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Allende voie chilienne vers le socialisme (débat)
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gaullien



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MessagePosté le: Dim Jan 09, 2022 14:47    Sujet du message: Allende voie chilienne vers le socialisme (débat) Répondre en citant

Salvador Allende a été élu président du chili en 1970, en proclamant aller au socialisme par une voix démocratique ce qui appellera "la voie chilienne vers le socialisme".
- Est-ce que l'expérience Allende aurait pu être un modèle d'un régime socialiste démocratique ?
- Quel ont été les erreurs du gouvernement Allende ?
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Dim Jan 09, 2022 16:50    Sujet du message: Re: Allende voie chilienne vers le socialisme (débat) Répondre en citant

gaullien a écrit:
Salvador Allende a été élu président du chili en 1970, en proclamant aller au socialisme par une voix démocratique ce qui appellera "la voie chilienne vers le socialisme".
- Est-ce que l'expérience Allende aurait pu être un modèle d'un régime socialiste démocratique ?
- Quel ont été les erreurs du gouvernement Allende ?


Pour ce qui est du modèle politique et de son évolution, je ne sait pas car je connais pas le sujet! Mais la principale erreur d'Allende a sans doute été de croire, qu'en pleine guerre froide, les USA laisseraient se maintenir aux affaires un gouvernement de gauche en plein milieu de son pré-carré latinoaméricain. En arrivant au pouvoir, il aurait du être conscient qu'a Washington et Langley on lui accrochait une cible dans le dos.
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JPBWEB



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MessagePosté le: Mar Jan 11, 2022 06:19    Sujet du message: Répondre en citant

L’idée communément admise que de méchants fascistes casqués a la solde des États-Unis ont injustement renversé un président démocratiquement élu, populaire et bienveillant est franchement fausse. L’affaire ne pouvait que mal tourner. Allende est arrive au pouvoir légalement, certes, mais son élection le fut par le Congres, aucun candidat a l’élection présidentielle n’ayant obtenu la majorité des suffrages. Il ne bénéficiait en aucun cas d’un mandat explicite pour reformer la société chilienne en profondeur dans une direction marxiste, et le soutien dont il bénéficiait s’est rapidement affaissé.

La reforme agraire déjà initiée par son prédécesseur fut un succès, mais Allende a réussi a s’aliéner très vite le support d’a peu près tout le monde, non seulement tous ceux que sa politique dérangeait mais aussi l’église catholique et la frange droite modérée de l’opinion, alors que sur sa gauche, il devait compter sur l’opposition farouche de ceux qui trouvaient qu’il n’allait pas assez loin dans les reformes. L’opposition des États-Unis fut surtout consécutive a la nationalisation de la production de cuivre, qui était symbolique mais un non-sens économique. La laisser dans des mains privées, mais la réguler et la taxer, aurait certainement été plus efficace et moins provocant. L’autre chiffon rouge fut la visite d’un mois ( !) de Fidel Castro en 1971, puis la visite d’Allende en Union Soviétique pour y chercher des crédits et subventions (qui lui furent d’ailleurs refusés). Le coup d’état militaire était inéluctable, mais néanmoins regrettable dans la mesure ou il interrompit 40 ans de gouvernement démocratique, et une fois Pinochet parvenu au pouvoir, il refusa de le rendre aux civils pour de longues années.

Évidement, c’est facile de critiquer avec un demi-siècle de recul, et la tache d’Allende et de son gouvernement ressemblait a une mission impossible. Je me souviens d’une simulation sur ordinateur parue en 1988, Hidden Agenda, que je trouvais -et trouve encore- fascinante et a laquelle j’ai consacré un nombre hallucinant d’heures de sommeil 😊. Le jeu illustre la grande difficulté de succéder a un dictateur latino-américain pour reconstruire une nation dévastée, pauvre et dépendant de l’extérieur, en s’efforçant de naviguer entre tous les courants tout en évitant de se faire assassiner, renverser ou tout simplement battre aux prochaines élections.

