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1940 - La France continue la guerre
 
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Août 1940 vitaminé
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 16:48    Sujet du message: Août 1940 vitaminé Répondre en citant

Une grande partie de ce texte (oui, celle sur les Italiens) provient de Folc. Tout cela est soumis à la sagacité de nos Chers Lecteurs, qui y découvriront peut-être, qui une redite, qui une coquille, qui une impossibilité ou une invraisemblance...
Premioer épisode, du 1er au 10 août.


Août 1940 (1/3)

1er août
Bruxelles
Fernand Kekhofs fonde le réseau de renseignement Zéro.

Bataille de France
Les troupes allemandes commencent à se frayer un chemin de Marseille vers Toulon, malgré de nombreux barrages improvisés.
Sur le front des Alpes, les Italiens n’ont réussi qu’à prendre la ville de Menton. L’armée italienne a eu sur ce front 17 000 morts et blessés depuis le début des combats.
Tous les avions de chasse restants dans le sud-est de la France reçoivent l’ordre d’évacuer vers l’Afrique du Nord. Au total, 70 appareils parviendront en Algérie.

Saint-Jean-de-Luz
Le lieutenant Jacquemet témoigne des derniers moments du GC II/8.
« Cette fois c’est la fin, Bayonne est tombée, toute la côte sera bientôt aux mains des Boches. Deux de nos braves chasseurs, transformés en passoire, se trouvaient encore la veille à Biarritz, mais moi et les copains les avons incendiés, au grand désespoir des mécanos qui pensaient encore pouvoir les remettre en l’air. Nos mécanos ont été formidables tout au long de ces trois mois de bataille ininterrompue et les derniers jours ont été terribles.
Le 26, nous avons eu à peine le temps de célébrer le titre d’As de Nicole et de peindre sa cinquième marque de victoire sur son appareil.
Le 27, nouvelles missions – nous n’avions plus d’ordres, nous décollions et nous allions mitrailler tout ce que nous pouvions. Le soir, nous n’avions plus que quatre machines en état de vol. L’avantage, c’est que quatre zincs, c’est plus facile à camoufler que 20, et les Boches ne nous ont jamais trouvés ! Mais Dutey-Harispe, faisant fonction de commandant du Groupe, a reçu un ordre d’évacuation. Nicole, Marchais, Pelletier et moi l’avons supplié de nous laisser derrière avec quatre mécanos volontaires, puisque nous avions encore quatre avions ! Il nous y a autorisé, mais ça se voyait qu’il aurait préféré nous évacuer et rester.
Le 28, nous sommes sortis tous quatre canarder les Boches qui massacraient cette bonne ville de Bayonne et ses habitants – j’ai appris qu’ils avaient refusé que leur ville soit déclarée ville ouverte. Pas de victoire ce jour là, mais nous avons fait passer un mauvais moment aux Heinkel. Hélas, ils ont appelé à l’aide, des 109 sont arrivés et j’ai dû laisser partir le mien avec un moteur fumant et plein de trous. Mon appareil a été transformé en écumoire, je ne sais pas trop comment je l’ai ramené. Marchais a pris un obus dans l’aile, et son taxi a été mis H.S. aussi. Nos deux camarades sont revenus indemnes, ce qui leur a permis de signer les dernières missions de nos taxis au-dessus de notre pauvre France.
Le 31 juillet, après deux jours de maraude à basse altitude, à mitrailler quelques biffins par ci par là, Pelletier et Nicole sont courageusement allés affronter de nouveaux bombardiers, mais ceux-ci étaient escortés de près. Pelletier a été abattu et tué, mais ce veinard de Nicole a survécu. Son avion en feu, il s’est dirigé vers la mer et s’est posé sur l’eau à quelques dizaines de mètres de la plage. Il s’en est sorti avec des brûlures aux mains.
Et voilà notre groupe sans avions, quelle tristesse ! Mais il fallait songer à notre évacuation, nous aussi. Pas question d’être faits prisonniers, surtout que nous brûlions toujours d’en découdre ! Nous sommes donc partis à sept pour Saint-Jean-de-Luz.
Cette nuit, nous monterons à bord d’un destroyer anglais – tous les soirs, il y en a un qui vient récupérer les traînards comme nous.
Direction l’Afrique.
Mais nous espérons bien revenir vite ! »
(Extraits de “Le Groupe de Chasse II/8 dans la défense de l’Ouest – D’après le journal de marche de l’unité”, Editions Ouest-France, 1990)

Libye
La 6e DLC occupe El Machina, à une cinquantaine de km au sud de Sirte. Mais la course folle des cavaliers motorisés français s’arrête là pour une quinzaine de jours, faute de carburant et de munitions. Le commandant de Hauteclocque doit réfréner son ardeur (et remâcher sa déception : la 6e DLC a devancé sur le fil les automitrailleuses de son bataillon et du 3e Chasseurs d’Afrique).
Côté italien, c’est toute l’ASI qui est à court de ravitaillement.
Après la chute de Tripoli et l’échec catastrophique de la tentative de ravitaillement de Benghazi par des paquebots rapides, la Regia Marina a décidé d’utiliser huit de ses plus grands sous-marins pour des missions de ravitaillement et d'évacuation. Il s’agit des mouilleurs de mines Pietro Micca et Atropo et de six “océaniques”, les trois unités de la classe Calvi (Pietro Calvi, Giuseppe Finzi, Enrico Tazzoli) et les trois survivants de la classe Balilla (Domenico Millelire, Antonio Sciesa et Enrico Toti). L’aviso rapide Diana est aussi retenu pour ces missions : crédité de 32 nœuds en pointe, il peut tenir 28 nœuds de manière continue, en particulier pour le “sprint” entre la côte grecque et Benghazi.


2 août
Mer du Nord
Le sous-marin britannique Spearfish est coulé au large de l’Écosse par son homologue allemand U-34, qui recueille un unique survivant. Depuis un mois, c’est une véritable hécatombe pour les sous-marins anglais, qui sont également victimes de l’aviation, des escorteurs et des mines allemandes. Quatre autres unités (Shark, Salmon, Narwhal et Thames) sont en effet portées manquantes (en plus d’une dizaine d’autres depuis le début du conflit).

Zaventem (Belgique)
Pour la première fois en Belgique occupée, une trentaine d’otages sont arrêtés, à la suite d’un acte de sabotage. Ils seront relâchés quelques jours plus tard.

Au large de l’îlot de Rockall
Le vapeur belge Ville-de-Gand est torpillé par le sous-marin U-48.

