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Le Front Russe, Février 1944
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demolitiondan



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MessagePosté le: Ven Oct 01, 2021 21:51    Sujet du message: Répondre en citant

Excellente vue Volkmar ! C'est un témoignage OTL de 42. Le monsieur a donc 24 ans FTL.
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Tyler



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MessagePosté le: Sam Oct 02, 2021 02:07    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
11 février
[b]Notes

1- NDE – C’est lors de ces événements qu’un jeune garçon et sa sœur, seuls survivants d’une vieille famille lituanienne en fuite, rencontreront pour leur malheur un groupe de policiers lituaniens épuisés… et affamés. Après de nouvelles horreurs, le petit Hannibal regagnera seul son ancienne demeure convertie en orphelinat, avant de devenir le personnage central d’une des plus sinistres affaires criminelles à passionner la presse américaine…



Est ce qu'on va parler de l'intermède en France auprès de la compagne japonaise (!) de l'oncle nobliau tricolore ou bien est ce que c'est comme Indiana Jones IV ou Rocky V, cette œuvre n'a jamais existé? Very Happy
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Oct 02, 2021 10:37    Sujet du message: Répondre en citant

Alors je confesse être loin d'être fan de toute la série, que je trouve - sans mauvaise association d'idées - manquer quand même un peu de subtilité psychologique. C'est un peu l'effet Walking dead - une surenchère constante d'horreur digne d'un Shonen.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Oct 02, 2021 17:04    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
Citation:
que les jolis Breguet 690+

???


690+ : c'est à dire 690, 691, etc.
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Casus Frankie

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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Oct 02, 2021 17:15    Sujet du message: Répondre en citant

12 février
Opérations Šiauliai et Bagration
Efforts inutiles
Autour de la Katastrophenlinie (Lituanie)
– Il fait enfin relativement beau au-dessus de la Lituanie – en tout cas assez pour que les VVS lancent leurs avions à l’assaut, sur l’injonction d’un Joukov furieux qui continue ponctuellement de harceler ses collègues commandants de Front. Effort méritoire mais futile : presque toute la 16. Armee a déjà traversé la Sventoji.
Venant du nord, le 15e Corps Blindé repart à l’assaut des ponts de Šventupė, avec un soutien significatif de l’aviation et des pointes de la 7e Armée – laquelle, plutôt que de traverser entièrement, suit à présent la Sventoji sur ses deux rives. Comme la veille, Fiodor Rudkine inflige de lourdes pertes à l’ennemi – mais le X. AK de Thomas-Emil von Wickede n’est plus seul sur la brèche. Il s’est décalé de Šventupė vers Siesikai, laissant la place au II. ArmeeKorps (Paul Laux) et même aux premiers éléments du XXVIII. ArmeeKorps (Herbert Loch), qui ferme la marche de la 16. Armee tout en s’efforçant de repousser le 2e Front de la Baltique, lequel harcèle son arrière-garde depuis Staškūniškis.
Les T-34 de Markian Popov font évidemment du dégât – ceux de Kirill Meretskov, et notamment du 13e Corps Blindé (Boris Bakharov) encore plus, écrasant littéralement sous leurs chenilles une foule de traînards, civils et autres trains hippomobiles. Marchant en queue, le XXVIII. AK a perdu la plupart de ses moyens lourds, et la 251. ID est réduite à la valeur d’un petit régiment. C’est le prix des exploits de cette division commandée par l’Autrichien Maximilian Felzmann, qui, avec d’autres, a sauvé deux fois ses camarades, à Silene puis sur la route de Kaunas.
Finalement, quelques minutes avant 10 heures, les derniers ponts sautent – tant pis pour les retardataires. La masse des blindés soviétiques, 600 engins arrivant peu à peu par des routes défoncées, va devoir se redéployer en attendant l’infanterie, dont les sapeurs sont encore à 20 kilomètres de là. Meretskov, instruit de son expérience de sa guerre d’Hiver, sait déjà qu’il ne sert à rien d’improviser en terrain difficile. De même qu’il sait, connaissant tout aussi bien l’histoire de la guerre civile, qu’il n’est pas question de suivre la Baltique sans couvrir son flanc. Il veut donc avant tout planifier et prendre ses précautions.
Pendant ce temps, bien sûr, Hansen ne perd pas de temps. Avec toute sa 16. Armee, qui tient encore plus ou moins en respect le 15e CB comme la 7e Armée, il se dégage en hâte – les II. AK et XXVIII. AK vers Jonava puis Kaunas, le X. AK vers Kėdainiai. Avant minuit, tout ce monde aura commencé à se déployer sur une ligne Domeikava- Kėdainiai – flot éreinté mais vaillant, couvrant les deux divisions d’infanterie du XL. PzK, ainsi que les Baltes de la 19. Waffen-GrenadierBrigade der SS (lettische), épuisés d’avoir tant couru et tant lutté pour finalement devoir abandonner leur pays. La SS a d’ailleurs prévu d’honorer bientôt leur valeur – et celle de la 13. SS-Grenadier Kurland !

Obstination excessive
1er Front Biélorusse
– Dans l’ancienne capitale lituanienne, l’irritation du maréchal Joukov croît davantage à chaque minute. Le Soviétique craignait hier une offensive sur Vilnius, il constate aujourd’hui – grâce aux reconnaissances assurées par la 2e Armée Aérienne du général Naumenko – que l’ennemi s’est joué de lui et se retire à pleine vitesse vers l’ouest. Le maréchal aurait-il paniqué pour rien la veille ? Certes non ! Dans le fond, Joukov n’a rien fait d’autre que ce que tout officier – et plus encore tout général – aurait fait en pareil cas, c’est à dire confronté, dans l’incertitude, à une poussée ennemie d’une force inconnue : céder un peu de terrain, rallier ses troupes et prévoir un plan avant de repartir de l’avant. Et puis, on parle de la Lituanie ici, ce n’est pas comme si on défendait Leningrad ou Moscou !
Cependant, à présent que les forces fascistes apparues hier au nord ont décroché et seraient déjà à Krikštėnai – soit sur la route Ukmergė-Vilnius, 30 kilomètres plus à l’ouest que la veille ! – et que ses propres troupes sont respectivement en défense autour de Vilnius ou encore en transfert depuis Alanta (la 20e Armée et le 10e CB sont à Želva, toujours aussi loin de l’action !), il craint que cette précaution fort légitime lui soit reprochée. Certains pourraient parler, non pas de défaitisme, mais d’autoritarisme, voire d’incapacité à se remettre en cause, au risque de provoquer un désastre (exagération…) que d’autres ont évité (bien sûr !).
En conséquence, il est temps de relancer : la 63e Armée repart sans attendre des positions de Družai prises la veille à peine, pour remonter vers Antakalnis et couper la route aux Fascistes, pendant que le Groupement Oslikovski va tenter de les envelopper depuis Paberžė. Hélas, cette action improvisée et menée par des troupes qu’on fait courir de gauche à droite sans repos ni ravitaillement échoue dans la confusion. Certes, l’Armée Rouge presse durement le flanc du XXIII. ArmeeKorps (Hans von Funck) – lequel n’avait vraiment pas besoin de ça – et rejette en arrière une bonne partie de la Kurland, qui n’en peut plus après dix jours de combats presqu’ininterrompus. Mais ces assauts coûtent autant qu’ils infligent et surtout, force est de constater qu’ils ne règlent rien. Qu’il s’agisse de von Funck, de von Pückler-Burghauss ou même du VIII. AK de Höhne, le repli se poursuit. Aux environs d’Apeikiškiai, la Sirvinta ne saurait vraiment freiner leur mouvement. Ils poursuivent ensuite vers Upninkai avant de passer la Sventoji pour remonter vers Jonava et ainsi rallier la 16. Armee.
L’Armée Rouge en général – et Gueorgui Joukov en particulier – n’a cependant pas encore renoncé à prendre Kaunas, défendues par un KampfGruppe improvisé et une 22. Panzer usée jusqu’à la trame. Si d’aventure Rybalko réussissait à remonter de Prienai vers Ringaudai, il serait possible, avec un appui soutenu des VVS, de s’emparer des rives sud du Niémen et de la Sventoji, avec le soutien de la 63e Armée de Vasiliy Kuznetsov venant de l’Est. Le drapeau rouge flotterait alors sur la quasi-totalité de la ville et les Fascistes seraient contraints à battre en retraite de façon humiliante, ou à conserver une tête de pont aussi inutile que coûteuse dans les ruines de la rive nord restant sous leur contrôle…
Sans doute. Toutefois, de la coupe aux lèvres, il y a loin, parfois. Et tandis que la 63e Armée avance à la cravache à 55 kilomètres de Kaunas, la 22. Panzer continue de reculer en combattant : tout en tâchant de sauvegarder ses derniers engins, elle réussit encore à freiner une 3e Armée de Chars usée, fatiguée et dangereusement exposée d’Išlaužas à Jieznas.

