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La Grande Pitié (par Carthage… puis Houps)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 10:27    Sujet du message: Répondre en citant

Manque de personnel
Béziers, 31 mars 1941
– L’ingénieur principal hors classe Salavesse, Ferdinand pour les dames – sauf pour Mademoiselle Capedièse, en primaire, son chignon, ses lorgnons, et cette façon d’appeler « Salavesse ! Au tableau ! » – Salavesse, donc, ou Ferdinand, si vous êtes un intime, suivit des yeux quelque temps l’ébranlement de la rame – un problème de réglé, pas le plus compliqué, plus qu’à envoyer le message codé à qui de droit – puis son regard dériva vers les bâtiments. Il tira une dernière bouffée, écrasa le mégot de la pointe de son fort soulier – holà, tiens, le lacet avait des faiblesses – et l’enfonça, ni vu ni connu, méconnaissable, dans le sol.
Sans se presser, il s’en alla délaisser ses bleus pour une autre tenue portant tous les signes d’un amour profond – surtout les manches – et ainsi revêtu d’une façon plus conforme à son rôle, se replongea dans le casse-tête ferroviaire du jour. Si ailleurs on manquait de bras, ici, on manquait de têtes, mais voilà, le régulateur n’avait rien trouvé de mieux que de se faire mitrailler en août 40. Pas de bol, au mauvais endroit au mauvais moment. Qu’il n’ait pas été le seul ne consolait personne. Il avait traîné tant et plus, le pauvre gars, pour finir par passer au début de l’année, on avait fait une collecte pour la Marguerite, qui se retrouvait seule avec ses deux mioches sur les bras. Avec les temps qui couraient, de la même manière que les Ateliers tournaient au ralenti, non pas faute de travail, c’était pas ça qui manquait ! mais faute de bras – entre les “Déménagés”, les prisonniers et, hélas ! les morts ou disparus – bien obligée, la blanchisserie mettait elle aussi bas les feux. C’était pourtant évident, il aurait fallu embaucher, mais la machine était grippée pour le moment. “On” vous déclarait vertueusement que tout allait s’arranger, le rail était prioritaire, mais les promesses… Triste époque !
Allons bon, qu’est-ce que c’était que ça ? Après les Boches, les Italiens ? Il passa un très long moment à essayer d’en savoir plus, Marseille n’était au courant de rien, Nice avait bien vu le document, mais la liaison avec Rome, c’était pas pour demain, quoique les pressions en ce sens s’accentuassent. Comme renseignements, c’était un peu court. De guerre lasse – l’expression ne faisait plus sourire – il décida de frapper à la tête et d’appeler Paris, pas la Direction, quand même pas, surtout qu’à vue de nez il était censé être au courant, mais il avait un ancien condisciple, à Paris-Est. Plus proche du saint des saints, ce dernier en saurait peut-être plus.
Comme le téléphone fonctionnait plutôt bien, heureux événement ! – pas comme certaines liaisons : un fil, rien de plus facile à tendre, ou à réparer, mais allez réaliser des épissures avec un rail faisant ses 50 kg au mètre, détail que d’aucuns semblaient oublier – dans le courant de la conversation, il toucha deux mots de ses problèmes d’effectif à son interlocuteur. L’autre n’en pouvait mais, évidemment – pour autant, d’en avoir parlé rasséréna un peu Ferdinand. Un tout petit peu. Plus tard, histoire de parfaire cette journée compliquée, le régulateur en poste l’informa que le convoi du duo Salagoux-Barbarous et de leur protégé avait pris du retard, il avait passé Narbonne puis Carcassonne à l’heure et, depuis, Toulouse s’impatientait. Derechef pendu au bigophone, il le retrouva à Bram, qu’est-ce que c’était que ce nouveau bazar ? Au bout du fil, Toulouse, enfin mise au courant entretemps, l’informa des causes on ne pouvait plus officielles de cet arrêt inopiné, un petit incident technique, rien de grave. Rien de grave ? On avait perdu une heure ! Et perdre une heure sur la ligne, ce n’était pas comme perdre ses clés ! Et pourquoi n’en était-il informé que maintenant ? Eh bien… parce que … parce que ! Voilà !
A ses côtés, le sourcilleux délégué de la Reichsbahn attendait des explications. Le toujours sourcilleux délégué de la Reichsbahn attendait toujours des explications. Un œil averti lui aurait trouvé une vague ressemblance avec un cocker espérant un sucre. Un œil n’appartenant certainement pas à la SPA. Le moins que l’on pût dire, c’était que la communication entre eux n’était pas facile, bien torpillée dès ses fonts baptismaux par une méfiance réciproque. De surcroît, si l’Ingénieur Principal hors classe Salavesse avait tété le catalan avec le lait maternel, dégusté le castillan avec des voisins, suçoté un semblant de teinture de la langue de Dickens, tout en ingurgitant du Cicéron – avec ingestion forcée de Rosa(ae)-Dominus(i)-Templum(i), épicées d’Ager(ri), avec consommation de litres d’encre pendant de trop longues heures tandis que les autres batifolaient au soleil… Bref, à part quelques éructations entrées dans sa caboche à force de répétitions, telles que “Ausweis”, pas un traître mot de boche. Et comme de juste, l’autre, en face, ne pigeait quasiment rien au français… Déjà que les Nordistes, sous prétexte d’accent, se plaignaient de ne pas l’entendrrre corrrectement, le Ferrrdinand, lui qui avait pourtant rrreçu le prrremier prrrix de rrrécitasssion en Quatrième ! Pour y remédier, les deux parties attendaient pour le moment un improbable traducteur, ou au pire, un dictionnaire bilingue, mais il semblait que tous les Larousse du lycée Henri IV s’étaient évaporés ! On courait la ville à la recherche de l’oiseau rare, avec, remarquons-le, un curieux manque de réussite. Et une demande en due forme en ce sens s’était perdue dans les méandres du Rectorat, qui devait avoir de son côté d’autres chats à fouetter, pauvres félins !