Rome
En fin de matinée, le capitaine de vaisseau Emilio Ferreri, qui représente encore à lui seul le futur Ufficio RTSO (Rifornimento, Traffico, Spedizioni Oltremare : Ravitaillement, Trafic, Expéditions Outre-mer) de Supermarina, accueille, non sans soulagement, un premier collaborateur « temporaire » (selon la note de service qui l’a annoncé). C’est un lieutenant de vaisseau de réserve, certes âgé (46 ans), mais d’autant plus expérimenté. Il a commandé jusqu’à l’entrée en guerre l’un des navires marchands de la Società di Navigazione Anonima Italia, le Tarquinia. Une fois expédiées les formalités protocolaires, Ferreri entreprend sans plus tarder de mettre son interlocuteur au courant de ce que l’on attend d’eux.
– L’amiral Somigli, sous-chef d’état-major de la Marine, a réuni hier, outre moi-même et nos voisins du Bureau Opérations, l’amiral Falangola et l’amiral Inigo Campioni, accompagné de son subordonné, le vice-amiral Marenco di Moriondo . C’était la première réunion de cette importance depuis celle du 7 juillet dernier, pour préparer le convoi du malheureux Rex [un soupir]. Nous nous attendions tous plus ou moins à ce qu’il nous soit demandé de mettre sur pied un nouveau convoi pour l’Afrique du Nord. Eh bien non ! Pas l’Afrique, mais les îles de l’Egée, même si le contre-amiral Biancheri n’était pas là .
– Pourquoi le Dodécanèse ? Il ne paraît pas menacé, pas encore du moins, alors que la situation de Libye, si j’en crois ce qu’on peut lire entre les lignes dans les journaux, est…des plus sérieuses ?
– Il semble que le gouverneur De Vecchi se soit remué comme diable en bénitier et ait réussi à convaincre Son Excellence le ministre de la Marine qu’il fallait agir préventivement pour renforcer les capacités de résistance de ses îles. Il est vrai que celles-ci n’ont été que peu sinon pas ravitaillées depuis l’entrée en guerre. Ils ont tout juste eu droit à deuxtransports par sous-marins : l’un effectué fin juin par l’Atropo, l’autre par le Corridoni courant juillet. Or, pas question de compter davantage sur ce type de transports. D’une part, depuis l’échec du 12 juillet, c’est sur les sous-marins que repose le plus gros, si l’on peut dire, de l’approvisionnement de la Libye. D’autre part, De Vecchi a obtenu que Maricosom reprenne des mouillages de mines offensifs en Méditerranée Orientale avec ses sous-marins spécialisés. A cette heure, l’amiral Falangola a certainement déjà donné des ordres pour que parte dès que possible une première vague, groupant tous les mouilleurs de mines qui ne ravitaillent pas l’Afrique du Nord. Quant à moi, on m’avait demandé, le 24 juillet, de réfléchir à des rotations avec de petits cargos discrets et relativement rapides. J’avais d’ailleurs pensé au Tarquinia…
– Sauf votre respect, il est bien petit, commandant !
– Vous avez raison. Il est discret, mais il est petit : il n’aurait guère pu emporter que 250 tonnes environ à chaque fois. Mais ce n’est plus de saison. Ou plutôt, si : le Tarquinia sera bien envoyé dans le Dodécanèse, mais pour un aller simple, afin de servir à des échanges commerciaux avec la Turquie et même avec la Grèce, si du moins le… gouvernement ne juge pas utile de brouiller davantage nos relations avec ce pays. Le Tarquinia ne fera évidemment pas le voyage à vide. Il sera accompagné par le Giorgio Orsini, bâtiment réquisitionné, qui, outre le dragage forain, sera affecté aux liaisons entre les îles. Mais ce n’est là qu’un hors-d’œuvre. Le plat de résistance, ce sera d’amener à Rhodes ou Léros d’une part le 312e bataillon de chars, d’autre part la moitié des hommes et tout l’équipement lourd de la CCIe Légion de Chemises Noires…
– Pourquoi la moitié des hommes seulement, commandant ?
– Le transport de l’autre moitié incomberait à la Regia Aeronautica, dans le cadre de l’effort en faveur de l’Egée qui lui a été réclamé. Messieurs les aviateurs auraient proposé un mini pont aérien, permettant d’afficher rapidement un résultat concret. Mais le travail sérieux nous restera ! Outre soldats, armes et munitions, il faudra aussi transporter du ciment pour renforcer ou multiplier les fortifications, des vivres pour nos forces armées et les civils, du fourrage pour les animaux de bât, des effets d’habillement et des pièces de rechanges pour l’Armée et l’Aviation. Vous vous en doutez, c’est sur vous et moi que l’on compte pour le choix judicieux des bâtiments marchands à affecter à l’entreprise…qui devra être programmée dans ses moindres détails au plus tard dans deux jours !
– Le temps de passer quelques coups de fil pour vérifier la disponibilité des bateaux pouvant convenir, vous aurez une première liste sur votre bureau dès cet après-midi.
– Très bien ! De toutes façons, soyons honnêtes, notre tâche est tout de même plus simple que celle du Bureau Opérations, qui va devoir mettre sur pied une escorte ad hoc, trouver la meilleure route, etc. Pour ce qui est de la force de l’escorte, le point n’est pas tranché : le Son Excellence le ministre veut que nous mettions le paquet, cuirassés compris, Campioni renâcle. En tout cas, cette fois, on espère que Maricosom pourra gêner les mouvements de l’ennemi…
– A propos de sous-marins, quel danger représentent ceux des Français et des Anglais ?
– En deux mois, ils ne nous ont pas coulé grand chose, mais ils sont là et bien là. Notamment en Egée, où juillet a été marqué par plusieurs alertes. Mais pas de pertes de notre côté, ni de succès d’ailleurs. Bien, retrouvons-nous donc à l’heure du thé Oh, pardon, du carcadeh …

Libye (Cyrénaïque)
Bardia est bombardée pour la première fois par des avions alliés, tandis que les positions italiennes proches de la côte sont pilonnées par des croiseurs venus d’Alexandrie.
Dans la soirée, les sous-marins Enrico Toti et Antonio Sciesa arrivent à Benghazi et déchargent chacun 12 tonnes de munitions, dans des conditions difficiles étant donné l’état du port.

Karpathos (Dodécanèse)
Le sous-marin Iride (Lieutenant de vaisseau Francesco Brunetti) arrive dans la nuit du 1er au 2 août à Karpathos, dans le cadre discret de la baie de Pigadia, où il a rendez-vous avec le torpilleur Calipso qui amène quatre SLC (ou maiale) et leurs équipages (quatre équipages doubles plus un équipage de réserve).
A l’aube, un avion de reconnaissance anglais survole le port et signale à Alexandrie la présence du sous-marin.
En fin de journée, alors que l’Iride vient à peine de quitter Karpathos, trois Swordfish torpilleurs de l’Eagle surgissent du sud. Le sous-marin, alourdi par les SLC, navigue à ce moment-là en surface, le pont à fleur d’eau, pendant que les opérateurs des engins finissent de les arrimer. Les Swordfish attaquent sans laisser à l’Iride le temps de plonger. Le sous-marin est atteint par une torpille et coule immédiatement ; seuls les marins présents dans le kiosque et les opérateurs des SLC sur le pont ont pu quitter le bâtiment.
Alerté, le torpilleur Calipso arrive rapidement sur les lieux et repêche les rescapés. Sans attendre, les opérateurs des SLC retrouvent leurs réflexes de plongeurs de combat et plongent sur l’épave, à 18 m de fond. Après de longues heures d’effort, ils sauvent sept marins emprisonnés dans un compartiment non inondé, récupèrent les pavillons du navire… et les quatre SLC, finalement peu endommagées !
La tentative GA1 est donc avortée, avec un bilan particulièrement lourd (un sous-marin et son équipage perdus), mais les hommes de la Ia MAS en tirent de nombreuses leçons sur la préparation de leurs futures opérations. Ils décident notamment d’équiper plusieurs sous-marins (d’abord l’Ametista et le Scirè, un peu plus tard le Gondar) de cylindres étanches pour y ranger les SLC, permettant ainsi au sous-marin de plonger plus profondément.
Les autorités italiennes constatent que ce désastre n’aurait pu avoir lieu s’il s’était trouvé des avions de chasse sur l’aérodrome de Karpathos, en mesure de protéger le départ de l’Iride. L’Aviation de l’Egée va donc y détacher en permanence cinq des appareils de la 162e escadrille autonome de chasse terrestre, constituée avec les neuf Fiat CR-32 arrivés en juillet.

