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Europe occupée - Avril 1944
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 10:46    Sujet du message: Europe occupée - Avril 1944 Répondre en citant

1er avril
Etat-croupion
Un si beau plan
Sur les arrières du 2e Front Ukrainien
– De nouveaux envoyés slovaques rejoignent les précédents : l’ingénieur chimiste Jan Korecký et le lieutenant Š. Hanus, venu prêter main-forte au groupe de Karol Šmidke dans leurs discussions en cours avec les Soviétiques. De fait, les deux hommes sont venus avec des nouvelles alarmantes : des manœuvres allemandes se préparent dans leur région. Quelque chose se trame, quelque chose de gros. Mais faute de lien sécurisé avec l’état-major de Ján Golian, à Bratislava, il est bien difficile d’en savoir plus…
En face, les Soviétiques manifestent un intérêt poli pour ces informations – mais pas davantage. Ils ont l’initiative, contre les Allemands comme vis-à-vis des Slovaques. Ils ont donc tout leur temps.


2 avril
Etat-croupion
Agitation
Slovaquie
– Le centre de l’état inféodé au Reich connaît une vague d’agitation croissante, du fait des partisans du Komunistická strana Slovenska (KSS) – lesquels soumettent les forces allemandes en transit à une succession d’embuscades pas forcément bien organisées mais toujours désagréables. Evidemment, cela agace un peu du côté de Berlin : la Slovaquie avait la réputation d’une région calme, il ne faudrait pas que cela change. De fait, si l’Armée Rouge n’est que modérément intéressée par ce que les Fascistes locaux ont à leur offrir, le NKVD, par contre, a dépêché dans ce pays au relief accidenté un grand nombre d’experts en “petite guerre”, Ukrainiens ou Biélorussses, que la retraite de la Heer a rendu disponibles…
A leur tête, on trouve notamment le lieutenant Piotr Alexeyevich Veličko – un parachutiste qui a auparavant combattu dans les forêts des pays baltes. Parachuté le mois dernier avec un groupe de onze soldats, il a naturellement contacté les communistes de Viliam Žingor. Son arrivé a déchaîné leur enthousiasme, attiré du monde… et fait bouillir la marmite, aussi. Il reste néanmoins un militaire. On peut donc espérer discuter avec lui. Aussi, alors que Veličko est fort occupé (ses troupes viennent de lever le camp vers les arrières de la 1ère Armée hongroise), le lieutenant-colonel Ján Golian envoie en toute discrétion une seconde délégation dans la vallée de Kantorská, pour rencontrer l’homme de Moscou. Celle-ci se compose du major J. Mark, du Lt-colonel B. Manica et de… Ján Golian en personne – il fera un détour à la faveur d’une tournée d’inspection ! Ainsi, le chef de l’armée de Mgr Tiso discute en personne avec un « terroriste communiste » – mais les Slovaques n’en sont plus à ça près…


3 avril


4 avril

L’honneur d’un amiral
Marguerite d’acier
Arrières des HeeresGruppen B et E
– Sur les territoires de la Hongrie, de feu la Pologne et de l’ancienne Tchécoslovaquie, des forces puissantes se mettent en branle.
Au nord, le IV. SS-PanzerKorps de Felix Steiner redescend de la région de Radom, où il se trouvait au repos, vers Vienne, avec ses Wiking, Totenkopf et 102. sPA. Ces unités ont subi de lourdes pertes lors de Friedericus II, mais elles restent néanmoins vaillantes et motivées. Officiellement, il s’agit pour les SS de profiter d’une permission bien méritée… même si, curieusement, leur commandement a ressenti le besoin de passer par Cracovie et les monts de Slovaquie et non par la Bohême-Moravie, voie pourtant bien plus directe.
Dans cette province d’ailleurs, et plus précisément dans la région de Brno, la 1. Panzer de Walter Krüger (1) – une formation de valeur, la seule qui puisse d’ailleurs se prévaloir d’une victoire en Yougoslavie ! – fait elle aussi mouvement vers le sud en direction du Danube. Evidemment, elle va sans doute devoir passer par Budapest… Mais la 1. Panzer n’en est pas à un voyage près : retirée trop tard des Balkans pour aller défendre la Roumanie, elle a ensuite été expédiée dans le Pas-de-Calais pour défendre les côtes de la Manche, avant d’être rappelée à l’est lors de Bagration – trop tard, encore une fois ! La formation avait alors été cantonnée près de Brno pour servir d’ultime réserve défensive sur le flanc droit de Friedericus II – sans être engagée, du fait de l’arrêt rapide des opérations dans le secteur de Cracovie.
Enfin, dans les Carpates, la 11. Panzer de Wend von Wietersheim recoit l’ordre de se repositionner aux alentours de Munkács, avec le 507. sPA (major Erich Schmidt) en soutien. Elle devrait y être bientôt rejointe par la 13. Panzer (Helmutt von der Chevallerie) et la 19. Panzer (Hans Källner), qui visent de leur côté le secteur d’Huszt. La 1ère Armée hongroise du major-général Béla Miklós Dálnoki aura donc bientôt sur ses arrières l’équivalent de deux corps d’armée blindés !
Au même moment, la 12. Armee d’Alexander Löhr, très intriquée avec la 2e Armée hongroise de Guztáv Jány, est mise en état d’alerte et la quasi-totalité des unités de la Wehrmacht en transit ou « en appui » sur le territoire magyar rappellent leurs permissionnaires ou sursoient à leurs mouvements. Il s’agit surtout d’escadrilles ou de Flak Abt. de la Luftwaffe, mais c’est aussi le cas de la 8. SS-Kavalerie-Division Florian Geyer (Hermann Fegelein) – et en particulier du SS-Kampfgruppe Ameiser, détachement de cette division commandé par le SS-Hauptsturmführer Toni Ameiser et composé essentiellement du 52. SS-Kavallerie Rgt Maria-Theresa (constitué de Volksdeutsches hongrois transférés sur ordre par Budapest !). Cette unité prend ainsi ses quartiers – provisoires bien sûr – dans la ville de Budaörs, à six kilomètres au sud de la capitale magyare. Officiellement dans l’attente d’un train sans cesse retardé par les bombardements alliés… La meute de loups encercle sa proie.


5 avril
Une affaire de famille
Deux femmes françaises
Cotentin
– Cabas dans la dextre et sac à main serré sous l’aisselle gauche, Madame veuve Eulalie de Fresnay poussa la porte de l’église, déserte. Dans une chapelle latérale, le prêtre en surplis collectait des débris de cierge.
Elle se signa vivement et se dirigea vers le confessionnal. Tandis que ses pas résonnaient dans l’édifice, le curé abandonna sa tâche pour l’y rejoindre. Comme elle hésitait, il lui désigna une place avant de disparaître derrière son rideau.
– Pardonnez-moi mon père, car j’ai péché…
– Très certainement de façon très vénielle, ma fille. Bien. Nous sommes seuls, Eulalie, le bedeau ne revient que dans une petite demi-heure. Il semblerait que le précédent occupant du confessionnal ait oublié son livre de messe. Vous l’avez trouvé ?
– Ah ! Le voici. Merci, mon père.

Le missel disparut dans le cabas.
– Et comment se porte votre fille ? Quitter Caen ainsi… et l’Institution…
– Caen lui manque, bien sûr. Et ses camarades du pensionnat. Mais… cette ville… Eh bien, vous savez ce qui arrive aux villes, n’est-ce pas. Je préfère la savoir en sécurité ici. Mais, dites-moi : en venant, je me disais qu’il y avait bien longtemps que nous ne vous avions reçu. Que diriez-vous de nous rendre visite, ce dimanche ? Je crois que nous pourrions fêter un anniversaire…
– Un anniversaire, Eulalie ? Voyons… vous n’êtes pas de mai et Anne-Sophie …
– Le vôtre, mon Père ! Le vôtre !
– Le mien ? Le mien ? Sainte Vierge ! J’avais oublié… Vous voyez, Eulalie, ce sont les ravages de l’âge… et les soucis de ma tâche…
– Il doit me rester un coq…
– Un coq ? Vous me tentez, Eulalie ! Vous ! Une si bonne chrétienne ! Allons, je vous taquine. Dimanche, dites-vous ? Après la messe ? Je pense que… Et deux Ave !
enchaîna-t-il, comme la porte s’ouvrait de nouveau, pour laisser entrer cette fois-ci une vieille qui clopina derechef vers la porte du paradis. Ou plutôt de sa salle d’attente.
Comme la paroissienne disparaissait dans sa boîte, Eulalie s’extirpa du confessionnal, serrant contre elle sac à main et cabas. Après avoir récupéré sa bicyclette, solidement enchaînée à la pompe de la quincaillerie – seule fonction raisonnable de cet objet inemployé depuis des lustres – elle rentra chez elle.
Cadenassant de nouveau sa monture, cette fois-ci dans une stalle vide, elle eut la satisfaction de voir que celle de sa fille y était déjà remisée. Par les temps qui couraient, la savoir par monts et par vaux était une source d’inquiétude permanente : tous les soldats ne se montraient pas indifférents (au pire) ou polis (au mieux). Surtout les nouveaux.
Elle flatta brièvement Carolus, qui souffla des naseaux et secoua sa crinière en retour, pensant qu’avec le retour des beaux jours, elle pourrait lui faire faire un peu d’exercice. Pauvre vieux, tout seul, il devait trouver le temps long ! Et, tiens, tant qu’à aller à la messe ce dimanche et recevoir le curé, pourquoi ne pas atteler la charrette ? Le bon père n’était pas un foudre du vélocipède.
Elle marqua un temps d’arrêt dans la cour, devant les traces de pneus qui marquaient la fange. Gertrude en profita pour l’approcher, toutes ailes dehors, et claquant du bec. Peine perdue : elle n’avait rien à lui offrir. Nullement découragée, l’oie l’accompagna jusqu’au seuil.
Dans la cuisine, la vieille Albertine s’affairait aux préparatifs du repas.
– Ah, Madame, Mademoiselle Anne-Sophie est rentrée…
– J’ai vu ça, Albertine. J’ai vu aussi que nous avons eu de la visite ?
– Un officier et son chauffeur, Madame. Il venait pour les œufs.
– Combien ?
– Six, Madame. J’avais bien caché les autres.
– Le même officier ?
– Tout à fait, Madame. Mais il n’a pas posé de question, cette fois-ci.
– C’est bien, Albertine, vous êtes parfaite. Et à propos d’œufs, nous mangerons César ce dimanche.
– César ? Fichtre ! Madame reçoit ?
– Juste notre bon père, Albertine. Après la messe, bien évidemment.
– Alors, c’est-y que je vais avoir besoin d’aide, moi, madame ! Je peux pas tout faire ! A mon âge ! C’est qu’il va courir, l’bestiau ! Et puis, faudra lui faire sa toilette !
– Eh bien, demandez à Léopold ! Et dites-lui que s’il vous aide à le plumer, il pourra en profiter. Ça lui évitera de traîner dans tous les estaminets d’ici à Granville !
– Vous êtes trop bonne, madame ! Des coups d’bâton ! Oui-da, c’est tout c’que ça mérite, c’t’engeance du diable !

Laissant là la vieille cuisinière et ses vitupérations, Madame Eulalie Villeroy, veuve de Fresnay, alla s’enfermer dans sa chambre. Assurée d’y être au calme, elle entreprit une délicate opération chirurgicale sur le livre de messe, se servant pour cela du coupe-chou de Charles-Edouard, l’un des rares souvenirs non compromettants qu’elle gardait de lui.
Dans son cadre barré de noir, la moustache du jeune aspirant-vétérinaire d’alors la regardait faire. Les trois autres photographies ternies sous leurs plaques de verre ne montraient que les visages austères de ses parents à elle, et celui d’Anne-Sophie en première communiante.
Comme il avait été difficile de se séparer de celle d’Henri ! Plus d’Henri ! Emporté par la rougeole à trois ans, le petit Henri ! Qui, par ici, aurait pu dire le contraire ? Quand même, “tuer” Henri ! La chose lui soulevait le cœur. Sa détestation de l’Occupant s’en augmentait.
Enfin ! A la guerre… D’un autre côté, il lui arrivait de penser que, déclaré mort ici, il ne pouvait plus se faire tuer… là-bas.
………
– Madame de Fresnay ?
– Oui ?