Tous coupables !
Gare de l’Est (Paris), 13 août 1941 –
Le Régulateur de Paris-Est releva brusquement la tête de son tableau lumineux et de ses nombreux graphiques, il se demanda ce qui pouvait le déranger, comme ça, brutalement, puis il comprit – un silence pesant, très inhabituel, régnait dans la salle de régulation. Il se retourna et vit arriver son Banhof préféré, son surveillant presque intime, suivi de son adjoint que les cheminots de l’exploitation appelaient, pas très affectueusement, la Fouine – il jeta un œil sur la pendule, diable, 21h30, ce n’était pas dans les habitudes de la Reichsbahn, qui avait des exigences généralement plus matinales, il passa la situation à son adjoint et se retourna, les épaules contractées, pour recevoir le choc.
Par extraordinaire, celui-ci ne fut pas très violent, les Allemands avaient plutôt l’air inquiets, la Fouine, dont le français était des plus fluides, lui expliqua qu’ils étaient à la recherche d’un de leurs trains qui aurait dû se présenter en gare de Paris-Est quinze minutes plus tôt, qu’ils étaient inquiets et qu’ils requéraient l’aide toute professionnelle de leurs camarades français, le Régulateur en resta béant, fallait-il qu’ils soient dans la m… pour solliciter son concours et poliment en plus, ça le changeait des vociférations habituelles ! Il hocha distraitement la tête, ce qui pouvait passer, à la rigueur, pour un oui de principe et se tourna vers son tableau, puis il saisit un de ses graphiques – les c…, perdre un train ! Un wagon de marchandises par-ci par-là, on pouvait le tolérer dans toutes les compagnies du monde, mais un train ! Et une rame de voyageurs en plus ! Ah ouiche, il ne faudrait plus lui parler de rigueur germanique ! En remontant le graphique, il trouva la trace du “Spezial LK” n°31118, qui était bien passé à Metz en provenance de Trèves, qu’est-ce que c’était que ce train-là et que voulait dire “LK” – il décida d’appeler, en douce, l’Ingénieur Principal de service qui, à cette heure, devait être devant sa soupe… Pendant ce temps, son équipe s’activait déjà, appelant toutes les gares et points de contrôle sur le trajet.
Une demi-heure plus tard, le train était retrouvé, il était en panne, selon les voyants il était immobilisé sur la voie paire, treize kilomètres avant le triage de Pantin, la signalisation avait bien fonctionné, la voie était neutralisée depuis un bon quart d’heure, ouf. Ce qui étonnait le Régulateur, c’est que le voyant soit éteint sur le tableau lumineux, il lança une procédure de vérification pour s’apercevoir, à la fin des fins, que l’ampoule était grillée, il fut procédé immédiatement à son remplacement, c’était tout de même étrange, il avait vérifié le matin même, mais bon, cela pouvait arriver… C’est un électricien du dépôt qui procéda, en geignant fort au vu de l’étroitesse de l’espace arrière du tableau d’affichage, au remplacement de l’ampoule indisciplinée qu’il présenta au Régulateur en éternuant à cause de la poussière, il assura que le culot de l’ampoule avait charbonné dans sa douille peut-être un peu trop large, il y avait porté remède à coup de pince Bécrot mais un jour, il faudrait revoir tous les sertissages, par le fait !
Le Régulateur de Paris-Est, rasséréné par cette solution simple, allait en aviser les deux Banhofs lorsque son adjoint lui montra la porte où s’encadraient l’Ingénieur Principal de l’exploitation, qui avait daigné abandonner sa soupe, et son supérieur hiérarchique immédiat, soit Monsieur l’Ingénieur Général en personne ! Les personnels étaient pétrifiés, même les Banhofs se taisaient, l’Ingénieur Principal demanda sèchement au Régulateur de bien vouloir leur faire sur le champ un rapport oral et circonstancié de l’incident qui porterait pour la postérité un numéro qu’il définit comme étant le IPE A1 007 LK, à quoi Monsieur l’Ingénieur Général daigna donner son assentiment sous forme d’un vague hochement de tête. Crucifié, le Régulateur expliqua l’affaire en balbutiant quelque peu, mais fit tout de même un rapport cohérent quoiqu’un peu méridional dans l’intonation.
Un seul point fit tiquer le Grand Manitou, celui de la responsabilité originelle de cet état de fait que le Régulateur, bien sûr, faisait porter sur l’Occupant. Il prit la parole et s’adressa à toute l’équipe avec solennité, il leur rappela que quelle que fût la nature du convoi qui circulait, il circulait sur le réseau SNCF et qu’ils en étaient collectivement et solidairement responsables devant lui, que les temps, certes, étaient durs mais que les traditions cheminotes constituaient toujours, quel que fut le réseau dont on provenait, le socle de la société ferroviaire qui, il en était sûr, aiderait au redressement d’une France régénérée et qu’à titre purement conservatoire, il prononçait la suspension immédiate, avec traitement cependant, du Régulateur en charge ce jour-là, avant toute autre mesure dans l’intérêt du service. Point. La foudre tombant au milieu de la salle n’aurait pu produire pire effet ! La Fouine, buvant du petit lait, traduisait à mi-voix pour son chef bien-aimé. Le Régulateur, écarlate, sortit de la salle pour gagner son bureau, écrasé par la honte, son adjoint prit immédiatement sa place et déclencha, à partir du dépôt de Pantin, la procédure de secours.
Les deux Ingénieurs allaient se quitter devant le bâtiment quand le Principal fit remarquer au Général qu’il avait été bien dur avec le Régulateur, l’autre, très grave, rétorqua qu’il venait bel et bien de lui sauver la peau, car les Boches allaient déclencher une enquête interne qui ne manquerait pas de les incriminer les uns les autres et que fatalement, refusant les faits, ils se retourneraient contre les Français donc contre le Régulateur ! Non, il fallait le muter, de préférence dans le Sud, il était d’où ce petit gars, de Béziers, alors il fallait l’y renvoyer avec une promotion, ils avaient tous deux un collègue là-bas qui le verrait arriver avec plaisir car il commençait à manquer de monde !
De toutes façons, il fallait bien se mettre dans la tête qu’ils étaient tous coupables, surtout les lampistes, que tout le monde était toujours coupable de quelque chose et que lui-même, Ingénieur Général, était encore plus coupable que les autres ! Tiens, par exemple, la procédure de vérification des tableaux lumineux, une fois par jour, à la prise de service, ce n’était pas sérieux, ce serait dorénavant toutes les heures, point barre, il était le chef et le ferait savoir, quelles que soient les circonstances, tous coupables vous dis-je !