Djibouti
Deux Morane patrouillent au-dessus de Zeila lorsqu’on leur signale le raid de deux trimoteurs italiens rapides. Mais s’ils rattrapent sans trop de mal les deux SM-79, ils ne peuvent les abattre en raison d’ennuis mécaniques ! Néanmoins, ce sera le dernier raid de jour sur Djibouti, la présence des Morane jouant un rôle dissuasif. Le harcèlement nocturne effectué par des Ca-133 n’aura pas de réelle efficacité et l’Armée de l’Air pourra s’organiser pour soutenir au mieux les troupes au sol.


3 août
Malte
Chaleureusement accueillis par les marins britanniques et notamment par les sous-mariniers, mais aussi par la population maltaise, les “600 tonnes” de la 16e DSM (Amazone, Antiope, Orphée, Sibylle), arrivant de Casablanca via Oran, font leur entrée dans le port de La Valette. Le mouilleur de mines Castor, momentanément sans emploi dans sa spécialité, les y attend pour leur servir de bâtiment d’appui. Leur groupe sera rejoint dès le lendemain par l’un des “1 100 tonnes” de la 11e DSM, le Narval : les cibles étant rares le long des côtes de Tripolitaine, son commandant, le L.V. Drogou, a réclamé l’honneur d’être détaché auprès de la Flottille britannique et de pouvoir aller chasser avec elle sur les côtes de l’Adriatique.

Libye (Cyrénaïque)
Poursuite des bombardements alliés sur la zone côtière.
De Castel-Benito, des LeO-451 et Farman 223 de l’Armée de l’Air attaquent Benghazi. D’Egypte, la RAF et l’Armée de l’Air attaquent Bardia et Tobrouk. Les forces aériennes françaises en Egypte se sont déployées à Marsa Matruh : environ 60 appareils en tout, dont les trois quarts sont opérationnels.
GC I/7 : six MS-406 couvrent Alexandrie et six les raffineries de Haïfa (six autres ont été envoyés à Chypre, où l’ensemble du groupe sera concentré après la fin des opérations en Libye)
Groupement Pouyade : 6 (4) Potez 631 et 5 (3) Potez 63.11
GB I/39 : 9 Martin 167 (le I/39 doit se redéployer à Chypre à partir du 25 août)
ESRL n°1 : 3 Amiot 351 GR (à partir du 15 août)
GR I/35: 13 (11) Potez 63.11
GAO II/583 : 9 (6) Potez 63.11
EO n° 592 et 593 : 8 (6) Potez 25 et 4 (3) Potez 29 SAN (Casevac).


4 août
Le Grau-du-Roi – la Grande-Motte – Carnon – Palavas-les-Flots
Les 4 500 hommes du CRI des Chasseurs Ardennais sont évacués à leur tour, in extremis, de même que 10 500 hommes du 5ème CRI d’infanterie et du CRI des Troupes Légères. Le lieutenant-général Wibier a dû menacer le général-major Lambert de le passer en Conseil de Guerre pour le faire obéir, car il refusait d’abandonner ses compagnons d’armes espagnols et français sur le Gardon : « Vous devez vous rendre compte que l’Armée belge qu’il faudra reconstituer en Afrique du Nord manquera cruellement de cadres et d’hommes de troupes expérimentés. Devant l’ampleur de cette tâche, vous n’avez pas le droit de sacrifier le potentiel humain qui vous a été confié dans ce qui ne serait au mieux qu’une action de retardement mineure ! » Lambert s’est incliné, la mort dans l’âme.

Rome
La guerre ignorant le repos dominical, les bureaux de Supermarina sont aussi affairés qu’un jour de semaine. Vers une heure de l’après-midi, le C.V. Ferreri entre dans celui qu’il partage avec le L.V. Moracchioli en brandissant un dossier.
– Cette fois, nous y sommes ! L’opération C 14 est réglée dans ses moindres détails… Je ne suis pas autorisé à tout vous révéler, mais je peux au moins vous mettre au courant des grandes lignes. Tout d’abord, le choix auquel nous nous étions arrêtés pour les navires de transport a été validé, non sans quelques débats. Tout le pondéreux – et en premier lieu les chars du 312e bataillon – sera donc réparti entre les cargos Antonio Locatelli et Capo Vado, avec un petit complément sur le Tarquinia. Quant aux hommes, tankistes, légionnaires et autres, ils seront répartis entre le Giorgio Orsini et nos trois croiseurs auxiliaires Adriatico, Barletta et Brindisi . C’est sur ce point que la discussion a été la plus vive : certains préféraient embarquer les hommes sur les contre-torpilleurs ou les croiseurs de l’escorte rapprochée, voire sur un unique paquebot rapide, arguant que, en cas de problème, ces navires pourraient décrocher et foncer à pleine vitesse vers la destination finale. Mais on a fini par reconnaître qu’il valait mieux ne pas encombrer les navires de combat et qu’il était tout aussi préférable de diviser les risques de pertes.
– Un bon point pour l’Ufficio RTSO, commandant !
– Dont il doit la moitié à vos avis pertinents, Moracchioli ! Mais attendons la fin de l’histoire pour nous congratuler. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Le chargement des navires est à achever pour le 13 août.
– Et l’escorte ?
– Finalement, toute la flotte de Tarente, ou presque, sortira. Pas plus tard qu’hier soir, Son Excellence le ministre de la Marine a imposé sa volonté à Cavagnari, lequel à son tour, a énergiquement convaincu Campioni. Il est vrai que, cette fois, nos amiraux avaient moins d’arguments pour refuser la sortie des navires de ligne, puisque cinq seront bientôt disponibles. Ce qui a d’ailleurs conditionné le choix des dates : cette année, feragosto sera un jour tout particulier pour notre Marine !
Un peu plus tard dans la soirée, Emilio Ferreri reçoit la version définitive du promemoria de l’opération C 14 (classé “très confidentiel”). C’est de loin l’opération la plus importante dans laquelle se soit lancée la Regia Marina depuis le 10 juin (cf. l’ouvrage de l’Ufficio Storico della Marina, La Marina nella difesa del Dodecaneso, Rome, 1969, annexe IV).

