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Le Milieu et les Allemands
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 11:55    Sujet du message: Répondre en citant

Sixième et dernière partie (première moitié)

Patrick Pesnot
– De retour sur le plateau de Témoins d’époque pour la dernière partie de notre numéro consacré à la Carlingue de Pierre Bonny, mais cette fois plus spécifiquement en ce qui concerne la période suivant le débarquement en Provence. L’existence de cette… institution sera alors plutôt brève – qu’en pensez-vous, chers Messieurs ?
Philippe Robert – La fin de l’affaire fut en effet remarquablement rapide – aussi rapide qu’elle avait commencé, en fait. Dès le 6 septembre, la maison de la rue Lauriston parait prise de panique. Toutefois, elle n’est pas encore aussi dépeuplée qu’on l’a dit. Il en sort donc des valises de billets – sur instruction de Bonny – pour racheter en hâte des fermes et des maisons de campagne qui pourront servir de refuges aux chefs le cas échéant. Pierre Bonny devient ainsi, par l’intermédiaire de prête-nom, propriétaire de deux fermes à Brannay et Bazoches dans l’Yonne.
Robert Stan Pratsky – Les promesses allemandes de rejeter rapidement les envahisseurs à la mer font long feu. Marseille est libérée dès le soir du 7 septembre, avec Toulon. Avignon est dégagée le 8, Montpellier atteinte le 27. Il parait très vite évident que les Alliés ne repartiront pas !
Ph. R. – En toute logique, le service se vide progressivement. Le 29 septembre, il n’y a plus personne – la Carlingue est vide. Mais Bonny a mis un point d’honneur à fournir à tous ceux qui le demandaient les moyens de fuir – jusqu’aux Maghrébins de la BNA présents à Paris, qui ont reçu une « avance de solde » (sic !).
Monsieur Raymond – Monsieur Pierre a en outre remis à chacun une prime personnalisée, selon les services rendus et le temps passé avec lui – ainsi qu’une carte d’identité vierge. Nous n’avons eu qu’une condition à respecter : restituer notre arme “de service” et surtout notre carte de gestapiste. Ceci fait, il s’empressa de détruire Ausweiss, cartes de services, dossiers, rapports d’indicateurs, comptabilités, traces de versements… Puis Bonny s’évapore à son tour, sans prévenir qui que ce soit, dans une camionnette chargée de meubles, avec sa femme et son fils Jacques.
Ph. R. – Ce qui explique entre autres choses les ténèbres qui entourent encore aujourd’hui la Carlingue. Rien ne devait subsister, aucun indice, aucune preuve ne devait tomber entre les mains de la République. Seul un reliquat – un dossier concernant les affaires qui intéressaient de près les Allemands – sera remis au sous-officier Emil Hess, qui l’emportera avenue Foch puis à Stuttgart. Les forces alliées arrivant dans la capitale au printemps 1944 ne trouveront donc strictement rien !
PP – Monsieur Raymond, avant que nous allions plus loin, confirmez-vous que, durant l’été 1944, le “Service” a été touché par une sorte d’attentisme, comme nous l’avons esquissé précédemment ? J’ai parfois l’impression qu’à cette période, parasitée qu’elle était par les mésaventures de la Brigade Nord-Africaine, la Carlingue était pour ainsi dire au chômage technique !
M. Raymond – Je n’irai pas jusque-là : les affaires de chantage à la libération de prisonniers et de contrebande se poursuivaient, bien qu’à un rythme notablement ralenti. Et puis, il y avait tout de même des tâches de répression et de police…
PP – Je vous demande pardon ?
Ph. R. – Je comprends que cela puisse étonner – et pourtant ! Du fait de la quasi-disparition de la Police Judiciaire et de la Gendarmerie, la Carlingue a bel et bien traité quelques affaires de droit commun… à sa manière, bien sûr, et certainement pas gratuitement !
M. Raymond – Nous parlons notamment de l’affaire du marquis de Sigoyer.
PP – De quoi s’agit-il ?
M. Raymond – Du meurtre de Jeanine Kergot par son mari, le soi-disant marquis Alain de Bernardy de Sigoyer – un petit homme mythomane qui tirait gloriole du fait qu’il descendait de la branche cadette des Sigoyer. Un escroc aux mille vies et aux dix mille femmes, qui s’était même fait passer pour fou afin d’éviter la prison, avant de se convertir à la magie noire ! Il avait sans doute tué plusieurs personnes avant la guerre pour des raisons peu claires – le conflit lui fut en tout cas profitable, vu qu’il a fait fortune en vendant de l’alcool aux Allemands. Mais tout s’est compliqué en juillet 1943…
Ph. R. – Restons dans… l’audible, pour le repos de nos auditeurs. Et disons seulement qu’un beau matin, Mme de Sigoyer, née Kergot, trouve son mari au lit avec sa bonne. Elle demande le divorce, évidemment… et disparaît dès le lendemain. Heureusement pour son époux, à qui elle versait tout de même 10 000 francs par mois. Le mobile est donc là.
Mme Kergot mère – bien qu’ayant eu elle-même une liaison avec le prétendu marquis…
PP – Oh ! Je…
Ph. R. – Désolé… Enfin, Mme Kergot a bien du mal à croire à une fugue. Elle s’en ouvre à la police “normale”, qui décide de ne pas trop s’impliquer dans un règlement de compte entre collaborateurs. Faute de mieux, elle change donc de prestataire…
M. Raymond – Et elle se présente rue Lauriston pour que nos services interpellent et interrogent le présumé veuf, pour lui faire avouer son crime. C’est Maillebuau “Le Basque” qui reçoit la dame et se fait convaincre d’accepter le dossier. Le marquis est donc ramassé, embarqué, et ramené au bureau pour tenter de le faire se mettre à table.
Il ne dit rien – malgré le… protocole classique dûment suivi. Et après quelque temps, on est bien obligé de le relâcher. Comme l’expliquera plus tard Le Basque à Madame Kergot : « Enfin, Madame ! Ça fait trois jours qu’il est sur la baignoire et il n’a toujours pas craché le morceau. C’est bien la preuve qu’il est innocent ! »
RSP – Ainsi qu’on l’a dit fort justement, la torture est un excellent moyen de condamner un innocent fragile et d’innocenter un coupable robuste.
Ph. R. – Je ne nie pas ici une forme de logique médiévale. Mais il est juste dommage que Maillebuau ait eu tort – après la guerre, la bonne dénoncera le marquis et indiquera l’emplacement du corps. Bien qu’il soit défendu par Maître Jacques Isorni en personne et qu’il persiste à nier avec énergie, Sigoyer sera condamné à mort puis guillotiné en 1946. Ultime farce de mauvais goût : le condamné paiera un comédien pour qu’il se déguise en spectre post-mortem et aille “hanter” l’avocat qui l’avait – selon lui – si mal défendu.
PP – Fascinante histoire, aussi romanesque que sinistre ! Mais je me dois hélas de revenir au sujet, chers invités ! Donc Bonny déserte, comme tous ses complices ?
M. Raymond – Comme vous y allez ! Déserter ? Allons, le seul poste officiel qu’il occupe désormais – la direction de la surveillance des trains – est largement fictif. Les rares trains qui circulent encore dans la France occupée à l’automne 1943 sont ceux de l’armée allemande ! Qu’aurait-il donc fait à Paris ?
Je crains, cher Monsieur Pesnot, que vous mésestimiez l’aspect… disons, sentimental de l’affaire – un aspect qui occupe une place au moins égale à celle de l’aspect financier dans la décision de Bonny. En septembre 1943, Monsieur Pierre ne croit plus ni en la victoire de ses protecteurs, ni en sa propre bonne étoile. Il est dégoûté d’un système qui l’a porté au sommet et l’abandonne, une fois encore. Dorénavant, il espère simplement survivre et se faire oublier.
PP – Comme tous ses subordonnés ?
M. Raymond – Pas exactement. Comme je vous l’ait dit, si certains membres ont disparu pour toujours dans le marais du banditisme avant même la dissolution “officielle” du groupe, d’autres sont restés jusqu’au bout en activité – soient qu’ils aient espéré repasser du bon côté de la barrière, soit pour de pures raisons pécuniaires.
PP – En travaillant en indépendants ? Et pour qui ? Qui recruterait d’anciens gestapistes ?
M. Raymond – Evidemment personne. Du moins officiellement ! Mais avant d’aller dans le détail, observons, je vous prie, le contexte du Sud de la France à l’automne 1943. Que voyons-nous, mes chers Messieurs ?
RSP – Des provinces… culturellement agitées, relativement pauvres et en grande partie rurales, portant toujours les traces des combats de 1940 et devenues à nouveau un champ de bataille, pour une lutte plus violente encore. Restée à l’écart des manigances parisiennes de Laval, faute de moyens à sa disposition, elles ont passé trois ans sous la botte allemande et sont complètement ruinées.
Ph. R. – Et elles sont donc aussi – car je suppose que c’est là où Monsieur Raymond veut en venir, un champ de bataille pour la pègre locale, dont les jeunes membres les plus ambitieux peuvent enfin espérer se tailler un domaine et prendre la place des seigneurs de ces dernières années.
M. Raymond – Voilà ! La petite guerre Sartore-Carbone/Spirito puis la chute de la maison Bonny ont au moins eu le mérite de clarifier la situation pour bien des “pointures” du Midi – ils savaient désormais précisément à quoi s’en tenir. C’est donc en toute logique, que dès juin 1943, une bonne partie d’entre eux ont commencé à prendre contact avec les services d’Alger.
PP – En toute logique… et en tout bien tout honneur, bien sûr !
M. Raymond – N’ayant pas rendu de trop grands services à l’ennemi, mais pouvant en rendre encore d’éminents à l’ami, il semble naturel, je le répète, qu’ils aient été bien reçus… et qu’ils aient pu négocier le prix de leur ralliement. L’été 1943 voit donc se produire, non pas une succession d’attentats stupides comme le firent les communistes, mais une intense préparation avec mise en commun des matériels, planques et armes entre différents groupes.
Ph. R. – Je suppose que, comme jadis pour la Carlingue, ce vaste mouvement d’opportunisme n’avait rien de vraiment organisé, quand bien même il était spontané ?
M. Raymond – En effet, et d’ailleurs, tous ne suivent pas le mouvement. Mais néanmoins, une bonne partie des gens du Milieu se montrent à présent du bon côté de la barrière. Les frères Guérini, entre autres. Mais tout patriotes qu’ils étaient devenus [Toux violente…], ils manquaient encore un peu de moyens. Dieu merci, il restait pour y remédier certains anciens hommes de Bonny, dont Auguste Ricord, un ami de Carbone. Ainsi que, par son intermédiaire, ses camarades Joseph Piéreschi, Marius Manuelli ou encore Joseph Orsini. Les Corses ont de la mémoire, c’est vrai – mais ils savent aussi être pragmatiques quand c’est nécessaire.
PP –Si nous vous suivons bien, et pour paraphraser Brassens, sitôt qu’il faut rosser les Boches, tout le monde se réconcilie ?
M. Raymond – Tout le monde accepte de ramer dans la même direction ! Le reste, on le verra plus tard. Cazauba, de son côté, choisit de s’associer avec Danos et… je peux le dire ou cela déclenchera des hauts cris ?
PP –Monsieur Raymond, si je vous ai invité, c’est pour témoigner. Et je suppose que si vous avez accepté cette invitation – ce dont je vous remercie, évidemment – c’est aussi parce que vous avez envie de… parler librement.
M. Raymond – Parfait ! Bon, sur le conseil de Joinovici, Cazauba entre donc en affaire avec un certain commissaire Blémant – dont vous avez peut-être entendu parler, Messieurs, pour ses actions de Résistance, voire pour ses missions secrètes, tout comme pour sa fin brutale en 1965.
RSP – Pour nos auditeurs, disons que Robert Blémant fut un policier réputé du contre-espionnage français, qui contribua beaucoup à la mise en place d’une Résistance efficace dans le Sud-Est de la France – en accord avec les parrains locaux que vous avez cités. Ce faisant, il finit par passer la ligne jaune. Devenu lui-même un pur voyou, il finira criblé de balles sur une route de Provence…