Près de quatre ans plus tard, elle revivait la scène, une scène qu’elle n’oublierait certainement pas de sitôt. Comment diable cet homme les avait-il dénichées dans cette bourgade où elles avaient échoué, perdues au milieu de tous ces civils et de ces soldats qui fuyaient droit devant eux, elles ne sachant que faire : rentrer, ou aller ailleurs ? En guise de présentations, l’individu, qui portait les galons de capitaine mais ne brillait pas par son charisme, avait continué : « J’ai servi un temps sous les ordres de votre père. Appelez-moi… capitaine Dupont. »
– Capitaine Dupont ?
– J’ai peu de temps. Je vous apporte des nouvelles de votre mari et de votre fils…
– Mon Dieu ! Comment vont-ils ? Ils sont en bonne santé au moins ? Quand pourrons-nous les revoir ? Où sont-ils ?
– Pour autant que je sache, ils ont… traversé.
– Tra…versé ?
– C’est cela. Pas ensemble, non, mais ils vont… au mieux. Mais pour les rejoindre…
– Nous pourrions passer par la Suisse ? Ou l’Espagne ?
– Vous ne seriez pas les seules à tenter l’aventure, mais la chose est risquée. Si l’on vous appréhendait…
– Allons, “capitaine” ! Charles-Edouard est simplement vétérinaire en chef ! S’il était général trois étoiles, je comprendrais ! Mais que feraient les Allemands d’une femme comme moi ? Vous venez de le dire : je ne serais pas la seule femme d’officier…
– Vous, et votre fille. Et les Allemands ne seraient pas les seuls à pouvoir s’intéresser à vous, croyez-moi ! Et, oui, vous n’êtes pas la générale de Fresnay. Mais figurez-vous que j’ai rencontré votre mari… avant son départ, dit-il, levant la main pour couper court à tout commentaire. Une conversation instructive. Il m’a remis ceci…

Il lui avait tendu un petit paquet : l’étui à cigarettes de son mari, avec, à l’intérieur, ces quelques mots : « Fais confiance à Dupont ». Et la signature ressemblait bien à celle de Charles-Edouard. Elle s’était soudain montrée très méfiante, méfiance que le prétendu capitaine avait paru apprécier.
Au terme de l’entretien, elle avait accepté de jouer le jeu. Le côté Mata-Hari l’avait-il séduite ? Ou le “capitaine Dupont” avait-il su faire vibrer la corde patriotique ? De fait, l’existence de la propriété familiale – qu’elle avait désertée depuis des lustres ! – n’était pas étrangère au scénario.
Dupont était repassé peu après, avec des papiers on ne peut plus en règle, l’acte de décès de Charles-Edouard, et l’annonce que celui d’Henri posait problème. Que faire d’Henri ? Des questions… embêtantes pourraient se poser. On n’allait pas jusqu’à imaginer le jeune Henri en vedette des Actualités Cinématographiques, mais un Henri mort jeune couperait court à bien des choses. Espérait-on. On l’avait donc “décédé” antérieurement. Et voilà.
Avec un petit service à rendre, en échange : remettre une enveloppe cachetée à une certaine adresse, à Caen.
Puis une autre. Et de fil en aiguille, elle se retrouvait aujourd’hui à dépecer un innocent missel. Si ses amies savaient ça !
Sauf que dans le lot, certaines langues de vipère… Bon. N’y pensons plus.
………
La lame du rasoir finit par libérer trois petits feuillets de papier pelure. Trois ? Elle les déplia précautionneusement.
Un seul était chiffré : elle l’écarta. Les deux autres étaient – mon Dieu ! Elle s’assit sur le lit. Une lettre de Charles-Edouard ! La première depuis… voyons… Juillet ? Août ? Evidemment, un vétérinaire aux armées décédé quelque part en vallée de Loire en juin 40 pouvait difficilement donner régulièrement de ses nouvelles, fût-ce par la Croix-Rouge ! Et ce canal-ci était rarement destiné à de telles missives.
Elle parcourut en diagonale les pattes de mouche tracées au crayon, cherchant trace d’Henri, puis reprit posément sa lecture.
Au repas du midi, la conversation tourna sur des lieux communs. Albertine grommela quand elle apprit la confirmation que les rations de pain, de lait et de viande diminuaient encore, au profit des “travailleurs de force”.
Malgré sa promenade matinale qui l’avait conduite, disait-elle, jusqu’à Orglandes, Anne-Sophie accepta d’accompagner sa mère dans l’après-midi jusqu’au cimetière de Sainte Marie-du-Mont, sur la tombe de son oncle. Elles prendraient un panier, des œufs, et une des dernières bouteilles d’eau-de-vie, avec l’espoir de trouver en chemin de la crème, ou du lait, et peut-être de la farine. Après le coq, on pourrait peut-être se permettre une petite pâtisserie ?
Ausweis en règle, comme le vérifia un vert-de-gris à l’entrée du bourg, les deux femmes pédalaient de concert. Femmes ? Eulalie détailla sa fille, une roue devant elle. Oui, objectivement, une femme. Plus une petite fille. Et qui partait “se promener” de temps en temps, restant absente de deux à trois heures. C’était un problème qu’Eulalie s’était promis d’aborder… au bon moment, mais tout s’accélérait, et le bon moment tardait à venir. Elle se rassurait en se disant qu’Anne-Sophie avait été bien éduquée, et s’était toujours montrée raisonnable. Comme sa mère.
Au cimetière, tandis qu’elle redressait une couronne de perles de verre toute de guingois, elle expédia la jeune fille chercher un arrosoir d’eau, pour nettoyer la tombe. Elle n’eut que quelques pas à faire pour placer le petit tube d’aluminium derrière l’angelot en fer-blanc du caveau voisin. Ni vu, ni connu. Anne-Sophie, de retour, la trouva arrachant des mauvaises herbes.
Au moment de partir, une colonne hétéroclite les retint. En tête roulait la Kubelwagen de l’officier amateur d’œufs, que suivaient quatre feldgendarmes juchés sur des haridelles efflanquées et divers véhicules. Elle nota que deux d’entre eux remorquaient un canon. Du petit calibre, jugea-t-elle. Puis venaient plusieurs camions, transportant des soldats, pas tous jeunes, qui dodelinaient de la tête, plaisantaient entre eux et commentaient sans doute leur apparition.
Elle tourna la tête vers sa fille et reçut comme un coup au cœur.
Anne-Sophie s’était emparée d’une tige d’herbe sèche, et, méthodiquement, à chaque fois que passait un camion devant elle, ses ongles bien entretenus en sectionnaient une partie qu’elle recueillait soigneusement au creux de sa main. Quand le side-car de queue se fut éloigné, elle fourra la main dans la poche de son manteau et l’en ressortit vide.
Sur le chemin du retour, qui les vit revenir avec un bon litre de crème et un bon peu de farine, ainsi qu’au repas du soir, Eulalie s’efforça de paraître aussi elle-même que d’habitude, avec le sentiment de se forcer et de jouer faux. Aucun doute, Anne-Sophie était raisonnable. Comme sa mère. Exactement comme sa mère.


6 avril
Etat-croupion
Concertation
Sklabin (Slovaquie)
– Rencontre, en toute discrétion, entre le lieutenant Piotr Alexeyevich Veličko, chef partisan, et l’armée slovaque, représentée par le lieutenant-colonel Ján Golian, le major J. Mark et le lieutenant-colonel B. Manica. Cela fait beaucoup de monde pour un message fort simple : alors que l’on discute directement avec les chefs soviétiques en Ukraine et que de complexes manœuvres devant rester discrètes sont en cours (les premiers éléments des deux divisions slovaques arrivent dans le secteur de Zvolen demain !), il serait vraiment bon que le KSS se tienne tranquille et, selon les termes de Golian, « ne lance aucune action majeure ».
Veličko veut bien promettre. Mieux, il est d’accord pour discuter avec ses invités coopération et préparation du soulèvement. Ses troupes sont prêtes à tenir Turiec pendant trois semaines contre au moins deux divisions allemandes – elles pourront ainsi couvrir le flanc nord de l’armée slovaque, au prix de la destruction des tunnels de la région. C’est mieux qu’escompté – les militaires repartent donc, rassurés par leur nouvel ami.
Cependant, ils ignorent que Veličko a une conception assez personnelle des « actions majeures » qu’il doit éviter. Le Soviétique veut bien ne pas assaillir les convois allemands. Par contre, il commence quand même à faire construire à Sklabin un QG visiblement pérenne, constitué notamment de plusieurs tunnels creusés pour l’occasion. Et dès ce soir, ses troupes, toujours plus nombreuses et mal encadrées, n’hésitent pas à sortir des bois pour aller occuper villes et villages désertées par l’adversaire – après tout, remplacer, ce n’est pas attaquer, non ?


7 avril
Etat-croupion
Concentration
Sklabin (Slovaquie)
– L’armée slovaque arrive dans le triangle Banská Bystrica – Brezno – Zvolen dont elle s’est assigné la garde, sans qu’on le lui demande et sans qu’elle en informe vraiment ses alliés (mais lesquels ?).
Non que pour l’Ostheer, tout cela compte beaucoup… Ses deux divisions ont été baptisées “techniques” car elles ne sont jamais, chacune, que le rassemblement de 8 bataillons et 4 compagnies autrefois indépendants. Leurs éléments n’ont donc aucune cohésion et guère l’habitude de travailler ensemble. L’une de ces formations de circonstance est commandée par le général Augustín Malár (un ancien de la défunte armée tchécoslovaque qui s’est battu sur le front russe), l’autre par le colonel Markus (un militaire de carrière). Et toutes deux prennent leurs quartiers dans les trois villes concernées, avec un QG commun à Banská Bystrica, où Ján Golian ira s’installer, au moins pour l’heure.
La 1ère Armée hongroise, surprise mais elle-même traversée par une légère… tension interne, ne réagit pas à ce redéploiement, feignant l’indifférence et dissimulant à peine son mépris. Les Allemands, par contre, prendront vite note avec agacement de cette initiative intempestive, en remarquant qu’au surplus, la lutte anti-partisans ne paraît pas être la priorité des Slovaques. De fait, pour soi-disant contenue qu’elle soit, l’activité du KSS n’échappe pas au Reich – tout comme la passivité de l’armée slovaque censée lui faire face ! L’information remonte évidemment à Berlin, qui en tirera la (petite) conclusion qui s’impose.


8 avril
L’honneur d’un amiral
Marguerite d’acier
Frontière germano-hongroise
– La cinquantaine de soldats du 502. SS-Jäger-Bataillon d’Otto Skorzeny entrent en territoire magyar à hauteur de Győr, sans tambour ni trompette ou drapeau – mais sans non plus se cacher particulièrement. Pourquoi le devraient-ils d’ailleurs ? Le Reich et la Hongrie sont alliés !
Arrivant en camion au soir tombant dans Budapest, les commandos du Reich prennent vite leurs quartiers dans différents casernements de la capitale. Puis, sous le commandement personnel de leur chef, ils ressortent aussitôt dans les rues, en uniformes hongrois fournis par des sympathisants Croix-Fléchées, pour aller à la pêche aux renseignements. C’est que les Nazis ne manquent pas d’informateurs en ville ! Même si tous, hélas, ne sont pas très fins ou ni très discrets, loin de là… Raison de plus pour ne pas traîner !
Les SS s’intéressent particulièrement au palais royal, aux grottes du mont Gellért (sous la citadelle de Buda, où se trouvent plusieurs installations de l’état-major de l’armée hongroise)… Ainsi qu’aux habitudes nocturnes de Miklós Horthy de Nagybánya, deuxième du nom, unique fils survivant du Régent – dont chacun sait qu’il aime à sortir faire la fête en dépit du conflit en cours.