Mutation de sauvetage
Entre Paris et Béziers, 16 août 1941
– C’était un rêve de gosse dont il ne se privait pas, qu’il avait plusieurs fois réalisé, mais cette fois-ci était particulière… Il était perché sur une motrice haut-le-pied qui l’emportait vers le Midi – il y avait urgence, Simone suivrait avec l’essentiel de leurs possessions (dont divers articles typiquement féminins à plonger un douanier dans la perplexité) par un prochain convoi. La locomotive le ramenait non pas en enfance – quoique ce voyage, en le rapatriant au pays natal, le rapprochât de ce passé qui semblait s’effilocher peu à peu dans sa mémoire… – non, la machine, ses trépidations, ses bruits, son odeur et ses hommes le ramenaient en ce moment dans un cocon protecteur au sein duquel, loin de laisser dériver son esprit, il réfléchissait aux jours précédents et envisageait l’accueil qu’on pourrait sous peu lui réserver…
………
Tel Zeus descendu sur Terre pour régenter le commun des mortels et mettre le holà à ses turpitudes, l’Ingénieur Général l’avait foudroyé sur place, et tandis qu’un silence de mort envahissait la salle de régulation, il avait quitté les lieux, trop accablé de honte pour oser même penser à s’expliquer. Car, enfin, quoi ! Une lampe grillée ! Des dizaines de lampes grillaient chaque jour sur le réseau ! C’était bien pour cela, d’ailleurs, qu’il fallait en vérifier quotidiennement le bon fonctionnement ! Et qui plus était, il avait fallu que ce fût la lampe de ce convoi-là !
Il s’en était revenu chez lui, désemparé, traînant les pieds, l’esprit vide, n’avait rien pu avaler de la journée, n’avait répondu à aucune question de sa jeune épouse. Celle-ci, étonnée de ce retour précoce et devant sa mine, ne doutant pas de ses qualités de cuisinière mais voyant tous ses efforts rester vains, avait derechef décidé de mener sa petite enquête le lendemain, dès potron-minet – l’affaire semblait gravissime, et de toute évidence, le Docteur n’y pourrait rien. Elle avait subodoré un accident, peut-être pas un nouveau Paris-Strasbourg, du moins l’espérait-elle, ou bien alors, au poste, un décès subit, voire plusieurs, savait-on jamais, une explosion de botulisme dans les gamelles… Ou bien alors une explosion tout court, bon nombre d’agents avaient déjà fait les frais du conflit, elle n’avait rien entendu, mais les parages de la gare étaient si bruyants… Dans l’expectative, elle avait donc cessé de le harceler. Tout juste s’en était-il aperçu.
Le soir venu, il était resté à contempler l’obscurité, le sommeil l’avait fui, la seule chose qui lui venait à l’esprit était qu’on allait le remercier, il quitterait la Compagnie, les collègues, et ceux-ci, le voyant passer, diraient alors dans son dos : « C’est celui qui a perdu le train des Boches ! ». Et comment allait-il le lui annoncer, à elle ? Car il faudrait bien le lui dire ! Aujourd’hui, il n’avait pas pu. Pas eu la force. Mais demain… Ou après-demain… Oui, après-demain serait mieux.
La mort dans l’âme, il se rendit donc le 14 à la convocation de l’Ingénieur Principal, qui allait certainement lui annoncer sa mise à pied. En chemin, il lui sembla que tout le monde le regardait, l’Univers entier devait déjà être au courant. Chose bizarre, il trouva l’Ingénieur Principal seul dans son bureau, la Fouine était absente, il s’était attendu à le voir là, pour savourer sa déchéance. Ah, oui ! A cause de… du… de la veille, la salle de régulation devait retenir toute son attention.
Sitôt la porte refermée, l’Ingénieur Principal s’adressa à lui sur un ton paternel qui pouvait augurer de tout et de n’importe quoi. Son discours ponctué d’un grand nombre de « mon petit Georges » fut cependant assez éloigné de ce à quoi s’attendait le délinquant présumé, pas très à l’aise dans ses godillots. Et quand le puni regagna ses pénates, sa physionomie avait changé du tout au tout, son horizon s’était éclairci et à sa jeune épouse éberluée, il asséna d’entrée de jeu un « Simone, fais les valises ! » qui atterra icelle ! En effet, déjà informée par le chœur bienveillant de ses consœurs, elle se méprit et se vit dans la foulée jetée à la rue comme une malpropre, et qu’allait dire Maman ?
Un tourbillon de paroles la détrompa bien vite. Tout ce qu’elle en retint dans l’immédiat, c’était qu’on allait jeter dans la valise en carton sise au-dessus de la grande (et seule) armoire une brosse à dents, le costume étrenné deux ans plus tôt, un pyjama, quelques chemises, caleçons et paires de chaussettes. Elle devrait se procurer une autre valise pour le reste et (surtout) pour sa garde-robe à elle, avant son propre départ.
Maman allait certainement montrer quelque satisfaction, d’autant plus que, l’entrain de Georges lui étant revenu, neuf mois plus tard débarquerait un Léon en pleine forme, sûrement dûment parrainé par Hippodynamie et Techné, déesses tutélaires du domaine ferroviaire, car il échapperait à la scarlatine, à la rougeole, à la diphtérie et à la rubéole, et, plus tard, à une vérole, à une chaude-pisse et même à un poste de contrôleur des impôts.
………
Pour l’heure, le dénommé Georges, installé on l’a dit un peu à l’étroit dans la machine haut-le-pied qui l’emportait à bonne allure vers sa nouvelle affectation, était partagé entre la joie de revoir son Sud natal et l’appréhension de débarquer dans une grande gare, qu’il connaissait bien mais sous un autre jour, avec, quand même, l’étiquette de « celui qui avait perdu un train ». Comment les collègues de là-bas allaient-ils le prendre ? D’autant plus que cette punition-promotion pouvait bien passer pour un acte de favoritisme éhonté !
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John92