M. Raymond – Il est vraiment frappant de voir à quel point les carrières de Monsieur Pierre et de Monsieur Robert présentent des similitudes. Même maison de départ, même conception du travail… Bref – Blémant, comme tout le monde, prépare le Débarquement. Mais il manque d’hommes pour… disons, pour nettoyer le terrain. En effet, tous ne souhaitent pas encore s’exposer au grand jour tant qu’on n’est pas vraiment certain de voir les Alliés débarquer. Or, il est des hommes dont chacun préférerait vraiment qu’on s’en débarrasse – et si possible, avant qu’ils soient arrêtés et interrogés.
PP – Un nom en particulier ?
RSP – Simon Sabiani !
M. Raymond – Celui-là même ! Vous comprendrez aisément que, comme bien des collaborateurs sous d’autres latitudes, le “chien de Marseille” avait pas mal de dossiers sous le coude. Il fallait donc le sortir de l’équation. Cazauba ne veut pas y aller seul – il fait entrer Abel Danos dans la combine.
Ph. R. – Avant que nous allions plus loin – et pardon de vous interrompre – je dois signaler ici qu’aucune preuve matérielle de ce que Monsieur Raymond va évoquer n’a jamais été produite. Nous ne disposons donc que de son présent témoignage, bien sûr, ainsi que du témoignage de la maîtresse de Danos, Hélène Maltat.
M. Raymond – Je continue, ou bien… ?
PP – Continuez, je vous prie.
M. Raymond – Bon. Le Mammouth accepte – et par l’intermédiaire du réseau Marco Polo, ils mettent au point un plan. Il était initialement question de question d’une simple embuscade, sur la route entre Aix et Marseille – la nasse fut mise en place… Mais le chauffeur se dégonfla au dernier moment. Sabiani passa ensuite son dernier jour sur le Vieux Port, si bien entouré que personne n’a rien osé tenter… Pourtant, il fallait faire quelque chose – au train où l’affaire se traînait, il allait réussir à s’échapper, se faire capturer ou même tourner casaque, le fichu serpent ! Et voilà que les Alliés débarquaient, pour de bon ! Alors…
PP – Alors ?
M. Raymond – Le jet de pierres est une bonne activité pour se détendre entre deux patrouilles. Et vous seriez surpris de la vitesse à laquelle une foule suit le mouvement de la valse, une fois qu’on en donne le tempo. “Tous des veaux” – comme disait le Général !
Ph. R. – Je confesse que cela expliquerait aisément pourquoi on n’a plus entendu parler de Danos et Cazauba à Paris entre le 25 août et le 12 septembre.
RSP – Mais comment ont-ils pu retourner à la capitale, au beau milieu des combats ?
M. Raymond – Grâce aux bonnes personnes, et avec une facilité déconcertante. Vous savez, à ce moment, les lignes allemandes étaient plus fines, par endroits, que la dentelle des tenues des danseuses du Crazy Horse.
PP – Bon bon bon… Donc, ils rentrent à Paris, là chacun rend sa carte et tout le monde se disperse. C’est aussi simple que cela ?
M. Raymond – Oui – à ceci près que durant l’hiver 1943-1944, comme je l’ai déjà dit, certains tenteront encore de combiner le pécuniaire et le patriotique. En effet, le rythme de la Libération ralentit…
RSP – La faute à de vigoureuses contre-offensives allemandes et aux contraintes logistiques des Alliés…
M. Raymond – Certainement ! Toutefois, cette pause crée comme qui dirait un problème : l’Allemand n’est guère content. Il sent qu’il va bientôt devoir partir. La majorité du NEF, nonobstant les excités de Doriot – pareil ! Ils pillent donc tout ce qu’ils peuvent, déclenchant ainsi des actions violentes non programmées de la part de jeunes naïfs excités par l’approche des Alliés.
RSP – Faisant tourner par là même à très grande vitesse la roue du cycle attentats-représailles. Toutefois, à ce moment, il n’est déjà plus question d’arrangements mais bien de règlements de compte. Il y aurait beaucoup à dire sur les actions communes menée à cette époque par les forces du crime, de la Résistance et des Alliés…
PP – Sans nul doute, et ce sera à coup sûr l’occasion de vous réinviter tous, chers amis. Je m’excuse évidemment, mais l’heure passe et je me dois – hélas, c’est la radio ! – de recentrer une fois encore le sujet.
Ph. R. – Donc, la République française, contrainte par le sort des armes qui ne lui est pas encore complétement favorable, voit sa population toujours prisonnière être affamée sous ses yeux. Un peu comme Henri IV assiégeant Paris, elle décide donc de laisser se dérouler de nombreux trafics, notamment des filières pour gagner la zone libérée et pour faire passer vers le nord des produits en provenance d’AFN ou des USA allant alimenter le marché noir… et les Français occupés. Le tout – semble-t-il – toléré par le gouvernement De Gaulle lui-même !
M. Raymond – Une collaboration inusitée s’est ainsi mise en place, entre certains anciens de la Carlingue, nouveaux tauliers en affaire à Marseille et réseaux de Résistance. Je dois avouer que je suis très, très étonné – encore aujourd’hui – que cela se soit passé aussi bien. Il me manque une grosse pièce du puzzle : on murmure que Blémant serait allé négocier directement quelque chose au palais Longchamp avec un personnage important…
RSP – Ça ne colle pas franchement avec l’image d’un gouvernement légal ! Quoique… qui sait ?
M. Raymond – En tout cas, l’activité ne fut pas sans risque – et du côté des deux belligérants d’ailleurs. Les troupes du MBF tiraient désormais à vue, comme leurs collègues de l’armée “classique” et d’autant plus qu’ils se trouvaient de nouveau sur le front. Mais leurs adversaires n’étaient pas en reste. C’est ainsi que Maillebuau fut passé par les armes par des FFI au détour d’un bois du Morvan – était-il là-bas pour affaires ou simplement en planque ? Je ne saurais le dire. Mais enfin… une espèce d’équilibre se rétablit toutefois jusqu’aux offensives du printemps 1944.
RSP – Cobra puis Overlord, qui allait définitivement libérer la France. C’était sans aucun doute pour les anciens de la Carlingue le dernier bouleversement.
Ph. R. – Oui. A partir de là, tous les réseaux subsistants disparaissent, ou presque, laissant place au destin individuel de chacun.
PP – Allons déjà au bout de l’histoire de Pierre Bonny.
Ph. R. – A tout seigneur, tout honneur. Au printemps 1944, il se terre dans sa ferme de Bazoches, incognito.
M. Raymond – Il se fait même faucher son véhicule par les FFI, à titre de réquisition. L’histoire est volontiers ironique – il doit envoyer son propre fils à Paris en vélo pour tenter de négocier chez Joano un autre camion, qui lui aurait permis de passer en Suisse.
Ph. R. – Mais Joseph Joinovici voit là l’occasion de se refaire une virginité à bon compte – et il ne tarde pas à balancer son ancien ami. Par l’intermédiaire de l’inspecteur Morin, au Quai de Gesvres, il indique la planque aux autorités républicaines à peine rétablies. Ce ne seront pas moins de 200 soldats, gendarmes et FFI qui prendront d’assaut la ferme le 31 juin à midi pile. L’évènement inspirera d’ailleurs à Bonny une phrase restée d’une amertume fameuse : « Pour une fois que Joano donne quelque chose ! » Néanmoins, il n’oppose pas de résistance. On retrouvera chez lui trois millions de francs, ainsi qu’une foule d’archives militaires.
M. Raymond – Je tiens à signaler qu’il y avait quatre millions dans ses malles quand il est parti de Paris. Je ne dirai pas où est passé le million manquant, mais j’ai ma petite idée !
PP – Dans les poches de ceux qui l’ont arrêté ?
M. Raymond – Pas seulement. Et d’ailleurs, puisque nous en parlons – le trésor de la Rue Lauriston n’a jamais été retrouvé… Oh certes ! Il n’était plus au niveau d’autrefois, mais il restait encore 14 millions dans le coffre la dernière fois que j’y ai eu accès. C’est vrai, Monsieur Pierre a payé abondamment tous ceux qui avaient travaillé pour lui. Mais il en manque, à l’évidence – et j’observe que certaines familles mafieuses ont très bien relancé leurs affaires après la guerre. Un bienfait n’est jamais perdu.
Ph. R. – Quoi qu’il en soit, Pierre Bonny craquera complètement et balancera tout, tapant lui-même à la machine les dépositions qu’il faisait aux inspecteurs. Il pensait sans doute adoucir ainsi sa peine…
M. Raymond – Il prouvera ainsi définitivement qu’il n’était pas… des nôtres. En passant devant sa cellule, ses codétenus lui crachaient systématiquement dessus !
RSP – Et pourtant, il ne s’effondra pas quand on le condamna à mort le 31 octobre 1944. Et il ne fallut pas davantage le traîner devant le peloton. La morale et le sens de l’honneur – c’est joli sans doute. Mais ça ne vaut pas pour autant rédemption dans notre société civilisée. Il fut donc fusillé au fort de Montrouge, à côté de Villaplana et d’Engel… entre autres.
Ph. R. – Cependant, cette mort ne mettait absolument pas fin aux procès de la Carlingue, dont les membres étaient à présent connus et recherchés. La DGSS avait d’ailleurs abondamment infiltré l’officine durant l’Occupation, avec Tissier, par exemple. Ou encore Suzzoni.
M. Raymond – Tissier avait été démasqué dès le début de l’année 1943 – l’équipe D s’en était occupée. Quant à Suzzoni, il avait été présenté à Bonny par Jean Sartore, lequel préparait sans doute déjà l’avenir. Un condamné à mort par contumace ! Quand je vous dis que Résistants et gars de la Carlingue, c’était pareil !
C’est évidemment lui – un Corse respecté – qui favorisa l’entrée des Méditerranéens dans la bande. Des gars qui trafiquèrent ensuite avec les Guérini et permirent la mise en place des filières de l’hiver 43-44. Bérangier, Guglieri, Dischépolo, Delschiappo, Joseph Orsini, Scotti… Tous ne restèrent pas forcément longtemps – mais assez, en tout cas, pour se servir durant les perquisitions et implanter des espions comme Chausse, Meunier et Caselli. Et d’ailleurs, si vous voulez savoir, Suzzoni finit viré par Bonny, suite à un vol de bijoux rue Saint-Georges, mené hors de tout cadre. Il l’a convoqué dans son bureau, forcé à rendre carte, armes et bijoux puis expulsé manu militari de l’immeuble !
Ph. R. – Je ne vais pas défendre l’indéfendable – même si le capitaine Maréchal, du Service de Sécurité Militaire, affirma plus tard que Suzzoni avait été « d’une importance très grande » et que ses renseignements avaient justement permis de contrer certaines actions de la Rue Lauriston. Les services français – ceux d’Alger, bien sûr – ont bien dû faire avec des individus qui se fondaient dans le décor ! Et d’ailleurs, si l’intéressé a été blanchi de la charge d’intelligence avec l’ennemi, il a aussi été condamné pour ses vols.
Mieux vaut un véritable agent – même véreux – qu’un espion de la 25e heure. A ce propos… Villaplana tenta justement de faire croire qu’il était lui-aussi un agent allié – sans succès évidemment. Sa déposition ne manque d’ailleurs pas de charme. Vous permettez ?
« Demande – Lors d’une précédente audition, vous avez prétendu être entré au service de la rue Lauriston sur les conseils d’un certain M. André, appartenant au 2e Bureau. Vous étiez chargé, d’après vous, de fournir à cet organisme tous renseignements sur l’activité du service en question. Vous devez donc en connaître parfaitement l’organisation.
Réponse – […] Je n’étais absolument rien dans cette organisation. Je sais simplement que Pierre “était affilié avec l’avenue Foch”. Je ne connais pas les buts qu’il poursuivait. Je considérais comme faisant partie de l’état-major du service : Cazauba, Sartore, Cajac, Prévost […].
Demande – Nous vous faisons remarquer que vous ne donnez que très peu de renseignements sur l’organisation que, d’après vous, vous étiez chargé de surveiller. »

