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La Grande Pitié (par Carthage… puis Houps)
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patrikev



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MessagePosté le: Lun Oct 11, 2010 19:26    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne suis pas aussi calé que Dak69, mais j'ai aussi l'impression que pour la technique radio, Daniel Bouyjou a au moins un an d'avance sur son temps. Il y a eu des progrès rapides des deux côtés, et l'Orchestre Rouge soviétique, qui n'était pas tout à fait une équipe de dilettantes, est tombé en 42 à cause des progrès foudroyants de la Funkabwehr. Je doute que les services français confient un prototype expérimental aussi précieux à un agent débutant, en solo et lâché "blind". Ce serait un rien plus crédible avec une équipe de deux ou trois dont certains se perdraient à l'arrivée (accident malheureusement fréquent).

D'autre part, je n'ai fait que de brefs séjours dans le Massif Central, mais j'ai toujours eu l'impression qu'on y captait très mal la radio. Si la gare de Clermont est en contrebas (comme le sont souvent les gares), il faudrait peut-être une antenne camouflée.

Sinon, j'attends la suite avec impatience.
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dak69



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MessagePosté le: Mar Oct 12, 2010 07:27    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

Pour les transmissions par ondes courtes, le fait que Clermont soit
(partiellement) entouré de montagnes n'est pas un handicap. Et dissimuler une antenne dans les nappes de fils télégraphiques qui aboutissaient à l'époque dans les gares importantes n'est pas une mauvaise idée, surtout si on dispose de fortes complicités. De nuit, aussi bien la BBC que Radio Alger doivent passer correctement en ondes moyennes. Par contre, de jour, rien à espérer, car les Allemands brouillent bien évidemment les principales fréquences utilisées.

Notre ami Laurent disposera donc d'un Paraset, obtenu "à titre expérimental", mis aimablement à disposition par le MI6 grâce aux bonnes relations avec ses homologues français. Mais pour être cohérent, surtout début 1941, ce sont les procédures du MI6 qui seront suivies, ce qui à mon sens exclut encore plus les messages personnels "pas encore inventés".

En 1941, on est en pleine phase d'apprentissage sur le sujet, et toutes les procédures sont à inventer. Il me semble difficile d'accélérer le mouvement trop fortement sous prétexte que les Anglais ne sont pas tous seuls pour "faire avancer la science". N'oublions pas qu'en 1940, en matière de communications radio, l'armée française avait (sauf exceptions) une guerre de retard !

Bien amicalement
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Fantasque



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MessagePosté le: Mar Oct 12, 2010 09:13    Sujet du message: Répondre en citant

DAK69 a parfaitement raison.
Un poste de 15 kg (type "valise") est inévitable à ce moment de la guerre.

Pour Patrikev:
" et l'Orchestre Rouge soviétique, qui n'était pas tout à fait une équipe de dilettantes, est tombé en 42 à cause des progrès foudroyants de la Funkabwehr"

Il faut beaucoup modérer.
Les équipes de Trepper émettaient entre 3h et 5h d'affilées. Il eut fallu que les Allemands soient vraiment des amateurs pour ne pas les repérer!

En fait, la radio-goniométrie allemande n'est pas très avancée. Une émission de 10' à 15' n'était pas localisable avec une précision suffisante pour intervenir de manière opérationnelle (on peut identifier une ville mais pas un quartier et encore moins un bloc d'immeubles).

La technique consiste, je le rappelle, à isoler le bloc d'immeuble puis, à l'aide de texhniciens EDF réquisitionnés, à couper le courant sélectivement dans les immeubles. Quand l'émission s'arrête, on sait où se trouve l'emmeteur!