Voici ce qu’en disait une critique de l’époque :
Citation:
Hidden Agenda est un simulateur politique unique à bien des égards, tout en étant à la fois réaliste et extrêmement rejouable. Le jeu vous présente comme le nouveau président de Chimerica, un pays sud-américain qui vient de renverser un tyran nommé Farsante. L’économie est en ruines, le pays sans chef, des factions massives qui se battent les unes contre les autres pour le contrôle... et votre tâche peu enviable est de créer un cabinet et de commencer la tâche presque impossible de reconstruire le pays. Pour vous aider à former votre cabinet, le jeu offre un choix de personnel parmi les trois principaux partis politiques, chaque ministère ayant un rôle crucial à jouer dans la reconstruction de votre pays. Mais attention : vos choix peuvent vous mettre en désaccord avec l’Armée, dont les commandants qui ont leurs propres agendas et, dans certains cas, chercheront à saper les réformes que vous avez mises en place. Vous pouvez les virer, mais ce n’est jamais la fin. Cela vous oblige à réfléchir judicieusement à votre choix de ministres. Le jeu se déroule pendant les saisons, au cours desquelles vous pouvez prendre des décisions, rencontrer diverses personnes, surveiller les importations et les exportations, lire des rapports et organiser des prêts par l’intermédiaire du FMI. Chaque décision a des répercussions dans le jeu, chaque choix affectant votre avenir : soit en tant que président élu à la prochaine élection... ou déposé par vos ennemis lors du prochain coup d’État. L’un des aspects les plus intrigants et uniques de Hidden Agenda est les rencontres. Vous aurez des rencontres avec différents types de personnes, y compris le public, les enseignants, les médecins, les soldats, etc., qui vous présenteront tous des dilemmes. Vous pouvez consulter votre cabinet pour mettre en œuvre de nouvelles réformes ou pour demander conseil sur des questions d’État, mais ils ne vous diront pas toujours ce que vous voulez entendre. Le jeu vous permet d’envisager certaines options, mais parfois vous serez confronté à une crise qui nécessite une décision immédiate – et cette décision peut ne pas être ce que vous vouliez, ou annulera les plans que vous avez faits.

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loic
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MessagePosté le: Mar Jan 11, 2022 07:47    Sujet du message: Répondre en citant

En fait pour diriger un pays sud-américain, il faut s'appeler Tyrion Lannister.
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Dernière édition par loic le Mar Jan 11, 2022 08:12; édité 1 fois
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Mar Jan 11, 2022 07:54    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
En fait pour diriger un pays sud-américain il faut s'appeler Tyrion Lannister.


Ou Olenna Tyrell! Voir Doran Martell!
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Hendryk



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MessagePosté le: Mar Jan 11, 2022 09:06    Sujet du message: Répondre en citant

Ce qui, personnellement, m'intéresse dans la tentative avortée d'Allende, c'est le fameux projet Cybersyn mis en place avec l'aide de Stafford Beer. C'était une idée audacieuse et on se demande si elle aurait pu marcher.

Rien que la déco de la salle de décision faisait très film d'anticipation des années 1970.


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JPBWEB



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MessagePosté le: Mar Jan 11, 2022 09:25    Sujet du message: Répondre en citant

Hendryk a écrit:
Ce qui, personnellement, m'intéresse dans la tentative avortée d'Allende, c'est le fameux projet Cybersyn mis en place avec l'aide de Stafford Beer. C'était une idée audacieuse et on se demande si elle aurait pu marcher.


Je ne suis meme pas sur que ca marcherait aujourd'hui.

Le dirigisme en temps reel, c'est vraiment un phantasme totalitaire. En theorie, l'Etat dispose de toutes les donnees pour ajuster la production aux besoins. En pratique, il dispose surtout de l'autorite pour imposer a la population de consommer ce qu'on produit.
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loic
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MessagePosté le: Mar Jan 11, 2022 13:50    Sujet du message: Répondre en citant

JPBWEB a écrit:
En theorie, l'Etat dispose de toutes les donnees pour ajuster la production aux besoins.

Pas si simple, car de nombreuses entreprises refusent par exemple de publier leurs comptes même si en théorie c'est obligatoire.
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JPBWEB



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MessagePosté le: Mar Jan 11, 2022 15:58    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
JPBWEB a écrit:
En theorie, l'Etat dispose de toutes les donnees pour ajuster la production aux besoins.