M. Raymond – Villaplana avait été gauche. Sartore et Gourari firent mieux – ayant eux aussi rejoint Marco Polo durant l’hiver 1943, ils prirent le temps d’accorder soigneusement leurs dépositions et n’hésitèrent pas à s’affirmer eux aussi Résistants depuis 1942, sous l’autorité de Pallatier, dit “Gaspard”.
RSP – Dans les faits, c’était depuis octobre 1943 – et le commandant Michel, de “Marco Polo” (à qui on décida quand même, à un moment, de donner la parole), affirma que les renseignements de deux compères n’avaient jamais la moindre utilité, arrivant toujours trop tard. Quant à Pallatier, c’était “Riquet le Rouge”. Un ami de Sartore, mercenaire sans responsabilité – un tueur à gages, un nettoyeur, comme vous dites. Il ne représentait aucune autorité. Les renseignements de ces individus étaient donc des tuyaux crevés, leurs vols de plan des vols tout court et leurs éliminations des assassinats crapuleux.
Ph. R. – Le préambule du rapport d’enquête les concernant indique : « Ils ont attendu le mois de mai 1944, c’est-à-dire la déroute allemande, pour s’inscrire véritablement dans la Résistance. Ils se sont couverts du mieux possible, comme des malfaiteurs habitués à ce genre de manœuvres pour s’assurer l’impunité. » Et ils écopèrent finalement de dix ans de travaux forcés ainsi que de dix ans d’interdiction de séjour.
PP – Ce qui semble assez peu finalement, face à ce dont on les accusait.
M. Raymond – La diversité des destins – je vous l’ai dit au début de l’émission. On trouvait de tout, rue Lauriston.

