l'adhésion, et les narrations de bataille étaient assez réussies, dans mon souvenir. |
Je suis 100% d'accord avec les deux affirmations. La narrations des "grands évènements" est très réussie (mention particulière pour la description de la prise de Toulon: apocalyptique) et le principe du livre est son intérêt même... _________________ "Le journalisme moderne... justifie son existence grâce au grand principe darwinien de la survivance du plus vulgaire." (Oscar Wilde). |
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Capitaine caverne
Inscrit le: 11 Avr 2009 Messages: 4119 Localisation: Tours
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Posté le: Dim Mar 04, 2012 10:15 Sujet du message: |
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Je crois qu'il faut être indulgent avec André Costa! Il s'est lancé il y a trente ans dans un travail difficile sur un sujet sensible et sous une forme très inhabituelle en france à cette époque. Ce n'est pas loin d'un travail de poinnier sur l'uchronie 2ème guerre mondiale. Alors forcement sa méthodologie en a souffert car il essuyait les platres. _________________ "La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce. |
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Menon-Marec
Inscrit le: 27 Mai 2008 Messages: 225 Localisation: Paris
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Posté le: Dim Mar 04, 2012 14:02 Sujet du message: |
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N'oublions quand même pas qui était André Costa. Rédacteur en chef de "L'Auto-Journal", certes, mais aussi un intime du Robert Hersant de la mauvaise époque. Bref, un monsieur qui avait débuté sa carrière de journaliste dans la pire presse de la Collaboration... et qui n'avait rien renié, bien entendu.
Amts ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M. |
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Merlock
Inscrit le: 19 Oct 2006 Messages: 2776 Localisation: Issy-les-Moulineaux
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Posté le: Dim Mar 04, 2012 14:04 Sujet du message: |
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Menon-Marec a écrit: | N'oublions quand même pas qui était André Costa. Rédacteur en chef de "L'Auto-Journal", certes, mais aussi un intime du Robert Hersant de la mauvaise époque. Bref, un monsieur qui avait débuté sa carrière de journaliste dans la pire presse de la Collaboration... et qui n'avait rien renié, bien entendu.
Amts ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M. |
Ah ? Ça je ne savais pas... _________________ "Le journalisme moderne... justifie son existence grâce au grand principe darwinien de la survivance du plus vulgaire." (Oscar Wilde). |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 13715 Localisation: Paris
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Posté le: Dim Mar 04, 2012 14:36 Sujet du message: |
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Tiens tiens... La parole du Vieux Sage Officiel de la FTL éclaire de façon très intéressante certains aspects du livre que j'avais trouvés curieux... _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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L'Uchroniste
Inscrit le: 11 Sep 2010 Messages: 14 Localisation: Champs sur Marne
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Posté le: Jeu Mar 15, 2012 11:05 Sujet du message: |
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Bonjour à tous,
J'interviens fort peu mais la discussion en cour par rapport à L'appel du 17 juin m'intéresse trop pour que je reste sur le banc de touche.
J'ai rencontré bon nombre d'entre vous lors d'un repas, vous ai recroisé à l'occasion d'une table-ronde au Musée de l'Armée en 2010 (dont j'étais l'organisateur) et devrait vous recroiser au musée dans un avenir proche (mais je n'en dis pas plus).
J'avais le souvenir d'une discussion où Menon-Marec m'avait dit au resto que Costa était très pétainiste dirons nous...
Pour la petite histoire, je suis un ami d'Eric Henriet, l'auteur des essais sur l'uchronie, et le livre de Costa nous a longtemps interpellé : Que cherchait à faire passer comme message André Costa.
L'intervention de Jacques Sapir à la fin de la table-ronde sur le fait que Costa voulait avant tout défendre la mémoire du Maréchal, permet de réfléchir un peu plus sur le rôle du livre : Je pense, perso, que Costa voulait mettre en avant la thèse du bouclier et de l'épée, colportée par Vichy.
La critique qu'en fait Pascal J. Thomas montre bien cette tendance :
http://www.noosfere.com/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=2146574219
La question, qui, pour ma part, restera à jamais sans réponse est celle-ci : Le livre a été un échec, rappel, pilonnage, il n'empêche qu'on le trouve encore relativement bien. Ce livre était-il prévu comme un one-shot où André Costa rêvait-il d'écrire, mettons, une trilogie ? Car la fin très ambigüe laisse supposer une suite, et révèle inconsciemment bien des choses sur le rêve que caressait Costa à travers ce projet.
Amicalement
Bertrand |
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Capitaine caverne
Inscrit le: 11 Avr 2009 Messages: 4119 Localisation: Tours
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Posté le: Ven Mar 16, 2012 19:35 Sujet du message: |
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Pour avoir lu quelques extraits du livre, je pense aussi que Costa à voulu quelque part mettre en valeur le maréchal en lui faisant endosser un autre role que celui du traitre et de collaborateur historique. Comme s'il avait un maréchalliste déçu par l'attitude de son héros. Quand à la fin, même si elle est ouverte, je pense surtout que Costa s'est arreté avant de déraper dans son discour. Il a du comprendre d'une manière ou d'une autre qu'il arrivait aux limites de ce qu'il était capable de faire pour produire une oeuvre raisonnablement crédible et acceptable par le public de l'époque. _________________ "La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce. |
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