Tankiste (Evgueni Bessonov)
Décombres

« Sur la route, rien sinon des colonnes d’hommes silencieux – visages tendus et mines graves d’individus éreintés. Sur la terre martyrisée, quelques tentes, d’où on jurerait entendre monter de temps à autre un cri ou un gémissement – et des épaves. Epaves de camions fascistes (militaires ou civils réquisitionnés), épaves de chars abandonnés de longue date (Fiodor reconnait un KV-1, sûrement détruit ici en 1942 !), chevaux écrasés et carrioles démantibulées.
La route est encombrée de débris et d’obstacles divers – pas forcément laissés délibérément en place afin de nous gêner, mais témoignant plutôt des combats qui ont eu lieu ici. Nous roulons sur ces décombres de la guerre, et nous roulerons ainsi jusqu’à Berlin. »

(Tankiste ! – Jusqu’au cœur du Reich avec l’Armée Rouge, Evgueni Bessonov, Skyhorse 2017)

Opération Lvov-Kovel
La lance de Wotan
Région de Rovne (nord de l’Ukraine)
– Depuis Sarny et la Sluch, la 3. PanzerArmee saute vers Horodets’ et l’Horyn – le XLVII. PanzerKorps d’Erhard Raus en tête, car Werner Kempf est pressé par son chef d’aller tenir le front dans la région de Kolky, où les Rouges seraient déjà arrivés. Passées les… agapes de la veille, le temps est avec lui. Il pleut toute la journée sur l’Ukraine, et il neige même un peu tout à l’ouest. Au soir, les premiers panzers sont à Polytsi, roulant le plus vite possible.
Pendant ce temps, le 3e Front Biélorusse arrive sans se presser à Strasheve – pour constater que les ponts ont tous sauté. Au nord, vers Vierasnica et Bieražcy, le XXIV. PanzerKorps – qui ne dispose d’aucun char, mais qu’y peut Martin Wandel ? – traverse un paysage hostile de marais froids, mollement poursuivi par des parachutistes rouges renforcés d’une horde de Partisans. Rodion Malinovski a laissé partir en avant, en plus du 4e Corps Parachutiste, les seules 50e et 61e Armées : inutile de faire passer tout son monde sur une unique route défoncée partant d’Olevsk, localité aussi peu stratégique qu’évidemment ravagée. Mais qu’est-ce qui a pris aux Fascistes de s’accrocher à ce trou perdu (4) ? Les jours suivants, son 3e Front Biélorusse, diminué des forces de couverture laissées temporairement dans le secteur (mais qui compte tout de même encore quatre armées, deux corps mécanisés, une armée de chars et un corps de cavalerie !) commencera à se redéployer discrètement en seconde ligne derrière les 1er et 3e Fronts Ukrainiens, en attendant la suite…
De toute façon, pour la 3. PanzerArmee, il était plus que temps de décrocher. Car sur son flanc gauche, la situation devient délicate.
Le XVII. AK, rejeté du sud de Tynne, s’accroche plus au nord, devant Znosychi, sur une nouvelle ligne de défense plus ou moins improvisée. Wilhelm Schneckenburger, à bout de forces face à une 65e Armée toujours aussi agressive, ne voit plus l’intérêt de laisser ses hommes se faire incinérer sous les Katiouchas pour un bout de terre voué à être abandonné. Par contre, il craint tout à fait logiquement de se faire encercler par le nord ! Suivant le même raisonnement, les défenseurs des marais de Malyns’k (78. SD et 4. LFD) reculent aussi logiquement vers Malushka, la 79. ID assurant la jonction avec le reste de la 6. Armee.
De l’autre côté, la 9. ID et le 210. StuG Abt ont atteint Kalynivka – avec les pires difficultés, et en ayant perdu pas mal de matériel (dont six StuG III du Major Sichelschmidt !) en terrain difficile. Plus vraiment poursuivis par les Rouges – qui visent Loutsk, plus au sud – ils se préparent à passer l’Horyn pour redescendre vers l’axe de progression ennemi, avec la 3. PanzerArmee.
Plus au sud encore, le 19e Corps Blindé poursuit son raid et passe la Putylivka à Tsuman’ pour poursuivre vers Kadyshche. S’étant emparé d’un carrefour routier stratégique – il débouche vers les ponts de Stavok, eux aussi sur la Putylivka – Ivan Vasilev envoie ses forces toujours plus à l’ouest, en direction de Zviriv. Ce dernier n’est déjà plus qu’à 36 kilomètres de Loutsk et tente de déborder le XXIX. AK renforcé. Devant lui, la 168. ID (Werner Schmidt-Hammer) et le 249. StuG (Major Kurt Schaff) se préparent à le recevoir…
Derrière Vasilev, par contre, la 37e Armée recueille la reddition des restes de la 294. ID, définitivement écrasée. Johannes Block n’est pas parmi les prisonniers – il a été tué au combat. Sans trophée mais s’estimant déjà très en retard, Vasily Chuikov fouette ses troupes, qu’il relance vers l’ouest. Elles traversent ainsi l’Ustya à Rohachiv, sur les traces des blindés de Bogdanov, dans des conditions quelquefois improvisées, comme le décrit Grossman.
« Lorsqu’ils atteignaient les berges, les hommes n’attendaient pas l’arrivée des pontons ni des autres moyens de franchir la rivière officiellement prévus. Ils traversaient par tous les moyens l’Ustya au cours rapide, sur des barques de pêche, sur des radeaux, sur des pontons bricolés avec des tonneaux recouverts de planches, parfois sous le feu de l’artillerie et des mortiers ennemis, sous une pluie glaciale et impitoyable – à défaut des bombardiers allemands, heureusement absents. Il est arrivé que des soldats fassent traverser les canons de leur régiment sur de grands portails, pendant que d’autres traversaient sur un assemblage de bâches bourré de foin. Plus loin, un escadron de chars ne veut pas passer. « Qu’est-ce qui bloque ? » hurle l’officier du coin. « La glace est trop mince, elle va céder sous nous ! » répond le tankiste. « Eh bien, tirez sur la glace ! » La glace, nouvel adversaire des canons du peuple, qui explose en milles scintillements avant que les blindés ne l’écartent sur leur passage comme le feraient de gros brise-glaces et traversent avec de l’eau jusqu’en haut des chenilles. Spectacle impressionnant. »
Une journée de transition donc, pour le flanc droit d’Ivan Koniev… Ce qui n’empêche pas sa gauche d’avancer. Mettant à profit le fait que son XXIX. ArmeeKorps renforcé décroche toujours davantage, entre Puhachivka et Zhornyshche, De Angelis espérait ressouder sa ligne entre l’Ikva et la Putylivka, mais sa manœuvre a évidemment fait long feu… Le maréchal Koniev fait charger toujours plus fort ses blindés. Le 20e CB est à Olyka, où il fait jonction avec le 19e CB – ils enferment ainsi dans une vaste nasse une foule de traînards et autres égarés dans la région d’Holyshiv. Ces malheureux sont ensuite écrasés par la 2e Armée de Chars, qui s’élance enfin de Ponebel vers Loutsk. Sergei Bogdanov est en terrain plat, il a des éclaireurs devant lui – plus rien ne saurait l’arrêter, au moins jusqu’à Kovel ! Dans la nuit, ses chars sont déjà à Olyka et Stavok, tâchant de doubler les blindés de Vasilev, jugés moins prioritaires…
Enfin, de son côté, la 5e Armée de Choc quitte Loutsk et ratisse le terrain jusqu’à Malyi Shpakiv et Klevan – dans les traces des chenilles des T-34. Et sur sa gauche, la 1ère Armée de Choc continue de pousser jusqu’à Kosareve, ayant presque réussi à rétablir le contact avec le XXIX. AK.

Prolétaires aviateurs de tous les pays, unissez-vous !
« La journée terminée, au “Stalovoïa” (le mess), on faisait le bilan de ces premiers jours de combat. Il avait beau être lourd, la bonne humeur était de règle. On supputait les chances qu’on avait de re-goûter avant la fin de l’année au tablier de sapeur lyonnais ou au steak pomme-frites parisien. On parlait du pays, de l’amour et des filles, on faisait de longues et épuisantes comparaisons entre les alcools de chez nous et la vodka, on discutait aussi pour savoir quel crédit accorder aux nouvelles annonçant l’arrivée de renforts.
Ces nouvelles étaient vraies. Dix pilotes nous tombèrent du ciel, dont trois venaient de Grèce via Bucarest et Moscou. Valin leur souhaita la bienvenue en ces termes : « Jusqu’ici, vous n’avez eu affaire qu’à de la gnogniote. Maintenant, vous allez vous farcir les chleus de chez nous. Vous verrez, ce n’est pas du tout la même chose. »
Tous n’allaient pas chez les chasseurs. Pour les Sturmovik, on nous envoyait de grands anciens, pilotes de Breguet 693 dans une autre vie. Le capitaine André Menant, qui avait abattu en mai 40 deux Henschel 126 avec son bimoteur. Et le sergent André Miton, fait prisonnier lors de la chute de Rennes en tant que blessé intransportable… mais qui réussit quand même à s’évader et à franchir la Manche ! Et puis le lieutenant Marcel Sannier, autre vétéran du GBA 54 – victime de 8 Bf 109, pas moins, il avait été évacué en tant qu’aliéné ayant perdu la mémoire, qu’il ne retrouva qu’une fois en AFN.
Aux côtés de ces messieurs, deux rampants originaux. Le commandement français n’avait pas en très haute estime nos dons pour les langues étrangères. On avait dû lui signaler les bourdes monumentales, les contresens et les erreurs que nous faisions avec la plus grande innocence. Il essayait d’y remédier avec deux interprètes. Cela ne lui semblera d’ailleurs pas suffisant puisqu’à la fin de la guerre, nous en aurons huit. « Presque chacun le sien ! » devait dire Valin.
Ces hommes sont reçus avec un enthousiasme délirant. La nuit entière ne parait pas assez longue pour qu’on puisse porter tous les toasts qui nous viennent aux lèvres. De la France au maréchal Staline, tout y passe. Nous leur apprenons à boire à la russe “Srazou”, c’est-à-dire d’un seul coup, “cul sec” comme on dit en France. Au front, quand la vodka manque, ce qui arrive souvent, on la remplace avec du Spirt, alcool redoutable titrant 80° (minimum), que l’on boit en le coupant de rasades d’eau fraîche et de “zakouskis” (des tranches de lard sur du pain bis). »
(Capitaine François de Geoffre, Escadre Franche-Comté/Vistule, Charles Corlet éd. 1952, rééd. 1996)