(la fin demain, avec un personnage… intéressant)
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 16:06    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Bon bon on supprime.

Ce serait bien, mais dans ce cas malheureusement il va falloir modifier le passage du 1er janvier 1942 rubrique Information qui mentionne :
Citation:
Ce dernier sujet sera obligatoirement illustré d’une photo de Maurice Chevalier, le canotier martial, chantant à l’Alhambra, pour un public d’officiers allemands en grande tenue de ville, et, en robe du soir et en smoking, de profiteuses et profiteurs de l’Occupation

Ce même passage est d'ailleurs un peu problématique, car il mentionne deux autres personnes dont le sort peut être discuté :
1) Jean Marais, alors que ce dernier est sous les drapeaux :
Citation:
Mobilisé en août 1939, Jean Marais fut envoyé dans la Somme, à Montdidier puis à Roye, dans la 107e compagnie de l'armée de l'air. L'acteur fait fonction de «guetteur d'avions».

N'étant pas fait prisonnier, cela voudra dire qu'il aura été démobilisé. À 27 ans et vu sa spécialité, je le vois bien évacué.

2) Alain Laubreaux, critique de théâtre à Je suis partout. OTL, il est arrêté (avec la rédaction du journal) le 3 juin 1940 par Georges Mandel (nouveau ministre de l'Intérieur du gouvernement Paul Reynaud qui tente alors d'empêcher la débâcle et fait ainsi arrêter les principaux intellectuels d'extrême droite favorables à l'Allemagne nazie) et placé deux jours plus tard en détention à la prison de la Santé avec Charles Lesca, autre collaborateur à Je suis partout. Il est libéré par ordonnance du juge d'instruction au Tribunal militaire de la 12° région en date à Périgueux du 6 août 1940.
FTL, il a toutes les chances d'être évacué manu militari en AfN.

Dans l'annexe (1944) sur la guerre des gangs à Marseille, est mentionné Tino Rossi. Or, ce dernier est mobilisé au 22e BCA mais reste à Nice, il est ensuite démobilisé. Quid en FTL ? C'est déjà une célébrité à ce moment-là.
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 16:23    Sujet du message: Répondre en citant

Maurice Chevalier :
il peut très bien chanter à l'Alhambra fin 1941, avant de Déménager discrètement pour la Corse en profitant d'un séjour dans sa villa de Cannes, entre Noël 42 et Jour de l'An 43, une fois que la bascule de l'Italie et le passage de la Corse aux Alliés seront avérés. Jetons un voile discret sur ses relations avec la Carlingue.

Jean Marais : vu le b… le désordre du Grand Déménagement, il peut très bien ne pas être évacué !

Alain Laubreaux : là en effet, il va se retrouver au Sahara, et de préférence au Tchad. Je corrige le passage.

Tino Rossi : oh, lui, je le verrais bien trouver une bonne âme pour l'héberger au moment du Déménagement et se débrouiller ensuite pour être démobilisé !
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 16:37    Sujet du message: Répondre en citant

Et tu as oublié René de Chambrun, dont nous avons déjà remarqué qu'au moment du Déménagement, il était aux Etats-Unis.
Considère-t-on qu'il a finalement rejoint la France en catimini sur un navire neutre après l'ascension de beau-papa ?
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 17:31    Sujet du message: Répondre en citant

Mes propositions d'arbitrage messieurs - modestes mais je le crois documentées et acceptables :

- Maurice Chevalier : Ahaha ! Maintenant je me souviens de ce passage - il faut rester cohérent avec la chrono de 41. Et pour toutes les bonnes raisons que j'ai déjà évoqué, il me parait évident que Chevalier va rester en France à l'été 1940. C'était un petit homme opportuniste. J'aime bien ses chansons ... mais faut distinguer oeuvre et artistes (la Grenouille, du film d'un certain réalisateur polonais, vous salue).
- Jean Marais. Son destin est celui de Cocteau. Que nous dis l'OTL ? Un homme ambivalent envers Hitler, y compris sur la fesse ? Bon il reste sur Paris - et Jean Marais est capturé dans les Landes avant que son amant se débrouille à le faire libérer,
- Alain Laubreaux : pas d'objections,
- Tino Rossi : il est mentionné en diffusion sur radio Alger au noel 1940 - mais aussi effectivement dans mon annexe. Je le vois bien se planquer et faire sa riche carrière sous l'occupation.

Peut-être un connaisseur pourrait-il nous éclairer ? Tyler, un avis ?
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 22:06    Sujet du message: Répondre en citant

Il me semble évident qu'Alger va vite comprendre l'intérêt de se servir de stars internationales pour plaider sa cause aux USA et ailleurs.
Si ces personnes n'ont pas fait partie du GD (ce qui n'est pas choquant, sauf pour Tino Rossi, qui est sous les drapeaux à Nice), elles seront invités à passer en Espagne rapidement. Faute de quoi leur carrière est sérieusement compromise, le jeu en vaut-il la chandelle ?

Très sérieusement, je pense qu'on sous-estime l'impact de la FTL sur la mentalité de beaucoup de monde, connu ou pas. La grande majorité des Français ont OTL suivi le gouvernement et Pétain. Seuls les vrais "méchants" vont se mouiller pour le NEF ou les Allemands en FTL.

Si Tino Rossi est démobilisé ou se planque pour échapper au GD, je ne le vois pas passer sur Radio Alger !

René de Chambrun : étant donné qu'OTL il n'a pas été un collabo, je ne le vois pas faire le forcing pour rentrer en France. D'autant plus qu'il est sous les drapeaux. Il pourrait même se bercer d'illusions à croire qu'on peut recoller les morceaux entre Alger et Paris. Sa femme (la fille de Laval) l'accompagne-t-elle aux USA (elle est citée aussi dans la chrono) ? Si ce n'est pas le cas, la situation ne sera pas simple pour lui.

Sur le reste du texte :
- la phrase "RSP – Monsieur Raymond, pourriez-vous nous donner votre éclairage sur ce fiasco nord-africain ?" me semble tomber un peu comme un cheveu dans la soupe. Quand est-il question de cette opération dans les phrases qui précèdent ?
- pour Mohamed El-Maadi, dans quelle unité se trouve-t-il ?
- Raymond Faro : peut-être ne pas le citer, il a lui aussi toutes les chances de faire le GD (je suis désolé d'insister un peu sur cette question, mais la Résistance Française FTL a toutes les chances d'être très différente de ce qu'elle fut OTL).
- Robert Blémant : en tant que membre de la ST (et sous les ordres de Paillole - tiens, ça fait un moment qu'on n'a pas parlé de lui), peut-il raisonnablement rester en Métropole ou y revenir s'il fait le GD ? Quoiqu'il en soit, c'est un patriote convaincu et je ne pense pas que les circonstances FTL le fassent autant flirter avec la ligne rouge qu'OTL. Par ailleurs, il parle arabe et il pourrait être davantage utile en AfN.
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 23:31    Sujet du message: Répondre en citant

Erika a côtoyé la fille de Laval à Paris. Bon, sa mémoire est peut-être à géométrie variable, mais quand même ! Faut pas croire ! OTL, la donzelle (la femme de Chambrun, Very Happy pas Erika) le était très proche de son père.
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MessagePosté le: Sam Fév 01, 2020 23:51    Sujet du message: Répondre en citant

* Tino Rossi : on enlève ce qui le concerne dans cette histoire de gangsters…

* René de Chambrun : Tyler nous a révélé (documents non encore publiés…) un bout de la vie des Chambrun. René n'est pas là, mais Josée, oui… pour le moment.