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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 14:38    Sujet du message: Répondre en citant


Sans se presser, il s’en alla délaisser ses bleus pour une autre tenue portant tous les signes d’un amour profond (de quoi ? De quel amour s’agit-il? Je reste sur ma faim et je ne comprend pas l’allusion)– surtout les manches – ...
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A ses côtés, le sourcilleux délégué de la Reichsbahn attendait des explications. Le toujours sourcilleux délégué de la Reichsbahn attendait toujours des explications. (A supprimer? Doublon?)
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Déjà que les Nordistes, sous prétexte d’accent, se plaignaient de ne pas l’entendrrre corrrectement, le Ferrrdinand, lui qui avait pourtant rrreçu le prrremier prrrix de rrrécitasssion (rrrécitatttion ???) en Quatrième ! Pour y remédier, les deux parties attendaient pour le moment un improbable traducteur, ou au pire, un dictionnaire bilingue, mais il semblait que tous les Larousse du lycée Henri IV s’étaient évaporés ! On courait la ville à la recherche de l’oiseau rare, avec, remarquons-le, un curieux manque de réussite. Et une demande en bonne et (à ajouter??) due forme en ce sens s’était perdue dans les méandres du Rectorat, qui devait avoir de son côté d’autres chats à fouetter, pauvres félins !
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Par extraordinaire, celui-ci ne fut pas très violent, les Allemands avaient plutôt l’air inquiets , la Fouine, dont le français était des plus fluides, lui expliqua qu’ils étaient à la recherche d’un de leurs trains qui aurait dû se présenter en gare de Paris-Est quinze minutes plus tôt, qu’ils étaient inquiets (très péoccupés?) et qu’ils requéraient l’aide toute professionnelle de leurs camarades français, le Régulateur en resta béant (béa/bouche bée?), fallait-il qu’ils soient dans la m…
...
Ce qui étonnait le Régulateur, c’est que le voyant soit éteint sur le tableau lumineux, il lança une procédure de vérification pour s’apercevoir, à la fin des fins, que l’ampoule était grillée, il fut procédé immédiatement (j’aime bien la répétition mais du coup “procédé derechef” n’aurait-il pas plus de gueule? ) à son remplacement, ...
...
Et quand le puni regagna ses pénates, sa physionomie avait changé du tout au tout, son horizon s’était éclairci et à sa jeune épouse éberluée, il asséna d’entrée de jeu un « Simone, fais les valises ! » ( Lilianne? ^^Surtout qu’il s’appelle George (Excellent Houps - https://www.youtube.com/watch?v=ZZ-GPj4uSho) qui atterra icelle !
...
Tout ce qu’elle en retint dans l’immédiat, c’était qu’on allait jeter dans la valise en carton (Houps faut savoir Simone, Lilianne ou Linda ?^^ https://www.youtube.com/watch?v=jhKWnygsqwE ) sise au-dessus de la grande (et seule) armoire une brosse à dents, ...
...


Un grand bravo à Houps, j’ai bien ri
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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 15:52    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
peut-être pas un nouveau Paris-Strasbourg

Des accidents sur la ligne Paris-Strasbourg, il y en a beaucoup, cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_accidents_ferroviaires_en_France_au_XXe_si%C3%A8cle

Je suppose qu'il s'agit de l'accident de décembre 1933 (plus de 200 morts !), mais il faudrait peut-être préciser.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 17:03    Sujet du message: Répondre en citant

Je laisse Houps répondre pour ce qui le concerne…
Pour le texte de Carthage,
1) inquiets -> préoccupés, OK.
2) béants : veut évidemment dire bouche bée, mais… à la Carthage.
3) procédé immédiatement -> derechef : pourquoi pas……
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houps



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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 18:19    Sujet du message: Répondre en citant