9 avril
Etat-croupion
Enthousiasme prématuré
Ružomberok (Slovaquie)
– Ça devait arriver… Au matin, les Partisans et soldats du 4e Bataillon du major Cyril Kuchta, ancien officier des armées tchécoslovaque puis slovaque (tout en étant Résistant antifasciste de longue date !) attaquent cette ville de 10 000 habitants située dans le bassin de Liptov, soit à 40 kilomètres à peine de Banská Bystrica, où se trouve le QG de l’armée slovaque ! Les Résistants libèrent les prisonniers politiques, interrompent le trafic ferroviaire dans la vallée et arrêtent la production de l’armurerie locale (où se trouvait les affûts de plusieurs centaines de pièce d’artillerie destinés à la Wehrmacht !), avant d’annoncer la restauration de la Tchécoslovaquie ainsi que la mobilisation générale. Enfin, ils arrêtent – ou exécutent sommairement ! – la totalité des citoyens allemands ou Volksdeutsche, dans une atmosphère de haine enflammée, sous les acclamations d’une partie de la foule rassemblée. Une manière de procéder qui fera hélas florès en Tchécoslovaquie…
Bien entendu, l’affaire remonte vite au commandement allemand – lequel ne manque pas de constater l’absence de réaction de l’armée locale, pourtant déployée à proximité immédiate de la localité. Pendant que le Reich s’interroge sur la réaction qui s’impose, à Ružomberok, tous les symboles, bustes, portraits et affiches du régime en place sont brûlés et des drapeaux tchécoslovaques, miraculeusement retrouvés, pavoisent les rues. Un peu vite peut-être…

Ouvriers de la onzième heure
Brastislava
– Dans la soirée, le vice-Premier ministre Alexander (Shannon) Mach, ancien séminariste, journaliste et membre du Parti populaire slovaque – avant de se joindre à son aile radicale, pronazie, de prendre le commandement de la Garde Hlinka (2) et de devenir le principal responsable de la persécution des Juifs en Slovaquie – déclare officiellement la loi martiale dans le pays, en réaction aux « graves événements en cours à Ružomberok ».
Il n’a pour ainsi dire pas de réponse de ses subordonnés – l’intégralité de l’appareil d’état du régime vient de passer dans une forme d’attentisme prudent, tandis que l’armée de Ján Golian ne répond plus qu’avec parcimonie au téléphone. Quant à Berlin…


10 avril
Etat-croupion
Emballement
Martin (Slovaquie)
– Nouvelle initiative désastreuse du KSS : après la libération de Ružomberok la veille, la 1ère Brigade partisane récidive. Mobilisant avec elle un fort détachement de cheminots et… la garnison locale slovaque, elle entre en ville et s’empare de plusieurs bâtiments officiels avant d’arroser abondamment au mortier et à l’arme automatique les cantonnements allemands, où se trouvait justement une unité de la SS-Galizien au repos. Celle-ci compte plusieurs dizaines de morts et de blessés (dont des conjointes et des enfants des SS ukrainiens !) avant que la vigoureuse réaction des troupes du SS-Sturmbannführer Otto ne douche l’enthousiasme des locaux.
Les Partisans se dispersent dans la montagne, accompagnés de leurs nouveaux amis. La ville reste donc sous le contrôle de l’Axe. Néanmoins, l’épisode n’en reste pas moins fort déplaisant – surtout que Martin n’est pas beaucoup plus loin de Banská Bystrica que Ružomberok, et que les forces slovaques censées être les alliées du Reich n’ont toujours pas bougé le petit doigt. Nouvelle remontée d’inquiétudes vers la hiérarchie nazie… laquelle répond qu’elle a déjà pris ses dispositions.

Brastislava – Dans la soirée, le ministre Alexander Mach – complétement décrédibilisé par sa pantalonnade de la veille et membre d’un gouvernement en perdition complète (le ministre de la Défense Ferdinand Čatloš est introuvable – il aurait rejoint la rébellion !) annonce à la radio que, pour des raisons de sécurité et conformément aux clauses du traité Schutzvertrag (signé le 23 mars 1939), le gouvernement slovaque a sollicité l’assistance de la Wehrmacht par l’intermédiaire de Son Excellence l’ambassadeur Hans Elard Ludin (lequel n’avait pas attendu cette requête pour appeler Berlin à l’aide !). Les troupes du Reich entreront donc bientôt dans le pays pour « rétablir l’ordre et châtier les traitres ». Dans la foulée, Mach offre aussi sa démission de la Garde Hlinka, désormais de fait sous commandement allemand – il faut aussi dire que c’est sans doute la dernière unité slovaque à peu près fiable, ou tout au moins qui réponde au téléphone.

Banská Bystrica – Du côté de l’armée slovaque, désormais presque ouvertement en rébellion, le lieutenant-colonel Ján Golian et son état-major conviennent de mettre dès à présent leurs troupes en état d’alerte, en prévision de l’inévitable répression à venir. Laquelle ne devrait toutefois pas démarrer tout de suite – c’est un soulagement. En effet, les panzers sont déjà passés, et ils se dirigent vers le sud. C’est donc que la Slovaquie n’est pas prioritaire à leurs yeux. Au surplus, Golian pense (avec sagacité !) que les Allemands tenteront d’exploiter l’extrême religiosité des Slovaques en attaquant un dimanche. Or, dimanche, c’était hier. Cela nous renvoie donc au 16… a priori, en espérant que d’ici là les événements ne se précipitent pas encore davantage.
Le lieutenant-colonel donne deux ordres à ses troupes. D’abord, « Začnite s vysťahovaním » – Commencez à sortir, le mot de code qui doit déclencher l’insurrection et les affrontements ouverts (enfin, plus encore qu’ils ne sont déjà…) contre la Heer. Et surtout, « Nenechať sa odzbrojiť » – Ne vous laissez pas désarmer. Car, mis à part tout patriotisme et optimisme de bon aloi, Ján Golian n’est pas aussi sûr de ses troupes qu’il le souhaiterait… Et surtout, il redoute la défection de certains au dernier moment, si d’aventure les Allemands ne réagissaient “pas assez violemment” pour embraser les rangs, et plus généralement la population. Une approche cynique, il est vrai – mais la survie de la Slovaquie est à ce prix.
En définitive, il ne reste plus qu’à attendre l’Armée Rouge… Mais où en sont les pourparlers avec les Soviétiques, nom de Dieu ?

L’honneur d’un amiral
Marguerite d’acier
Budapest
– Dans sa planque fournie par les Croix-Fléchées, le SS-Obersturmbannführer Otto Skorzeny recoit un message crypté de Berlin, qu’on peut résumer ainsi « Margareth lancée sous 48 heures. Confirmez préparatifs terminés. » Le SS n’est pas franchement satisfait de cette nouvelle : ses hommes ne sont arrivés dans la capitale hongroise que depuis l’avant-veille, et les indications fournies par les hommes de Ferenc Szálasi ou autres sympathisants se sont révélées au mieux parcellaires, quand elles n’étaient pas carrément fausses !
Le temps manque décidément pour préparer comme il conviendrait cette opération. Skorzeny le sait bien. Mais il sait aussi que ses SS sont les meilleurs soldats du Reich, aptes à se sortir des pires situations. Quand il est allé chercher Mussolini dans son hôtel, est-ce qu’il a eu le luxe de réfléchir pendant une semaine, lui ? Non, bien sûr ! Au surplus, en face, ce sont ces crétins de Hongrois – pas les Rouges, pas les Alliés, et même pas ces traîtres d’Italiens. Donc ça ira, la race des Seigneurs l’emportera naturellement. Alors – oui, bien sûr, le SS confirme : tout est prêt pour accueillir Margareth !

Notes
1-A ne pas confondre avec son homonyme le SS Walter Krüger, récemment promu du commandement de la division Das Reich à celui du II. SS-PanzerKorps.
2- Force de police collaborationniste fondée en 1938. Elle est globalement similaire à la Milice française, ou plutôt à son dérivé para-militaire, la Garde.
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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 13:05    Sujet du message: Re: Europe occupée - Avril 1944 Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Budapest – Dans sa planque fournie par les Croix-Fléchées, le SS-Obersturmbannführer Otto Skorzeny recoit un message crypté de Berlin, qu’on peut résumer ainsi « Margareth lancée sous 48 heures. Confirmez préparatifs terminés. »

Bon, Horthy et compagnie, ne vous pressez surtout pas pour le retournement d'alliance. Pas de précipitation, vous avez tout votre temps. C'est certain qu'en attendant encore un peu vous obtiendrez de meilleures conditions de la part des Alliés.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 13:08    Sujet du message: Répondre en citant

Bien en réalité, le problème c'est que les hongrois sont assez timorés de nature, et sont en plus persuadés qu'ils peuvent conserver Horthy et les gains d'avant 41 ...
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John92



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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 13:30    Sujet du message: Répondre en citant


De nouveaux envoyés slovaques rejoignent les précédents : l’ingénieur chimiste Jan Korecký et le lieutenant Š. Hanus, venu prêter main-forte au groupe de Karol Šmidke dans leurs discussions en cours avec les Soviétiques. De fait, les deux hommes sont venus avec des nouvelles alarmantes : des manœuvres allemandes se préparent dans leur région. Quelque chose se trame, quelque chose de gros. Mais faute de lien sécurisé avec l’état-major de Ján Golian, à Bratislava, il est bien difficile d’en savoir plus…
En face, les Soviétiques manifestent un intérêt poli pour ces informations – mais pas davantage. Ils ont l’initiative, contre les Allemands comme vis-à-vis des Slovaques. Ils ont donc tout leur temps.

et composé essentiellement du 52. SS-Kavallerie Rgt Maria-Theresa (constitué de Volksdeutsches hongrois transférés sur ordre par Budapest !). Cette unité prend ainsi ses quartiers – provisoires bien sûr – dans la ville de Budaörs, à six kilomètres au sud de la capitale magyare. Officiellement dans l’attente d’un train (je n’y connais rien, mais un seul train pour un régiment ?) sans cesse retardé par les bombardements alliés…
...
Elle flatta brièvement Carolus, qui souffla des naseaux et secoua sa crinière en retour, pensant qu’avec le retour des beaux jours, elle pourrait lui faire faire un peu d’exercice(ce qui ne serait pas du luxe pour ce vieux cheval de retour).

Ou le “capitaine Dupont” avait-il su faire fait ?) vibrer la corde patriotique ? De fait, l’existence de la propriété familiale – qu’elle avait désertée depuis des lustres ! – n’était pas étrangère au scénario.

Sur le chemin du retour, qui les vit revenir avec un bon litre de crème et un bon peu (régionalisme ?)de farine, ainsi qu’au repas du soir, Eulalie s’efforça de paraître aussi elle-même que d’habitude, avec le sentiment de se forcer et de jouer faux.

Dans la soirée, le vice-Premier ministre Alexander (Shannon) Mach, ancien séminariste, journaliste et membre du Parti populaire slovaque – avant de se joindre à son aile radicale, pronazie, (manque un verbe, je pense) de prendre le commandement de la Garde Hlinka (2) et de devenir le principal responsable de la persécution des Juifs en Slovaquie – déclare officiellement la loi martiale dans le pays, en réaction aux « graves événements en cours à Ružomberok ».