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patrikev



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MessagePosté le: Mar Oct 12, 2010 20:23    Sujet du message: Répondre en citant

C'est aussi l'impression que j'avais: des postes lourds, encombrants et consommant beaucoup d'énergie, donc utilisables uniquement sur secteur (si on n'a pas un moteur de bateau ou de char avec batterie correspondante). Mes maquisards balkaniques ont eu beaucoup de mal à établir des liaisons radio. Mais dans une grande gare comme Clermont, avec des complices un peu bricoleurs, tous les problèmes devraient se régler assez vite.
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patzekiller



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MessagePosté le: Mer Oct 13, 2010 07:14    Sujet du message: Répondre en citant

un poste valise est à mon avis bien trop compromettant, il faudrait voir une procédure ou l'emetteur est acheminé "en morceau " (par ex) avant le parachutage de l'operateur, sinon voir à faire operer un Lysander dans une clairiere plutot qu'un saut
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carthage



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MessagePosté le: Mar Oct 19, 2010 10:28    Sujet du message: Répondre en citant

Amis,
je tiendrai compte de vos constructives remarques pour la suite de ce fil d'histoires, amitiés, carthage.
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foulque



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MessagePosté le: Dim Nov 14, 2010 15:17    Sujet du message: Répondre en citant

Ai-je la berlue ou parle-t-on bien de Daniel Bouyjou alias Daniel Cordier.
Celui qui OTL était le secretaire de Jean Moulin, d'opinion d'abord très Action Française et l'auteur du très beau alias Caracalla
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carthage



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MessagePosté le: Dim Nov 14, 2010 17:51    Sujet du message: Répondre en citant

C'est lui, ami, j'ai hésité mais je l'ai fait, Carthage.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Déc 12, 2010 17:18    Sujet du message: Répondre en citant

Carthage a encore frappé.
Notez bien qu'il néglige (ou semble négliger) ses Joyeux, qu'il abandonne (ou semble abandonner) Daniel devant son poste de radio, qu'il laisse tomber (ou semble laisser tomber) une sympathique équipe dans un wagon SNCF avec un cadavre allemand sur les bras...
Mais il nous offre un conte de Noël (qui commence en août...), un conte de Noël du genre Calendrier de l'Avent (vous savez, avec un bonbon derrière chaque fenêtre, à ouvrir jour après jour).
Cela dit, je ne sais si nos plus jeunes lecteurs savent encore qu'il a existé un chemin de fer de Petite Ceinture autour de Paris... Mais oui, un genre de truc dont tout le monde se demande aujourd'hui pourquoi ça n'existe pas !
J'ignore quand on l'a supprimé - après la guerre en tout cas.



La Grande Pitié (Marc et André)