Percées et illusions
Région de Ternopol (sud de l’Ukraine)
– La 6. Armee ayant visiblement totalement cédé, le 3e Front Ukrainien, à présent aligné nord-sud, s’élance sans complexe vers Tchernovohrad, première étape d’un inévitable mouvement tournant vers Lvov.
Juste au sud de la 6. Armee, à Mlyniv, la 26e Armée affronte la 385. ID – laquelle tente de garder le contact avec De Angelis, bien davantage que de défendre les berges de l’Ikva. Lev Skvirsky agit comme le manuel l’y invite – son artillerie écrase littéralement les troupes de von Schuckmann, qui s’accrochent à la rive est, puis à la rive ouest, puis au secteur sud… La localité, totalement détruite, est libérée en fin d’après-midi. La 26e Armée passe tandis que la 385. ID se retire vers Stavriv, sur la Styr.
Du moins la Heer avait-elle encore ici des défenseurs ! Un peu plus loin, le KorpsAbteilung E en lambeaux et la 384. ID trépassée, un trou béant s’est formé dans les lignes du IX. AK d’Heinrich Clößner. Un trou impossible à refermer sans renforts d’infanterie – dont Walter Weiß ne dispose nullement.
Et justement, au beau milieu de ce trou, la 3e Armée attaque autour de Doubno, afin d’ouvrir un passage au 8e Corps Mécanisé de Baskakov. Face à elle, la 8. Panzer a rallié tout ce qui restait dans le secteur, notamment les fuyards du KorpsAbteilung G. Elle tient encore bon, mais de justesse, puis recule vers Kleshchykha. A la radio, Gottfried Frölich – qui déjà vu sa division décimée à l’automne dernier et voit avec une certaine amertume démolir tout le travail accompli cet hiver – rapporte auprès de son chef de corps, Hermann Balck. Epuisé et malade – moralement mais aussi physiquement, le climat ukrainien étant ce qu’il est – le Dresdois demande, soit des renforts, soit l’autorisation de se replier. Avec la percée des Rouges à Mlyniv et l’effondrement en cours de la 6. Armee, quel sens y aurait-il à continuer à faire tuer son monde pour rien – enfin, pour Doubno, une petite ville loin de tout ? Balck mettra du temps à obtenir l’accord de Weiß – qui doit lui-même en référer à Schörner. Et à minuit, l’ordre tant attendu n’est toujours pas arrivé !
C’est que la Wehrmacht peut encore se bercer d’illusions… A Khotivka, la 5e Armée de la Garde profite de la pause arrachée par Aleksandr Vassilevski pour refaire le plein, avec le 3e Corps Blindé en seconde ligne. Du coup, comme à Brody tout reste (à peu près) calme. Pourtant, Vassilevski lui-même est loin de rester inactif – en fait, c’est tout le contraire : il prépare activement l’ultime coup de rein qui, une fois l’Ikva franchie, permettra de descendre vers Lvov et de jaillir depuis Brody. Le maréchal est donc beaucoup sur la route ces temps-ci… Plus encore que Petrov, qui a pourtant pour mission de gérer les affaires courantes.
Outre l’évidente pression des opérations en cours, Vassilevski est préoccupé – notamment par sa famille. Son fils ainé, Youri, tente de se remettre d’une mauvaise primo-infection tuberculeuse – il l’a d’ailleurs pris auprès de lui pour qu’on ne l’envoie pas autrepart, et surtout pas au feu. Sa femme Ekaterina, épousée lors d’un second mariage en 1934, est là aussi, tout comme son petit Igor, qui est devenu un peu la mascotte du GQG et reçoit cours et devoirs par la radio militaire. Reste de la morale religieuse de son pope de père ou amour sincère, Vassilevski vit avec les siens sur le front – c’est sans doute l’un des rares généraux ou maréchaux soviétiques (sinon le seul !) à ne pas entretenir d’épouse de campagne. Evidemment, c’est respectable… mais au train où vont les choses, c’est pratiquement du déviationnisme par rapport à la ligne officielle de l’Armée Rouge. Et vu que ses origines familiales sont aussi un sujet de préoccupation (5)…
En résumé, pour le maréchal – qui doit tout à la bienveillance de Chapochnikov (son prédécesseur à la Stavka, désomais en sinécure à l’académie Vorochilov pour raison de santé) – il est impératif de conserver la confiance de Staline. Celle qui lui permet d’être tout à la fois efficace et sincère auprès de lui quand il le faut. Et celle qui fera qu’on continue de laisser sous le tapis du Kremlin une foule d’éléments qui ont déjà coûté leur tête à bien d’autres.
Quitte pour cela à s’exposer plus que de raison – c’est ainsi que Vassilevski tient à inspecter en personne et au plus vite les lignes de Khotivka, afin de préparer le nouvel assaut prévu demain. Et sur les routes enneigées et mal dégagées d’Ukraine – qui furent fatales à plus d’un officier allemand ou soviétique – la GAZ du maréchal zigzague entre les congères…


Notes
4- Et qu’est-ce qui a pris à l’Armée Rouge de s’acharner ainsi dessus l’automne précédent ! Cependant, Olevsk n’a pas toujours été une petite ville insignifiante perdue au milieu des bois. Au Xe siècle, c’était la résidence principale du prince Oleg Sviatoslavitch, de la dynastie des Riourikides – d’où peut-être son nom originel, Olegesk. Refuge des Ukrainiens durant les invasions Tatars du XIIIe siècle, elle fut très peuplée avant d’être presque abandonnée pour des raisons à la fois religieuses (exil des catholiques), nationalistes (exil des lituano-polonais) et économiques (servage, terres peu fertiles). La conquête russe et les révoltes contre la Russie achevèrent de ruiner le pays.
5- En bon officier, discipliné, modeste, compétent… mais issu d’une famille pas aussi prolétaire qu’il eût fallu, Vassilevski avait renié ses parents et n’entretenait plus aucun contact avec eux depuis 1926. La situation changea en avril 1940 quand Staline s’en inquiéta et encouragea l’intéressé à ne pas se montrer ingrat, comme ses trois frères, mais au contraire à renouer avec eux et à les aider… tout en tenant le Parti informé. « Mikoyan et moi aussi nous voulions devenir prêtres, et l’Eglise ne nous a pas pris. Pourquoi, nous ne le savons toujours pas aujourd’hui ! » asséna-t-il sur un ton badin à son tout nouveau général de division, saisi de terreur. Humiliante et hypocrite leçon de morale, de la part d’un homme qui considérait tout « descendant d’éléments réactionnaires » comme intrinsèquement menaçant pour le régime.
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MessagePosté le: Sam Oct 02, 2021 21:00    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
il l’a d’ailleurs pris auprès de lui pour qu’on ne l’envoie pas autrepart

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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Oct 03, 2021 09:31    Sujet du message: Répondre en citant

13 février
Opérations Šiauliai et Bagration
Final calamiteux
Autour de la Katastrophenlinie (Lituanie)
– Décidément, jusqu’au bout, la météo n’aura pas aidé l’offensive soviétique dans les pays baltes… Sous un ciel de pluie, la 16. Armee arrive enfin à destination et se déploie sur un vaste secteur allant de Viduklė (à la jonction avec le I. AK de la 18. Armee) jusqu’à Kaunas. Ensuite, c’est le HG Mitte – 2. Armee puis 4. PanzerArmee – qui prend le relais jusqu’au Niémen.
Le 1er Front de la Baltique, époumoné d’avoir tant chargé, a de toute façon déjà laissé passer sa chance – il ne fait plus que suivre. Le 15e Corps Blindé et la 7e Armée s’emparent néanmoins, pour le communiqué, de Šventupė, le point de passage sur la Sventoji où tout s’est joué. Ils y font la jonction avec le 2e Front de la Baltique : sur la rive est, celui-ci commence déjà à descendre vers Kaunas afin de s’emparer de la région au nord-est de la ville, en coordination avec le 1er Front Biélorusse – tout en passant la Sventoji à son tour.
En face, Christian Hansen a déjà arrêté son dispositif, aligné du nord-ouest au sud-est. D’abord, le X. AK (Thomas-Emil von Wickede), de Viduklė à Girkalnis – vu les pertes qu’il a subies, on ne lui a confié qu’un carrefour et 20 kilomètres de front. Ensuite, le XXVIII. AK (Herbert Loch), lui aussi assez affaibli – 35 kilomètres jusqu’à Vincentava. Ce secteur sans point de passage d’importance sur le Niémen est sans doute le moins vulnérable à un coup de main ennemi. Au pire, il se retirera derrière le fleuve ! Enfin le II. AK (Paul Laux), qui a si glorieusement tenu le flanc de Daugavpils, défendra les 30 kilomètres restant jusqu’à Kaunas, avec l’aide de la réserve d’Armée : 13. SS-Grenadier-Division Kurland et 655. sch. PzJ. Abt. D’évidence, c’est Kaunas qui intéresse le plus les Rouges – d’où la présence de leur côté de nombreux blindés, plus au sud, qu’il va bien falloir réduire. Mais ça, Model s’en chargera – avec la Kurland, si besoin. Mais pas avec la 19. Waffen-GrenadierBrigade der SS (lettische) : celle-ci relève du HeeresGruppe et va rester en réserve au centre pour recomplément.
Alors certes, tout n’est pas encore réglé – von Wickede, notamment, ne sera pas en place avant demain. La 16. Armee est éreintée par une marche forcée sur 280 kilomètres, avec de surcroît au moins une coupure humide d’importance à franchir. Elle a perdu une bonne partie de son équipement lourd lors de la poursuite et n’a échappé que de justesse à la destruction. Mais son potentiel humain reste globalement intact. Et, en 1944, c’est le plus important !
Hansen peut donc s’estimer relativement satisfait. Mais les Lettons, pour leur part, viennent de retrouver les Estoniens sous le joug soviétique. Quant aux Lituaniens déjà de retour en Union Soviétique, ils ressentiront bientôt eux aussi la fureur d’un Ours mal léché, très mécontent de l’attitude de cette « nation ingrate » dont la population n’est pas pour rien dans la progression relativement rapide de la Heer en 1942 (6) – ni, depuis, dans les massacres de Juifs qui ont ensanglanté le pays (7).
Au surplus, l’Ours est de fort méchante humeur, car Šiauliai a échoué – ou du moins, n’a pas réussi à détruire le HG Nord, contrairement aux espoirs de Staline. Le Vojd ne tarderait pas à trouver dans le général Kirill A. Meretskov – dont chacun sait qu’il n’avait pourtant jamais cru à cette opération – un bouc émissaire commode. Le chef du 2e Front Balte, ayant eu tort d’avoir eu raison, fut ainsi la cible en public de très dures remarques de la part de Staline, qui ressortit très opportunément les précédents reproches qu’il lui avait faits, notamment en 1940. Plus tard, le rapport de la Stavka évoquera avec sévérité son « incapacité à assurer l’approvisionnement en munitions, la perte rapide du contrôle effectif de ses armées, l’émiettement de ses corps blindés égarés dans des combats secondaires, et plus généralement le mauvais échelonnement de ses forces. » Toutes ces remarques étaient vraies… mais elles tenaient aussi pour une bonne part à l’organisation même de l’opération. Et de fait, elles étaient là pour la galerie : dans le fond, le dictateur savait très bien ce qu’il en était – le général ne connut donc nulle disgrâce. Sous le regard de l’Histoire, si Meretskov doit être jugé responsable de quelque chose, c’est moins d’incompétence que d’un réel manque de courage personnel, révélateur d’une terrible insécurité intérieure, qui l’avait rendu incapable de défendre ses prérogatives… ou la vie de ses hommes.