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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 16:14    Sujet du message: Répondre en citant

John92 a écrit:
et composé essentiellement du 52. SS-Kavallerie Rgt Maria-Theresa (constitué de Volksdeutsches hongrois transférés sur ordre par Budapest !). Cette unité prend ainsi ses quartiers – provisoires bien sûr – dans la ville de Budaörs, à six kilomètres au sud de la capitale magyare. Officiellement dans l’attente d’un train (je n’y connais rien, mais un seul train pour un régiment ?) sans cesse retardé par les bombardements alliés…

(coupe)

Ou le “capitaine Dupont” avait-il su faire fait ?) vibrer la corde patriotique ?

Sur le chemin du retour, qui les vit revenir avec un bon litre de crème et un bon peu (régionalisme ?)de farine,

Dans la soirée, le vice-Premier ministre Alexander (Shannon) Mach, ancien séminariste, journaliste et membre du Parti populaire slovaque – avant de se joindre à son aile radicale, pronazie, (manque un verbe, je pense) de prendre le commandement de la Garde Hlinka (2) et de devenir le principal responsable de la persécution des Juifs en Slovaquie – déclare officiellement la loi martiale dans le pays, en réaction aux « graves événements en cours à Ružomberok ».


1) Un régiment, pas trop nombreux, avec quelques wagons à chevaux et d'autres wagons pour les cavaliers…

2) Ben oui, "avait-il su faire vibrer"

3) Un bon peu, oui, un régionalisme de cette région d'Europe qu'on appelait France… Wink

4) Dans la soirée, le vice-Premier ministre Alexander (Shannon) Mach, ancien séminariste, journaliste et membre du Parti populaire slovaque – avant de se joindre à l’aile pronazie de ce parti, de prendre le commandement de la Garde Hlinka et de devenir le principal responsable de la persécution des Juifs en Slovaquie – déclare officiellement la loi martiale dans le pays

C'est plus clair ainsi ?
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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 16:19    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:

4) Dans la soirée, le vice-Premier ministre Alexander (Shannon) Mach, ancien séminariste, journaliste et membre du Parti populaire slovaque – avant de se joindre à l’aile pronazie de ce parti, de prendre le commandement de la Garde Hlinka et de devenir le principal responsable de la persécution des Juifs en Slovaquie – déclare officiellement la loi martiale dans le pays

C'est plus clair ainsi ?


Beaucoup plus clair effectivement
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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 18:24    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
en face, ce sont ces crétins de Hongrois – pas les Rouges, pas les Alliés, et même pas ces traîtres d’Italiens

Peut-être une citation, pour éviter tout méprise ?
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En principe (moi) ...
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MessagePosté le: Lun Avr 11, 2022 18:51    Sujet du message: Répondre en citant

OK, OK…
En plus, je crains que tu n'aies raison.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Avr 27, 2022 10:38    Sujet du message: Répondre en citant

11 avril
Etat-croupion
Indifférence
A l’arrière du 2e Front Ukrainien
– Les pourparlers entre Slovaques et Soviétiques ne donnent plus grand-chose de constructif. Non pas qu’Ivan Bagramian ou Aleksandr Vassilievski ne soient absolument pas intéressés (tout compte fait) par ce que ce Karol Šmidke et ses compatriotes ont à dire, mais les discussions sont techniques, longues, ralenties par la suspicion, les difficultés de communication (les Slovaques parlent sans être informés de ce qui se passe sur le terrain !) et surtout par une certaine dureté des positions de Moscou, qui se considère tout de même en état de guerre avec la Slovaquie depuis deux ans. Un point d’importance – et pourtant sur lequel, on s’en doute, tout le monde n’est pas exactement d’accord autour de la table.
Ainsi, les négociations s’enferrent sur des détails techniques (moyens, plans, munitions) ou politiques (statut des prisonniers, projet de gouvernement d’union) aussi prématurés que sans rapport avec le sujet – et d’autant plus que certains s’efforcent de noyer le poisson. Inconscients de l’urgence de la situation (les Slovaques), ou carrément indifférents à celle-ci (les Soviétiques), les négociateurs pensent avoir tout leur temps. Ce qui n’est hélas pas le cas de tout le monde, notamment de l’autre côté des Carpates.

Banská Bystrica – L’ultime maladresse du ministre Mach (lequel, désormais déchu de tout titre, n’est plus rien d’autre qu’un cadavre politique) n’a effectivement pas donné lieu, pour l’heure, à une réaction allemande majeure. C’est à peine si les SS de Martin ont commencé à sortir de leurs casernes pour ratisser la campagne, attendant sans doute des renforts et d’évidence préoccupés avant tout par la protection de leurs familles.
Ján Golian se voit donc conforté dans son analyse de la situation – les Allemands ne sont pas prêts. C’est heureux, car les Slovaques non plus. Aussi, avec le ministre Ferdinand Čatloš – qui prépare au même moment un discours flamboyant destiné à galvaniser la résistance de tous – le lieutenant-colonel retourne à ses préparatifs. Un point l’inquiète particulièrement ces temps-ci : le carburant. Les réserves de l’armée slovaque sont restées à la raffinerie de Dubova – impossible de les transférer d’un coup évidemment. Et maintenant, avec les Allemands au milieu, cela risque d’être encore plus difficile…

L’honneur d’un amiral
Ultimatum
Palais Budavár (Budapest), 18h00
– La prédiction du général de Nagybaczon vient hélas de se réaliser – mais d’une manière moins guerrière que prévu, du moins pour l’instant. En effet, la Chancellerie du Reich adresse ce matin une véritable sommation à la Hongrie, sous la forme d’un pli signé de la main du Führer en personne.
La missive, d’une synthétique froideur, comporte trois « directives ».
En premier lieu, le gouvernement Kállay, beaucoup trop compromis avec les Alliés, doit démissionner sans délai pour laisser la place à un nouveau cabinet, dirigé éventuellement par László Bárdossy – mais pas forcément. Le Reich se réserve évidemment le droit d’émettre un « avis amical » sur les ministres pressentis, dont on se doute bien qu’une majorité devra venir du mouvement des Croix-Fléchés.
En second lieu, les lois anti-juives, appliquées avec un zèle plus que modéré par l’administration actuelle – et de toute façon d’une ampleur très insuffisante – doivent être renforcées aussi vite que ce sera techniquement possible afin que le statut des Juifs hongrois s’aligne enfin sur ceux des autres pays inféodés au Reich. Il va sans dire que la définition même des Juifs devra également être remaniée afin de lui donner un sens moins restrictif (voir appendice 1).
Enfin, sitôt le gouvernement Kállay destitué, le régent Horthy est prié de se rendre à Berlin « sous 48 heures de la réception du présent courrier », afin de « rencontrer le chancelier Hitler dans une ambiance apaisée, qui permettra de mettre à plat les divergences entre nos nations et de collaborer enfin d’une manière constructive » !
Face à ses ministres catastrophés, Horthy ne peut que suffoquer d’indignation : « En somme, l’Allemagne exige tout à la fois le contrôle de notre gouvernement, de nos citoyens et de ma personne ! »
La mine sinistre, Miklós Kállay répond : « Je crains que l’heure décisive ait sonné, Régent. »
Le général Nagy de Nagybaczon complète immédiatement : « Et la Honvéd n’est absolument pas préparée à un choc contre la Heer ou contre la SS. Presque toutes nos unités sont imbriquées dans le dispositif allemand et loin de nous, en Délvidék ou bien dans les Carpathes. Je crains des massacres, des redditions… des trahisons, même. »
– A votre avis, Messieurs, pourquoi me convoquer auprès d’Hitler ? Qu’a-t-il à craindre de moi ?

Miklós Kállay répond, sur un ton qui n’a rien de la flatterie : « A l’évidence, Régent, le chancelier Hitler craint toujours votre popularité. Nul doute qu’il vous préfère absent lorsque ses armées déferleront sur nous – ce qui arrivera immanquablement. Si vous êtes en Allemagne, vous serez son prisonnier et son otage. »
– Mais c’est immonde ! Pensez-vous vraiment que le Reich soit tombé aussi bas ?

Un flottement gêné, des regards navrés échangés entre les ministres… Kállay se racle la gorge avant de reprendre la parole : « Régent, Amiral… Kormányzója (1)… Je vous supplie de nous pardonner, mais les circonstances nous conduisent à vous révéler quelque chose qui est advenu sous le gouvernement Bárdossy et que nous avions choisi de taire, pour le bien de tous. »
Le ton est lugubre, et Horthy, alarmé, se lève soudain : « Comment ? Enfin, par Dieu, de quoi parlez-vous ? »
– Vous vous souvenez très certainement, Régent, des circonstances de notre déclaration de guerre contre l’URSS. Initialement, la très grande majorité de l’Armée et du gouvernement étaient plus que réticents à se joindre à l’Allemagne dans ce conflit…
– Avec raison, quand on voit aujourd’hui le résultat ! Mais j’ai bien dû me résoudre à la signer, car les Rouges avaient choisi de nous considérer comme belligérants de fait ! Ils avaient même commencé à bombarder nos troupes à… à…
– A Kassa, Régent. Toutefois, depuis mon arrivée aux affaires, j’ai demandé au général Nagy de Nagybaczon, ici présent, de bien vouloir enquêter et de me préciser les circonstances de cette histoire. Et il s’avère que…

Kállay se tait. Il passe le relais au général, qui salue et considère Horthy droit dans les yeux avant d’avouer : « Il s’avère que, ce maudit 17 mai 1942, les avions russes n’ont jamais bombardé nos troupes. C’était des avions allemands, commandés par le colonel Cuno Heribert Fütterer, de la Luftwaffe. Pire encore, toute cette affaire a été montée avec la complicité de certains officiers de notre propre Armée et de ministres du gouvernement Bárdossy (2). Le tout afin de vous abuser et d’engager la Hongrie dans le conflit. »
Après cette révélation fracassante, un silence pesant se fait, alors qu’Horthy, près de s’effondrer, s’appuie de tout son poids sur la table. Le ministre des Affaires étrangères Jenő Ghyczy de Ghicz ose alors reprendre la parole : « Ce qui explique pourquoi les Russes ont dans un premier temps refusé notre déclaration de guerre, en nous suggérant d’attendre les résultats d’une enquête. L’ambassadeur József Kristóffy m’a longuement décrit le visage “très surpris” du ministre Molotov lors de la remise de cette… »
– Mais pourquoi m’avoir caché tout cela, Messieurs ?
– Nous ne l’avons découvert qu’il y a six mois à peine. Et nous avons craint, dans les circonstances… complexes que nous traversons actuellement, une juste colère de votre part. A l’évidence, cette précaution a été inutile.
– Effectivement… Je vais prendre quelques instants pour réfléchir à tout cela. Après tout, le Reich nous offre généreusement 48 heures pour agir. Je vous annoncerai ma décision dans la soirée – si je vais en Allemagne ou pas. Si… si j’appelle à la résistance ou pas. Et si je livre notre pays ou pas. Messieurs, je souhaiterais rester seul.