* "RSP – Monsieur Raymond, pourriez-vous nous donner votre éclairage sur ce fiasco nord-africain ?" me semble tomber un peu comme un cheveu dans la soupe.

Pertinent.
Ces deux lignes et deux ou trois avant/après sont remplacées par :
PP – La Carlingue doit donc suivre le mouvement, si je puis dire : basculer dans le tout-répressif pour ne pas disparaitre. D’où la création de la Brigade Nord-Africaine. Mais on ne fait pas du jour au lendemain des soldats avec des bandits de grand chemin…
RSP – En effet, ce fut un lamentable échec ! Monsieur Raymond, pourriez-vous nous donner votre éclairage sur ce fiasco ?
M. Raymond – Hé bien… Bonny espérait vraiment beaucoup de la filière nord-africaine – un tropisme exotique sans doute. (………)

* pour Mohamed El-Maadi, dans quelle unité se trouve-t-il ?
DemoDan a peut-être la réponse, mais sinon, le nommé El-Maadi est de toute façon fort capable de déserter pour ne pas être Déménagé !

* Raymond Faro : peut-être ne pas le citer,

OK.

* Robert Blémant : en tant que membre de la ST (et sous les ordres de Paillole - tiens, ça fait un moment qu'on n'a pas parlé de lui), peut-il raisonnablement rester en Métropole ou y revenir s'il fait le GD ? Quoiqu'il en soit, c'est un patriote convaincu et je ne pense pas que les circonstances FTL le fassent autant flirter avec la ligne rouge qu'OTL. Par ailleurs, il parle arabe et il pourrait être davantage utile en AfN.

C'est un type "spécial", Blémant. Il pourrait Déménager, puis revenir sous le manteau en Métropole. De fait, patriote convaincu, il rend mille services au Pays, mais il se frotte de trop près à la pègre - et peu à peu il dérape.
Mais ce n'est qu'APRES la guerre qu'il tombe du Côté Obscur. Les exemples de Grands Flics à qui c'est arrivé ne manquent pas !
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MessagePosté le: Dim Fév 02, 2020 05:46    Sujet du message: Répondre en citant

Je n ai pas forcement la réponse sur l unite d el-maadi. Ceci étant vu le profil du personnage, vous conviendrez qu il n a aucune chance de passer la Méditerranée.
Pour Blemant, je n ai jamais dit qu il ne partirait pas. Juste qu il reviendrait - nous avons déjà acté ce fait dans les précédentes annexes. Il ne faudrait tout de même pas transformer un gangster OTL (à fortiori d apres guerre) en saint par la grâce du GD.
Je crois tree franchement que nous évoluons dangereusement vers le Best Case la - du moins pour ce qui concerne la vie parisienne.
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MessagePosté le: Dim Fév 02, 2020 08:43    Sujet du message: Répondre en citant

pour tino rossi, j'ai pensé à un homonyme, pas au chanteur, Constantin de son prénom. alors que "tino dit tonio" ou toinou vers Marseille, c'est plutot Antoine.
d'aileurs, le Tino-chanteur, est en 40 au 22e BCA, donc candidat au GD.
bref, ça ne m'a pas choqué
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MessagePosté le: Dim Fév 02, 2020 10:44    Sujet du message: Répondre en citant

OK pour El-Maadi (il pourrait aussi être discrètement liquidé avant le GD, cela arrangerait du monde).

Pour Blémant : OTL, la ST est une structure clandestine de Vichy qui lutte à la fois contre l'Abwehr, les communistes et les gaullistes. D'où une certaine zone grise par la force des choses. FTL, le cadre dans lequel travaille cette structure sera probablement beaucoup plus strict. Mais soit.

Citation:
Je crois tree franchement que nous évoluons dangereusement vers le Best Case la - du moins pour ce qui concerne la vie parisienne.

Je ne pense pas. La majorité des gens suivent le sens du vent, mais avec un minimum de réflexion tout de même. Le gouvernement légal et les élus sont à Alger, Pétain est hors jeu. La France reconnue par la majorité des pays qui comptent est à Alger.
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MessagePosté le: Dim Fév 02, 2020 11:01    Sujet du message: Répondre en citant

(Final)