1) un amour profond : signe que le vêtement est porté depuis un bon moment.
2) Répétition voulue, œuf corse !
3) rrrécitatttion : surtout pas ! Ferdinand ne bégaie point, il a un assent.
4) "et" : oups...
Pour le texte de Carthage, je botte en touche.
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John92



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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 18:22    Sujet du message: Répondre en citant

houps a écrit:
1) un amour profond : signe que le vêtement est porté depuis un bon moment.
2) Répétition voulue, œuf corse !
3) rrrécitatttion : surtout pas ! Ferdinand ne bégaie point, il a un assent.
4) "et" : oups...
Pour le texte de Carthage, je botte en touche.

point 3) :
Houps, on s'est mal compris. Je ne signalais pas l'assent mais la faute d'orthographe : récitation au lieu de récitasion ... L'assent, c'est évident, mais pour un prix de récitation, une afute d'orthographe, ça la fout mal; non?
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Etienne



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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 19:05    Sujet du message: Répondre en citant

Bin non: Si tu mets plusieurs "t", ça ne donnera pas un son "s", du moins c'est ainsi que je le vois...
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John92



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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 19:09    Sujet du message: Répondre en citant

Etienne a écrit:
Bin non: Si tu mets plusieurs "t", ça ne donnera pas un son "s", du moins c'est ainsi que je le vois...

J'y avais pensé. Un choix à faire. Juste, je signalais au cas où.
Rrrrrrrrrécitassssion, ne me choque pas plus que ça.
A l'auteur de décidé (celle là me choque beaucoup plus Very Happy, dsl pour vos yeux).

Ah, tiens Etinne puisque tu passes par là, 2 "cadeaux" complètement HS mais c'est cadeau (compte 1h environ, chacun; même si tu les as, sans doute déjà vu):
Le 1er est plutôt original compte tenu du personnage abordé, l'analyse et le traitement sont pas mal :
https://www.youtube.com/watch?v=QLlkOBY_RCg
(de très belles photos d'époques... finalement le D 520 n'est pas si beau que ça ... mieux qu'un vulgaire 406)
Le 2ème est plus consensuel, mais quel homme:
https://www.youtube.com/watch?v=-Rs9JcMUXtc
Fin du HS
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Dernière édition par John92 le Mar Déc 05, 2023 19:25; édité 1 fois
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Chabert



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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 19:25    Sujet du message: Répondre en citant

Il y a du style. On dirait la voix off dans Don Camillo.
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houps



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MessagePosté le: Mar Déc 05, 2023 20:46    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
Citation:
peut-être pas un nouveau Paris-Strasbourg

Des accidents sur la ligne Paris-Strasbourg, il y en a beaucoup, cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_accidents_ferroviaires_en_France_au_XXe_si%C3%A8cle

Je suppose qu'il s'agit de l'accident de décembre 1933 (plus de 200 morts !), mais il faudrait peut-être préciser.


Vu le contexte, il s'agit bien évidemment de ce dernier, mais le seul moyen de le signaler, ce serait une note annexe, car pour Simone, il ne peut y avoir de confusion, c'est tout frais, ou peu s'en faut, d'où l'absence de date.
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loic
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MessagePosté le: Mer Déc 06, 2023 07:56    Sujet du message: Répondre en citant

houps a écrit:
Vu le contexte, il s'agit bien évidemment de ce dernier, mais le seul moyen de le signaler, ce serait une note annexe

Tout à fait.
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DMZ



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MessagePosté le: Mer Déc 06, 2023 08:37    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
– Il faut y réfléchir, mais il transparaît dans votre mémorandum que nos compatriotes hésitent entre résignation et révolte. Et ce ne sont pas les torchons et les Actualités lavalistes qui nous éclairent beaucoup sur l’état d’esprit des Français de Métropole.

Ici, j'aurais tout de même mis une minuscule car il y a un adjectif. Il ne s'agit donc pas des "Actualités Pathé" ou des "Actualités cinématographiques". On aurait tout aussi bien pu écrire les "actualités algéroises". Tout au plus peut on mettre une majuscule à "Actualités de Laval" ou bien "Actualités cinématographiques lavalistes" mais cette dernière formulation a peu de chance de se retrouver dans une discussion.
_________________
« Vi offro fame, sete, marce forzate, battaglia e morte. » « Je vous offre la faim, la soif, la marche forcée, la bataille et la mort. » Giuseppe Garibaldi
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houps



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Localisation: Dans le Sud, peuchère !

MessagePosté le: Mer Déc 06, 2023 09:50    Sujet du message: Répondre en citant

DMZ a écrit:
Citation:
– Il faut y réfléchir, mais il transparaît dans votre mémorandum que nos compatriotes hésitent entre résignation et révolte. Et ce ne sont pas les torchons et les Actualités lavalistes qui nous éclairent beaucoup sur l’état d’esprit des Français de Métropole.

Ici, j'aurais tout de même mis une minuscule car il y a un adjectif. Il ne s'agit donc pas des "Actualités Pathé" ou des "Actualités cinématographiques". On aurait tout aussi bien pu écrire les "actualités algéroises". Tout au plus peut on mettre une majuscule à "Actualités de Laval" ou bien "Actualités cinématographiques lavalistes" mais cette dernière formulation a peu de chance de se retrouver dans une discussion.