§ Composition du convoi :
Navires de charge : vapeurs Antonio Locatelli (5 691 GRT), Capo Vado (4 391 GRT) et Tarquinia (749 GRT) ;
Transports de troupes : croiseurs auxiliaires Adriatico, Barletta et Brindisi, tous trois de même type (1 976 tonnes, 14 nœuds, entrés en service en 1931) ; bâtiment auxiliaire Giorgio Orsini.
§ Escorte rapprochée :
De Bari au Canal d’Otrante :
7e Escadrille de torpilleurs (anciens contre-torpilleurs déclassés) : Angelo Bassini, Enrico Cosenz, Nicolo Fabrizi, Giacomo Medici.
Au-delà du Canal d’Otrante :
8e Division de croiseurs (amiral de division Antonio Legnani) : Luigi di Savoia Duca degli Abruzzi, Giuseppe Garibaldi.
16e Escadrille de contre-torpilleurs : Nicoloso Da Recco, Antoniotto Usodimare, Luca Tarigo, Emanuele Pessagno.
2e Escadrille de contre-torpilleurs : Espero, Borea, Ostro.
§ Escorte à distance, 1er groupe :
1ère Division de croiseurs (amiral de division Pellegrino Matteucci) : Zara, Gorizia, Fiume, renforcés par le Pola, détaché de la IIe Escadre.
9e Escadrille de contre-torpilleurs : Vittorio Alfieri, Alfredo Oriani, Giosué Carducci, Vincenzo Gioberti.
4e Division de croiseurs (amiral de division Alberto Marenco di Moriondo) : Alberico da Barbiano, Luigi Cadorna, Alberto di Giussano, Armando Diaz.
12e Escadrille de contre-torpilleurs : Lanciere, Carabiniere, Corazziere, Ascari.
§ Escorte à distance, 2e groupe :
5e Division de cuirassés (amiral de division Bruto Brivonesi) : Giulio Cesare, Conte di Cavour, renforcés par le Caio Duilio, détaché de la IIe Escadre.
7e Escadrille de contre-torpilleurs : Freccia, Dardo, Saetta, Strale.
8e Escadrille de contre-torpilleurs : Folgore, Fulmine, Baleno, Lampo.
9e Division de cuirassés (amiral de division Carlo Bergamini) : Littorio, Vittorio Veneto.
14e Escadrille de contre-torpilleurs : Ugolino Vivaldi, Leone Pancaldo, Antonio Pigafetta.
15e Escadrille de contre-torpilleurs : Nicolò Zeno, Alvise Da Mosto.
10e Escadrille de contre-torpilleurs : Libeccio, Scirocco, détachés de la IIe Escadre.
7e Division de croiseurs (amiral de division Luigi Sansonetti) : deux de ses quatre unités, détachées de la IIe Escadre, Eugenio di Savoia et Emanuele Filiberto Duca d’Aosta.
13e Escadrille de contre-torpilleurs : deux de ses quatre unités, détachées de la IIe Escadre, Granatiere et Bersagliere.
1ère Escadrille de contre-torpilleurs : Aquilone, Turbine.

La Regia Marina va donc faire sortir 5 cuirassés, 12 croiseurs (4 lourds, ceux de la 1ère Division, et 8 légers, ceux des 4e, 7e et 8e Divisions) et 34 contre-torpilleurs. Pour disposer de cinq cuirassés, il lui faut attendre le 15 août : le mouvement du convoi, évidemment bien plus lent que l’escadre, a été fixé en fonction de cet impératif.
La Regia Marina va aussi mobiliser ses sous-marins pour faire obstacle aux réactions des Franco-Britanniques. Trente-deux unités seront réparties des approches de Gibraltar à celles d’Alexandrie, en passant par les côtes d’Afrique du Nord et les parages de Malte.
Il faut ajouter à ce déploiement les unités engagées dans une opération de diversion destinée à retarder la découverte par les Alliés de la véritable destination du convoi. Il est en effet prévu de faire passer aussi longtemps que possible ce convoi vers les îles de l’Egée pour un convoi destiné à l’Albanie. Le C 14 partira donc de Bari et mettra le cap sur Durazzo avec son escorte rapprochée initiale. Un autre convoi, parti d’Ancône, se substituera au C 14 sur la route de Durazzo quand il mettra le cap au sud-est. Ce leurre, comprenant le croiseur auxiliaire Brioni (sister-ship des Adriatico, Barletta et Brindisi) et six navires de charge, sera escorté par les quatre anciens contre-torpilleurs déclassés de la 15e Escadrille de torpilleurs (Confienza, Solferino, San Martino et Palestro).
Les navires de l’escorte à distance feront demi-tour dès que le convoi s’engagera dans le détroit séparant l’île d’Anticythère de la Crète. De l’escorte rapprochée, la 8e Division de croiseurs et la 16e Escadrille de contre-torpilleurs se retireront à leur tour une fois opérée la jonction avec les deux contre-torpilleurs et les quatre torpilleurs d’Egeomil, prévue sur le méridien de Réthymnon. Seule la 2e Escadrille de contre-torpilleurs poursuivra jusqu’à Rhodes.
Pour le retour, le convoi sera escorté par la 2e Escadrille et les forces d’Egeomil, qui pourront ainsi regagner l’Italie en remplissant une tâche honorable.

Libye
Alors que les 81e et 88e DIA progressent le long de la côte de Tripolitaine et que la Cyrénaïque est agitée de raids divers, c’est l’accalmie sur le front du désert. Ce qui ne satisfait pas le commandant Leclerc. Ce dernier n’est autre que le commandant de Hauteclocque : sur le conseil de l’état-major d’Alger, alarmé par la nouvelle de massacres de civils commis par les troupes allemandes, il décide, pour tenter de préserver sa famille restée en France, de prendre un pseudonyme (inspiré, a-t-on dit, par la date : le 4 août est l’anniversaire de l’abolition des privilèges des nobles et Leclerc est le nom du… jardinier de la demeure familiale !). Ainsi, dans les communiqués, on parlera de « la colonne Leclerc ». On sait que ce pseudonyme deviendra vite célèbre.


5 août
Bataille de France
Capitulation de Toulon. Plus de dix mille Toulonnais et réfugiés ont été tués ou blessés par les bombardements. Les Allemands prennent possession d’un port militaire ravagé par les destructions et où il ne reste rigoureusement aucun bateau, sinon les vieilles coques sabordées pour bloquer l’entrée de la rade. En effet, les dernières équipes de démolition, parties la veille à bord de deux sous-marins, les 600-tonnes Naïade et Aréthuse, ont coulé toutes les vieilles coques de façon a bloquer la rade (voir annexe 40-7-2).
L’ultime chasseur français en Métropole, un MS-406 du GC I/6 opérant d’un terrain de fortune à Banyuls, est abattu. Depuis plusieurs jours, bombardiers et bombardiers en piqué s’acharnent sur les ports (Collioure, Banyuls, Port-Vendres) et les routes, faisant là des milliers de victimes. Les incendies qui font rage à Port-Vendres et Banyuls sont visibles de très loin au large par les navires qui viennent la nuit évacuer encore quelques hommes.

Libye
Le commandant Leclerc réunit les hommes de son bataillon – du moins, tous ceux qui ont pu avancer jusqu’à El Machina – à la pointe de l’avance française, dans le désert libyen. Tous font le serment de ne cesser le combat que lorsque le drapeau tricolore flottera de nouveau sur la cathédrale de Strasbourg.
La nouvelle de ce qu’on va très vite appeler le “Serment de Libye” se répandra à la vitesse de l’éclair. L’exemple des hommes de “Leclerc” va être suivi par toutes les unités françaises, avec quelques variantes.