Août 1941
– Marc sortit discrètement du domicile conjugal. Il portait en main droite le léger bagage qui, chez l’homme d’action, ne manque pas d’indiquer la ferme résolution d’aller agir en d’autres lieux, il avait fait de tendres adieux à son épouse qui avait bien tenté de le retenir en usant de recettes éprouvées mais rien n’y avait fait, il avait, une fois de plus, cédé aux vertiges de la passion.
Canne en main gauche, allègre et sifflotant, il rejoignit la station de la Petite Ceinture où un chef de station débonnaire le salua presque militairement, Marc n’eut même pas à produire sa carte de circulation et se contenta d’écouter, d’une oreille polie autant que distraite, le babillage quasi mondain du préposé à casquette – évidemment, il n’était pas très indiqué pour un bientôt quinquagénaire de céder ainsi aux vertiges de la passion – las, il n’en pouvait mais, c’était trop fort, trop prenant, on ne choisit pas, il s’en allait, une fois de plus, rejoindre sa Divine. Elle était superbe à en pleurer, il ne pouvait jamais l’entrevoir, dans le secret du matin, sans en avoir les mains tremblantes, une subite pâleur lui montait au visage, mon D… qu’elle était belle !
La rame de service, circulant en sens horaire, pointait le bout de son nez à l’extrémité du quai, Marc monta dans le deuxième wagon ou une dizaine de compagnons s’en allaient prendre leur service, ils le saluèrent respectueusement, les plus jeunes échangeant des clins d’œil égrillards pour évoquer les frasques du patron. Il est vrai qu’à quarante-huit ans, il faisait encore jeune, mais cela n’excusait pas tout, son inconduite était publique, avérée et pourtant il semblait s’en moquer ! Il avait dans sa jeunesse, participé à la grande boucherie de l’Autre Guerre, le simple fait d’en être revenu vivant était un don du ciel qu’il savourait chaque jour, alors la passion ce n’était pas bien grave à côté de tout cela, d’abord, ignorer le Boche, ensuite, gagner la bataille.
………
Deux stations plus au sud, dans l’autre sens, André, que sa tendre épouse avait tenté de retenir par des moyens aussi enfantins qu’inefficaces et qui avait encore une fois oublié sa carte de circulation, parlementait avec un chef de station faussement sourcilleux. Son melon vissé sur la tête, il portait en main gauche une valisette qui indiquait, comme pour tout homme d’action, sa résolution inébranlable d’aller exercer ses talents sous d’autres cieux. La rame de service circulant en sens anti-horaire s’arrêta devant lui et il monta dans le premier wagon, où il trouva une douzaine de compagnons qui constituaient la relève du matin. Il fut salué avec respect, les plus vieux se contentant d’échanger quelques hochements de tête entendus, parce qu’à son âge, se rouler ainsi dans la fange ou presque n’était guère respectable, c’est vrai qu’il avait fait la guerre, mais quand même !
André, indifférent à tout ce qui ne constituait pas sa préoccupation du moment, s’en fichait profondément. Déjà, en être revenu intact lui causait un profond bonheur, alors, cette passion dévorante pour ce qu’il était convenu d’appeler ses violentes amours n’était qu’un léger dérivatif, certes quelque peu accaparant mais qui lui apportait une jouissance profonde et parfaitement amoureuse. Les Boches étaient là pourtant, mais il avait décidé de ne jamais les voir, de les ignorer, de tout simplement les considérer comme choses nulles et non avenues et de se soumettre aux tortures de la passion. Il était engagé dans un autre combat qu’il ne manquerait pas de gagner.
………
Les deux hommes, l’un au nord, l’autre au sud de Paris, séparés par une petite vingtaine de kilomètres, introduisirent chacun de fort grosses clefs, les mains moites et tremblotantes, dans les imposantes serrures de toutes petites portes. Eperdus, ils allèrent en courant contempler, hagards et transportés, leurs absolues merveilles, leurs folles maîtresses, l’avenir de leurs vieux jours en leurs automnes déjà déclinants, ils couraient au péché en toute simplicité, on était pourtant toujours en août de l’an 41 et le Boche était bien là, ils allaient leur montrer à ces têtes d’ânes, à ces doryphores !
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patzekiller



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MessagePosté le: Dim Déc 12, 2010 17:44    Sujet du message: Répondre en citant

pour le chemin de fer petite ceinture, mon pere (modeliste ferroviaire) pense que ç a s'est fait avec la fin de la vapeur fin60 debut 70.
il est sur le coup pour chercher dans sa doc. Wink
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patzekiller



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MessagePosté le: Dim Déc 12, 2010 18:10    Sujet du message: Répondre en citant

dixit la doc de mon pere (j'aurai l'occasion d'y jeter un coup d'oeil plus detaillé pour noel) :
la compagnie de la petite ceinture a été integrée à la sncf en 37 qui rapidement a commencé à desactiver certains tronçons dans une logique de liaison inter gare.
il y a eu qq chose qui a fonctionné vers bercy jusqu'en 93, les rails existent toujours mais ils sont completements rouillés, il faudrait tout changer
perso, ce genre de reactivation est plutot viable puisqu'on a ici sur cannes grasse, une ligne qui a été re activeé de la sorte et qui est rentable. le probleme vient de la sncf qui fait de la chasse aux subventions... bref il faudra que les contribuables parisiens paient l'addition avant simplement que la sncf daigne se pencher serieusement sur le dossier
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carthage



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MessagePosté le: Dim Déc 12, 2010 18:32    Sujet du message: Répondre en citant

La desserte passagers sur la petite ceinture a cessé au début des années trente, par la suite le réseau qui interconnectait toutes les gares parisiennes ou y était raccordé fut utilisé par la SNCF pour le trafic marchandises et les trains de service, la SNCF a ensuite aliéné la partie nord ouest du réseau qui a purement et simplement disparu, la petite ceinture a été remplacé par le PC de la RATP (bus de mon enfance) qui empruntait judicieusement les boulevards des maréchaux, il voit aujourd'hui arriver avec une sainte terreur le tramway qui a pour particularité étonnante de rouler, en moyenne, plus lentement d'un kilomètre heure, tout ceci me laisse perplexe mais il est vrai que je ne suis plus parisien depuis 35 ans et ne peux comprendre les raisonnements complexes du STIF, il reste en place les 2/3 du réseau avec quelques gares transformées ou non aliénées, cela se visite de temps à autres mais peut se suivre à pied par des accès discrets, il y a du talus à franchir, la voie traverse les Buttes Chaumont et son jardin, un Paris très étonnant. Amitiés, Carthage.
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patrikev