Effectivement. Dans un premier jet, j'avais écrit "Activités" lavalistes, les guillemets traduisant un certain mépris de leur valeur, et puis, d'une refonte à l'autre ... sic transit gloria mundi...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Déc 06, 2023 14:49    Sujet du message: Répondre en citant

Retour au pays
Béziers, 17 août 1941
– L’Ingénieur Principal hors classe Salavesse eut tôt fait de mettre, non pas les points sur les “i”, mais son nouveau régulateur principal au jus. La note circonstanciée du courrier précédent lui ayant livré les tenants et aboutissants de l’affaire, nul besoin de revenir là-dessus, il avait besoin de monde, d’un monde compétent, et ne pas avoir repéré une c…rie d’ampoule grillée ne faisait pas du jeune Georges Courvite…
###
Ha !…
Petit intermède. Sans musique. Comme chacun le sait, nombre de patronymes n’étaient il y a longtemps que sobriquets permettant de différencier Pierre de… Pierre. Ainsi naquirent les “Lejeune”, “Duchemin” et autres “Lerouge”. On ne confondit donc plus le Pierre Ducastel (mué en Duchâteau) avec le Pierre Dumoulin. Il ne fallait pas voir là quelque revendication nobiliaire, simplement le fisc s’y retrouvait, au grand dam des deux zigotos. Certains patronymes un tantinet alambiqués disparurent, tel “Duchampdenface”, raccourci en “Duchamp”.
Pour certains noms, la chose fut un poil plus compliquée. Ainsi de “Courvite”, au demeurant transparent. L’on s’accorde généralement à y voir accolés “court”, du verbe “courir”, et l’adverbe “vite” : “Courtvite”, devenu au gré des écritures “Courvite”, devait désigner un individu remarqué au sein de sa communauté par sa célérité. Pas forcément dans le but de remporter un ramasse-poussière voué à trôner au-dessus de la cheminée, mais plutôt propulsé par la conjonction d’un intestin sensible et d’une nourriture quelque peu suspecte – mais pas assez, apparemment. D’aucuns insinuent qu’entrent certainement en ligne de compte de cette explication, primo une épouse volage et secundo un mari très peu philosophe. Nous n’irons pas plus loin sur cette pente savonneuse pavée d’explications discutables. Par contre, un esprit acéré remarquera que si, au fil des ans, voire des siècles, le “t” médian est tombé en désuétude, le “t” final a toujours été conservé, toujours accompagné de son “e”, les concernés y attachant une grande importance. Point n’est besoin de trop réfléchir pour comprendre pourquoi, même si en région méridionale la populace a tendance à mettre des “e” terminaux partout. On notera par ailleurs, pour l’anecdote, que le sieur Courvite Georges avait eu comme condisciples un Lacouille Julien, un Merdic Fernand et un Limasse (?!) Damien, ce qui lui valut d’être exonéré de course-poursuite par le petit tyranneau local bas de plafond, spécialiste de la persécution de plus faible que lui, et assuré de finir tout naturellement, à l’âge requis, derrière le comptoir familial.
Fin de l’intermède.
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… ne faisait pas, disions-nous, du jeune Courvite Georges un imbécile notoire : à preuve, il s’était fort bien débrouillé depuis sa nomination. Et Paris-Est, excusez du peu, mais avec tout le mer… le trafic qu’il y avait, ce n’était pas le poste d’aiguillage de – au hasard – Bize, par exemple. Le temps de quérir l’instrument idoine pour prendre la mesure de la tâche et la température des lieux, le nouveau Régulateur Principal Courvite Georges se mit à jongler avec la vérification des tableaux lumineux, les pannes de courant, la raréfaction du charbon, la vétusté de certains secteurs et surtout l’intégration dans le trafic de prioritaires inopinés, à la satisfaction de ses supérieurs de tout bord.
Avec les autres personnels, tout se passa aussi pour le mieux. C’est qu’on le connaissait bien, le petit Courvite ! Surtout son père, le pauvre homme, bêtement tombé dans le Canal en 37, juste avant les grèves. Il avait beau avoir été un “fougassien”, un métallo, même s’il n’était pas de la Compagnie, on savait ce qu’il avait été, le paternel ! Il avait fait ‘36, comme d’autres Verdun, à la différence que ‘36, c’était hier, et à côté.
Côté fougassien, personne ne reprochait à Georges de ne pas être entré chaudronnier, un temps le grand espoir du géniteur, il n’y aurait pas de Courvite métallo, le bonhomme l’avait accepté de bonne grâce : la Compagnie, ça vous posait son homme ! Et pas gratte-papier ni chauffeur, hein ! Avec tout le respect dû à ceux qui se salissaient les mains. Bref, avec un pedigree pareil, et de retour de la Capitale, comment vouliez-vous que fût accueilli le petit Courvite ?
Et Simone, sa femme ? Le père Rouget, un taiseux, avait laissé tomber très tôt la vigne pour la ferraille, aux Ateliers, gravissant les échelons jusqu’à devenir contremaître, contremaître d’équipes étiques pour le moment, mais promis, juré, le Phénix allait renaître de ses cendres, la Nation l’exigeait ! La mère, qui faisait des ménages chez les Messieurs des Ateliers et de gros commerçants de la ville, se rongeait les sangs pour ses deux enfants, l’une à l’autre bout de la France, et l’autre Paul, son frère aîné, quelque part outre-Méditerranée. Au sortir de l’Ecole Pratique, le garçon était tout naturellement entré chaudronnier chez Fouga, comme le paternel. Il avait “déménagé” in extremis à l’été Quarante comme plusieurs éléments des personnels techniques ou spécialisés. Ça, c’était avéré. Depuis, pas de nouvelles. On espérait seulement qu’il n’avait nourri ni les poissons ni les cannibales. Aussi le retour de Simone avait-il un peu rasséréné le couple, comme un rayon de soleil un jour de ciel gris. Mais ce n’était pas pareil, bien sûr, le fils manquait. Au bout de plusieurs semaines, cependant, la mère se trouva un tout nouveau sujet d’inquiétude, qui pouvait tourner à la joie, peut-être, et commença à faire provision de pelotes de laine.
Un temps à l’étroit dans le trois-pièces cuisine des Rouget, délaissant par souci d’égalité le logis de Mme Courvite mère, le jeune couple se dépêcha de s’installer sous son propre toit, point trop éloigné, toutefois, car une expérience d’exil avait bien suffi. Tout allait donc pour le mieux. Enfin, pour le mieux, eu égard au reste. Si l’activité ferroviaire tournait vaille que vaille et retrouvait un semblant de fonctionnement normal, il n’en était pas de même aux ateliers. Ou, pour être plus juste, aux Ateliers. On disait « les Ateliers », avec un “A”. Tout le monde l’entendait, ce “A”. Sauf les esstrangers, bien sûr. Et encore…