Opération Bagration
L’Or du Rhin
Bagration Nord (1er Front Biélorusse)
– Pour que l’Axe s’estime enfin en sécurité en Baltique, il lui reste à régler le cas de la 3e Armée de Chars de Pavel Rybalko, que le maréchal Joukov refuse obstinément de replier, alors même qu’elle n’est plus soutenue. En effet, la 63e Armée et le Groupement Oslikovski sont toujours loin derrière ; ils courent sous la pluie après les Fascistes dans les bois vers Makštava, moins retardés par les SS et les troupes de la 2. Armee que par les éléments et les méandres de la Sventoji (maudite soit cette fichue rivière). Quant au second échelon, 20e Armée et 10e CB, il passe à peine la route Ukmergė-Vilnius – autant dire que pour l’instant, il ne compte pas.
En face, à présent que la 16. Armee est en place et que leurs adversaires montrent des signes de fatigue, l’arrière-garde allemande, après avoir détruit tout ce qui pouvait aider les Rouges à avancer, peut s’amuser à semer pièges explosifs et obstacles divers. Le VIII. ArmeeKorps (Gustav Höhne) et le XXIII. ArmeeKorps (Hans von Funck) passent déjà Jonava. Demain, ils seront à Vilnius, où le rapport de force est de moins en moins favorable à l’Armée Rouge.
Pour résumer, Rybalko est seul. Seul sur la rive gauche du Niémen, seul au sud de Kaunas et surtout seul face à l’hydre fasciste. Certes, pour l’instant, celle-ci n’est représentée que par une 22. Panzer qui ne peut plus guère que gagner du temps sur la route de Kaunas. Mais si la 3e Armée de Chars remonte bel et bien vers le nord, c’est en semant sur sa route des engins en panne, faute d’essence et d’entretien. Depuis Bagration, elle a quand même fait 400 kilomètres ! Et au soir, quand, malgré les embuscades, les pointes rouges entrent dans Biruté – la proche banlieue de Kaunas – force est de constater qu’elles sont amaigries. De plus, Rybalko n’a pas assez d’infanterie pour contrôler le tissu urbain, sans parler de s’emparer des fortifications d’époque plus ou moins remises en état par les Allemands. La gare de Statis Jiesia est sans doute tombée, mais ses voies ferrées sont détruites et le ravitaillement ne parvient plus qu’au compte-gouttes. Pourtant, il faut continuer à avancer !

Des renforts pour Model
HG Mitte
– Le Groupe d’Armées Centre reçoit le renfort des cinq unités envoyées par le HG NordUkraine – celles-ci n’ont pas fait demi-tour malgré l’offensive communiste ciblant à présent leur groupe d’armées d’origine. L’OKH a jugé avec raison… et optimisme qu’il fallait que, pour que ces formations pèsent, elles soient quelque part. Un aller-retour n’aurait rien fait d’autre que leur faire gaspiller du temps, du potentiel et du ravitaillement !
Les 3. Panzer et 12. Panzer débarquent donc de leurs trains à Šeštokai, petite gare perdue à 65 kilomètres au sud de Kaunas. Elles forment le XLVI. PanzerKorps (Franz Westhoven), rattaché à la 4. PanzerArmee et qui n’est pas pour rien dans la relative sérénité que Walter Model conserve envers son flanc pourtant si exposé aux chars de Joukov. Sans perdre de temps, Leopard, Panzer IV, Jagdpanzer IV et StuG III se mettent en route vers le nord. Après-demain au plus tard, ils devront frapper le flanc des Rouges, pour leur infliger une vraie leçon.
Au même moment, l’infanterie du LXIII. ArmeeKorps (Ernst Dehner) descend elle aussi de wagon à Lida. Les 290., 304. et 371. ID se dirigent vers le Niémen, afin de renforcer le LXXII. ArmeeKorps (Anton Grasser) – dont les deux divisions de bleus sous-entraînés ne suffisent évidemment pas à la tâche qui lui est assignée – tout en préparant Neptun. Bientôt, le flanc du HG Mitte sera sécurisé et la 4. PanzerArmee pourra enfin lancer – sous une semaine sans doute – la grande contre-offensive demandée par le Führer.

Opération Lvov-Kovel
La lance de Wotan
Région de Rovne (nord de l’Ukraine)
– Sous une pluie froide et battante, la 3. PanzerArmee achève son transfert par-delà l’Horyn. Werner Kemft, qui a réussi – divin coup de chance ! – à se dégager de son saillant inutile sans trop de mal, se dirige désormais à pleine vitesse vers l’ouest afin de contribuer à la défense de Loutsk, ou plus probablement de Kovel. L’infanterie court en direction de la Styr, qu’elle passe en milieu d’après-midi, le LVI. PanzerKorps (Friedrich Hossbach) en tête – il atteindra Manevytchi dans la nuit, avant d’obliquer plein sud vers Rojychtche afin de suivre la rive gauche du fleuve.
Le XLVII. PanzerKorps (Erhard Raus), pour sa part – désigné force de frappe par Ferdinand Schörner – s’est glissé entre la Styr et l’Horyn. Il approche d’Omel’ne et n’est plus qu’à 35 kilomètres de Loutsk, vers laquelle la 6. Armee se replie. Le Führer soit loué, le mauvais temps persiste ! Et derrière Kempf, c’est donc au tour des défenseurs de la péninsule de Sarny de se retirer vers Horodets’, sans plus trop chercher à gagner du temps.
Le XVII. AK (6. Armee) cesse donc d’opposer sa résistance butée à la 65e Armée – Boldine est proche de percer, de toute façon – pour plutôt glisser vers Kostiantynivka (à l’est de Sarny, où la 61e Armée est elle-même en train de passer !) et rejoindre les défenseurs de Malushka (4. LFD, 78. SD, 79. ID). Tout ce monde décroche dans la nuit sans demander son reste, d’autant plus que le 7e Corps Mécanisé sort enfin des marais… La 9. ID et le 210. StuG ne les ont pas attendu – une fois l’Horyn passée à Stepan, les deux formations sont directement descendues vers Trostianets avant d’obliquer plein ouest, jusqu’à Horaimivka. Inutile de tenter de rejoindre la voie directe vers Loutsk – Tsuman’ serait déjà tombée…
Un peu plus au sud, le 19e Corps Blindé se fracasse sur la nouvelle ligne de défense adverse, formée aux environs de Zviriv par la 168. ID renforcée par les StuG III barbouillés de blanc du 249. StuG. La voie ferrée et la route voisine, axes naturels de pénétration soviétique, deviennent le théâtre des plus féroces combats entre Landsers retranchés dans la neige et T-34 frappant vague après vague à la porte de Loutsk. La neige sale se rougit de sang.
Au centre, le long de la route principale Rovne-Kovel, une vague de blindés frappés de l’étoile rouge avance, en soulevant des tourbillons de neige. Ici, la 6. Armee n’a plus le luxe de reculer – elle doit tenir le temps nécessaire à la 3. PanzerArmee afin de se mettre en place. Tenir dans les plus mauvaises conditions… ou presque : les attaques aériennes sont interdites par le mauvais temps une grande partie de la journée. Mais l’Armée Rouge cogne, l’Armée Rouge souffre et fait souffrir… et finalement, l’Armée Rouge passe. Face au 19e CB d’Ivan Vasilev et avec, en plus, la 2e Armée de Chars qui charge aussi sur sa gauche, Werner Schmidt-Hammer doit reculer d’une dizaine de kilomètres vers l’ouest jusqu’à Lypyny (les faubourgs de Loutsk) en abandonnant sur le terrain un grand nombre de blessés ou d’oubliés que les StuG de Schaff ne peuvent emmener. Il est bien possible que les engins de Vasilev aient roulé sur l’un ou l’autre de ces Fascistes en détresse (8)…
Bientôt, les blindés à l’étoile rouge atteindront leur objectif intermédiaire – il leur faudra alors contourner ou attendre l’infanterie. Celle-ci se hâte – évidemment. Vasily Chuikov n’a pas changé de méthodes, et ses officiers non plus. La 37e Armée roule donc à fond de train de Rohachiv jusqu’à Derno, dans le sillon ouvert par Vasilev. Pendant ce temps, Vasily Grossman recueille une nouvelle histoire de l’Armée Rouge : belle et terrifiante à la fois.
………
« Le politrouk senior Mordoukhovitch est un petit Juif de Mozyr, commissaire de sa division. Dans cette division d’artillerie, il y avait un soldat, un ouvrier de Toula énorme nommé Ignatiev, un brave, l’un des meilleurs soldats de la division. L’automne dernier, le politrouk – qui n’était pas encore commissaire de la division – était parti pour un certain temps lors de la course vers l’Horyn. A ce moment, Ignatiev se laissa distancer par son corps. Il rejoignit un autre corps, prit part à l’attaque, se battit. A un moment de répit, il fut renvoyé vers son corps d’origine. En chemin, un poste du NKVD le retint. Ignatiev fut arrêté et présenté au tribunal pour désertion. Le tribunal le condamna à être fusillé. Au même moment, Mordoukhovitch revint et apprit toute l’histoire. Il se précipita chez le commissaire de division de l’époque et lui expliqua qu’Ignatiev était un combattant remarquable. Le commissaire se prit la tête dans ses mains : « Je ne peux rien faire pour toi ! ».
On emmena Ignatiev pour être fusillé, le délégué de la Section Spéciale, le chef d’état-major, deux soldats et le politrouk adjoint. On conduisit Ignatiev dans un petit bois, le commandant dégaina son pistolet et lui tira un coup dans la nuque. L’arme s’enraya ! Ignatiev se retourna, poussa un cri et s’enfuit dans la forêt. On ouvrit le feu sur lui, mais sans l’atteindre. Il se cacha. Les Allemands étaient encore à 3 kilomètres des lieux ! Ignatiev erra dans la forêt trois jours durant. Il s’introduisit nuitamment dans le campement de la division et alla trouver Mordoukhovitch dans sa tente. Mordoukhovitch lui dit : « Ne crains rien, je vais te cacher. » Il donna à Ignatiev de quoi manger, mais Ignatiev était incapable de manger, il pleurait, il tremblait. Mordoukhovitch cacha Ignatiev cinq jours durant, avec lui.
Au sixième jour, on bougeait. Mordoukhovitch alla trouver le commissaire de division et lui raconta tout. « Sauvez-le camarade commissaire, il est revenu de lui-même ! Il dit “Je préfère mourir du fait des miens plutôt que de passer chez les Allemands.” Et puis, il est parfaitement innocent ! » L’histoire bouleversa le commissaire de division, et il alla trouver le commissaire de corps. Celui-ci aussi fut ému et s’en fut rapporter la chose au chef de l’armée. La condamnation fut levée. Ignatiev resta dans la division. Il suit maintenant Mordoukhovitch jour et nuit. « Pourquoi tu me suis comme ça ? » – « J’ai peur que les Allemands vous tuent, camarade commissaire, je veille sur vous. » »