Rhodes
Dans l’attente du convoi C 14, Cesare Maria De Vecchi de Val Cismon, gouverneur des îles de l’Egée et depuis 1938 commandant en chef de l’ensemble des forces militaires de la région (Egeomil), fait le point sur les forces dont il dispose [les noms italiens des îles sont signalés entre crochets].
§ Les forces terrestres italiennes dans le Dodécanèse sont considérées comme un Corps d’Armée, ce qui est sans doute exagéré…
La 50e Division d’infanterie Regina (général de brigade Alessandro Piazzoni), avec les 9e et 10e régiments d’infanterie, le 50e régiment d’artillerie divisionnaire et divers autres détachements, en constitue le plus gros. Elle totalise environ 11 500 hommes, sans artillerie plus lourde qu’une douzaine d’obusiers de 100 mm.
Elle est renforcée de troupes non endivisionnées représentant un nombre d’hommes équivalent : groupe de carabiniers royaux Egeo, 18 compagnies de mitrailleurs de position, artillerie côtière (distincte des batteries de la Regia Marina), artillerie anti-aérienne, services et 3e Compagnia Carri di Guardia alla Frontiera, avec 12 chars (très) légers Fiat 3000 (proches dérivés des Renault FT 17).
Ces forces sont, pour l’essentiel, réparties entre Rhodes (environ 12 000 hommes), Léros [Lero] (6 000 hommes) et Kos [Coo] (4 000 hommes).
On comprend que le gouverneur De Vecchi attende avec impatience l’arrivée du 312e bataillon mixte cuirassé (avec 4 chars M 11/39, 23 tankettes L 3 et 9 auto-mitrailleuses Ansaldo-Lancia 1Z) et celle de la CCIe Légion de Chemises Noires (1 500 hommes environ).
§§ La Regia Aeronautica dans le Dodécanèse dispose de six pistes, toutes en terre battue : trois à Rhodes [Rodi] (Maritsa, Gadurrà et Cattavia – l’utilisation de celle-ci est difficile pour raisons logistiques), une à Kos [Coo], une à Karpathos [Scarpanto] et une sur Kasos (petite île proche de Karpathos).
Au 10 juin étaient déployés sur ces aérodromes la 163e Escadrille autonome de chasse terrestre (CT), équipée au 10 juin de 11 Fiat CR 32, et les 56e et 92e Groupes de la 39e Escadre de bombardement terrestre (BT), équipés de 24 SM-81 en tout. Ces maigres forces ont été (un peu) renforcées en juillet par 9 Fiat CR-32, qu’il a fallu transporter dans le ventre de SM-82 et remonter sur place. L’envoi d’autres renforts, notamment des CR-42 et des SM-79, avait d’abord été annulé devant l’aggravation de la situation en Sardaigne, en Sicile et en Afrique du Nord. Mais De Vecchi a reçu des assurances de Mussolini en personne : deux douzaines d’appareils modernes vont sous peu rejoindre le Dodécanèse.
Il faut ajouter aux avions basés à terre les 28 hydravions basés à Léros [Lero], sur l’hydrobase de Lakki [Porto Lago] : 8 appareils de chasse (Ro.44), 16 de reconnaissance (1 Ro.43, 15 Cant Z.501), 2 de reconnaissance et secours (Cant Z.506), 2 de secours (Cant Z.506).
§§§ Les forces de la Regia Marina dans le Dodécanèse, dépendant du Commandement naval de Mer Egée (contre-amiral Biancheri), sont les suivantes :
A) Bâtiments de surface
– 4e Escadrille de contre-torpilleurs : Francesco Crispi, Quintino Sella (les deux autres unités de la classe “Sella” ont été vendues à la Suède en mars 1940).
– 8e Escadrille de torpilleurs : Lupo, Lince, Lira, Libra (classe “Spica”).
Il est prévu que les six navires sus-cités se joindront au convoi C 14 lorsqu’il prendra le chemin du retour : De Vecchi n’a pu obtenir leur maintien.
– IIIe Flottille MAS (14 bateaux) : 7e Escadrille MAS, avec les MAS-430, MAS-431, MAS-433, MAS-434 ; 11e Escadrille MAS, avec les MAS-520, MAS-521, MAS-522, MAS-523 ; 16e Escadrille MAS, avec les MAS-536, MAS-537, MAS-542 ; 22e Escadrille MAS, avec les MAS-545, MAS-546, MAS-551.
– Mouilleurs de mines Legnano et Lero.
– Canonnière Sebastiano Caboto et petite canonnière Marzio Sonzini.
Plus la vedette à vapeur de la Guardia di Finanza Postiglioni et le pétrolier Cerere.
B) Sous-marins
Ve Groupe (8 bateaux)
51e Escadrille (à Léros) : Delfino, Narvalo, Squalo, Tricheco (classe “Squalo”).
52e Escadrille (à Rhodes) : Ametista, Zaffiro (classe “Sirena”) et Jalea, Jantina (classe “Argonauta”).
Des renforts sont arrivés en juillet à Léros, sous la forme de la 13e Escadrille venant du Ier Groupe (La Spezia) : Berillo, Gemma, Onice (classe “Perla”).
En revanche, après la perte de l’Iride, survenue le 2 août, il a été décidé de retirer l’Ametista de Rhodes pour le consacrer aux opérations spéciales.
Il reste donc dix sous-marins italiens basés en Mer Egée.
C) La Regia Marina contribue aussi à la défense des îles avec des batteries côtières. Celles-ci sont installées à Léros (cinq batteries lourdes avec des pièces de 152, 120 et 102 mm ; 14 batteries légères avec des pièces de 102 et 76 mm), à Rhodes (six batteries lourdes avec des canons de 152 et 120 mm), à Patmos (une batterie de 76 mm) et à Alimnia (une batterie de 76 mm).


6 août
Dakar
A 02h15 GMT, le HMS Illustrious quitte le grand port de l’Afrique Occidentale Française pour gagner Gibraltar, accompagné des destroyers HMS Encounter, Gallant, Greyhound et Hotspur, tandis que les Français organisent sur son chemin des patrouilles d’hydravions et de petits bâtiments ASM.

Méditerranée centrale
Les Italiens commencent à placer de grands champs de mines dans le Détroit de Sicile.

Méditerranée orientale
Redoutant une prochaine intervention des Franco-Britanniques contre les îles du Dodécanèse, Supermarina a demandé à Maricosom de relancer des mouillages de mines offensifs devant les principaux ports ennemis de la zone. Compte tenu des problèmes rencontrés lors des exercices d’avant-guerre et des mouillages effectués en juin , ces opérations avaient été suspendues (quand elles avaient commencé) et certains sous-marins mouilleurs de mines affectés, non sans pertes, aux opérations de ravitaillement de la Libye. L’amiral Mario Falangola, commandant des sous-marins, a donc décidé de faire un premier test avec les trois unités disponibles. C’est pourquoi partent ce jour de Messine, où ils ont été concentrés, le Bragadin (pour Limassol), le Corridoni (pour Alexandrie) et le Foca (pour Haïfa).

Libye (Cyrénaïque)
Les Britanniques lancent de nouveau des attaques limitées pour tester les défenses italiennes.
Sur ce front, les Alliés ont en face d’eux la 10e Armée du général Mario Berti, qui compte 60 000 hommes environ. Le XXIe Corps du général Lorenzo Dalmazzo (62e DI Marmarica et 63e DI Cirene) défend Bardia et la partie nord de la frontière. Le XXIIe Corps du général Enrico Pitassi-Mannella (64e DI Catanzaro et 4e Division CC.NN. III Gennaio) est en retrait, près de Tobrouk. La 1ère Division Coloniale libyenne du général Luigi Sibille, formant la réserve d’Armée, très éprouvée par les combats frontaliers de juin et juillet avec les Anglais, a été ramenée au repos à Benghazi (ce qui est loin du front, mais c’est là que se trouve le QG du général Berti…). Il faut ajouter à ces forces les deux bataillons de l’école de parachutistes de Barce : 1o Battaglione Nazionale Paracadutisti et 1o Battaglione Allievi Paracadutisti Fanti dell’Aria (élèves-parachutistes fantassins de l’air).
Les principales victimes des coups de main lancés par les Alliés sont les gardes-frontière du 30e Settore di Copertura : 30A (QG à Bardia), 30B (QG à Amseat, plus connu sous le nom de Fort Capuzzo) et 30C (QG à Giarabub, à l’extrême sud du front, au bord de la Grande Dépression). Le sous-secteur 30B a même perdu son QG, tombé en juin aux mains des Britanniques. Pour faire face à ces attaques, la création de colonnes mobiles a été décidée. Elles s’inspirent du défunt Groupement D’Avanzo anéanti le 16 juin mais, tirant les leçons de cet échec, l’état-major italien a amélioré le modèle par l’ajout de canons antichars et anti-aériens. Ces colonnes n’auront guère le temps de démontrer leur efficacité…


7 août
Libye (Cyrénaïque)
Les flottes alliées, appuyées par leurs aviations, effectuent des bombardements massifs sur deux points clés de la côte : Tobrouk et Bardia. A Tobrouk, le vieux croiseur cuirassé San Giorgio est durement touché. Il est échoué par son équipage mais continue de servir comme batterie AA. L’aéroport d’El Adem est continuellement harcelé par les appareils anglais et français et le commandement italien replie l’ensemble de ses avions survivants sur Derna et Benghazi.