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MessagePosté le: Dim Déc 12, 2010 18:42    Sujet du message: Répondre en citant

Le tramway parisien a aussi été abandonné vers la même date, 1934-37 sauf erreur, à l'initiative du Conseil de la Seine. Pas une bonne idée, si on songe à la pénurie de carburant auto les années suivantes.

Le chapeau melon, j'ai un doute. Il a été largement porté dans l'entre-deux-guerres (même par le commissaire Maigret dans les premiers romans) mais il me semble qu'en 1940, il commençait à être typique de certains groupes limités: gentlemen anglais, unionistes d'Ulster, Camelots du Roi. Arthur Koestler signale un usage intéressant: on pouvait le rembourrer de papier journal pour amortir les coups de canne.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Déc 19, 2010 23:54    Sujet du message: Répondre en citant

patrikev a écrit:
Le chapeau melon, j'ai un doute.


Tu n'as pas remarqué que les personnages de Carthage ont, comment dirais-je une certaine tendance à l'excentricité... ou au moins à se moquer de la mode...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Déc 19, 2010 23:59    Sujet du message: Répondre en citant

Donc, je récapitule.
Pendant que les Joyeux font de la télé-assistance à la Jeanne
que Daniel guette devant son poste de radio
que les contrôleurs de la SNCF assomment leurs collègues allemands
et que des Parisiens en melon (ou pas) se ruent vers leurs belles par le tramway PC...

Eh bien Carthage s'intéresse au plus politico-littéraire des tirailleurs sénégalais. Si, si.



La Grande Pitié (Léopold)