………
Mais les Allemands ont d’autres préoccupations. Au centre, un flot de blindés se déverse derrière l’Ikva et au nord de la Putylivka.
Le XXIX. ArmeeKorps (Erich Brandenberger), toujours renforcé d’Elefant et de JadgPanzer IV, forme ici aussi le dernier carré avant la capitale de Galicie-Volhynie. Assailli presque de tous les côtés – du nord-est par le 20e Corps Blindé, de l’est par la 2e Armée de Chars et du sud par la 1ère Armée de Choc (sans parler de la 5e Choc, qui vient derrière…), ce qui restait des deux divisions de Brandenberger craque. La 62. ID, qui tentait courageusement de défendre les bois autour de Verkhivka, est anéantie. Les rares survivants décrochent dans la nuit et le froid, accrochés aux JagdPanzer IV du 152. PzJ Abt. A droite, la 331. ID (Karl-Ludwig Rhein) – plus fraîche et disposant d’un couvert plus dense à Moskovshchyna, ainsi que de l’appui des Elefant du 654. schw. PzJ Abt, tient un peu mieux la cadence… Mais, prise en pince entre le 3e Corps Mécanisé (I. Dubovoy) et le 4e Corps Blindé de la Garde Malin (A. Kukushine), elle doit finalement se retirer en fin d’après-midi vers Pidhaïtsi – donc Loutsk – pour ne pas disparaître elle aussi. Manque de chance, le temps se dégage à ce moment, permettant aux VVS de frapper. Et même si la Luftwaffe envoie elle aussi ses avions contre les chars soviétiques, tous ceux qui se replient n’arriveront pas jusqu’au couvert…
Au soir, Bogdanov annonce à Ivan Koniev qu’il longe la Styr à hauteur de Krupa – Andrei Vlassov l’a atteinte à Topillya.

Prolétaires aviateurs de tous les pays, unissez-vous !
« Le 13 février commencèrent les opérations de mitraillage. On avait reçu l’ordre de détruire le plus possible de véhicules allemands. C’était là, disait la circulaire, des prouesses « très payantes ». Très meurtrières aussi.
Plus que la mort, nous inquiétait la perspective d’un atterrissage forcé en territoire ennemi. Nous craignions beaucoup d’être considérés comme des « mercenaires du Bolcheviques », comme l’avait proclamé à plusieurs reprises la radio de Paris, puis de Berlin. On nous avait bien dit que, par l’intermédiaire des Suisses, Marseille avait fait savoir à Berlin qu’en cas de capture, les aviateurs allemands prisonniers répondraient de nos vies sur leurs têtes, mais ce ne fut pas toutefois sans un petit pincement au cœur que les pilotes entendirent Littolff annoncer : « Aujourd’hui 13 février, mitraillage des routes ennemies. En particulier la périphérie de Loutsk, Strumivka et Pidhaïtsi. Visez juste et tirez vite – les Sturm’ du Belfort se chargeront de finir. Pas de passages inutiles. Déblayez la voie pour les Sturm’. Tuez du Fritz. Le maximum. Mais ne vous faites pas descendre, c’est ce que je vous demande avant tout. »
Sous le commandement de Tulasne, onze MiG arrivent au-dessus des lignes allemandes de Loutsk. Tout de suite, la Flak se met à tonner. D’abord les canons de 80. Ensuite la DCA légère qui tisse dans l’air ses filets d’acier. Les MiG dégringolent vers une colonne de véhicules légers, et quelques chars à toit plat. Les camions commencent à flamber. Nous visons particulièrement les pièces mobiles type 37 mm, parfois juchées sur des camions. Les soldats de la Wehrmacht essaient de se réfugier dans les fossés. Nos obus de 20 mm interrompent ce sprint par des explosions cruelles.
Tout a l’air de se passer comme à la parade.
– Allo, allo, crie Tulasne dans son laryngophone. Les Lions (9) prennent le relais. Mission terminée, regroupement à 3 000, en formation de combat.
Un avion n’obéit pas. C’est celui de Mahé. Il est touché. Il essaie de filer en rase-mottes. Il est obligé de se poser en territoire contesté, à 10 kilomètres de Loutsk. Atterrissage violent. La queue de son MiG se brise et vole en éclats. Mahé ruisselle de sang, pendant que plusieurs blindés amis et ennemis font la course vers lui. Il est sorti d’affaire. Il devait rester trois mois à l’hôpital. »

(Capitaine François de Geoffre, Escadre Franche-Comté/Vistule, Charles Corlet éd. 1952, rééd. 1996)

Droit vers l’ouest !
Région de Ternopol (sud de l’Ukraine)
– A présent que la 6. Armee est visiblement brisée et que l’Ikva est passée, c’est tout le 3e Front Ukrainien qui s’élance vers l’ouest, en direction de Tchervonohrad, afin de prendre la 8. Armee de vitesse.
Depuis Mlyniv, la 26e Armée avance vers Stariv, afin de franchir la Styr – elle affronte une nouvelle fois la 385. ID, chaque jour plus affaiblie et dont le chef, Eberhard von Schuckmann, guette désespérément les signes d’un essoufflement ennemi. Mais les hommes de Lev Skvirsky en en sont encore très loin – et l’Armée Rouge écrase une nouvelle fois les premières lignes de défense de l’Axe. Elle prend pied à l’ouest de la Styr à Stavriv et Bil’che, débordant des Landsers décidément bien trop peu nombreux.
Plus au sud, c’est la ruée. A Doubno, la 8. Panzer attend encore et toujours un ordre de repli qui ne vient pas. Son potentiel s’érode chaque heure davantage sous les tubes de la 3e Armée, tandis qu’elle se retire pied à pied sans rien vouloir céder de significatif vers Mali Sady. Evidemment, Mikhail Shumilov ne se gêne pas pour appuyer sur la tête de cet adversaire qui ne manœuvre pas, pendant que les engins du 8e Corps Mécanisé traversent la Styr pour venir à sa rencontre. La 8. Panzer tombe à 50 engins, puis à 42. A 15 heures, on en est à 35 – et la plupart des carcasses ne peuvent même pas être récupérées, du fait du feu ennemi. Quand l’ordre de décrocher vers Berestetchko atteint enfin Gottfried Frölich, il est plus que temps. Balck lui a finalement obtenu son précieux sésame, grâce à tout ce qui se passe au sud.
En effet, à Khotivka, la 5e Armée de la Garde attaque en force le barrage formé par le LIX. AK de Christian Usinger (223. ID et 205. ID) et le 311. StuG. Cet assaut massif se double d’une prise de flanc par le 3e Corps Blindé du général Badanov, qui a forcé le passage 10 Km plus au sud, à Dunaiv. Menacé d’enveloppement, le dispositif allemand doit s’adapter d’urgence. On envoie la 6. Panzer de Rudolf von Waldenfels bloquer le 3e CB. Panzer IV, Leopard et Panther paraissent d’abord pouvoir encaisser le choc, avant de se faire déborder aux environs de Komarivka. L’arrivée des VVS met le comble au désastre ! D’évidence, la PanzerWaffe ne domine plus automatiquement son adversaire. Pour obtenir une supériorité qui ne lui est plus acquise d’emblée, il lui faut lutter… et parfois sans succès. Les défenseurs de Khotivka doivent ainsi se retirer en urgence vers Plyasheva – la chose sera à moitié faite dans la nuit.
Mais la route directe de l’ouest, passant par Radyvyliv, est désormais fermée. Le saillant de Brody s’agite : la 9e Armée de la Garde sort de sa pseudo-torpeur pour frapper en direction de Lopatyn – d’où il sera possible d’attaquer Tchervonohrad ou Lvov, au choix de Vassilevski ! Cette zone est défendue par la seule 7. Panzer de Hasso von Manteuffel – théoriquement, tout le III. PzK devrait enserrer le saillant, mais les deux autres panzerdivisions ont de quoi faire… Même avec l’aide du 507. schw. Pz Abt (Major Erich Schmidt) – dont Balck avait intelligemment demandé le rapprochement à Radekhiv pour se prémunir de quelque chose de ce genre – la 7. Panzer souffre. Elle cède déjà du terrain et les rives de la Styr sur 3 kilomètres – des bois impropres à la manœuvre blindée.
Venant du sud, la Panzer-Division GrossDeutschland tente évidemment une offensive de dégagement de Zolotchiv vers Pidhirtsi, pour calmer ces sous-hommes. Mais Walter Hörnlein se heurte alors au 1er Corps Blindé de Porfiry Chanchibadze, qui l’attend calmement avec son artillerie déployée dans le passage de Hrabovo (lequel mène vers Pidhirtsi à travers des collines boisées d’une centaine de mètres d’altitude). La suite se passe de façon… standard : assaut allemand, bombardement soviétique, arrêt allemand, contre-charge soviétique, repli allemand, étalement soviétique, contre-contre-charge allemande… Certes, si le Géorgien est très à l’aise en défense (il a eu le temps de se préparer !), Hörnlein est loin d’être battu. Mais ses Panzers ne passent pas. Et plus au nord, Nikolai Pukhov peut continuer de faire ce qu’il veut.