Languedoc très Occupé
Béziers, 25 août 1941
– Le 13 juillet, un fort cordon de gendarmes et de miliciens du SONEF, épaulés par des soldats allemands, avait cerné les Ateliers. Quarante-sept ouvriers, contremaîtres, chefs d’équipe, avaient été embarqués dans des fourgons cellulaires et des camions réquisitionnés pour la circonstance et expédiés manu militari dans un centre de détention, au motif de troubles à l’ordre public. C’était la réponse du berger à la bergère, suite à une distribution de tracts contestant les mesures prises par la Direction : augmentation des horaires, suppression de primes et de jours chômés, restriction des temps de pause et réorganisation des équipes. Depuis, le travail avait repris, mais dans une ambiance des plus lourdes, la gendarmerie était restée ostensiblement présente aux abords des hangars – jusqu’à la fin août il fallait montrer patte blanche pour entrer.
Depuis, question patte, ça tournait plutôt sur trois. Si la réparation des wagons fonctionnait presque normalement – le gros du boulot, c’était changer des planches, et il restait un bon stock d’essieux – il n’en était pas de même du côté des locomotives. Les chaînes du portique pendaient lamentablement au-dessus d’une motrice désossée, la chaudronnerie peinait. Et quand les Ateliers éternuaient, toute la ville s’enrhumait. Et la Compagnie attendait ses voitures, et ses machines.
Certes, tout cela n’était pas du ressort du régulateur Courvite, même si quelques motrices supplémentaires et exemptes de fatigues auraient été les bienvenues. Cependant, on l’aura compris, les liens qui unissaient les Ateliers et la Compagnie dépassaient – et de loin – de basses considérations économiques et matérielles. Il n’était pas un cheminot qui n’eût un parent ou un voisin bossant le long du Canal. Aussi Georges fut-il rapidement au courant des causes de l’ambiance délétère qui stagnait sur la gare et son voisinage.
Dans les bistrots, les langues allaient bon train, le père Fouga devait avoir les oreilles qui sifflaient, mais voilà, encore plus qu’avant, il faisait la pluie et le beau temps. Que faire ? La grève ? Non mais, ça n’allait pas, la tête ? Le 13 juillet n’avait pas suffi ? Alors ? Que faire si l’on était fougassien ? Que faire si l’on était cheminot ? Car il fallait « faire quelque chose » ! Mais comme il y avait aussi des mouchards, dès que la conversation tournait en ce sens, ceux qui gardaient la tête froide – sans doute parce que leur verre était vide, et que le remplir une fois de plus… – lassés de ne pouvoir modérer le discours, quittaient les lieux, quitte à être traités de « couille molle », ça allait jusque-là ! Et ça recommençait la semaine suivante, même lorsque les mêmes modérateurs signalaient la présence, là-bas, dans le coin, d’un type qu’on n’avait jamais vu, ou, a contrario, d’un que l’on connaissait trop bien.
Il existait de toute façon un gros frein à cette agitation, un frein que mêmes les plus abrutis reconnaissaient : les restrictions frappaient de plus en plus dur. Chacun s’accrochait à sa catégorie “A” et n’osait envisager de s’en voir privé. Il y avait la famille, les gosses, et le bout de jardin, là-bas, où on allait autrefois en rigolant, bonne occasion de retrouver les collègues et d’y siroter un petit clairet rafraîchissant – cependant, ce lopin de terre prenait maintenant une importance capitale, on continuait dans la convivialité, certes, mais les patates d’abord !