Les trois ministres quittent la pièce sans que l’amiral leur adresse un regard. Il se rassied et, le menton lourdement posé sur ses deux mains, contemple d’un regard vide l’éclat de la grande table marquetée. Qui peut dire ce qu’il fera, comment il utilisera le pouvoir considérable qu’il tient encore entre ses mains. “Pour Dieu et la Nation !”
………
Berlin, 20h00 – A des centaines de kilomètres, Adolf Hitler s’apprête à dîner en compagnie de son cercle restreint de confidents. Parmi eux, bien sûr, sa compagne Eva Braun, et, comme souvent, les époux Goebbels. D’un ton presque léger, le Führer évoque avec son ministre l’ultimatum envoyé à la Hongrie.
– Pensez-vous que le vieil amiral va plier, Goebbels ?
– Je n’en doute pas, mon Führer ! C’est un dégénéré enjuivé. Savez-vous qu’il a même deux dragons tatoués sur les bras ? Comme tous les marins alcooliques de Méditerranée !
– Oui. Mais c’est aussi un véritable soldat, qui a commandé une flotte victorieuse à Otrante.
– Victorieuse d’avoir fui devant les cuirassés britanniques, avec tout le respect que je vous dois, mon Führer.
– Nous verrons bien. On m’a dit que la devise de son école navale était
« Le Devoir a plus de valeur que la vie ». Sans doute verra-t-il où se situe son devoir. J’ai hâte que nous puissions éradiquer la lèpre juive qui infeste son pays. Qui sait, dans quelques années, il me remerciera même ! De toute façon, une fois la Hongrie sous contrôle et notre ami Pavelic aux affaires en Yougoslavie, nos petits désagréments balkaniques seront enfin terminés. Ah, le dîner est servi !
Les convives sourient comme des loups devant le chef de la meute alors que les serveurs SS entrent dans la pièce, accompagnés comme il se doit du goûteur particulier d’Hitler. Les plats sont servis, des mets de choix sont dégustés et la conversation dérive vers d’autres sujets alors que partout ailleurs en Europe, des milliers d’hommes et de femmes souffrent et meurent – que ce soit du fait de leurs croyances, de leurs origines ou de leurs serments.
Cela les consolerait-il de savoir qu’avant un an, la plupart des dîneurs de ce soir seront morts – et, presque tous, de leur propre main ?

Marguerite d’acier
QG de la 1ère Armée hongroise, Szarvasháza, 23h00
– Au beau milieu de la nuit, et sans que rien ni personne ne l’ait averti au préalable de ce qui se joue dans la capitale, le major-général Béla Miklós Dálnoki reçoit de la part de son chef d’état-major le lieutenant-général Ferenc Szombathelyi l’ordre de placer ses troupes « en état d’alerte, prêtes à toute éventualité. » Un message ambigu (mais les lignes sont surveillées !), sans plus de détails… Mais Dálnoki n’a pas besoin qu’on lui précise de quelle éventualité il s’agit – la foule de mouvements allemands en cours sur ses arrières (officiellement, on parle de ces faux-jetons de Slovaques, mais personne n’est dupe !), ainsi que le simple fait qu’en face, du côté des lignes soviétiques, tout est calme, ne peut que signifier qu’une chose : la Hongrie doit se préparer à un changement de camp, suivi d’une inévitable agression nazie.
Béla Miklós Dálnoki est militaire de carrière depuis 1910, parfaitement loyal au régent qui lui avait, en 1929, confié son cabinet militaire avant de le décorer de l’ordre du Vitéz pour services rendus. Dálnoki a également été attaché à Berlin puis Stockholm entre 1933 et 1936, avant de diriger à nouveau le cabinet militaire du Régent à la déclaration de guerre. C’est donc aussi un homme d’appareil, qui sait tout de la violence des Allemands comme des faiblesses hongroises.
Et c’est là que le problème se pose. Car, si le major-général veut bien se préparer à affronter le Reich au côté des Soviétiques – il est clairement partisan de ce « Kiugrás » (Sauter dehors !), encore faut-il en avoir le temps et les moyens ! Ses forces, déjà qualitativement inférieures à celles de leurs adversaires passés comme à venir, sont tout autant en infériorité numérique. Plus grave encore, il n’est pas du tout certain que ses hommes obéissent à un ordre qui conduirait de fait à livrer une partie de la Hongrie éternelle aux Communistes.
Ceci, alors qu’il ne sait même pas quand, au juste, le Régent a prévu de « sauter »… Le temps manque pour s’assurer de chacun. Malgré tout, Dálnoki fait partir ses ordres de « mise en alerte renforcée » à destination de ses chefs de corps, Ferenc K. Farkas et Jenö Halmaji Bor (6e et 8e CA). Il décide aussi de chercher dès à présent le moyen de contacter les Soviétiques. Enfin – au moins, il n’aura plus à supporter d’aller voir Ferdinand Schörner, encore plus infect que Gotthard Heinrici. C’est déjà ça. Et avec un peu de chance, son sentiment sera partagé par la majorité de ses troupes…
Il ignore à quel point, parmi celles-ci, les opinions sont partagées. Et une copie de ses ordres trouvera vite le chemin des QG allemands de Katowice et Klausenburg.


Notes
1- Altesse sérénissime. C’est le titre officiel de Horthy : “Son Altesse Sérénissime le régent du royaume de Hongrie”, soit “Főméltósága a Magyar Királyság Kormányzója”.
2- Il n’est pas certain que Bárdossy ait été effectivement au courant de ce coup monté. Mais il l’arrangeait si bien qu’il ne chercha jamais à en savoir plus. Interrogé sur les incohérences du dossier, il répondit simplement : « Puisque l’état-major, manifestement d’accord avec les Allemands, a constaté que c’était les Russes et que le gouvernement y croit, c’est ainsi et pas autrement ! »


Dernière édition par Casus Frankie le Mer Avr 27, 2022 10:45; édité 1 fois
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Avr 27, 2022 10:42    Sujet du message: Répondre en citant

Appendice 1
Les Juifs en Hongrie, de 1919 à 1944
Des boucs émissaires fantasmés


« L’antisémitisme hongrois avait toujours eu pour spécificité d’être davantage culturel que lié à un quelconque programme politique. En effet, la population magyare de religion hébraïque présente sur le territoire post-Trianon n’avait jamais rencontré de véritable problème d’assimilation jusqu’aux années Vingt, attachée qu’elle était à fondre son petit nombre dans la masse de la population. Ainsi, en 1930, on ne dénombrait que 446 000 Juifs sur un total de 8 688 300 habitants. Et près de 54 % des Juifs habitaient Budapest.
Autant dire qu’il était possible pour un Hongrois de la campagne de ne jamais croiser un Juif de toute sa vie. Et pourtant, parmi les conséquences complexes du traité de Trianon, les minorités servirent une fois de plus de bouc émissaire à la frustration populaire. La libération de Budapest par les forces d’Horthy fut ainsi l’occasion d’exactions qui firent plus de 5 000 morts, dont de nombreux Juifs, et le 26 septembre 1920, un numerus clausus anti-juif était instauré à l’université, pour complaire à la vindicte d’une partie de la population.
Toutefois, le nouveau Régent, une fois intronisé, se montra vite plus pragmatique qu’idéologue. Il semble que, dans son esprit, une distinction se soit opérée entre « mauvais Juifs » – comprendre les communistes de la République des Conseils, assurément d’origine étrangère – et « bons Juifs » – les citoyens hongrois qui contribuaient à l’économie du pays. Au-delà de cette différenciation d’une générosité toute relative, on peut toutefois remarquer que l’amiral tenta de limiter ce qu’il considérait comme « leur emprise [excessive] dans le domaine économique », notamment par la loi XXVI/1920, qui autorisait à exproprier les biens acquis après 1864 au bénéfice des héros de guerre – or, les Juifs n’avaient le droit d’acquérir des terres que depuis 1867. Néanmoins, par sagesse sinon par bonté d’âme ou par conviction, il faut reconnaître qu’Horthy s’attacha, les premiers temps de son règne, à protéger les membres du culte mosaïque contre la violence populaire et à tempérer les haines anti-juives, n’hésitant pas pour cela à s’opposer à Gyula Gömbös et à son parti MOVE.
La crise économique de 1929 porta hélas un premier coup à ce fragile équilibre magyar, notamment quand les membres de l’association étudiante Turul descendirent dans la rue pour protester contre le chômage de masse, conséquence selon eux du « réseau des Juifs se réservant les postes » (rappelons que le « réseau » en question ne totalisait que 6 % de la population environ). Suivirent une salve de vexations destinées à calmer cette colère : les Juifs furent petit à petit exclus de l’administration et on leur interdit de changer de nom. Ces mesures n’allèrent toutefois pas plus loin : la croissance économique retrouvée et le stoïcisme de la communauté firent oublier ce pénible épisode.
Il fallut donc attendre l’Anschluss pour que la situation évolue de nouveau. Désormais frontalière de l’Allemagne d’Hitler, la Hongrie fut contrainte de suivre son exemple. Le 29 mai 1938 était promulguée la loi XV/1938, dite “première loi anti-juive”. Cette dernière définissait comme juive – et c’était une nouveauté en droit hongrois – toute personne faisant partie de la communauté religieuse juive, ou convertie au christianisme après 1919, ainsi que sa descendance. Toutefois, les invalides de guerre et certains autres anciens combattants étaient exclus de l’application de la loi : l’aura des combattants de la Premier Guerre Mondiale était encore vivace. Ce texte prétendait également, pour la première fois, limiter le nombre de Juifs dans des professions considérées comme stratégiques : médecins, journalistes ou encore avocats. Il déclencha évidemment de vigoureuses protestations dans les clergés catholique et calviniste, – mais cette loi était avant tout destinée à l’extérieur. Elle ne fut pour ainsi dire pas appliquée.
Par la suite, la tension anti-juive continua de s’aggraver, au fil de l’évolution politique. Car si les conquêtes allemandes permirent à la Hongrie d’accroitre notablement son territoire, les annexions de la Slovaquie, de la Ruthénie, de la Transylvanie et enfin de la Bucovine et de la Voïvodine conduisirent le Royaume à hériter successivement de 78 000, 72 000, 149 000 et 20 000 Juifs ! Signe des temps qui allaient s’assombrissant, les Juifs yougoslaves subirent un véritable massacre de la part de la Honved – la plupart fuirent vers la Serbie. Mais nonobstant ces chiffres, qui pouvaient paraitre impressionnants en valeur absolue, et une fois déduits les massacrés et les émigrés, la réalité démographique était là : fin 1941, les Juifs ne représentaient que 725 000 personnes sur… 14 683 000 Hongrois, soit 4,9 % de la population. Les annexions avaient en fait dilué le “problème juif”.
Face à ce qu’ils persistaient à voir comme une gêne, les éléments les plus durs du régime se lancèrent alors dans une véritable politique que nous pouvons qualifier “d’anti-assimilation” – en ceci qu’elle consistait essentiellement à renvoyer à leur identité réelle ou fantasmée des Juifs qui tentaient de plus à plus de se faire oublier en se comportant comme des citoyens modèles ! Les Croix-Fléchées les plus vindicatifs échafaudèrent ainsi le concept d’une “race hongroise” immanente, qui s’opposait évidemment pour partie à la “nation hongroise”, laquelle était temporelle et avait le malheur d’abriter ce serpent en son sein. Ces diatribes raciales ne furent pas encouragées par le régent Horthy – ce dernier n’y voyait qu’une source de division et de désordre. De surcroit, sur le plan strictement juridique, ces prétentions nazies n’avaient aucun sens : le droit hongrois ignorait alors le concept de “race” et considérait le judaïsme comme l’une des religions révélées !
Petit à petit, toutefois, les antisémites gagnaient du terrain. Sous leur pression fut adoptée la loi IV/1939 (dite “seconde loi antijuive”), qui définissait pour la première fois le concept d’une “race” (et non plus d’une confession) juive – entraînant l’annulation de fait d’un grand nombre de conversions au christianisme, voire de naturalisations. Ce texte, qui déclencha par ailleurs une véritable crise avec les églises chrétiennes, conduisit donc par la force des choses à la démission, au renvoi ou à la mise à la retraite de toute une cohorte d’enseignants et de juges réputés convertis, ce qui déstabilisa évidemment le pays. Par ailleurs, cette même loi interdisait désormais aux Juifs de participer aux élections de la Chambre haute, ou bien de diriger des journaux et des théâtres. La commande publique et la propriété foncière leur était également interdites – le souhait avancé étant encore une fois de réduire la part des Juifs dans le commerce. Le statut des Juifs devenait donc de plus en plus contraignant, malgré les nombreuses exemptions et oublis de la part d’une administration toujours très compréhensive.
Le déclenchement du conflit en 1939 porta un coup fatal à ces arrangements si hongrois en accentuant la dureté des positions allemandes au fil des succès de la Wehrmacht. En 1941, l’infâme gouvernement de László Bárdossy fut ainsi responsable de la troisième loi antijuive, plus ou moins calquée sur les textes de Nuremberg. Ce dernier texte entérinait définitivement le concept de « races hiérarchisées et immanentes », ce qui conduisait à l’annulation rétroactive des mariages de convertis, les couples mixtes étant interdits. Inutile de dire que ce texte déclencha une nouvelle bronca dans le clergé. D’autres lois suivirent, s’attachant toutes à décourager l’assimilation et à briser la résistance passive du droit hongrois et du régent Horthy – qui conservaient tous deux en héritage l’unicité impériale sur les plans religieux et linguistique. Ainsi, la loi VIII/1942 classa le judaïsme parmi les religions “non révélées”, entraînant de ce fait le rejet de ses pratiquants aux marges de la société (ce qui leur assurait paradoxalement un calme relatif).
Mais le pire, hélas, était à venir. Dès le début de la guerre contre l’URSS, 52 000 Juifs furent enrôlés, avec d’autres éléments “non fiables”, dans des bataillons de travailleurs forcés envoyés sur le front pour déminer ou creuser des tranchées au bénéfice de la 2e Armée hongroise. Les intéressés, toujours stoïques, s’y comportèrent fort bien, malgré les pertes – à tel point que le ministre de la Défense Vilmos Nagy devait plus tard louer leur utilité !
Puis vint la loi XV/1942, suggérée par le Reich, qui instituait “enfin” l’expropriation des terres agricoles et forêts… expropriation qui fut immédiatement dédommagée, selon les instructions du Régent, par l’émission de bons d’Etat sur 30 ans ! Ce texte, ultérieurement étendu aux autres secteurs de la vie économique, se révéla au final fort peu efficace et ne toucha que les propriétaires pauvres – les riches industriels bénéficiant d’exemptions permettant la poursuite d’une production qui servait alors beaucoup à l’Allemagne. Ainsi, les aciéries Weisz, détenues par des Juifs mais d’un intérêt vital pour l’effort de guerre, “aryanisèrent” simplement leurs actionnaires et poursuivirent leurs activités. Leur propriétaire, Ferenc Chorin, put même bénéficier de l’intervention personnelle d’Heinrich Himmler pour protéger ses employés – ce qui n’empêcha pas le Reichsführer SS de saisir l’usine par la suite, en laissant toutefois à son ancien possesseur le loisir de fuir vers la Suisse.
La chute du gouvernement Bárdossy mit heureusement un frein à ces avilissements, mais sans qu’il soit possible, pour des raisons bien évidentes, de revenir en arrière. Ainsi, le nouveau ministre de l’Intérieur, Keresztes-Fischer confiera ultérieurement « avoir bien appliqué les lois antisémites… pour ne pas avoir à faire davantage ! » La reprise en main des affaires du pays par le duo Kállay-Horthy offrit donc un répit inespéré. Il fallut attendre l’année 1944 pour que les lois allemandes interdisent définitivement la propriété et le travail aux Juifs, dans l’attente d’un sort fatal.
De tout cela, l’amiral Horthy n’était évidemment plus responsable. Mais il parait pour le moins osé, au vu de ses opinions exprimées et de ses actes, de l’ériger en défenseur des Juifs. Ce serait positivement grotesque – et d’ailleurs, aucun de ses thuriféraires ne l’a jamais fait, que ce soit par conviction ou par simple souci de crédibilité. »
(D'après Laurent Ray, La Shoah en Europe de l’Est, Albin Michel 2018)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Avr 27, 2022 11:15    Sujet du message: Répondre en citant