Notes
6- L’invasion de la Lituanie avait été facilitée par une succession de coups-de-main locaux, notamment à Kaunas, plus ou moins en collaboration avec les forces spéciales de l’Axe.
7- Certains ministres lituaniens indiquèrent avoir éprouvé une « très vive détresse » lors des pogroms… mais pas assez, toutefois, pour condamner franchement ces actions. Ils ne formulèrent donc que de vagues réserves sur le caractère public des exécutions de « Juifs connus pour leurs activités communistes » – réserves qui ne dissuadèrent bien sûr personne.
8- Le cinéaste allemand Joseph Vilsmaier tirera de cet épisode une scène tragique de son film Russland.
9- Surnom des avions du Belfort… évidemment.
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Hendryk



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MessagePosté le: Dim Oct 03, 2021 09:36    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Pour résumer, Rybalko est seul. Seul sur la rive gauche du Niémen, seul au sud de Kaunas et surtout seul face à l’hydre fasciste.

L'hydre fasciste est donc une espèce de Kaunas.
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Etienne



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MessagePosté le: Dim Oct 03, 2021 09:52    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
La lance de Wotan
Région de Rovne (nord de l’Ukraine) –
... Tout ce monde décroche dans la nuit sans demander son reste, d’autant plus que le 7e Corps Mécanisé sort enfin des marais… La 9. ID et le 210. StuG ne les ont pas attendu

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MessagePosté le: Dim Oct 03, 2021 10:14    Sujet du message: Répondre en citant

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MessagePosté le: Lun Oct 04, 2021 03:32    Sujet du message: Répondre en citant

Hendryk a écrit:
Casus Frankie a écrit:
Pour résumer, Rybalko est seul. Seul sur la rive gauche du Niémen, seul au sud de Kaunas et surtout seul face à l’hydre fasciste.

L'hydre fasciste est donc une espèce de Kaunas.

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MessagePosté le: Lun Oct 04, 2021 03:52    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:

5- En bon officier, discipliné, modeste, compétent… mais issu d’une famille pas aussi prolétaire qu’il eût fallu, Vassilevski avait renié ses parents et n’entretenait plus aucun contact avec eux depuis 1926. La situation changea en avril 1940 quand Staline s’en inquiéta et encouragea l’intéressé à ne pas se montrer ingrat, comme ses trois frères, mais au contraire à renouer avec eux et à les aider… tout en tenant le Parti informé. « Mikoyan et moi aussi nous voulions devenir prêtres, et l’Eglise ne nous a pas pris. Pourquoi, nous ne le savons toujours pas aujourd’hui ! » asséna-t-il sur un ton badin à son tout nouveau général de division, saisi de terreur. Humiliante et hypocrite leçon de morale, de la part d’un homme qui considérait tout « descendant d’éléments réactionnaires » comme intrinsèquement menaçant pour le régime.


PoD intéressant: en 1899, le Synode retient le dossier de Iossif Vissarionovitch Djougachvili, séminariste brillant mais indiscipliné, qui devient un pope atypique. Ses aptitudes particulières lui permettent de grimper dans la hiérarchie de l’église orthodoxe russe, jusqu’à en devenir un hiérarque, et d’accéder au poste tant convoité de métropolite. De la, par intrigues successives et malgré son humble origine géorgienne, il finira par devenir patriarche, le sommet d’une brillante carrière, sauf si...

Vraisemblablement, la double révolution russe, qui est avant tout une conséquence de la Grande Guerre et a laquelle Staline ne prend qu’une part très marginale, a quand même lieu. Il existe alors une possibilité que le régime finalement instauré par Lénine et ses successeurs s’en prenne au haut clergé orthodoxe, et que le métropolite Djougachvili se trouve purgé, voire « liquidé » vers 1930.

A noter en passant la coupable inefficacité du régime tsariste, qui déporte Staline en Sibérie a plusieurs reprises (5 ou 6, je crois), pour le voir s’évader et réapparaitre la ou il peut faire du dégât. On comprend mieux pourquoi Staline avait le souci d’éliminer physiquement ses opposants.
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MessagePosté le: Lun Oct 04, 2021 04:35    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Fallait bien que quelqu'un la fasse Cool

On aurait pu s'en passer sans mal.
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MessagePosté le: Lun Oct 04, 2021 07:58    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Werner Kempf, qui a réussi


Citation:
La voie ferrée et la route voisine, axes naturels de pénétration soviétique, deviennent le théâtre des plus féroces combats entre Landsers retranchés dans la neige et T-34 frappant vague après vague à la porte de Loutsk. La neige sale se rougit de sang.
Au centre, le long de la route principale Rovne-Kovel, une vague de blindés frappés de l’étoile rouge avance

On sait bien que c'est une marée rouge, mais il ne faudrait pas que le lecteur se retrouve noyé ...

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Tout de suite, la Flak se met à tonner. D’abord les canons de 88


Citation:
qui a forcé le passage 10 km plus au sud

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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Oct 04, 2021 12:04    Sujet du message: Répondre en citant

14 février
Opérations Šiauliai et Bagration
Final calamiteux
Katastrophenlinie (Lituanie)
– La 16. Armee achève de prendre position afin de défendre le Niémen et le sud de la Lituanie – avec deux armées et un corps blindé, l’aile gauche du 1er Front de la Baltique, pas plus motivée qu’auparavant, ne saurait de toute façon pas franchement lui nuire. Elle ne tardera pas, cependant, à aller se positionner face à elle, dans la continuité de la 4e Armée à Kryžkalnis. La 7e Armée ira autour de Raseiniai et la 42e Armée vers Ariogala, avec plus en arrière le 15e Corps Blindé, prêt à bondir par-dessus la Dubysa sitôt une tête de pont ouverte. Un saut de 80 kilomètres… mais Krutikov, Morozov et Rudkine ont tout leur temps. Ils ont déjà dû compenser la désespérante lenteur du 2e Front de la Baltique !
Il est vrai que celui-ci partait de plus loin. Et Kirill Meretskov, ayant dû couvrir en deux semaines 300 kilomètres – dont une bonne part en terrain difficile – ne peut plus guère que suivre. Il déploie donc ses troupes selon un vaste arc de cercle Ariogala-Vandžiogala-Karmėlava : 7e Armée de la Garde, 34e Armée, 39e Armée, avec le 13e Corps Blindé et le 10e Corps Mécanisé en réserve à Kėdainiai, pour frapper à l’ouest de Kaunas le moment venu. Le chef du 2e Front de la Baltique, qui ne croit visiblement plus avoir la moindre de chance de se saisir de la ville par un assaut direct sans dépenser un temps et une énergie très excessifs, envisage plutôt désormais d’envelopper celle-ci comme les eaux d’un ruisseau enserrent une grosse pierre. Dans cette optique, il fait passer la Sventoji à la 55e Armée et au 14e Corps Blindé – sans doute pour se positionner à Palomenė le moment venu, au côté du 1er Front Biélorusse. Mais sans trop se précipiter – de toute façon, Sokolovski (pardon, Joukov !) est toujours à la manœuvre et les routes restent encombrées…