PP
– Justement, pourquoi ne pas tenter de conclure sur un aperçu des destins les plus significatifs des anciens de la Carlingue, si l’on peut dire ?
M. Raymond – Pierrot Loutrel, “Le Fou”, est un beau cas, même s’il ne s’est jamais véritablement intégré au service. En mai 1943, il est déjà passé à la SS dans une équipe de contre-parachutage sous l’autorité de Kieffer, via Placke. Il y rencontre George Boucheseiche, et ils deviennent amis. D’un caractère indépendant…
Ph. R. – Sinon incontrôlable…
M. Raymond – Sauf par sa maîtresse, Marinette Chadefaux… Bref, quand les activités de la Carlingue diminuent, Loutrel tente de se ranger des voitures en tenant un bar nommé Le Cocker, où viennent de nombreuses personnalités de la Rue Lauriston, en tournée comme en planque.
En janvier 1944, il pète les plombs une fois encore, quand il enlève, tabasse et laisse pour mort l’inspecteur Ricordeau, de la Police Judiciaire – lequel avait eu le grand tort de fermer le bouge d’un de ses amis. Puis il fuit vers le sud, passe les lignes et entame une… reconversion, si j’ose dire. Il devient le “lieutenant FFI Déricourt”– un lieutenant chargé par les services secrets militaires français et le réseau “Morhange” d’éliminer les agents et collaborateurs de l’ennemi.
Ph. R. – On estime que dans les six mois précédents, 93 personnes cataloguées comme “traîtres, gestapistes et espions de l’Abwehr” avaient été tuées par le réseau – mais celui-ci avait perdu en retour 34 de ses membres entre fusillades et arrestations. Nous étions avant la libération de l’ensemble du territoire national ; on comprend que l’on ait eu besoin d’embaucher Loutrel.
M. Raymond – Pierrot accomplit plusieurs éliminations, dont celle d’un important officier allemand qui prenait un verre place du Capitole. Il rencontre à cette époque deux collègues : Henri Fefeu et Raymond Naudy – et reprend, toute en poursuivant ses éliminations, certaines mauvaises habitudes en matière de pillage et d’extorsion qui ne passent plus. Début août, il est arrêté, puis transféré à Marseille. Là, pour une raison qui m’échappe, il est libéré en octobre 1944. Je n’affirmerai rien… mais il me semble que c’est plus ou moins à cette date que Michel Szkolnikoff dit “Mandel”, le plus gros trafiquant de textile sous l’Occupation, est retrouvé mort à moitié brûlé aux environs de Madrid. Selon certains, son cœur aurait lâché… Dommage, le commissaire Blémant avait promis de le ramener en France pour qu’il soit jugé !
PP – Bon, bon, bon… disons que la Justice aura pris de l’avance.
M. Raymond – Désormais libre mais indésirable, Loutrel continue vers la Côte d’Azur avec ses complices Ruel, Ruard, Laguerre et (toujours) Naudy, et refait parler de lui dès la fin de l’année. Ils commettent ensemble durant l’hiver 1944-1945 de nombreuses attaques à main armée et autres agressions sanglantes. En trois mois, l’équipe de Pierrot le Fou exécute pas moins de cinq braquages, récoltant plusieurs dizaines de millions de francs, forçant des barrages, échangeant de nombreux tirs avec la police, tuant un postier qui prétendait résister… avant que la police ne mène, sur indication, un véritable assaut contre leur planque de l’hôtel Maxim’s, à Cannes – assaut qui rate de peu Loutrel mais permet quand même l’arrestation de Laguerre et de Ruard, blessé.
Ph. R. – Comme trois policiers ! Plus tard, Loutrel est lui aussi interpellé à Marseille, mais pour une simple peccadille. Non identifié par les policiers, il réussit à s’échapper de l’Evêché en prenant en otage un agent !
M. Raymond – Comme à son habitude, Loutrel Le Louf est incontrôlable. Il paraitrait même que ce sont les Guérini qui ont donné sa planque à la police. Bref ! Loutrel remonte à Paris, où il rencontre Brahim “Jo” Attia.
Ph. R. – Jo Attia, ancien ennemi personnel de Bonny, complice de Cazauba et déporté au camp de Mauthausen.
M. Raymond – C’est, comme Loutrel, un ancien des bataillons d’Afrique. Ils étaient déjà des amis, ils deviennent collègues. Et ils fondent alors le gang des Tractions Avant, du nom de la voiture qu’ils utilisaient. Plus tard viendront se joindre à eux de précédents complices du Sud, ainsi que d’autres anciens de l’avenue Foch comme de la Carlingue : Georges Boucheseiche, Henri Fefeu (à nouveau), Abel Danos et Julien Le Ny.
Six attaques s’enchainent durant l’été 1945 : le 16 juillet – la Société Générale de la rue de Rivoli. Le 29 – la SNCF de l’avenue de Suffren. Le 1er août, ils échouent au comptoir des métaux précieux de la rue Dareau, mais se rattrapent ensuite avec trois attaques contre des fourgons et des caissiers.
Ph. R. – Pierrot le Fou fait régner la terreur en Ile-de-France, par cette suite rapide d’attaques d’une violence – et d’une audace, il faut le dire, absolument inouïes. Il est partout dans la capitale et agit comme bon lui semble en apparente impunité. Ainsi, dans une boîte de nuit, il rencontre Martine Carol, alors jeune actrice débutante, qu’il entreprend d’enlever dans sa voiture ! La dame résiste à ses avances et il l’abandonne finalement en banlieue, dépité – et peut-être après quelques violences. Plus tard, il enverra dans sa loge une grosse corbeille de fleurs pour s’excuser…
Ça, c’était évidemment pour l’anecdote – mais une réalité demeure. On s’inquiète désormais de Loutrel dans l’opinion comme dans le Milieu – lequel sent bien que l’agitation qui s’empare de la police est mauvaise pour ses propres affaires. Perquisitions et coups de filet s’enchaînent… Le ministre de l’Intérieur lui-même ordonne à tous ses services de s’entendre pour « obtenir enfin des résultats ».
M. Raymond – L’information circule évidemment très vite. Pierrot n’obéit à rien et n’est donc protégé par personne. Le 12 septembre, un nouveau tuyau arrive sur le bureau du patron du 36 quai des Orfèvres. Les “Tractions Avant” seraient dans l’auberge Les Marronniers, à Champigny-sur-Marne. Trois cent cinquante policiers investissent l’hôtel… et n’y trouvent personne. Manque de chance – Boucheseiche, Fefeu, Attia et deux complices sont juste à côté, dans un établissement dénommé L’auberge, et y sont repérés. Un siège commence – les cinq hommes se défendent par un feu nourri. On fait monter des renforts de Paris, dont deux automitrailleuses Greyhound, qui mitraillent la façade.
Informé de ce qui se passe, Loutrel réalise alors un acte qui le fera entrer dans la légende – il se saisit d’une Delahaye Coach, force les barrages avec elle, récupère Fefeu et Attia sous le feu des blindés et s’enfuit ! On retrouvera la voiture réduite à l’état d’épave dans les bois. Quant à Boucheseiche, il réussit de son côté à se cacher au fond d’un puit, en respirant avec une paille.
Ph. R. – Le bilan de la police est désastreux pour un tel déploiement de forces – deux seconds couteaux seulement, tués dans la fusillade. Un inspecteur à forte moustache – dont je ne me rappelle plus le nom – finira muté en Seine-et-Oise, en bon lampiste de ce fiasco. Quant aux malfaiteurs, ils sont déjà loin : ils volent un cabriolet à Saint-Maur, puis un camion à Armainvilliers. Ils se cachent finalement dans leur planque d’Auvers-sur-Oise.
La pression politique n’a pas fonctionné, on revient donc au travail de base de la police : l’investigation en attendant une erreur. Elle vient. Le 30 septembre, Henri Fefeu est arrêté à Montmartre – il a téléphoné d’un garage de la Ferté, qui était sous écoute.
M. Raymond – Fefeu mourra en prison d’une tuberculose, bien plus tard. Le reste du groupe reprend ses attaques, après une période de calme : en octobre, c’est les marchands de vin de Bercy. En repartant, ils passent au travers d’une embuscade de la police… qui ne les arrête pas, car on attendait un autre groupe ! Finalement, après un autre braquage manqué à Versailles, vient l’accident de parcours. Le 5 novembre, Loutrel entre saoul dans une bijouterie de la rue Boissière, dont le propriétaire, M. Sarafian, se défend et touche Pierre à l’abdomen.
Ph. R. – Hum ! Certaines mauvaises langues prétendent qu’il s’est blessé tout seul avec son arme en remontant en voiture ! Et dans la fusillade, le bijoutier est tué…
M. Raymond – Plus exactement, il sort blessé de son commerce et se fait renverser par une voiture. Pas de chance, le malheureux ! Bref – récupéré par ses complices, Loutrel est conduit chez un médecin “compréhensif”, qui déclare vite que le cas dépasse ses moyens. Attia et Boucheseiche le font donc hospitaliser sous un faux nom à la clinique Diderot. Trois jours plus tard, ils reviennent le chercher déguisés en ambulanciers – mais en réglant la note en partant ! Loutrel est alors agonisant. Il restera plusieurs jours chez un ami de Porcheville, Edmond Courtois, où il décède. On l’enterre sur une île de la Seine…
Ph. R. – Sa mort ne sera connue que trois ans plus tard. Dans l’intervalle, la bande se dissout – quand bien même on parlera encore d’elle de temps à l’autre dans les bureaux, et le plus souvent à tort. Tous ses membres seront attrapés dans les années à venir : Jo Attia et Georges Boucheseiche en 1946, Abel Danos et Raymond Naudy en 1947. Pour Boucheseiche, sept ans de travaux forcés, pour Attia seulement trois – d’ailleurs purgés durant sa préventive.
PP – Attia n’aura pas payé très cher, dites-moi !
Ph. R. – N’oubliez pas qu’en tant qu’ancien déporté, il avait conservé auprès de certains un capital de sympathie. Notamment auprès de M. Edmond Michelet, ministre et lui-même ancien résistant et camarade de bloc…
M. Raymond – Le cas Danos est un peu particulier. Sitôt Loutrel décédé, lui et Naudy ont passé la frontière avec femmes et enfants, pour s’installer à Milan. Là-bas, ils ont repris leurs activités : des hold-up violents qui feront trois victimes. Mais, je l’ai déjà dit – les Méridionaux n’aiment pas la concurrence. Dénoncés en juillet 1947, ils montent dans un bateau pour Menton… et sont attendus sur le débarcadère par la gendarmerie. Une très violente fusillade s’enfuit – Naudy et sa femme tombent, ainsi qu’un gendarme. Incroyable : Danos passe au travers, seul ! Il arrive à Paris lâché par tous… il fait du cambriolage pour survivre. C’est ainsi qu’il se fait prendre – il sera reconnu puis condamné deux fois à mort pour ses activités passées, sans que nul n’intervienne comme cela avait été le cas avec Attia.
RSP – Le cinéma s’emparera plus tard du personnage et de sa fin – le film Classe tous risques, avec Lino Ventura dans le rôle de Danos et Belmondo pour complice.
Ph. R. – Danos a été fusillé à Montrouge le 13 mars 1951. Précisons que Boucheseiche et Attia reprirent leur carrière après leur libération, profitant d’une passivité suspecte des services de police … mais cela nous éloigne bien trop de notre histoire.
M. Raymond – Un mot sur la bande des Corses, par contre ? Ceux-là ont aussi eu une brillante carrière. Surtout Auguste Ricord !
PP – Sans aller trop loin, pourquoi pas ?
Ph. R. – Je suppose que tout le monde ici aura tiqué en entendant parler d’Orsini – c’est logique, lui et Ricord ont fondé ce qu’on a appelé la “French Connexion”.