Août 1941
– Le tirailleur agrégé Léopold s’éveilla, se gratta le nombril puis sa longue cicatrice en émettant de petits sons gutturaux et contempla, sitôt levé, la Loire à son nadir, le banc de sable avait encore gagné sur le fleuve, la digue de la Chevrette était ouverte en deux endroits, la petite Loire allait encore grossir et, comme d’habitude, les gens d’en face, de vrais Français eux, pas des Bourguignons, allaient encore trinquer – il est vrai que la limite entre la France et la Bourgogne était variable, l’Ancien Régime l’avait sagement fait passer au milieu du pont de La Charité sur Loire, la République, plus pragmatique, l’avait placée après la presqu’île et le pont de fonte, lequel n’était toujours pas reconstruit depuis l’été 40.
Après une toilette de chat, il se hâta vers le jus et Madame Blachon, surveillante-chef de l’hôpital, sa protectrice quasi tutélaire, car on est toujours voué, sans plus ou moins le savoir, à de laïques ou à de saintes causes.
Le 20 juin 40, la surveillante l’avait sauvé, lors des combats sur le canal latéral à la Loire, de la fin promise par les assassins nazis, elle l’avait fait avec panache, en grande tenue blanche, coiffe au vent, en brandissant bien haut le drapeau de la Croix Rouge, deux infirmières courageuses poussant et tractant comme elles le pouvaient leur étrange brancard à roues de bicyclette. Les Boches, estomaqués, avaient laissé faire – les fossoyeurs réquisitionnés avaient déjà enterré la moitié des prisonniers massacrés quand la surveillante, alertée par l’un d’eux, avait interrompu leur funèbre travail. Léopold, deux balles dans le ventre, avait été évacué en compagnie de deux autres blessés et expédié au chef-lieu, côté Nièvre, pour parvenir à l’hôpital (psychiatrique en temps de paix), ils avaient emprunté deux bacs, et pour tenir, passer le temps et tenter de survivre, Léopold, ranimé, s’était récité en boucle le Dormeur du Val… Le bon docteur Loô, le faisant passer en premier, l’avait longuement opéré, il avait laissé là deux bons mètres de tripe, il n’aurait jamais l’œuf colonial, c’est comme ça, le tirailleur agrégé n’en désespérait pas pour autant !
Au passage, il réveilla N’Diaf et Sangharé dans leur petite chambre au bout du couloir, au jus et vite fait ! La surveillante ne les attendrait pas, il la connaissait maintenant tout aussi bien que sa poche, charitable mais point trop poire, Madame Blachon.
En outre, il y avait du travail aujourd’hui, ses deux compères s’en iraient comme surveillants auxiliaires à la récolte quotidienne des patates et autres légumineux par les patients pendant que lui, comme d’habitude, s’en tiendrait à la mise à jour du grand registre de l’hôpital sous l’exigeante férule de la surveillante chef, il y avait pour le moins une bonne semaine de régularisations diverses, ce qui comblait le normalien déçu et puis, il fallait préparer le comice du 15 Août, grandissime affaire qui exacerbait toutes les énergies charitoises, donc celle de l’agrégé de grammaire qui, depuis 1932, avait eu le loisir de mesurer chaque jour l’étrangeté profonde du peuple Français dont il faisait pourtant partie.
………
Le maire de La Charité, régulièrement élu en 1939 et devenu, bien malgré lui et sans avoir rien demandé, délégué spécial du NEF pour la Charité, en avait plein les pattes. Le sous-préfet de Cosne-sur-Loire – ou ce qui en tenait lieu en cette sombre époque – lui avait longuement parlé au téléphone de la mobilisation générale de toutes les énergies au service de la Patrie Trahie mais Renaissante, il avait été chargé de trouver une idée, une bonne, une très bonne même, de préférence pour la fête votive du 15 Août ! Le maire, décideur impérial et solitaire s’était muré pendant toute une semaine dans un silence préoccupé qui avait désolé la squelettique administration municipale puis, soupirant, avait décroché son gros téléphone noir pour convoquer l’ancien président du Comité des Fêtes, le même qu’il avait fait déposer quinze mois plus tôt pour collaboration supposée avec l’ennemi.
Dans le feu du moment, ils avaient conféré une heure durant, la bave aux commissures – ils se haïssaient positivement depuis beau temps. Enfin le maire, à l’issue, avait rappelé, triomphant, l’homme du NEF à Cosne-sur-Loire, il tenait son idée, on allait tout simplement remonter le Comice avec l’élection d’une rosière et la tenue d’une foire aux gallinacés, cette dernière propre à concurrencer celle de Jalligny, dans l’Allier, qui avait honteusement remplacé la foire de La Charité après sa disparition en 1923, et puis il y aurait un défilé de chars dont celui de la reine du Comice, une grande et belle idée, vraiment, il n’y avait qu’un petit détail de rien du tout à régler, Monsieur le Sous-Préfet pourrait-il intercéder auprès des Autorités d’Occupation pour obtenir leur accord, surtout auprès de la Kommandantur de La Charité et du capitaine von der Heiden en particulier, il n’était pas des plus faciles et pourrait s’opposer à cette belle initiative… Tiens, pour le décider, on pourrait célébrer l’amitié franco-allemande lors de la Foire, et ses soldats mangeraient du poulet ad libitum et gratis pro deo, les éleveurs feraient un effort important, juré craché, le sous-préfet promit tout ce qu’on voulut et appela la Kommandantur.
Von der Hayden était absent, tout comme son adjoint, ils étaient partis depuis la veille pour une réunion de travail très importante sur Nevers, réunion qui comprenait une inspection assidue et minutieuse des bobinards du chef-lieu de département, seul le Feldwebel Aloysius Schmidt gardait la maison à l’école supérieure de La Charité qui abritait les autorités d’Occupation, dans un joli et imposant bâtiment de pierres de Loire. Aloysius se méfiait des Kreisleiter, des Français comme des Allemands, mais il ne put dire non, les poulets le faisaient déjà saliver… En prime, il donna discrètement une information fort déplaisante au sous-préfet : la Gestapo serait là le 17 et emmènerait sur le champ les trois membres des Schwartztruppen qui se la coulaient douce à l’hôpital psychiatrique.
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