Mer Egée
« En ces premiers jours d’août, plus encore que chez leurs camarades de Méditerranée occidentale, un sentiment de frustration dominait chez les sous-mariniers du Levant. Sans doute, après près de deux mois de guerre contre l’Italie ils n’avaient eu à déplorer aucune perte – encore qu’en juillet, au retour d’une patrouille, le Protée (C.C. Garreau) n’ait dû qu’à une prompte manoeuvre d’échapper aux torpilles d’un congénère ennemi (aujourd’hui identifié comme le Tricheco). Mais ils attendaient toujours leur premier succès. Ce n’était pas faute d’avoir, partant de Beyrouth, sillonné avec obstination le dédale (c’est le cas de le dire) des îles de l’Egée, le terrain de chasse qui leur était assigné par les accords franco-britanniques. Mais les proies étaient d’autant plus rares que, comme leurs camarades anglais qui poussaient à l’occasion des pointes jusqu’à l’entrée des Dardanelles, ils avaient reçu l’ordre formel de n’attaquer que des bâtiments dûment identifiés comme italiens : il fallait impérativement éviter de mécontenter les neutres et, avant tout, les Grecs et les Turcs. De toute façon, la flotte marchande italienne de la région se résumait à deux ou trois caboteurs et à quelques bateaux de pêche qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau à leurs collègues venus du Royaume des Hellènes, voire de la côte d’Asie Mineure, et pour lesquels la prudence commandait de s’abstenir. Les seules cibles franches dans les parages étaient les navires de la Regia Marina. Mais il s’agissait en général de cibles agiles : le Phoque avait lancé en vain en juillet deux torpilles contre un torpilleur de classe Spica (le Lince, d’après les archives italiennes). Bref, états-majors et équipages espéraient tous des jours meilleurs.
Le 7 août enfin, sur le coup de 22 heures, l’Achéron (C.C. Alliou), navigant en surface non loin de la côte sud de l’île d’Astypalea (Stampalia), repéra deux silhouettes, dont l’une paraissait immobile et l’autre se mouvait à faible vitesse. Il s’agissait du mouilleur de mines auxiliaire Lero, qui achevait de poser la première partie d’un champ défensif sous l’escorte des torpilleurs Lira, qu’avait aperçu l’Achéron, et Lupo, alors caché aux regards des vigies du sous-marin par la petite île Saint-Cyriaque. L’Achéron put se rapprocher à moins de 1 200 mètres et gagner une position favorable au moment où sa cible se remettait en marche. Le sous-marin lança trois torpilles de ses tubes avant sur le Lero avant de plonger. Une minute plus tard environ, un engin au moins toucha la cible. L’arrière de celle-ci, qui avait encore une partie de ses mines à bord, fut désintégré par une violente explosion et sa partie avant ne tarda pas à couler. L’Achéron put échapper à la réaction des deux torpilleurs et rentrer victorieux à Beyrouth.
Les sous-marins du Levant n’allaient pas tarder à être engagés dans une opération plus vaste, la chasse au convoi C 14. »
Extrait de Soldats des Profondeurs – Les sous-marins de la Marine Nationale dans la guerre, par le Commandant Henri Vuillez – 2e éd., complétée par Claude Huan, Paris, 1992.


8 août
Bruxelles
La Militärwervaltung prend une ordonnance où elle se réserve le droit de s’opposer au retour en fonction de fonctionnaires qui s’étaient « retrouvés en territoire étranger du fait de la guerre. » Elle prépare en fait le terrain pour pouvoir mettre ses propres hommes à la place de ceux qui se sont réfugiés en France et pourraient commencer à revenir dans les prochaines semaines, maintenant que la Campagne de France touche à sa fin. Le secrétaire-général à l’Agriculture, De Winter, sera cependant réintégré ; il recevra également la responsabilité de l’Approvisionnement alimentaire et mènera d’ailleurs à ce titre un combat pied à pied pour protéger la production agricole belge des réquisitions allemandes. Le secrétaire-général aux Voies de Communication, Castiau, sera lui aussi réintégré. Par contre, le secrétaire-général à la Santé Publique, Mathieu, ne sera pas autorisé à reprendre son poste, sous la pression du V.N.V. (le parti nationaliste flamand).

Méditerranée occidentale
Au petit matin, le sous-marin MN Argonaute (L.V. Pelletier), aux aguets au large de La Spezia, observe la sortie d’une escadre comprenant un cuirassé et plusieurs croiseurs fortement escortés, laquelle met le cap au sud-est. Gêné par le déploiement de forces anti-sous-marines légères et d’hydravions, il ne peut gagner une position d’attaque et doit se contenter de transmettre l’information. Il s’agit des renforts que la IIe Escadre envoie à la Ière pour l’opération C 14 : le cuirassé Caio Duilio, le croiseur lourd Pola, les croiseurs légers Eugenio di Savoia et Emanuele Filiberto Duca d’Aosta ainsi que sept contre-torpilleurs.
Français et Britanniques font effectuer des vols de reconnaissance, notamment par les avions et hydravions basés à Malte. C’est un Amiot 351 qui repère l’escadre italienne vers 13h30 (GMT+1), à la hauteur de Civitavecchia, avant qu’un Martin 167 ne la retrouve vers 19h30 (GMT+1) un peu au sud de Naples, que les navires italiens laissent derrière eux. Ce qui réduit finalement le champ des possibles : redéploiement vers la Sicile – risqué, car les ports siciliens sont à bonne portée des avions de bombardement alliés, ou renforts pour Tarente.


9 août
Gibraltar
A 06h15 GMT, l’Illustrious et son escorte entrent dans le port du Rocher, où l’attendent ses partenaires de l’opération “Hats” – son transfert en Méditerranée orientale – pour rejoindre la Mediterranean Fleet.

Méditerranée occidentale
Vers 02h30, le sous-marin MN Espoir (L.V. Tézenas du Montcel) aperçoit sans pouvoir l’attaquer une importante escadre italienne débouchant du détroit de Messine. Il s’agit évidemment des navires qui ont quitté La Spezia la veille. Dans la journée, les reconnaissances aériennes confirment l’information. Cependant, la présence continue de la chasse italienne sur le trajet Catanzaro-Tarente, où l’escadre arrive peu après midi, dissuade les Alliés de l’attaquer.

Malte
Deux sous-marins de 600 tonnes, les Galatée et Sirène de la 19e DSM, repliés dans un premier temps de Toulon à Bizerte, rejoignent à La Valette la 16e DSM et le Narval.