12 avril
Etat-croupion
Calme trompeur
Slovaquie
– Les Allemands ne réagissent toujours pas davantage que la veille aux affronts de Ružomberok et Martin. Pourtant, les officiers slovaques qui ont fait défection – et, au premier rang, Ján Golian et Ferdinand Čatloš – en sont persuadés : une opération de grande ampleur est imminente. Si elle n’est pas dirigée contre eux… ce doit être contre un plus gros poisson.

L’honneur d’un amiral
Marguerite d’acier
QG de la 1ère Armée hongroise, Szarvasháza
– Un calme trompeur règne sur les lignes de la 1ère Armée hongroise – laquelle a désormais dans son dos pas moins de cinq panzerdivisions (!) prêtes à bondir. Certes, il y aurait à Banská Bystrica deux divisions slovaques – alors, les panzers vont-ils s’occuper en premier de leur cas… ou de celui des futurs traîtres carpatiques ? Béla Miklós Dálnoki a son petit avis sur la question, quand bien même il n’a pas réussi à obtenir davantage d’informations de Budapest depuis la veille. Les lignes sont soit occupées, soit surveillées – ce qui explique sans doute qu’on ne lui dise pas grand-chose.
Seule bonne nouvelle dans ce chaos : ses deux chefs de corps ont accusé réception de son alerte. Sans plus de détails et, bien évidemment, sans qu’aucun plan d’ensemble ait encore pu être arrêté. Idéalement, il conviendrait donc que Dálnoki rencontre au plus tôt Ferenc K. Farkas et Jenö Halmaji Bor afin de définir une stratégie. Toutefois, cela ne pourra pas se faire avant demain. Dálnoki tient à organiser soigneusement son déplacement : il ne fait plus guère confiance aux Allemands, qui pourraient bien l’arrêter au premier carrefour ! D’ailleurs, Ferdinand Schörner chercherait à le convoquer dans son antre de Katowice. Heureusement que le Magyar a prévu le coup… De toute façon, l’armée hongroise n’en est pas à quelques heures près, non ?