M. Raymond – Et vous voyez où je veux en venir quand j’affirme que le trésor de la rue Lauriston n’a pas été perdu pour tout le monde… La guerre avait bien réussi à Ricord – il en avait passé la plus grande partie dans un appartement avenue de Wagram avec six domestiques. Le conflit terminé, il s’est associé avec Orsini “le Sanguinaire” et De la Palmira – un héros des deux guerres mondiales reconverti dans le trafic d’alcool. A eux trois, ils montèrent un réseau qui inonda véritablement le marché nord-américain de la cocaïne en passant par l’Amérique du Sud par l’intermédiaire d’un vieil ami : François Spirito ! Lequel savait toujours se rendre indispensable.
PP – Et la police n’a rien tenté pour arrêter cette magnifique entreprise, menée de surcroît par des individus parfaitement identifiés ?
M. Raymond – Pourquoi ? Ça partait chez les Yankees !
Ph. R. – Si vous voulez tout savoir, Orsini avait même obtenu un certificat de Résistance de la part de la République, avec l’appui de De Palmira. Ce dernier a de surcroît tenu jusqu’en 1955 le casino d’Aix-les-Bains, tout en continuant ses trafics.
Et pendant ce temps, “Le Sanguinaire” s’était installés au Paraguay sous la protection de la mafia italienne nord-américaine et de l’Union Corse… Là-bas, Auguste Ricord devint “El Viejo”, aussi puissant que le général-président Alfredo Stroessner ! Il fut finalement extradé sous la pression de Nixon en 1972… Il faudrait des heures pour épuiser le sujet !
PP – Et l’heure passe, malheureusement. Finissons rapidement avec un dernier personnage. Tiens, Joseph Joinovici !
M. Raymond – Oh, le vieux Joano s’en tire toujours ! Du moins au début. A la Libération, il est plusieurs fois arrêté, pour des raisons diverses. Une fois, à un barrage de FFI, il s’emmêle carrément dans la foule de documents qui encombrent son portefeuille et sort sa carte de gestapiste !
PP – C’est ballot.
M. Raymond – Comme vous dites. Mais il est toujours relâché sur ordre de la Préfecture de Police ! Lassé, la DGSS finit par venir l’interpeller directement dans les locaux de cette institution, pour qu’enfin les choses soient mises au clair – on le fait alors sortir par l’escalier de secours ! Il fuit à l’étranger en 1946.
Ph. R. – Précisons tout de même que le préfet de l’époque, Charles Luizet, sera ensuite remplacé « pour cause de maladie »… Et que Joinovici finira par rentrer se faire arrêter six mois plus tard.
M. Raymond – Oui, là encore, il se rend directement à la PP – il n’aimait vraiment pas la DGSS, le Joano. Son procès de 1948 fut flamboyant, il avait eu le temps de préparer sa défense.
Ph. R. – Quelques extraits : « Je n’étais pas vendu aux Allemands puisque c’est moi qui les payais ! » ou encore « Que vouliez-vous faire contre les Allemands ? Moi, j'ai fait fortune. » Il est condamné à cinq ans de prison, mais est libéré au bout de quatre. Personne ne sait plus quoi en faire – l’homme est ruiné, n’a pas vraiment la nationalité française… mais aucun pays n’en veut. La Roumanie devenue communiste ne le connaît plus, et l’URSS pas davantage… Finalement, il est assigné à résidence à Mende.
M. Raymond – Le premier accueil est plutôt froid. Le gendarme qui accueille Joinovici lors de son arrivée lui balance : « Je vous dirais bien : bienvenue à Mende, mais le cœur n’y serait pas. » Pourtant, au bout de quelque temps, il se met en affaires avec les ferrailleurs locaux, un homme d’affaires bien sous tous rapport dénommé Laffont-Chamberlain et… la machine repart. Du moins, jusqu’à ce que le fisc ait la curieuse idée de lui réclamer ses arriérés d’impôts non versés durant l’Occupation ! Il s’enfuit vers Genève, Casablanca et finalement Haïfa – où il tente d’obtenir la nationalité israélienne.
RSP – Monsieur Joinovici est à ce jour – avec M. Lansky, le mafieux américain, et Robert Sloblen, l’espion soviétique – l’un des trois seuls Juifs à qui l’on ait refusé le droit au retour. Tel-Aviv l’expulse après avoir fait confisquer ses avoirs en Suisse – des avoirs qu’il comptait céder à Israël contre un titre de séjour – en lui faisant remarquer que « En matière de confiscation d’argent des Juifs, vous savez très bien que les Suisses ont une longue expérience. »
M. Raymond – La fin est tout de même triste. Il rentre à Marseille, se retrouve aux Baumettes et se lance dans une grève de la faim. Il est alors complétement ruiné et rongé par l’artériosclérose. On le laisse sortir en 1962, pour raison de santé. Il meurt en 1965 à Clichy dans un deux-pièces avenue Anatole France, qu’il partage avec sa femme et ancienne secrétaire Lucie “Lucie-Fer” Schmidt.
PP – Au-delà de la Carlingue, on voit bien à quel point les chiens de garde Bonny ont façonné le monde criminel français – même encore aujourd’hui.
RSP – Les archives du Service d’Action Civique mentionnent elles aussi des noms fort familiers… Mais quoi qu’il en soit, nous pouvons nous féliciter encore aujourd’hui que la République n’ait pas failli ou renoncé. Si la France avait abandonné la lutte, qui peut dire quelle aventure criminelle supplémentaire aurait mené la Carlingue, à la faveur d’une guerre qui aurait sans aucun doute été plus longue. Je frémis à imaginer les conséquences en termes de pillage, de répression… et de déportation.
Ph. R. – Et le récent discours du Président de la République lors de la commémoration de la rafle – heureusement ratée – du Vel’ d’Hiv nous rappelle, si besoin était, la responsabilité dans la Shoah de certains Français qui n’ont heureusement jamais représenté qu’eux-mêmes.
RSP – Je n’ai pas peur toutefois d’affirmer ici que la politique d’asséchement économique menée par l’Allemagne, certes, mais avec la complicité active de la Carlingue, fut pour beaucoup dans les difficultés que rencontra le pays dès la fin de la guerre et durant l’après-guerre. Elle empêcha la formation d’une armée aussi nombreuse qu’espéré pour la campagne d’Allemagne, puis lors de la reconstruction, elle gêna l’édification rapide de logements ou d’infrastructures pourtant si nécessaires. Les financements faisant encore gravement défaut, les gouvernements successifs commirent quelques errements que nous déplorons encore aujourd’hui. Certains grands ensembles notamment !
M. Raymond – [Rire.] Ah ! Et que ne savez-vous qui a payé pour construire les quartiers Nord de Marseille !
RSP – Une générosité aussi tardive qu’intéressée ! Une chose reste toutefois certaine. En 1939, le PIB de la France était de 395 milliards de Francs. En 1945, il était tombé à moins de 200 milliards, alors que l’inflation elle, avait quadruplé. Faisons le compte de combien la Carlingue et le Reich ont volé les Français. Je tiens des notes depuis tout à l’heure… sur les seuls éléments que nous avons évoqués, nous en sommes à 35 milliards entre WIFO, Joinovici et compagnie, vols simples et confiscations. Si nous y ajoutons les 600 milliards de frais d’occupation et encore d’autres petites choses, nous arrivons à… 675 milliards. Deux ans de richesses nationales confisquées en à peine trois ans. Et l’on s’étonne que la France ait fini endettée…
M. Raymond – La Carlingue fut… particulièrement efficace, ou plutôt nocive, c’est vrai. Pourquoi ? Parce qu’elle constitue encore aujourd’hui un cas historique unique. La quasi-fédération du monde criminel parisien, sinon national, sur les décombres d’un Etat battu. Cette fédération est de nos jours détruite – c’est évidemment… heureux. Toutefois, les connexions qui ont été établies à cette époque demeurent, et ont expliqué pas mal de choses jusqu’à encore récemment. Mais, désormais, les vieux sont morts – et la nouvelle génération…
Ph. R. – Ce que dit Monsieur Raymond est intéressant – surtout si on compare le cas ainsi décrit avec celui de la Mafia italienne. Celle-ci, combattue énergiquement par le régime fasciste, fut paradoxalement sauvée par les services secrets alliés, puis par l’AMGOT. Les capi ont été aussi utiles aux Américains que nos truands aux Allemands – surtout dans un pays encore plus pauvre et affaibli que la France. Ce n’est pas pour rien que l’une des premières actions des alliés fut la restauration des chefs Cosche à Palerme.
Il s’agissait d’ailleurs d’une politique clairement assumée – j’ai retrouvé un exemplaire du Sicily Zone Handbook britannique. Il précise la liste des membres de l’Honorable Société, assortie de commentaires révélateurs de l’attitude très pragmatique des Alliés vis-à-vis de Cosa Nostra. Au hasard, en face d’un nom : « Chef d’une cosca mafieuse […] – antifasciste qui […] peut fournir des informations utiles. Sans instruction mais très influent […]. »
M. Raymond – Oui, mais eux étaient dans le bon camp. Et vous comprenez désormais la raison, chez les Italiens – un peu comme chez les Corses… – de la persistance de vieilles “familles” et d’anciens usages qui ont disparu ailleurs. Je pense même que sans certaines interventions de l’hiver 43-44 – dont je n’ai pas la clé, je vous l’ai dit – il aurait été très possible que la France – enfin, le Milieu français – passe définitivement sous la coupe du crime organisé étranger.
PP – Tout cela est très passionnant, chers invités. Mais le temps nous fait défaut – hé, les actualités attendent ! Rapidement, Monsieur Raymond, un dernier mot – un avis sur l’attitude des membres du Milieu sous l’Occupation ? Que pourraient-ils nous dire si nous pouvions les interroger aujourd’hui ?
M. Raymond – [Toussotement.] Hum ! Je vais sans doute vous choquer, mais probablement qu’ils vous diraient qu’ils ne regrettent rien, sinon quelques excès et certains morts. L’honneur est une notion ne valant pas rédemption, avez-vous dit tout à l’heure. C’est vrai pour vous, mais pas pour eux.
Ils se sont attablés, c’est vrai, et ils se sont servis – ils ont connu l’argent facile, la belle vie, le pouvoir et ils ont aimé des femmes sublimes. Mais s’ils se sont servis, c’est aussi parce qu’on les y invitait et que d’autres auraient pris leur place si d’aventure ils l’avaient dédaignée. Plus tard, d’autres encore sont venus leur présenter l’addition. Quelques-uns ont rechigné, certains ont tenté de resquiller – mais au total, ils l’ont tous réglée, et je pense avoir été clair – ça n’a pas été le cas de tout le monde en France ! Parmi les mauvais payeurs, bon nombre ont alors revêtu un costume qui n’était pas le leur, pour mieux donner des leçons qu’ils s’étaient bien gardé d’appliquer. Finalement, pour ceux de la Carlingue, Justice est passée – ils ne doivent plus rien à personne.
RSP – Je citerai Jean-Paul Sartre, dans le troisième volume de ses Situations : « Quelqu’un à qui on demandait ce qu’il avait fait sous la Terreur répondit : “J’ai vécu…” C’est une réponse que nous pourrions tous faire aujourd’hui. Pendant quatre ans, nous avons vécu et les Allemands vivaient aussi, au milieu de nous. »
Ph. R. – Le personnage historique mentionné par Sartre était l’abbé Sieyès. Et comme l’a dit Paul Morand dans Fermé la Nuit : « L’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète. »
PP – Ce sera la citation de la fin – le responsable de production me fait des grands signes pour rendre l’antenne. Mais puisque nous en sommes là, nous allons nous quitter en chanson. Vous allez voir, je l’ai choisie moi-même et j’en suis assez content. Merci à vous, chers invités [Réponses des invités…], et à vous aussi chers auditeurs. A la semaine prochaine pour un prochain numéro de Témoins d’époque, qui sera consacré cette fois à un sujet bien plus artistique : Joan Miro. A très vite !
[Dans le brouhaha audible avant la coupure d’antenne, voix de Monsieur Raymond : « Mais où ai-je mis ma canne, Bon Dieu ? »]