Pas si simple, car de nombreuses entreprises refusent par exemple de publier leurs comptes même si en théorie c'est obligatoire.


Oui, mais les comptes annuels des entreprises présentent vraiment tres peu d'intérêt, car disponibles trop longtemps après les faits. Le temps reel, c'est quand l'état lit dans la comptabilité des entreprises, ce qui est la pratique quotidienne dans des pays comme le Brésil ou la Russie, pour des motifs fiscaux de perception immédiate des taxes transactionnelles (genre TVA) et une provision sur l’impôt dû. Ces états n’ont pas la patience d’attendre la cloture de l’exercice comptable et fiscal, la soumission d’une déclaration d’impôt, le dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce et toutes ces charmantes traditions héritées de la Renaissance italienne. C’est le règne de la perception immediate. A partir d’une certaine taille (étonnamment modeste) une entreprise ne peut pas faire sortir un camion de l’entrepôt sans avoir acquitté électroniquement l’impôt correspondant. Et c’est l’état qui en calcule le montant, à charge pour l’entreprise de démontrer pourquoi le montant serait inexact. L’informatique publique a quand même fait quelques progrès depuis les années 70...
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gaullien



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MessagePosté le: Jeu Jan 13, 2022 19:17    Sujet du message: Répondre en citant

JPBWEB a écrit:
L’opposition des États-Unis fut surtout consécutive a la nationalisation de la production de cuivre, qui était symbolique mais un non-sens économique. La laisser dans des mains privées, mais la réguler et la taxer, aurait certainement été plus efficace et moins provocant.


La nationalisation de cuivre n'a pas vraiment posé de problème, elle a même été voter a l’unanimité par le parlement. c'est surtout pour les autres nationalisation qui posaient problème. Allende n'ayant pas la majorité a décider d'utiliser des moyens contourner comme par exemple pour s'approrier les banques, le gouvernement l'a fait en achetant des actions (a des prix avantageux pour le marché). l'opposition accusant Allende de ne pas respecter les institutions (alors qu'il avait fait cette promesse pour obtenir les voix des démocrates chrétiens lors de son élection par le congrès) !
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Imberator



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MessagePosté le: Jeu Jan 13, 2022 19:48    Sujet du message: Répondre en citant

Donc Allende était pour une politique plutôt genre programme commun de la gauche française en 81 que pour une collectivisation complète.

Alors s'il n'avait pas été renversé, aurait-il eu, lui aussi, à effectuer assez rapidement un virage style rigueur française de 83 ? Ou pouvait-il, avec quasiment les seuls revenus du cuivre, maintenir son socialisme "modéré" en place sans ruiner le pays ?
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Anaxagore



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MessagePosté le: Jeu Jan 13, 2022 20:57    Sujet du message: Répondre en citant

Peu probable.
L'économie ne fonctionne que par système de "moulin". Les flux d'argents import-export font tourner la machine économique.
Lorsqu'un pays nationalise, il se coupe de l'international.
Toutes les stratégies du genre " on va se sortir seuls de nos problèmes" nient l'interconectivité de l'économie. Vos problèmes internes doivent avoir des solutons aussi bien internes qu'externes. Vos problèmes internes sont souvent le reflet d'autres problèmes qui trouvent leurs origines dans des pays voisins.
Et je n'ai jamais vu une économie fermée réussir.
Remarquons que si une économie à nord-coréenne ne peut aucunement réussir, il ne faut surtout pas croire qu'une économie très ouverte soit la réponse à tous les problèmes.
Plus une économie est ouverte, plus elle est vulnérable. Importer des "huiles végétales" fabriqué en masse en dévastant la forêt tropicale est suiccidaire à long terme.
Pour avoir une économie solide, il faut tout à la fois avoir une industrie et des services qui soutiennent la population en interne (production nationale et emploi national) et qui sont concurenciel à l'exportation.
Et on ne peut réussir à l'exportion qu'à condition importer d'autres produits... l'économie est un échange, pas un hold-up.
Beaucoup l'ont oublié...
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Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Imberator



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MessagePosté le: Jeu Jan 13, 2022 21:28    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Lorsqu'un pays nationalise, il se coupe de l'international.

Est-ce absolument inévitable ?