L’Or du Rhin
Bagration Nord (1er Front Biélorusse)
– De fait, la Saint-Valentin (fête capitaliste donc ignorée en URSS !) n’a pas apporté au maréchal de plus doux sentiments – à présent que le temps se dégage significativement, Joukov entrevoit enfin le moyen de s’emparer de Kaunas en deux assauts coordonnés depuis le sud et l’est, de faire la jonction avec ce mou de Meretskov aux environs de Domeikava et de conclure en définitive par un triomphe personnel qui effacera l’échec collectif de Šiauliai et Bagration Nord.
Hélas, la situation paraît bien peu favorable – les SS de la Kurland et les deux corps d’armée de la 2. Armee sont déjà à hauteur de Domeikava, et sont solidement rattachés à la 16. Armee à gauche et au XL. PzK (donc à la 4. PanzerArmee) à droite. Toutefois, cela n’empêche pas la 63e Armée et le Groupement Oslikovski de repartir encore et toujours vers Kaunas. Du coup, ils devancent les formations du 2e Front de la Baltique pourtant supposées être à leur place… Pourtant Vasily Kuznetsov n’est pas un imbécile – il s’est bien gardé de passer la Sventoji ! Ses troupes, désormais à hauteur de Neveronys et Karmėlava – soit les faubourgs nord-est de Kaunas – se contenteraient désormais de s’emparer de la partie est de la ville, entre Niémen et Sventoji. Ce qui sera déjà beaucoup pour des formations épuisées, faisant face à deux corps d’armées en train de se retrancher. La 20e Armée et le 10e Corps Blindé sont encore loin derrière…
Reste donc en pointe la seule 1ère Armée de Chars, pour qui les choses vont bien (elle atteint les berges du Niémen à Kaunas)… ou pas. En effet, avant midi, un avion de reconnaissance repère de fortes troupes blindées aux environs de Marijampolė – c’est-à-dire qu’elles menacent directement Prienai, les arrières de Katukov et carrément la survie de son armée ! L’avion ayant été malheureusement abattu, “on” se refuse pour l’heure, au 1er Front Biélorusse, à tenir compte de cette information. Le pilote a pu se tromper… et avec le maréchal (qui se trouve sur le front, à diriger personnellement le 18e Corps Blindé censément commandé par Alexei Burdeiny…), mieux vaut être certain de ce que l’on annonce.
Il faut attendre 14h00 pour que la nouvelle soit enfin admise par Joukov, revenu à son QG. Les blindés fascistes sont à Skriaudžiai – la 3. Panzer de Wilhelm Philipps – et à Šilavotas – la 12. Panzer d’Erpo von Bodenhausen, un peu moins puissante. Ils se préparent visiblement à couper en deux les forces de Katukov. Evidemment, Joukov ne tarde pas à réagir avec professionnalisme, en envoyant tout ce qu’il y a de VVS disponibles dans le secteur – et il y en a, maintenant que Šiauliai est terminé ! Une pluie de Sturmovik s’abat sur la tête du XLVI. PanzerKorps, au grand désespoir de Franz Westhoven qui constate, une fois encore, que la Luftwaffe est décidément incapable de lui fournir un parapluie aérien à la hauteur. Malgré les efforts des I et II/JG.54 – qui voient tomber 9 de leurs appareils contre 26 assaillants – le XLVI. PzK perd des dizaines de véhicules ainsi qu’un temps précieux. Des heures critiques que l’ennemi peut mettre à profit.
Mikhail Katukov, lui aussi, sait être professionnel – plus un pas en avant, repli immédiat ! Ce faisant, il anticipe quelque peu les directives de son patron, qui n’en est pas encore là – mais tout fonceur qu’il est, le Soviétique tient aussi à sauvegarder son outil de travail. Le 18e Corps Blindé effectue en catastrophe un grand bond en arrière en direction de Prienai, abandonnant tous les gains de ces derniers jours au grand soulagement d’une 22. Panzer atomisée. A gauche, le 2e Corps Blindé de la Garde va courageusement au charbon pour retenir la 3. Panzer – de toute façon, Ivan Vovchenko est Ukrainien, et la moindre hésitation ne manquerait pas d’attirer l’attention sur sa personne. Sa formation ne dispose plus que de 40 % de ses engins, mais elle frappe quand même la droite de Philipps à Juragiai et fait barrage pour protéger les colonnes en retraite. A un prix plutôt élevé (52 blindés) et sans pouvoir gagner suffisamment de temps pour une évacuation totale. De son côté, le 2e Corps Mécanisé de Vasily Volsky fait face, avec les pires difficultés, à la 12. Panzer d’Erpo von Bodenhausen, lequel est ravi de renouer avec de saines habitudes de charges blindées, après le broiement de Souvorov. Heureusement pour les Rouges, ici les forêts dominent. Seule la route du nord, donnant vers Kaunas, est dégagée. Et si le 2e CM perd ici des dizaines d’engins, il tient assez longtemps pour que le 18e CB arrive à la rescousse, forçant von Bodenhausen à renoncer à un encerclement pour se contenter d’une vive pression.
Le gros de la 1ère Armée de Chars peut donc se dégager, mais de nombreux isolés, blessés, retardataires ou simplement non-informés (!) se font piéger. Pour environ 6 000 hommes, ce sera la capture, la mort, ou la traversée du Niémen à la nage après avoir réussi à se cacher en dépit d’une population hostile (10). Un moindre mal cependant. Toute la nuit, la 1ère Armée de Chars repasse le Niémen d’ouest en est, sous les tirs de l’artillerie allemande…

Fraternelle camaraderie
Secteur du 2e Front Biélorusse
– Le général Max Reuters, Letton anciennement tsariste porteur d’un nom aux consonances allemandes, jugé décidément trop vieux et trop lent pour les opérations modernes (on l’avait pourtant rappelé pour sauver la 15e Armée sur les berges de la Drut…) est déchargé de son commandement. Après tout, la Courlande est libérée maintenant, il n’a qu’à rentrer chez lui ! persiflent certains. Cependant, en guise de « chez lui », le Balte part commander le district militaire de Chkalov, dans l’Oural (11) !
Signe des temps, l’intéressé est remplacé par un personnage bien connu dans l’Armée Rouge : Grigori Goulik, proche de Kliment Vorochilov (ce qui a évidemment joué), spécialiste plus ou moins autoproclamé de l’artillerie depuis la guerre civile (12), grand adversaire des tanks (jusqu’en 1942…), ancien conseiller de feu la République espagnole et épurateur sans états d’âme – le NKVD a emporté jusqu’à sa seconde femme ! Joukov s’était débarrassé dès Khalkhin-Gol de ce personnage brouillon, dont les prises de paroles aussi maladroites qu’absconses déclenchent régulièrement des éclats de rire dans l’assistance. Maréchal depuis 1940 et la guerre d’Hiver (où il n’a pourtant guère brillé !), il fallait bien lui trouver une affectation… Du coin de l’œil, Konstantin K. Rokossovski en prend note – avec les victoires, le régime se raidit et reprend ses bonnes vieilles habitudes. Mais il continue aussi à récompenser les individus brillants et à sanctionner les incompétents. Alors, avec de la chance, Goulik tombera de lui-même comme une pomme trop mûre.

Tankiste (Evgueni Bessonov)
Grincements

« Stalingradskiy rugit, grince, souffre même, cahotant sur une route défoncée tandis qu’il évite de justesse un énième camion coincé dans une congère. Fiodor : « Un jour, je vais m’en prendre un sur le coin du plastron, on s’en rendra même pas compte ! » Mais on n’avance pas. Ou alors si, mais pour ça, il faut s’écarter du chemin, perdre du temps et chercher notre route au milieu des champs gelés. On nous a parlé d’un point de passage à l’ouest – où est-il ? Au bout des panneaux, évidemment, ceux que toute l’Armée Rouge suit, encombrant la voie et nous contraignant à ramper à la vitesse d’une carriole tirée par des chevaux !
Nouveau grincement, plus fort que les autres. Notre chauffeur commente à voix basse – c’est-à-dire qu’il parle tout seul, dans le fracas de notre T-34. « Il aurait bien besoin d’un graissage, les suspensions ont leur âge. » Ça et la tourelle – Andrei en parlait tout à l’heure. Le moteur électrique semble sur le point de rendre l’âme. « Heureusement que les casiers sont vides, ça fait toujours ça de moins à tirer. » Suit un grand rire gras, usuel chez notre ami. Mais je n’ai pas le temps de lui répondre – il me faut surveiller du coin de l’œil le reste de mon peloton. »

(Tankiste ! – Jusqu’au cœur du Reich avec l’Armée Rouge, Evgueni Bessonov, Skyhorse 2017)

Opération Lvov-Kovel
La lance de Wotan
Région de Rovne (nord de l’Ukraine)
– Prise de Sarny par la 61e Armée de Pavel Belov, qui devance de justesse la 65e Armée. Le Fasciste a évacué la zone – la 3. PanzerArmee se déploie derrière Loutsk sur un arc Kolky-Torchyn, en profitant du fait qu’en face, l’Armée Rouge est toujours occupée. Toutefois, pour que les nouvelles défenses de Werner Kempf soient en place – notamment le LVI. PanzerKorps (Friedrich Hossbach), à l’extrême sud – il va falloir encore gagner un peu de temps.
Du côté des Soviétiques, Rodion Malinovski vient d’apprendre que, tout compte fait, son 3e Front de Biélorussie ne devra pas céder deux armées mais une seule (la 61e) ainsi que le 4e Corps Aéroporté (qui entre dans Stoline à l’instant même) au 1er Front Ukrainien de Koniev. L’intervention d’Aleksandr Vassilevski – chargé officiellement de coordonner cette suite d’offensives ukrainiennes – a sans doute été ici décisive. La 50e Armée de Konstantin Golubev passe donc en arrière de la ligne de front, en prévision de Vistule-Varsovie. Mieux – il est convenu que la moins fatiguée des formations de Koniev remplacera la 61e Armée au 3e Front de Biélorussie le moment venu. Sans doute la 37e Armée de Chuikov, au train où vont les choses.
Les forces conjointes de Malinovski et Koniev s’emparent ainsi d’une “péninsule” désertée. Le XVII. AK, qui faisait face jusqu’à hier avec acharnement à la 65e Armée de Boldine, assure désormais l’arrière garde à Horodets’, derrière des formations disparates (4. LFD, 78. SD, 79. ID) en cours de redéploiement vers Kouznetsovsk – il parait évident que la chute imminente de Loutsk rend inutile toute tentative de tenir l’Horyn. La Heer se contente donc de laisser là quelques éléments retardateurs. Toutefois, le corps de Wilhelm Schneckenburger subira encore des pertes sérieuses contre le 7e Corps Mécanisé qui jaillit des marais, avant de réussir finalement à se retirer, en grande partie sous la pression. Les ponts sur l’Horyn sautent avant la nuit.
Pendant ce temps, la 9. ID (Siegmund von Schleinitz) et le 210. StuG Abt (Major Herbert Sichelschmidt) sortent du bois à Omel’ne pour rejoindre les forces mécanisées de la 3. PanzerArmee, qui arrivent de Sarny, et qu’ils vont soutenir. Il s’agit du XLVII. PanzerKorps (Erhard Raus), qui fonce pour essayer de retarder la chute de Loutsk. Les 4. Panzer et 5. Panzer, surgissant d’Omel’ne, frappent ainsi l’arrière du flanc droit du 19e Corps Blindé à Strumivka, alors que ce dernier tentait de contourner la ville par le nord en attendant l’infanterie. L’impact imprévu et violent de deux PanzerDivisions à plein effectif sur un corps blindé esseulé – et toujours engagé contre la 168. ID et le 249. StuG – déclenche comme un flottement chez les Rouges, plus vraiment habitués à ce genre de traitement. Se sachant couvert sur ses arrières, Raus passe derrière Ivan Vasilev et entreprend de glisser sa 5. Panzer (Karl Decker) sur les arrières de la 2e Armée de Chars, en évitant les pointes de la 37e Armée, encore un peu en retrait à Zviriv. Il n’a certes pas les moyens de détruire les trois corps d’armée de Serguei Bogdanov – par contre, il peut sans problème semer un chaos phénoménal dans ses lignes de ravitaillement, anéantir ses stocks et un grand nombre de transports, enfin faire perdre un temps précieux à Lvov-Kovel.
Face à cette menace réelle, Ivan Koniev réagit – comme Joukov – avec célérité et efficacité. D’abord, il envoie contre les blindés fascistes 120 Sturmovik d’un coup, qui vont faire pleuvoir un orage de bombes et de roquettes sur la 5. Panzer pendant que le reste de la 3e Armée Aérienne de Sergei Krasovski occupe le VIII. FliegerKorps (Oberst Torsten Christ). Ensuite, il ordonne à la 1ère Armée de Choc de Vlassov de remonter sans délai vers le nord, afin d’appuyer de ses blindés comme de son artillerie les combats en cours, tout en laissant à la 5e Armée de Choc d’Ivan Chernyakovsky le soin de prendre le relais pour franchir la Styr à Topillya. Et enfin, il saute dans un Po-2 pour aller personnellement voir Vasilev, afin de lui remonter le moral et de coordonner la riposte avec Bogdanov. On dira ce qu’on veut de Koniev, mais il ne manque pas de courage personnel – de tous les maréchaux soviétiques, c’est sans doute celui qui commande le plus à l’avant. A l’allemande, pourrait-on dire.
Ce remède de cheval ne manque pas de faire effet… Au soir, le XLVII. PanzerKorps doit se retirer sous le couvert des bois de Kivertsi pour ne pas être anéanti – la 5. Panzer a perdu 65 engins, et la 4. Panzer n’a pas été épargnée ! Cependant, l’action énergique d’Erhard Raus a sans doute sauvé le reliquat de la 6. Armee, désormais en retraite près de Torchyn et Rojychtche, d’un encerclement puis d’une destruction totale.
Pour sa part, Vassily Grossman évoque aujourd’hui dans ses carnets la journée d’un certain Gromov, fusilier antichar de 38 ans s’étant frotté aux semi-chenillés allemands.
« Le numéro un porte le fusil, le numéro deux porte trente cartouches antichars, cent autres pour les fusils, deux grenades antichars et une carabine. Il [le fusil antichar] fait un de ces bruits… La terre en tremble. Le départ du coup vous assourdit terriblement, il n’y a plus qu’à ouvrir la bouche. Quand on met dans le mille, il y a une grande flamme sur le blindage. La nuit nous étions couchés, et le jour c’était l’attaque. J’étais couché. On a crié “Ils arrivent !” Les champs étaient plats et froids comme une table. J’ai eu le mien du deuxième coup. D’abord une petite fumée, puis un craquement et une flamme. Evtikhov a tiré sur un autre véhicule. Il a touché la caisse, et il fallait voir comment les Fritz se sont mis à crier… Ils ont poussé des cris terribles, nous les entendions très bien. Ça nous a même réjoui l’âme.
[Gormov a des yeux vert clair et un visage souffrant, mauvais.]
Chez nous aussi, les pertes principales viennent de ce que nous sommes amenés à porter nous-même le petit déjeuner et le déjeuner. Il ne faut y aller soi-même que la nuit. La vaisselle n’est pas adaptée, il faudrait se procurer des seaux. »