Faire quelque chose
Béziers, 11 novembre 1941
– Chargé d’une famille de 2,33 membres (fraction récemment comptabilisée), notre Georges n’était pas un ermite et fréquentait hebdomadairement toujours le même troquet. On s’y retrouvait entre mâles du même univers, chacun le sien – les cochons étaient bien gardés – à jouer aux cartes en sirotant des breuvages de plus en plus bizarres. On évitait désormais d’y refaire le monde, autant dire que les conversations tournaient en rond, voire carrément court, alors la météo en faisait les frais. Le mois passé, on crevait de chaud, et voilà que la veille, il avait neigé, et pas que sur les sommets. Décidément, cette guerre détraquait jusqu’au temps ! La faute aux bombardements, qui ébranlaient l’atmosphère, déclaraient ceux qui s’y connaissaient en tout.
Les femmes se retrouvaient au chaud entre elles, préférant d’obscurs loisirs aux règles ténébreuses, requérant la présence et l’utilisation d’ésotériques objets tels qu’aiguilles, lessiveuses, paniers, ciseaux… et fers tarabiscotés – ustensiles dont il était “autrefois” de bon ton, chez tout métallo, d’offrir un exemplaire personnalisé à la maîtresse du foyer.
Ce jour-là, par un temps glacial, Georges avait modifié son itinéraire afin d’arriver à la gare par le Plateau des Poètes. Visiblement, il n’était pas le seul. De petits groupes de deux ou trois personnes tout aussi frigorifiées déambulaient entre la gare et les grilles du Monument aux Morts, que festonnait un cordon de gendarmes à l’air sombre. Il y avait de l’électricité dans l’air. Malgré les affiches placardées en ville – et les placardeurs n’avaient lésiné ni sur la colle, ni sur les affiches, ni sur leurs emplacements – les petits groupes initiaux tendaient maintenant à s’agglutiner pour former un attroupement illicite face aux uniformes. En arrière-plan, des ouvriers finissaient de masquer sous une construction de planches le duo du coq français piétinant l’aigle allemande. Radio-quartier annonçait que la statue allait être démontée, c’était très plausible, même si elle n’était pas en bronze. Elle froissait les vainqueurs qui trouvaient que la municipalité – nouvelle – tardait à régler ce problème épineusement urgent.
On pouvait maintenant parler de foule plus que d’attroupement, une foule d’où fusaient des noms d’oiseau visant ces iconoclastes, des noms au demeurant fort communs mais des volatiles inconnus des ornithologues. Entendons-nous bien : inconnus en tant qu’appartenant à la gent aviaire, fût-elle de Papouasie ou de lointaine Brobdingnag, pas inconnus stricto sensu. Le cordon des forces de l’ordre tendait à ressembler de plus en plus à de la ficelle à saucisse, ses composantes manifestant en retour une nervosité de plus en plus nerveuse, si c’était possible, la température n’arrangeant pas les choses. Les ordres de dispersion tombaient à plat, on voyait des mains frôler les armes, et soudain un anonyme entonna la Marseillaise. A « … sanglant est levé (bis) », Georges sentit une pression sur son bras et rata la suite. Ce n’était ni plus ni moins que l’Ingénieur Principal, qui le tira par la manche en lui soufflant : « L’endroit va devenir malsain, dépêchez-vous ! » Interloqué, Georges obtempéra et découvrit alors qu’à une extrémité de l’esplanade des camions déversaient leur contingent d’hommes armés, et ce n’était pas des gardes mobiles !
« Les Chleuhs ! Foutez le camp ! » L’ordre sema la panique, les chanteurs tentaient de s’échapper, mais les sorties étaient bouclées, ne restait comme seule issue que la vaste étendue de la gare de triage. De ce qu’il advint ensuite, Georges n’eut que des échos : remorqué par Salavesse qui faisait preuve d’une sacrée poigne, étonnante pour un homme de sa taille et de son âge, il avait disparu à sa suite dans les entrailles du bâtiment et leur Argus les trouva à leur poste quand il fit irruption dans la salle de régulation.
En fin de matinée, s’étant assuré de l’absence d’oreilles indiscrètes, l’Ingénieur Principal l’entretint brièvement : « Mon petit Courvite, évitez de vous mettre dans de telles situations ! Vous avez vu de ce qui est arrivé ce matin ? Il paraît que les Allemands ont raflé plus de trente personnes ! Vous savez ce que ça veut dire ? J’ai besoin d’un régulateur, moi ! Pas d’une chaise vide ! Et votre femme ? Vous avez pensé à elle ? Tout ça pour une Marseillaise ? C’est très joli de chanter la Marseillaise au nez des Allemands ou des gendarmes de Monsieur Laval, mais ça ne va pas bien loin, non ? Sinon à se retrouver dans un hôtel pas très confortable. En plus, vous chantez faux. Qu’en pensez-vous, là, maintenant ? »
– C’est que…
– C’est qu’on ne peut pas rester sans rien faire ? C’est ça ?
– Ben…
– Et vous voulez faire quelque chose ! Coller des affiches ? Pisser sur leurs pneus ? En trucider un au détour d’une rue ? Poser des bombes ? Faire dérailler un convoi ? Je vous croyais plus intelligent que ça ! Je n’ai pas dit malin. J’ai dit intelligent.
– Mais…
– Mais, mais… Ecoutez… Allez donc voir Barbarous…
– Barbarous ?
– Le contrôleur. »
L’Ingénieur Principal consulta le tableau mural. « Il devrait être chez lui ce soir. En attendant, avez-vous vérifié le tableau ? »



Rebelote
Plage Richelieu (Agde), 13 novembre 1941
– Le sieur Bingen débarqua acrobatiquement sur une plage non loin de celle qui l’avait accueilli, puis vu s’en aller, au printemps. Il avait souffert de l’humidité dans le taxi aimablement mis à sa disposition par la Marine Nationale, mais au moins n’y faisait-il pas si froid ! On se serait cru en Sibérie ! L’hiver 41-42 s’annonçait aussi aimable que le printemps précédent, et on pouvait s’interroger sur ce qu’il était advenu entretemps.
Il grimaça en suivant Gustou, le sable soulevé par le vent le giflait sans qu’il le sente. Malgré l’écharpe et le chapeau enfoncé jusqu’aux yeux, son visage était comme anesthésié. Sa nouvelle mission commençait bien !
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John92



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MessagePosté le: Mer Déc 06, 2023 18:16    Sujet du message: Répondre en citant


La mère, qui faisait des ménages chez les Messieurs des Ateliers et de (des ??) gros commerçants de la ville, se rongeait les sangs pour ses deux enfants,...
...
Vous avez vu de (à supprimer ??) ce qui est arrivé ce matin ?
...
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