Par exemple je nationalise un fabriquant automobile qui réalise une bonne part de son chiffre d'affaire à l'export. Ne peut-il pas continuer une fois nationaliser ? Ou bien toute nationalisation induit irrémédiablement une perte fatale de productivité qui finit par annihiler les parts de marché à l'export ?
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Anaxagore



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MessagePosté le: Jeu Jan 13, 2022 21:38    Sujet du message: Répondre en citant

En théorie, oui.
En pratique, le problème est que la société automobile avait des propriétaires et des actionnaires. Les gros actionnaires ont souvent des parts dans beaucoup d'autres entreprises. Même dans le cas d'une nationalisation à l'amiable (une vente forcée) où les propiétaires et les actionnaires sont dédommagés, cela peut ne pas se passer très bien.
En plus les gros capitalistes bien que qu'ils se truandent, s'arnaquent copieusement entre eux... ils sont toujours d'accord pour se liguer contre un état qui marche sur leurs plate-bandes.
Un bon exemple est le Nigéria. A chaque fois que le Nigéria a essayé de garder un peu plus du pétorle produit dans son pays... comme "par hasard' les rebelles du nord du pays recevaient de l'aide de "généreux" donateurs... et une nouvelle guerre civile démarrait.
Fair-play? Un capitalistie, je ne connais pas.
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DMZ



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MessagePosté le: Ven Jan 14, 2022 10:49    Sujet du message: Répondre en citant

Pour reformuler la question initiale, un socialisme démocratique est-il possible ? Je ne connais pas suffisamment le Chili pour avoir un avis sur la possibilité de réussir d'Allende.

Il faudrait déjà s'accorder sur ce qu'est un régime démocratique, une économie socialiste...

Je vais poser qu'un régime démocratique est un régime dans lequel le peuple a la capacité de peser sur les décisions politiques de manière notable en se basant sur une information correcte et en faisant des choix rationnels. C'est à la foi très simplificateur et très vague mais on je m'en contenterai pour le moment. On va y rajouter l'état de droit qui n'est pas indispensable à un état démocratique mais sans lequel il est difficile d'y parvenir. Vous aurez noté que je n'ai absolument pas parlé d'élections libres...

Bon, disons le tout de suite, je ne vois pas bien où un régime démocratique réel existe. À peu près partout, les oligarchies ou les aristocraties (aristoi (άριστοι), les meilleurs, kratos (κράτος), pouvoir, autorité, gouvernement) se partagent les rênes. Les campagnes électorales ayant presque toujours pour objet de choisir les meilleurs gouvernants et de moins en moins un programme politique. D'autre part, même une fois qu'on a élu les dirigeants sur un programme global, ce qui ne peut se faire qu'en acceptant des compromis, comment leur reprocher de n'en appliquer qu'une partie, celle justement qui ne nous convient pas ?

Passons et supposons qu'il existe un tel système dans lequel les élites (économiques, intellectuelles, militaires...) prennent en compte les attentes et besoins de la population en général.

Alors qu'est-ce le socialisme dont il a été question ? Ne serait-ce pas une organisation sociale toute entière tournée vers la satisfaction des besoins du peuple et l'épanouissement personnel ?

Ah mzrdz ! On tourne en rond. Le socialisme démocratique ne serait-il qu'un pléonasme ? - Je sens qu'il va être encore une fois pénible, le DMZ... - OK, OK, je m'arrête là et on va partir sur une définition simpliste : élections libres, état de droit, économie planifiée.

Disons le tout de suite, la réponse à la question est : non, puisque les élites précitées n'ont aucun intérêt ni aucune envie de partager pouvoir et richesse, pas plus dans un système socialiste que dans un système capitaliste !

Ah ! On me dit dans l'oreillette que je m'en tire par une pirouette et que le standard explose sous les appels indignés me reprochant d'esquiver le débat.

D'accord mais je vais reformuler la question. - Encore ? Mais t'abuses, là ! - Si, si. Donc, une économie planifiée peut elle fonctionner correctement ? Peut elle émerger et se maintenir dans un état démocratique ?