Les affres de la décision
Palais Budavár (Budapest), 23h00
– La nuit est tombée depuis longtemps sur Budapest, sans que rien ne puisse dissiper les doutes qui assaillent l’amiral Horthy. Le Régent hongrois ne parvient tout simplement pas à prendre une décision. Toutes les possibilités qui lui sont offertes lui paraissent au mieux aventureuses, au pire dangereuses. Défier le destin et le chancelier Hitler, au mépris du danger pour sa personne – ce qui est évidemment un détail – mais aussi pour son pays ? Ou se coucher, et laisser la barre à un fou qui mène d’ores et déjà l’Allemagne à sa perte ? L’amiral ne sait pas, ne sait plus – de sa vie, il n’a jamais été à ce point au pied du mur. Et pourtant, à soixante-quinze ans, il en a vécu, des aventures !
Mais là n’est pas le sujet. C’est l’avenir de la Hongrie qui est en cause… et aussi la place que lui, Miklós Horthy, laissera dans l’histoire. Jusqu’ici, pourtant, il était l’homme providentiel, le père protecteur, le sauveur de la Nation. Comment en est-il arrivé là ? S’il avait su où le mènerait le hasard de la vie, lorsqu’il se formait à la navigation entre Trieste et Fiume ! C’était à une autre époque : la flotte de l’empire austro-hongrois vivait encore dans le souvenir de la cuisante défaite infligée aux alliés italiens de la Prusse, à Lissa, par l’amiral Wilhelm von Tegetthoff. Bien que battue à Sadowa, l’Autriche-Hongrie avait quand même tenu le choc, malgré toutes ses divisions !
« L’empire des Habsbourg, voilà une véritable référence ! » pense Horthy, alors qu’il cherche toujours la solution auprès de ses aînés et dans ses souvenirs. « Qu’aurait fait le grand Kaiser ? »
Car dans l’esprit du Régent, s’il est une figure paternelle, ce n’est pas son père, István Horthy l’ancien (3), mais bien François-Joseph. Quatre années à son service en tant qu’aide de camp ! Il s’en souvient encore fort bien : c’était en août 1909 et Horthy avait pris le commandement du cuirassé K.u.K. Kaiser Karl VI depuis deux mois à peine quand il avait été appelé à la cour de Vienne pour occuper ce poste prestigieux. Après un long voyage plein d’appréhension, on l’avait introduit, pétrifié d’émotion et muet d’admiration, auprès du souverain. Une timidité bien compréhensible, qui toutefois n’avait pas duré, du moins en société – deux semaines plus tard à peine, le jeune officier osait remettre en cause la structure du commandement pour suggérer de la décentraliser davantage, selon les suggestions de l’archiduc François-Ferdinand. Avaient suivi quatre années bénies à la cour de Vienne, entre études, vie mondaine et chasse à Bad Ischl (4). Le caractère austère de l’Empereur s’accordait parfaitement avec celui de Horthy – pendant ce temps, son épouse Magda faisait les boudoirs avec la princesse Marie-Josèphe de Saxe et son frère ainé István était maître de meute du Kaiser.
Hélas, au mois de mai 1914, il avait bien fallu que le nouveau capitaine de vaisseau Horthy retourne à Pola avant de prendre, durant l’été, le commandement d’un vieux pré-dreadnought, le Habsburg. La guerre grondait déjà, elle allait frapper.
Au début, Horthy s’était surtout ennuyé à quai sur le Habsburg : la Kaiserliche und Königliche Kriegsmarine avait compté sur l’appui de la Regia Marina face aux Français et aux Anglais pour atteindre une certaine parité numérique… mais l’Italie était restée neutre, avant de se retourner contre les Puissances Centrales, condamnant la flotte de ligne austro-hongroise au rôle de fleet in being ! Durant cette période sans relief, le jeune officier avait quand même eu l’occasion de briller en menant à bien une mission spéciale importante : le convoyage d’Allemagne à Pola du sous-marin U8, audacieusement maquillé en navire civil (5). Puis, une fois transféré sur le croiseur récent Novara, il s’était couvert de gloire lors du raid sur San Giovanni de Medua (6), avant de participer à celui contre Porto Corsini – qui restait en revanche un souvenir pénible (7). Mais moins pénible que la mort de l’empereur François-Joseph, auquel il pensait très souvent. Un portrait du souverain qu’il avait réalisé durant ses années à Vienne trônait encore dans son bureau à Kenderes. Une œuvre très ressemblante, très réussie, de l’avis du grand empereur lui-même.
Horthy se renfrogne un peu. Avec François-Ferdinand, qui affectait de ne jamais faire confiance à des Hongrois, les choses avaient hélas été plus compliquées… Mais cela ne l’avait pas empêché de commander à Otrante, et de vaincre, coulant un destroyer italien et le croiseur anglais Dartmouth (8) ! Une fois encore, il avait donné l’exemple, en continuant à commander sur un brancard, la jambe transpercée d’éclats et la casquette brûlée, après que les obus anglais aient ravagé la passerelle. Il avait ainsi mérité l’amour de ses hommes, comme ces machinistes qui montaient sur le pont pour lui offrir des cigarettes.
« Alors quoi ? Ai-je fait tout cela pour plier devant ce chancelier allemand… L’empereur n’aurait pas cédé, lui ! Comme à Pola. » Le visage de l’amiral se crispe tandis qu’il se remémore d’autres épisodes. Après avoir dirigé les réparations du Novara, puis être passé sur le dreadnought Prinz Eugen, Horthy a passé deux ans à constater la montée de l’agitation et du nationalisme dans la flotte. Les minorités croates et dalmates – la plupart du temps majoritaires dans les équipages, du fait du peu de goût des Austro-Hongrois pour la chose maritime – conspiraient sans cesse, s’exprimant à mots couverts dans leurs langues (9).
Les événements se précipitaient. Le 5 octobre 1917, le torpilleur TB.17 faisait défection vers l’Italie. En février 1918, les marins de la base de Kotor – essentiellement des Tchèques et des Croates – élisaient des conseils nationaux sur le modèle bolchevique, avant que l’armée de terre ne ramène l’ordre sans effusion de sang. Afin de changer l’état d’esprit de la marine, le haut-commandement, voyant (déjà !) en lui un homme providentiel, le bombarda tout à la fois commandant de flotte et contre-amiral – une décision accueillie avec enthousiasme par les marins. Horthy avait tous les pouvoirs, les deux autres contre-amiraux à Vienne ne servant que de conseils. Il s’opposa immédiatement à la sédition en créant un office de contre-propagande. Quand ce fut nécessaire, il sévit aussi, notamment en faisant exécuter publiquement deux marins italiens du torpilleur TB.80 qui avaient comploté d’assassiner leur commandant – une affaire qui lui valut le surnom quelque peu exagéré de “boucher de Cattaro”. Et surtout il tint bon, sur le plan professionnel – quand une vedette italienne coula le cuirassé Szent István d’une torpille, le 10 juin 1918 – comme sur le plan personnel – quand sa fille aînée mourut, le 3 octobre.
Pourtant, malgré son rang, son prestige et ses efforts, le contre-amiral Horthy devait échouer.
Encore un souvenir. Dans la baie de Pola, le jeudi 31 octobre 1918. Il est 16h30, la mer est belle mais le temps froid et Horthy se revoit sur le pont du Viribus Unitis, le vaisseau-amiral et l’orgueil de la flotte. Il va alors connaître son plus cuisant échec, la plus douloureuse humiliation de sa vie.
L’Autriche-Hongrie part à vau-l’eau. Le front s’est effondré et l’empire lui-même vacille. Depuis maintenant quatre jours, le contre-amiral ne contrôle plus sa flotte – son propre navire est désormais dirigé par un commandant élu, le médecin slovène Jug ! Le matin même, il a reçu un télégramme du kaiser lui donnant l’ordre de « céder la flotte aux forces yougoslaves, afin qu’elle ne devienne pas l’otage des discussions en cours avec les puissances alliées » – de fait, l’empereur craignait surtout que ses navires ne tombent aux mains des Italiens. Il lui a donc fallu, hélas, recevoir les mutins à 9h00 passées, le plus froidement possible. Horthy a posé ses conditions, symboliques faute de mieux : il promet de débarquer à 17h00 et refuse, jusque-là, que l’on hisse le drapeau yougoslave.
Le voilà qui sort sur le pont, accompagné de quelques officiers loyaux. Son ordonnance porte ses valises – mais il a choisi de garder contre lui le portrait du souverain, son fanion de commandement et le pavillon d’honneur du navire. Tout l’équipage est là, rassemblé, et observe la scène dans un silence troublé seulement par le piaillement de quelques mouettes. Ils ne savent pas qu’il y a quelques instants à peine, il a envoyé au palais impérial de Vienne le télégramme suivant : « Sur le point de remettre – conformément à vos ordres – la flotte impériale aux Yougoslaves, je me sens obligé, en ces dernières minutes où le drapeau rouge-blanc-rouge honorable et invaincu flotte encore, de témoigner à Votre Majesté de mon indéfectible loyauté. » Horthy s’arrête un instant devant l’officier qui va prendre le commandement du Viribus Unitis : le capitaine de vaisseau Janko Vuković, un Croate considéré parmi les plus loyaux – ce qui ne fait évidemment pas de lui le choix des mutins, mais plutôt celui d’Horthy. Le contre-amiral reste un instant debout dans la brise, dérisoire avec son portrait sous le bras, face à ces milliers d’yeux qui l’observent. Il est terriblement ému et ne trouve pas les mots – aussi, il décide de ne faire aucune déclaration. Alors qu’il descend l’échelle de coupée, il sait que partout dans la baie, des dizaines d’autres gradés font de même. Il est 17 heures. Un coup de canon retentit. On amène le drapeau impérial pour le remplacer aussitôt par la bannière tricolore de la future Yougoslavie.
Et le contre-amiral sans flotte rentre à Vienne dans l’amertume, avec sous le bras ses reliques et dans sa poche un télégramme reçu le jour même, qui lui notifie enfin officiellement sa promotion de février précédent ! Mais sans un regard pour les marins, qui s’entredéchirent déjà entre Serbes et Croates. Il apprendra dans le train le naufrage du Viribus Unitis, torpillé à l’ancre par des Italiens qui n’appréciaient déjà guère les Yougoslaves. Le vaisseau amiral et son nouveau commandant n’ont pas survécu à la fin de l’Empire – Kaisertreu bis den Tod !
Horthy, lui, but le calice jusqu’à la lie en étant reçu le 8 décembre par François-Ferdinand, dans un palais de Schönbrunn quasi désert, afin se démettre officiellement de sa charge. Ce pathétique constat d’échec mettait un point final à sa carrière dans ce qui avait été la flotte d’une des nations les plus puissantes du monde. Ensuite… Retour par Budapest vers Kenderes avec sa famille revenue de Baden, dans la perspective d’une vie de propriétaire terrien après sa mise à la retraite. Son désarroi avait impressionné tous les témoins, de l’empereur à ses compagnons de voyage, tel le conseiller d’ambassade Aladar von Boroviczény, qui racontera « avoir rarement vu un homme aussi ébranlé ». De fait, en y repensant encore aujourd’hui, le Régent a les larmes aux yeux.
« Alors, l’Histoire va se répéter ? Après avoir rendu la flotte, tu vas rendre le pays ? »
La main droite du régent s’abat sur la table pour mieux appuyer son propos. « Nem, nem, nem ! Pas cette fois ! » La Hongrie n’est pas seule au monde ! Les forces de la Justice et de l’Ordre campent à quelques centaines de kilomètres d’ici à peine. Et même si elle était seule… « Je ne serai pas l’homme qui a baissé le pavillon deux fois ! » Il est Miklós Horthy, fils d’une antique famille de Sicules de la Grande Plaine de Transylvanie, anoblie par Ferdinand II en 1635 et dont les armes sont d’azur à l’épi d’or. Il n’a pas fait tous ces efforts, étudié avec acharnement à Debrecen (la “Rome calviniste” est aussi le temple du nationalisme hongrois), argumenté sans fin avec ses parents pour rejoindre la marine (alors que son père l’aurait vu plutôt dans la cavalerie ou l’administration), pour plier encore une fois !
Qu’aurait fait le kaiser François-Joseph ? Il aurait eu confiance en son peuple et son armée. Comme lorsqu’il faisait confiance à son aide de camp. Pareil pour Charles IV de Hongrie (Charles 1er d’Autriche), qui s’était fait couronner en pleine guerre – je le sais, j’y étais. De toute façon, ils n’auraient pas fait moins que les Bulgares ou les Roumains !
Car lui, Miklós Horthy de Nagybánya, est le gardien du temple austro-hongrois, l’héritier des Kaisers par l’esprit sinon par le sang. Il est régent de Hongrie, le véritable homme providentiel qui s’est déjà sacrifié une fois pour ramener l’ordre dans son pays en proie au chaos.
Il se souvient aussi du 6 juin 1919, quand il était venu à la rencontre de Károlyi et de Bethlen, qui l’avaient tous deux approché pour prendre le commandement des armées dites “contre-révolutionnaires”. Il avait sans doute sensiblement travaillé la mise en scène – son entrée théâtrale en imperméable, son discours lyrique un peu convenu : « Après avoir lutté avec ma conscience, je suis venu. Je m’engage. Je n’écouterai pas le bruissement de l’herbe à Kenderes alors qu’à Szeged le génie hongrois déploie ses ailes pour une seconde conquête du pays ! » Sa poignée de main avec Károlyi devant les photographes suivit juste après. L’important était alors de remobiliser les hommes et de rassembler un pays en perdition. Ce qu’il avait fait avec brio. Sitôt engagé, il était bombardé ministre de la Défense et nouveau commandant des armées nationalistes hongroises, prêtait serment le 15 juin (avant le reste du gouvernement !) et remontait triomphalement vers Budapest en écrasant le bolchevisme.
Evidemment, qu’il pensait déjà à la suite ! Comme tout le monde – Gyula Gömbös ne l’avait pas fait président d’honneur de son MOVE pour rien. Miklòs Horthy était déjà un symbole, et tout le monde veut récupérer un symbole. Mais il ambitionnait d’être davantage, et il avait sa propre idée en tête : faire don de sa personne à la nation hongroise pour empêcher sa dissolution. Le peuple suivait, d’ailleurs – on en faisait même des chansons. En l’absence de toute autre personnalité à la fois populaire et incontestable, il avait bel et bien pris les rênes du pays, et avec quel brio ! Alors que la Hongrie risquait de disparaître, dépecée entre la Tchécoslovaquie et la Roumanie avec l’appui de la France, Horthy avait négocié l’appui – ou au moins la neutralité – de l’armée française (colonel Betrix et général de Lobit), puis obtenu l’aide de la diplomatie britannique. Après l’écrasement de la République des Conseils, il avait contraint les Roumains à se retirer et enfin obtenu la reconnaissance de son gouvernement par le président serbe Stojan Protić – la première d’une longue série.
Après ces victoires, ce fut le triomphe du 16 novembre 1919. Son entrée dans Budapest sur son White Arab Charger préféré, sur une marche composée par son frère Ferenc. Sa traversée de la ville tel Arpád le conquérant, avant de prononcer un discours devant 30 000 personnes auparavant induites en erreur par les Conseils grâce au charme de leur égalité de façade. « Une ville coupable, une ville dévoyée ! » avait-il dit. Une restauration nationaliste, s’appuyant sur la religion, serait évidemment son mot d’ordre pour « une Hongrie chrétienne glorieusement ressuscitée ! Vive la Sainte-Couronne et vive le Roi ! »
Oui, mais quel roi ? Les puissances étrangères ne voulaient ni d’un Habsbourg, ni d’un bolchevique, et encore moins d’un démocrate. Faute d’une vraie alternative, la nouvelle assemblée l’avait donc nommé Kormányzó le 1er mars 1920 par 131 voix sur 141. Fidèle à son nouveau serment, il allait donc « défendre le territoire et l’indépendance du pays » avec son Premier ministre, le comte Mihály Károlyi. Pour cela, il aurait la totalité du pouvoir exécutif (10).
Il n’avait profité que de petits plaisirs parmi ceux que lui offrait son statut. Les vacances au château du comte Gassalkoich à Gödöllő. Les longs séjours d’été dans le domaine de Kenderes, réaménagé pour le sport et l’équitation. Dans le fond, Horthy avait toujours affecté de mépriser le luxe. A son âge, son rituel de vie était bien établi : lever à 7 heures pour un petit déjeuner salé tout en lisant les journaux, puis il s’installait à son bureau pour contempler le portrait de François-Joseph avant de sonner son aide de camp… comme le Kaiser le faisait jadis avec lui (11). De rares soirées au théâtre ou à l’opéra (Ah, Caruso dans la Tosca de Puccini !), un peu de cinéma (Hans Mose et Paul Hörbiger notamment) et surtout beaucoup de bridge. Puis un peu de lecture après le dîner tandis que sa femme tricotait près de lui, pour se coucher vers 23 heures. Douce Magdalena – 43 ans de vie commune ! Quelle chance que cette fille de député l’ait épousé, lui un simple officier de marine, acceptant de vivre sur les hauteurs de Pola et de lui donner quatre enfants… dont seul Miklós survit aujourd’hui.
« Et on ose dire que je n’ai agi que pour l’argent ou pour la gloire ! Alors que j’ai tout fait pour ce pays ! J’ai mérité ma place. »
De fait, grâce à son action – ou tout au moins sous son gouvernement – l’économie hongroise a connu un rebond remarqué… jusqu’à la guerre bien sûr. « Et si j’ai alors pris des mesures énergiques, c’était pour le bien de tous ! Pour le salut de cette nation divisée, qui avait besoin d’un roi ! D’un empereur même, qui seul pourrait lui rendre sa grandeur ! Pour cela, j’ai tout assumé, tout subi… »
Et en parlant de subir… « Le pire fut ce fichu traité du Trianon, que j’ai bien dû parapher le 15 novembre 1920 ! Quel choix avais-je ? Le pays avait tellement souffert ! Il était à la merci des Bolcheviques ou des Roumains, soutenus par les Français. Nous venions à peine de reprendre Budapest – il fallait bien accepter ! Qu’aurais-je dû faire au juste ? Partir comme les Habsbourg ? Les mêmes qui sont revenus en 1921 pour me rappeler à mon serment, alors que tout était fini ! »
De même, si la Hongrie était entrée dans l’Axe fin 1940, ce n’était pas par choix, mais par obligation. Tout comme elle s’était alliée à l’Italie en 1927 par pragmatisme… d’ailleurs, les Italiens avaient été bien plus bruyants qu’efficaces (12).
« Les Français, eux, n’ont jamais saisi la main que nous leur tendions ! » La Petite Entente, l’union économique du Danube… Chimères que tout cela ! Louis Barthou lui-même avait osé parler du « retour de la Transylvanie à la Roumanie ! » Hypocrite ! Quant aux emprunts français, ils valaient à peine plus que la fausse monnaie que Budapest avait imprimée (13) !
« Enfin, l’Allemagne, c’était faute de mieux – les Occidentaux le comprendront forcément ! Toute notre action, tous nos efforts, toutes nos compromissions mêmes n’ont eu qu’un but : récupérer ce qui nous avait été injustement arraché ! Ils finiront par le comprendre ! Il faut absolument qu’ils finissent par le comprendre ! »
Horthy masse ses tempes douloureuses. Peut-être avait-il fait quelques… erreurs. Non dans l’esprit mais dans la forme. Comme avec Gyula Gömbös, par exemple. « Je n’ai jamais eu la moindre sympathie pour cet individu. C’était un populiste anticlérical ! Le culte du chef, c’était son leitmotiv ! Certes, j’ai été le président d’honneur du MOVE… mais nous étions en guerre civile. Et j’ai fait ensuite beaucoup d’efforts pour neutraliser cet homme. »
L’amiral se lève d’un bond : « J’ai même renié mon serment de soldat pour la Hongrie ! » Sa décision est prise. Comme à son habitude, elle est le fruit de la pression des circonstances et de ses convictions propres – d’aucuns diraient de ses espoirs. Il sonne son aide-de-camp d’un geste vif. « Kállay et ses ministres m’ont demandé de sauver la Hongrie. Eh bien, puisqu’on ne me laisse pas le choix, je vais sauver la Hongrie ! Après tout, nous ne sommes pas seuls au monde entre les Rouges et les nazis ! Les Anglais furent des adversaires compétents et chevaleresques (14) – ils seront des alliés fiables ! Allons, pour Dieu et la Nation ! »
………
Quelques instants plus tard, le jeune aide de camp du Régent ressort de son bureau en s’éclairant avec un chandelier (rationnement de l’électricité et couvre-feu obligent). La tête pleine des glorieux souvenirs de son chef, il est très fier de le servir. Le vieux lion a choisi de rejeter l’ultimatum allemand ! Et il demande de préparer la nation hongroise à une déclaration de neutralité, neutralité qu’il faudra sans doute défendre. Ce sera vraisemblablement avec l’appui des Anglais – les Yougoslaves, nos voisins du sud, ne devraient guère nous aider, bien que, dans le fond, nous n’ayons jamais rien eu contre eux.
Contre les Allemands, c’est autre chose. Les Germains ont pensé nous acheter avec nos propres terres et même nous embrigader comme des mercenaires. Ils risquent d’être déçus. Sans parler des Croates et des Slovènes… tant pis pour eux.
Les rumeurs sur la fatigue du Régent sont plus qu’infondées – lui qui le côtoie tous les jours peut en témoigner ! L’amiral mérite sa place et l’amour que lui voue la nation – un amour qu’elle lui conservera encore bien après cette guerre (15). Il est en pleine forme, animé d’une énergie qu’on n’imaginait plus… A soixante-quinze ans ! Quel homme ! Pál Teleki était un lâche, voilà tout. Traiter le Régent de vampire !
L’aide de camp frissonne – un brusque courant d’air froid vient de souffler sa chandelle. Il s’arrête, sort son briquet et entreprend de la rallumer avec nervosité – les ténèbres sont si épaisses ce soir. Après avoir jeté un coup d’œil circulaire parmi les ombres du palais, le jeune homme reprend sa marche dans les couloirs déserts en fredonnant une chanson nóták qui fut naguère à la mode…
« C’est toi Miklós Horthy le guide des Hongrois,
Dans notre douce patrie amputée nous sommes fiers de toi,
Nous prions pour toi le Dieu du Ciel
Qu’il te donne la force d’accomplir ta grande tâche,
De trouver la force pour la victoire
Afin que le bonheur revienne en ta belle Hongrie ! »