À la Société Générale,
Une auto démarra et dans la terreur,
La bande à Bonnot mit les voiles,
Emportant la sacoche du garçon payeur,
Dans la De Dion-Bouton qui cachait les voleurs,
Octave comptait les gros billets et les valeurs,
Avec Raymond-la-Science les bandits en auto,
C’était la bande à Bonnot !

Les banques criaient « Misérables ! »
Quand s’éloignait le bruit du puissant moteur,
Comment rattraper les coupables
Qui fuyaient à toute allure à trente-cinq à l’heure,
Sur les routes de France, hirondelles et gendarmes
Étaient à leurs trousses, étaient nuit et jour en alarme,
En casquette à visière, les bandits en auto
C’était la bande à Bonnot !

Mais Bonnot rêvait des palaces
Et du ciel d’azur de Monte-Carlo,
En fait il voulait vite se ranger des voitures…

Mais un beau matin la police
Encercla la maison de Jules Bonnot,
À Choisy, avec ses complices,
Qui prenaient dans sa chambre un peu de repos,
Tout Paris arriva à pied, qui en tram qui en train,
Avec des fusils, des pistolets et des gourdins,
Hurlant des balcons : « Les bandits en auto ! »
C’était la bande à Bonnot

Et menottes aux mains,
Tragique destin,
Alors pour la dernière course,
On mit dans le fourgon la bande à Bonnot !

La bande à Bonnot

(Joe Dassin, 1968)
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Fév 02, 2020 11:43    Sujet du message: Répondre en citant

Bon je m'incline pour Tino Rossi - quoi que c'est très possible qu'il revienne en PACA dès l'hiver 1943 pour une tournée des cambuses où il en profite pour rencontrer des vieux amis. Détail, détail mais acte. 8)
El Maadi d'ailleurs, est aussi un détail. La République Francaise dans le chaos de l'été 1940 aura vraisemblablement bien d'autres chats à fouetter. Oublié, dommage. Il faut un méchant.
En parlant de méchants, justement, et pour revenir sur ma crainte du Best Case - je maintiens qu'il ne faut pas trop en demander aux discours d'Alger et au Grand Déménagement. Tout le monde ne sera pas du voyage, tout le monde ne partira pas non plus après (age, courage, opinions ...), la MN ne va pas envoyer de sous-marins et après - je pense l'avoir bien montré dans mes textes - ben on crève la dalle !! La France FTL de 41, c'est celle de 43 OTL : plus d'autorité légale, des défaites partout dans le monde et un pillage total !
Dans ces conditions, pour des artistes se voulant apolitiques (le plus souvent ...) mais voulant continuer à profiter de la vie comme avant, que pèsent les mots de De Gaulle ? Comme OTL, pas bien lourds .... Je crois avoir largement explicité dans mes écrits qu'il ne faut pas rendre exclusivement Vichy responsable de la malheureuse collaboration de la misère qui s'est mise en place grâce à l'Abwehr. Au pire du pire, nous aurons des producteurs "de bonne foi" (Guitry) ou bien, dans le pire, des affairistes comme Joano.
Le même raisonnement s'applique d'ailleurs pour la résistance, dont tous les cadres ne vont certainement pas déménager en méditerranée. Les proches, la lutte a lieu sur le sol national - c'est explicite dans la chrono des 40-41. J'admet que l'histoire FTL de l'armée secrète reste encore à écrire - nous y reviendrons.
Enfin, et pour conclure sur Blémant, je rappelle que la majorité de ses réseaux datent d'avant-guerre. Dixit un ami pourtant inspecteur 'un policier, c'est un voyou en uniforme et en plus gentil'. Le but de ce présent texte est justement aussi de montrer, grace aux exemples de Bonny, Blémant et Maillebuau (même si ce ne sont pas les mêmes personnes) la perméabilité extrême qui a existe et existe encore entre les deux côtés de la barrière. L'affaire Neyret l'a rappelé encore récemment.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Fév 02, 2020 11:58    Sujet du message: Répondre en citant

Et puis aller - on se quitte en chanson mais aussi en photo. Vous m'en voudrez pas, il y a surtout des portraits de garde-à-vue ...

Pierre Bonny


Le bel Abel Danos et sa carrrure imposante :





Le même joué par Ventura dans 'Classe tout risque' :



Jo Attia - le type du bon côté de la barrière :



Boucheseiche :



Loutrel le louf :



Feufeu :



Mais vous voyez que ca vivait très bien sous l'occupation ! Quelques souvenirs de Pigalle, du Ritz et de l'hôtel Meurice :






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Archibald



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MessagePosté le: Dim Fév 02, 2020 14:25    Sujet du message: Répondre en citant

et oui !! combien finissaient au one-two-two a 6h du matin, le nez dans la choucroute !!
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
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