L'un des principaux reproches fait à l'économie planifiée est son inefficacité, l'absence ou la restriction de liberté d'entreprendre ou d'initiative étant un frein trop grand. J'ai toujours considéré ça comme de l'idéologie pure et simple, j'ai suffisamment d'exemples de sociétés ou groupes privés parfaitement inefficaces et d'organisations publiques très bien organisées (attention, le contraire est parfaitement vrai également) pour savoir que la promotion de entrepreneuriat n'est pas un gage d'efficacité. La promotion de l'initiative est, en revanche, un réel stimulant ; une organisation, quelle qu'elle soit, ne fonctionne que par les personnes qui s'y impliquent.

Comment pourrait s'organiser une telle économie ? Au lieu de planifier la production, il faudrait se concentrer sur l'allocation de ressources. Ce qui fut fait en France et dans nombre d'autres pays à partir de 1945 jusqu'à ce que la production rattrape la demande. La construction d'HLM reste toujours basée sur ce principe via l'allocation de fonds.

Nationalisation ou régulation ? Les nationalisations ne sont pas nécessaires si une régulation efficace est mise en place. Mais toute régulation a ses failles qui peuvent être exploitées pour arriver à l'effet inverse et est vulnérable aux lobbies. Une approche mixte est probablement la meilleure solution avec une création ex nihilo de groupes étatiques dans les secteurs clefs (banque, médicaments, armement, énergie, transport...) plutôt que nationalisation. Pourquoi ne pas inscrire dans la constitution que l'État doit contrôler au moins une entité dans chacun de ces secteurs sans possibilité de l'aliéner ? Avec une option de monopole dans certains secteurs (transport ferroviaire et électricité par exemple) ?

Mais ce secteur nationalisé ne serait-il pas voué à la perte de compétitivité et à devenir un tonneau des Danaïdes par lourdeur et manque d'initiative et de concurrence ? Bien que ce soit une idée largement répandue, les nombreux contre-exemples (SNCF, EDF, Aérospatiale...) militent contre. Et j'ai rencontré une somme d'incompétences ahurissante dans la plupart des sociétés privées dans lesquelles j'ai travaillé. Enfin, même si ce secteur public n'est pas compétitif, son utilité sociale permet d'accepter une certaine perte d'efficacité par rapport au privé. L'exemple des hôpitaux est instructif : leur déficit vient d'une politique budgétaire basée sur la tarification à l'acte qui pénalise les structures publiques obligées de répondre à toutes les demandes aggravé par une volonté de gestion basée sur les méthodes du privé allant à l'encontre de l'objectif social. Sans parler de la pénurie organisée des médecins renchérissant leur coût.

Pour finir, je ne redirai jamais assez que l'organisation n'a que peu d'impact sur l'efficacité d'une organisation pourvu que ses membres soient compétents et intègres. Si le personnel politique et l'ensemble des décideurs travaillaient réellement uniquement de manière altruiste, l'organisation politique, économique et sociale importerait peu.

Mais on va se heurter à l'aspiration de la société et des individus. Une étude sociologique avait abouti à la conclusion que si le niveau de vie s'élevait de trente pour cent, les individus interrogés se considéreraient comme satisfait. Après une dizaine d'année, la croissance étant là ayant apporté les trente pour cent souhaités, la question fut reposée : êtes-vous satisfaits ? Si non, que vous manque-t-il pour l'être ? Les réponses furent, comme vous pouvez vous en douter : Non, trente pour cent de plus...

Est-ce à dire qu'il est impossible d'arriver satisfaire les besoins et attentes de la population ? Oui, certainement dans le cadre de notre société matérialiste actuelle. Il faudrait travailler en amont sur l'éducation pour modifier les paradigmes qui sous-tendent notre vision. - Mais c'est de la manipulation, ça ! - Ben oui mais toute société n'impose-t-elle pas déjà ses modèles et schémas de pensée ? Si ils sont suicidaires, n'est-on pas fondé à tenter d'en changer ? Vous avez quatre heures...