Libye (Cyrénaïque)
L’aviso rapide Diana et les contre-torpilleurs Giovanni Da Verazzano et Lanzerotto Malocello (classe Navigatori) arrivent dans la soirée à Benghazi pour décharger des munitions et des canons antichars. Après les bombardements de l’avant-veille, le port est dans un état de chaos complet, aggravé par le fait qu’une bonne partie de la main d’œuvre locale a fui la ville, en dépit des menaces d’exécution sommaire. Les marins des trois navires effectuent eux-mêmes le déchargement, mais celui-ci n’est pas terminé quand ils doivent quitter Benghazi, peu avant l’aube.


10 août
Bataille de France
Chute de Montpellier.

Ports du Languedoc
Au cours des ultimes opérations d’évacuation, le patrouilleur A.6 du Corps de Marine saute sur une mine magnétique au large de Collioure et sombre avec presque tout son équipage. Pourtant, malgré les mines allemandes et les sous-marins italiens, dans le chaos dantesque des derniers jours de la campagne de France, la marine belge réussit encore à évacuer entre le 8 et le 15 août près de 4 000 recrues belges, dont un certain nombre de celles qui ne s’étaient pas présentées aux centres de recrutement, ainsi que 2 000 militaires des services de soutien encore présents en France. Au cours de ces mêmes amères dernières journées, les navires belges permettent à une douzaine de milliers d’hommes et de femmes, réfugiés et militaires de diverses nationalités, de rejoindre l’Afrique du Nord.
Tous ces transferts ne se font pas sans pertes. Bien souvent, de petits bateaux débordant de malheureux, incapables de s’éloigner suffisamment des côtes avant le jour, sont mitraillés sans pitié par des avions allemands ou italiens. C’est ainsi que le petit bateau de pêche Saint-Bernardin est coulé, avec à son bord vingt et un Juifs allemands, tous des femmes et des enfants, qui venaient du fameux camp d’internement des Milles. Les hommes engagés dans la Légion, le commandant Perrochon était responsable de l’évacuation des 1 500 femmes, enfants et vieillards. Les uns après les autres, il les avait embarqués vers l’Afrique. Les 21 passagers du Saint-Bernardin étaient les derniers… Il y a cinq survivants. Charles Perrochon, qui accompagnait ses ultimes protégés, n’est pas du nombre.
On sait que sa mémoire sera doublement célébrée. En 1995, le film Les Milles, de Sébastien Grall, vaudra à Jean-Pierre Marielle le César du meilleur acteur. L’année suivante, le titre de Juste sera décerné par l’état d’Israël au commandant Perrochon…

Gibraltar
Opération Hats – Le porte-avions Illustrious, le cuirassé Valiant, le croiseur lourd York, le croiseur léger Ajax et les croiseurs légers anti-aériens Calcutta et Coventry appareillent pour Alexandrie. Ces navires seront escorté par dix destroyers : huit détachés par la Mediterranean Fleet (la 27e Division au complet : Janus, Jervis, Juno, Nubian et Mohawk, plus les Dainty, Decoy et Hero) ainsi que les Griffin et Hotspur (destinés à compenser l’indisponibilité momentanée des Hyperion et Ilex).
La Regia Marina pouvant décider d’attaquer cette escadre, la flotte française la couvrira comme elle l’a fait le mois précédent du convoi AP-1.

Libye (Cyrénaïque)
Les forces franco-britanniques achèvent leur déploiement.
La VIIIe Armée britannique se compose principalement de quatre grandes unités.
– La 7e Armoured Division est une unité formée avant la guerre, prête au combat et bien entraînée. Son équipement se composait au 10 juin de 134 chars (très) légers Vickers Mk VI, 114 lents chars “Cruiser” A10 (Mk II) et 38 automitrailleuses (Lanchester et Morris surtout). Le convoi de juillet avait débarqué 152 blindés, dont 51 chars lourds Matilda II et 101 rapides chars “Cruiser” A13 (Mk III Covenanter) et A15 (Mk VI Crusader). Les Britanniques avaient à la hâte rééquipé plusieurs formations avec ce matériel.
– La 4e Division d’Infanterie indienne est une excellente unité d’infanterie, bien entraînée et efficace.
– La 6e Division d’Infanterie australienne (AIF) était le 10 juin à l’entraînement en Palestine mandataire. Elle a rapidement été redéployée en Egypte et va montrer la valeur des soldats australiens. Ses hommes bénéficient de l’appui de quelques vieux chars moyens Vickers.
– La 7e Division d’Infanterie australienne (AIF) est encore en formation. Ses hommes sont novices et encore mal équipés. Elle ne jouera qu’un rôle secondaire.

Les troupes françaises du général Mittelhauser, venues du Liban renforcer la VIIIe Armée, ne sont pas négligeables.
– 86e DI (type O-M, catégorie A)
– 191e DI (à compter du 12 août)
– 631e et 632e Bataillons de Chasseurs à Pied
– 63e et 68e Bataillons de chars de Combat (BCC), dotés de 45 et 50 chars R-35 respectivement
– 8e Groupe d’Auto-Mitrailleuses, doté de 40 AMD Whyte
– 3e Groupe d’Exploitation (incluant l’escadron de Cavaliers Tcherkesses)
– 4e Régiment de Spahis Tunisiens (à cheval)
– 325e Régiment d’Artillerie à Longue Portée
– Groupe mobile d’artillerie : deux batteries (8 canons) de 47 mm et une batterie (5 canons) de 75 mm, sur camions Dodge (il s’agit d’une des fameuses “improvisations du capitaine Bich”).
Les 90 chars français R-35 sont lents et peu maniables, mais pratiquement immunisés contre les canons antichars des Italiens. Ils seront très efficaces pour appuyer l’infanterie (quoique pas autant que les Matilda).
Sur la suggestion du Brigadier Jock Campbell et de plusieurs officiers français ayant l’expérience des opérations au Levant, plusieurs colonnes mobiles sont organisées. Elles combinent des blindés légers, des automitrailleuses et de l’infanterie et artillerie portées. Ces colonnes doivent profiter de la nature du terrain pour s’enfoncer dans le désert et paralyser les mouvements des Italiens.

Rhodes
Le pont aérien organisé par la Regia Aeronautica pour transférer la moitié de la CCIe Légion de Chemises Noires, soit près de 800 hommes, dans les îles de la Mer Egée, s’achève sur un succès. Il manque seulement à ces hommes leur équipement lourd et l’essentiel de leurs munitions.
Le même jour, arrivent sur l’aéroport de Maritsa les 12 SIAI SM-79 des 67e et 68e escadrilles qui composent le 34e Groupe de Bombardement terrestre. Ce Groupe vient de Sicile, où des formations jusqu’alors engagées sur le front français vont pouvoir le relayer. Même si ce n’est que la moitié de ce qu’avait réclamé le gouverneur De Vecchi, c’est là une première contribution de l’Aviation Royale au renforcement des moyens modernes des îles de l’Egée. Ces appareils doivent harceler Haïfa et Beyrouth aux côtés des plus anciens SM-81.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 17:03    Sujet du message: 11 au 14 août Répondre en citant

J'avoue : paresseux, je n'ai pas "injecté" les notes de bas de page. Mais il faut bien que vous ayez quelque chose à découvrir quand le livre sortira (... peut-être... enfin, au moins, quand vous irez sur le site FTL pour imprimer tout ça avec les enrichissements).

11 août
Béziers
A bord d’un Caudron Simoun de l’Aéronautique Militaire, le ministre de la Défense Nationale belge, le général Denis, s’envole pour Oran avec les derniers membres de son état-major. Aussitôt arrivé en Algérie, il commence à se renseigner sur l’état des forces belges en Afrique du Nord et visite les camps de regroupement des militaires et des recrues.