Ayant passé une semaine à suivre particulièrement cette unité, Grossman n’est plus vraiment un étranger en son sein. Il tirera de cet entretien un article magnifique publié dans Krasnaïa Zvezda, qui consolidera beaucoup sa réputation dans le milieu des correspondants de guerre.

Prolétaires aviateurs de tous les pays, unissez-vous !
« Le renfort d’hier est doublement apprécié. D’abord parce qu’il apporte un air de France. Ensuite, parce que la chasse allemande se montre de plus en plus agressive et mordante. Elle veut rendre confiance aux fantassins qui commencent à perdre complètement pied sous la marée soviétique. Chaque jour, elle attaque les Pe-2 de bombardement, qui ont aussi affaire à la DCA. On raconte la dramatique histoire du major Petrov, tué en plein vol par un obus de 80. Son observateur, plutôt que de sauter en parachute et risquer d’être fait prisonnier, réussit alors que l’avion tombait, déséquilibré, à grimper dans la cabine de pilotage. On ne sait comment il arriva à se saisir du manche. A vue de nez, il essaya de se souvenir des manœuvres qu’il avait tant de fois vu exécuter. Et lui qui ne savait pas piloter réussit à repasser les lignes dans son avion en flammes, auprès de son pilote tué à son siège. Alors seulement il se décida à sauter en parachute et fut sauvé.
De tels exploits, renforcés par le sentiment de victoire imminente qui nous animait tous, gonflaient au maximum les volontaires français. Le jour de l’enterrement du major Petrov, quatre MiG du Besançon passèrent en formation serrée au-dessus de l’endroit où se déroulait la brève et martiale cérémonie. »

(Capitaine François de Geoffre, Escadre Franche-Comté/Vistule, Charles Corlet éd. 1952, rééd. 1996)

Défense élastique…
Région de Ternopol (sud de l’Ukraine)
– Temps plus variable, voire couvert, du côté d’Aleksandr Vassilevski – mais cela n’empêche évidemment pas le 3e Front Ukrainien d’avancer au rythme de son voisin comme des replis successifs de l’ennemi.
La 26e Armée de Lev Skvirsky maintient la liaison avec les pointes d’Ivan Koniev en avançant depuis ses têtes de pont à l’ouest de Stariv vers Bakivtsi – rejetant ainsi une 385. ID toujours plus dépassée, sans soutien et en pleine confusion sur sa prochaine ligne d’arrêt. Sans aucune perspective, Eberhard von Schuckmann glisse vers Berezhanka et la Polonka (rivière qui alimente la Chornohuzka, laquelle se jette dans la Styr) sans pouvoir faire mieux que subir.
C’est évidemment le cadet des soucis de Walter Weiß. Le IX. AK est mort de mort violente, il lui faut sauver tout le reste. La 8. Panzer a quitté Doubno sans plus de dommages (encore heureux !) et franchit la Styr à Berestetchko pour se retrancher derrière cette coupure humide, poursuivie par les chars du 8e Corps Mécanisé dont le chef, Vladimir Baskakov, se révèle moins bon meneur d’hommes que planificateur. Les ponts sautent donc sans trop de difficultés – mais la 3e Armée de Mikhail Shumilov n’est pas loin, avec ses pontonniers…
Informés de ce recul, les anciens défenseurs de Khotivka – LIX. AK, 311. StuG et 6. Panzer – ont renoncé à remonter vers Plyasheva et Berestetchko. De Kozyn, ils obliquent plutôt vers Shchurovychi afin de franchir eux aussi la Styr sur des ouvrages improvisés. Ce qui prendra du temps, mais Christian Usinger et Rudolf von Waldenfels n’ont guère le choix… Au surplus, ici, le terrain (des bois, quelques vallons…) n’est pas favorable aux assauts blindés. Et par chance, il n’y pas trop de Faucons de Staline dans le ciel aujourd’hui ! N’empêche – la 5e Armée de la Garde bondit sur leur gauche à Sestryatyn tandis que le 3e Corps Blindé du général Badanov entame une vaste boucle vers Mytnytsya afin de menacer les points de passage depuis le nord, à présent que la rive est de Berestetchko est dégagée. Pour la Heer, c’est peut-être reculer pour mieux sauter…
Enfin, du côté de l’ancien saillant de Brody désormais libéré, les choses s’accélèrent. Pendant que le 1er Corps Blindé continue de contenir avec succès (bien qu’au prix de pertes sensibles) la Panzer-Division GrossDeutschland à Pidhirtsi – contestée à la nuit tombée, la 9e Armée de la Garde repousse dans Lopatyn une 7. Panzer vaillante, compétente, mais de plus en plus amaigrie. Dans la soirée, constatant le risque de voir son aile sud être percée– ce qui impliquerait sans aucun doute son effondrement complet – Walter Weiß ordonne à Walter Hörnlein de laisser tomber son action de dégagement devenue sans objet. La GrossDeutschland doit rejoindre la 6. Panzer de Rudolf von Waldenfels et défendre le triangle Radekhiv - Kamianka-Bouzka (13) - Bousk, qui barre les routes de Tchervonohrad et Lvov. Le XXVII. ArmeeKorps (Paul Völckers) couvrira le sud du HeeresGruppe, en se retranchant derrière le Boug et en étirant ses lignes autant que nécessaire, en coordination avec le HG SudUkraine, chez qui il ne se passe rien. Enfin, c’est ce que Ferdinand Schröner a fait savoir à ses chefs d’armée, du moins…
En résumé, pour la 8. Armee, c’est désormais la Styr et le Boug ou rien, afin de défendre les approches de Lvov. Et encore – si la ligne tient, ce sera de justesse. Quant à Kempf et De Angelis, au nord, ils devront se débrouiller tout seuls.

Feu de tout bois
Plus grand Reich
– Faisant suite aux instructions du Führer – lequel a plus ou moins demandé à chaque Allemand sous les armes de gagner au plus vite le front – la Heer active ce jour pas moins de trois divisions d’infanterie. Il s’agit des unités suivantes :
- 361. ID (Alfred Philippi)
- 364. ID (Hermann Hähnle)
- 277. ID (Eugen Wößner).
Les deux premières formeront le nouveau LXI. AK (Ferdinand Neuling), destiné à rallier la 2. Armee. Quant à la dernière – la seule qui ne soit pas issue de la levée Rheingold – elle ira rejoindre au plus vite la 6. Armee, afin de tenter de boucher les trous. Mais tout ce petit monde ne sera pas sur place avant une semaine – au minimum.


Notes
10- Il est révélateur que le prénom le plus attribué aux nouveau-nés lituaniens en 1943 ait été Adolfas ! Et de loin !
11- NDE – Il faudra attendre la fin de la guerre pour voir à nouveau Reuters à Moscou, enseignant à l’Académie Chapochnikov. Mis à la retraite en janvier 1950 pour raison de santé, il meurt à Moscou trois mois plus tard. Une rue à Ventspils et un monument dans son village natal entretiennent son souvenir.
12- On lui doit… de nombreuses erreurs, dont la tentative d’interdiction de la production de l’excellent 76,2 mm.
13- Kamianka sur le Boug.
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