JPBWEB a écrit:
Allende est arrive au pouvoir légalement, certes, mais son élection le fut par le Congres, aucun candidat a l’élection présidentielle n’ayant obtenu la majorité des suffrages. Il ne bénéficiait en aucun cas d’un mandat explicite pour reformer la société chilienne en profondeur dans une direction marxiste, et le soutien dont il bénéficiait s’est rapidement affaissé.
Ah ! Le mandat ! Mais si Allende est arrivé légalement au pouvoir, il avait le mandat de gouverner, y compris en lançant des réformes. Que ces réformes aient été mal faites ou mal acceptées par la population est un autre débat. Le peu que je sais des événements de l'époque est que les "manifestations des casseroles" étaient largement suscitées ou soutenues par les intérêts américains via la CIA. Mais peut-être est-ce une vision partiale de l'affaire.

Après, je ne sais pas si Allende a fait des erreurs telles que sa politique était vouée à l'échec mais je suis bien d'accord pour dire que se heurter de front aux possédants dans le cadre de l'époque était suicidaire.

Hendryk a écrit:
Ce qui, personnellement, m'intéresse dans la tentative avortée d'Allende, c'est le fameux projet Cybersyn mis en place avec l'aide de Stafford Beer. C'était une idée audacieuse et on se demande si elle aurait pu marcher.
Impressionnant, je ne connaissais pas du tout cette expérience.

JPBWEB a écrit:
Je ne suis meme pas sur que ca marcherait aujourd'hui.

Le dirigisme en temps reel, c'est vraiment un phantasme totalitaire. En theorie, l'Etat dispose de toutes les donnees pour ajuster la production aux besoins. En pratique, il dispose surtout de l'autorite pour imposer a la population de consommer ce qu'on produit.
Oui, on n'est pas loin du fantasme mais est-il parfaitement totalitaire ou parfaitement socialiste ? La question mérite d'être posée car on peut aller de l'économie de guerre planifiée à la sauce IIIe Reich ou URSS stalinienne jusqu'à : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". Et voir plus haut les plus trente pour cent pour arriver à la satisfaction.

Anaxagore a écrit:
L'économie ne fonctionne que par système de "moulin". Les flux d'argents import-export font tourner la machine économique.
Lorsqu'un pays nationalise, il se coupe de l'international.
Ce n'est pas automatique, je n'ai pas vu que la France de 1936 se soit coupé de l'international en 1936 ni en 1981. La SNCF, EDF, l'Aérospatiale ont assez bien réussi à l'international. Les raisons de l'échec de 1981 sont contextuelles : récession mondiale avec refus des autres pays de faire une politique de relance. Dans les deux cas, il y a aussi le prix prohibitif payé pour nombre de nationalisations.

Anaxagore a écrit:
Pour avoir une économie solide, il faut tout à la fois avoir une industrie et des services qui soutiennent la population en interne (production nationale et emploi national) et qui sont concurenciel à l'exportation.
Très vrai, et c'est ce que fait l'Allemagne tout en pratiquant un nationalisme économique très fort.

Anaxagore a écrit:
Et on ne peut réussir à l'exportion qu'à condition importer d'autres produits... l'économie est un échange, pas un hold-up.
Non, pas forcément, on importe ce qu'on ne sait, ne peut ou ne veut pas produire. Historiquement, ce sont les deux premières raisons qui comptent. Les pays se développant cherchent alors à produire ce qu'ils ne savent pas faire, puis choisissent éventuellement de produire ce qu'ils pensent à meilleure valeur ajoutée, cas de la France (ou du Royaume-Unis) qui s'est largement désindustrialisée pour cette raison quand l'Allemagne a gardé une palette beaucoup plus large de PME dans tous les domaines. Quand on ne peut vraiment plus être compétitif (textile, démantèlement de navires, puces électroniques...), on entre à la fois dans "on ne veut plus" et "on ne peut plus".

Anaxagore a écrit:
En plus les gros capitalistes bien que qu'ils se truandent, s'arnaquent copieusement entre eux... ils sont toujours d'accord pour se liguer contre un état qui marche sur leurs plate-bandes.
Ça peut être écrit plus simplement : les gros capitalistes truandent et arnaquent tout le monde...

À noter qu'ils ne se liguent pas forcement contre l'État en cas de nationalisation, voir le secteur aéronautique en 1936.
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« Vi offro fame, sete, marce forzate, battaglia e morte. » « Je vous offre la faim, la soif, la marche forcée, la bataille et la mort. » Giuseppe Garibaldi
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