………
Pour faire basculer le Destin, il peut suffire d’une pichenette…

Notes
3- Selon une tradition bien établie depuis le XVIIIe siècle, tous les fils ainés Horthy étaient prénommés István. Le vice-régent n’avait évidemment pas fait exception.
4- Où se trouve toujours une statue en bronze figurant le kaiser François-Joseph en tenue de chasse.
5- En dehors de ce fait d’arme, sa principale contribution à la guerre pour la période 1914-1915 fut de… raser sa moustache suite à un pari, au bénéfice d’une collecte pour la Croix-Rouge !
6- Le croiseur Novara, accompagné de quatre destroyers, avait surpris au saut du lit une marine italienne pour le moins dilettante. Entrant carrément dans l’anse, les Autrichiens ordonnèrent aux équipages des navires présents de saborder leurs bateaux ! Pas moins de 23 bâtiments furent coulés, sans perte pour les Austro-Hongrois.
7- Le raid sur Porto Corsini (le port d’Ancône) tourna au drame quand le destroyer Scharfschütze orienta son tir vers le front de mer, causant de nombreux morts parmi la population civile. Le commandement de l’expédition était alors assuré par l’amiral Haus et non par Horthy.
8- Ici, Horthy enjolive… Son escadre, composée de trois croiseurs et deux torpilleurs, détruisit une vingtaine de chalutiers porteurs de filets anti-sous-marins avant d’être prise à partie par deux croiseurs britanniques, renforcés d’un croiseur et de deux destroyers italiens. L’un de ces derniers fut détruit, mais les Austro-Hongrois durent s’enfuir vers Pola, poursuivis par les Alliés. Seule la sortie du cuirassé Sankt Georg et de son escorte leur évita le désastre ! Quant au Dartmouth, il fut en réalité coulé après la bataille, par un sous-marin !
9- Contrairement à l’armée de terre impériale, qui disposait de régiments de même appartenance linguistique avec des officiers “locaux”, la marine conserva jusqu’au bout une tendance centralisatrice. La langue de commandement, celle de la majorité des officiers, resta donc l’allemand. Horthy lui-même s’y plia, et de bonne grâce. Signalons à ce propos que l’Ecole navale de Fiume avait été fondée en 1797 à peine, après la paix de Campoformio – c’est dire si c’était une priorité de l’empire !
10- Sauf pour ce qui est de l’attribution des titres de noblesses et des patronages ecclésiastiques. Par ailleurs, le Régent pouvait renvoyer deux fois une loi devant les parlementaires et leur proposer un texte.
11- Les liens qui avaient uni Horthy et François-Joseph restaient puissants : c’est l’amiral qui déposa le masque mortuaire du souverain au musée de Budapest le 22 novembre 1926.
12- La Hongrie signa son alliance avec l’Italie en avril 1927. Mais les Italiens allaient multiplier les initiatives malheureuses ou contre-productives. Ainsi, lors de l’inauguration de l’Exposition des Arts Italiens au Mücsarnok de Budapest en 1936, le secrétaire d’Etat Dino Alfieri se livra à une violente critique du traité du Trianon, en présence de l’amiral Horthy (auquel il souhaitait sans doute faire une fleur). Outré par cette attaque directe contre son pays, l’ambassadeur roumain Basil Grigorcea quitta la salle avec fracas, créant un grave incident diplomatique.
13- En 1925, désespérément à court de liquidités, la Hongrie s’était lancée dans l’impression de faux billets de 1 000 francs, avec la complicité des services de Ludendorff et (déjà !) d’Adolf Hitler. Evidemment, l’affaire finit par éclater au grand jour, ce qui causa un tort considérable au gouvernement hongrois.
14- Le 19 décembre 1915, en Adriatique, le croiseur Novara commandé par Miklós Horthy rencontra une flottille britannique composée d’un croiseur et d’un cuirassé ancien – lesquels le poursuivirent longuement. Frustré de devoir éviter un engagement inégal, Horthy suggéra au croiseur britannique « d’éloigner son grand frère » pour un duel équitable. La réponse du Britannique fut « I would but I can’t ! » – ce serait volontiers mais c’est impossible. Par ailleurs, Horthy connaissait bien l’Angleterre, notamment pour avoir participé avant la guerre à la négociation budgétaire de navires acquis au Royaume-Uni par l’Autriche-Hongrie. Il avait même assuré en personne la livraison du torpilleur Boa fabriqué en Angleterre.
15- Le règne du régent Horthy s’accompagna d’un culte de la personnalité qui en aurait remontré à l’Italie fasciste. On ne comptait plus les rues Horthy, les ponts Horthy, les prix Horthy. Des images d’Epinal en son honneur étaient distribuées aux écoliers et des pièces musicales lui furent consacrées, dont la fameuse marche transylvanienne En avant, glorieux soldats d’Horthy ! La littérature magyare ne fut pas moins dithyrambique, multipliant les publications élogieuses. Ces dernières (du moins celles qui ont survécu) sont désormais reléguées dans l’enfer de la Bibliothèque Nationale de Hongrie, section Matériaux réservés (Zárt anyag – comprendre “A manipuler avec précaution”).
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John92



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MessagePosté le: Mer Avr 27, 2022 11:44    Sujet du message: Répondre en citant

...
En effet, la population magyare de religion hébraïque présente sur le territoire post-Trianon n’avait jamais rencontré de véritable problème d’assimilation jusqu’aux années Vingt, attachée qu’elle était à fondre son petit nombre dans la masse de la population. Ainsi, en 1930, on ne dénombrait que 446 000 Juifs sur un total de 8 688 300 habitants. Et près de 54 % des Juifs habitaient Budapest.
Autant dire qu’il était possible pour un Hongrois de la campagne de ne jamais croiser un Juif de toute sa vie.
...
Néanmoins, par sagesse sinon par bonté d’âme ou par conviction, il faut reconnaître qu’Horthy s’attacha, les premiers temps de son règne, à protéger les membres du culte mosaïque ( ?????) contre la violence populaire et à tempérer les haines anti-juives, n’hésitant pas pour cela à s’opposer à Gyula Gömbös et à son parti MOVE.
...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Avr 27, 2022 12:14    Sujet du message: Répondre en citant

mosaïque = "de Moïse".
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Hendryk



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MessagePosté le: Mer Avr 27, 2022 12:23    Sujet du message: Répondre en citant

Horthy, malgré ses défaut, prend ici la dimension d'une figure tragique. Evidemment ça aide que tout soit raconté de son propre point de vue. Il n'est de narrateur plus indulgent de sa vie que soi-même.
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Hendryk



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MessagePosté le: Mer Avr 27, 2022 12:25    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
mosaïque = "de Moïse".

Ah bon c'est pas un culte voué aux décorations murales? Shocked

Pourtant ne dit-on pas que la mosaïque adoucit les murs?
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