Libye (Cyrénaïque)
Des éléments de la VIIIe Armée britannique attaquent Bardia, sur la côte, à l’est de Tobrouk, avec l’aide d’un régiment de la 86e DI et des chars des 63e et 68e BCC. L’armement antichar des forces italiennes s’avère peu efficace face aux R-35, mais une dizaine de chars sont endommagés par des mines.


12 août
Bruxelles
Sous la pression de la Militärverwaltung, Viktor Leemans est nommé Secrétaire-Général aux Affaires Economiques, en remplacement du Baron Snoy, réfugié à Londres avec le Gouvernement belge. Leemans est un intellectuel flamand proche du V.N.V., qui mêle à son nationalisme anti-belge une idéologie totalitaire mâtinée de théories économiques corporatistes bien dans l’air du temps.

Orléans
Grâce à l’action diligente de l’habile Otto Abetz, les négociations pour la formation d’un gouvernement français fantoche sont près d’aboutir. Bien qu’une méfiance extrême domine leurs rapports, Laval, Déat et Doriot se sont mis d’accord sur un projet qui convient aux Allemands. Tous trois vont constituer une apparence de gouvernement, qui sera reconnu par l’Allemagne et avec lequel Berlin signera un armistice. Comme celui de Quisling en Norvège, ce gouvernement doit servir de relais des volontés allemandes auprès de l’administration française, réduira le besoin en garnisons de la Wehrmacht et favorisera, le moment venu, le recrutement de supplétifs pour la lutte anticommuniste, voire contre le gouvernement d’Alger. De plus, l’existence d’un interlocuteur, même illégal et illégitime, doit faciliter la “collaboration économique” au profit de l’Allemagne, qui sera baptisée, après l’attaque de l’URSS “contribution à la lutte contre le bolchevisme”.
Mais l’opération ne va pas sans poser des problèmes de droit international. Le gouvernement français légal, reconnu par l’ensemble des gouvernements neutres, est à Alger. Il est d’emblée certain que les Etats-Unis ne reconnaitront pas le gouvernement Laval. Au mieux (du point de vue de ce dernier), l’URSS s’abstiendra de choisir (ce qui ne préoccupe guère Déat ni Doriot). L’Espagne (qui a au Maroc, Franco ne l’oublie pas, une frontière commune avec « les gens d’Alger » !) va louvoyer.
De fait, l’existence de leur marionnette pourrait gêner les Allemands eux-mêmes : s’ils décident qu’il s’agit du gouvernement français légitime, ils devront considérer les soldats français se battant contre eux comme des francs-tireurs susceptibles d’être exécutés. Mais, outre qu’ils exposeraient ainsi les prisonniers allemands à des représailles, les neutres – et en tout cas les Etats-Unis, fort chatouilleux sur ce chapitre – condamneraient l’Allemagne pour non respect des Conventions de Genève. Par contre, traiter les soldats français faits prisonniers après la signature d’un armistice avec le gouvernement Laval comme des prisonniers de guerre au sens légal du terme signifierait que ledit armistice n’aurait aucune valeur ! En pratique, l’Allemagne fera fi de ces considérations juridiques. Dans ses relations avec Laval et consorts, elle fera comme si « les gens d’Alger » n’existaient pas. Et sur le front, tout se passera comme si le gouvernement Laval n’était qu’une fiction.
Pour l’heure, l’équipe réunie à grand peine par Abetz entre dans l’Histoire par une déclaration qui se veut solennelle : « Nous, responsables politiques français [le mot « élus » a été supprimé], constatant que le gouvernement prétendument légal de notre pays a commis dans la nuit du 12 au 13 juin une forfaiture qui le prive désormais de toute prétention à représenter la France et qu’il a abandonné les Français aux heures les plus funestes de leur histoire pour s’embarquer dans une aventure sans espoir ni retour, affirmons aujourd’hui qu’il nous appartient de reconstruire la nation. Réunis aujourd’hui à Orléans, ville qui perpétue le souvenir d’une sainte chrétienne qui sut défendre la France contre les menées de l’Outre-Mer et de ses agents, fidèles à l’exemple du Maréchal Pétain que son âge n’a pas empêché de se dresser contre les factieux [Pétain agonise à la Salpêtrière, à Paris, où il a été transporté dans un état qui s’aggrave inexorablement], nous jurons de tout mettre en œuvre pour fonder dans notre pays un ordre nouveau qui lui rendra sa place dans la Nouvelle Europe. » Signé : MM. P. Laval, G. Bergery, M. Déat, J. Doriot, P.-E. Flandin et J. Ybarnegaray (notons l’ordre alphabétique des signataires, en dehors de Laval).

Libye (Cyrénaïque)
Attaque générale des forces alliées. Cette fois, c’est le vrai début de l’opération Alma (ainsi baptisée par Wavell et Mittelhauser en mémoire de la bataille qui vit des forces britanniques et françaises, alliées, défaire une ligne de défense adverse – russe, à l’époque).
Appuyée par les R-35 et l’artillerie lourde française, l’infanterie franco-britannique (4e Division Indienne et 86e DI française notamment) fixe l’ennemi devant Bardia. Les unités de la division Marmarica et de l’aile gauche de la Cirene s’accrochent sur un terrain assez favorable à la défense, notamment dans la passe de Halfaya, vite surnommée Hellfire Pass par les Britanniques.
Mais plus au sud, les colonnes mobiles de la 7e Armoured Division, appuyées par les automitrailleuses et l’artillerie portée française, commencent à s’enfoncer dans le désert. Partant de la région de Fort Capuzzo, elles percent le front improvisé par des gardes-frontières et des unités de la Cirene.
Entre Fort Capuzzo et l’aile nord, les Australiens de la 6e Division AIF assurent une certaine continuité du front.
Devant Benghazi, le sous-marin Domenico Millelire est torpillé et coulé par le sous-marin britannique Rainbow alors que, chargé de ravitaillement, il tente de pénétrer dans le port.

Rhodes
Douze Breda 88 détachés par le 7e Groupe autonome de combat se posent sur l’aérodrome de Gadurra. Le Breda 88, appareil dit polyvalent, s’est révélé un avion d’assaut des plus médiocres (et c’est une litote). Aussi doit-il être employé dans le Dodécanèse uniquement pour des missions de chasse et de reconnaissance. A court d’avions de chasse même partiellement modernes en Italie continentale et en Sicile, c’est tout ce que la Regia Aeronautica a trouvé à envoyer dans l’Egée pour épauler le petit nombre de chasseurs déjà déployés. Sans doute l’état-major a-t-il jugé que l’arrivée de cet appareil d’allure moderne aurait un meilleur effet psychologique que celle de nouveaux Fiat CR-32. Au moins ont-ils pu faire le voyage seuls ! Mais c’est là le dernier renfort aérien que recevront les îles de l’Egée.


13 août
Orléans
Formation officielle du Gouvernement Provisoire de l’Etat Français, sous la présidence de Pierre Laval, dont il n’est pas bien précisé s’il préside le Gouvernement ou l’Etat. Quoi qu’il en soit, son autorité sur ses principaux coéquipiers est toute théorique – chacun sait bien qu’il est toujours possible de faire appel de ses décisions auprès d’Abetz. Cependant, selon la coutume de la IIIe République, Laval s’est adjugé deux ministères régaliens : celui de la Justice et celui… de la Défense.
Jacques Doriot, chef du PPF, le Parti du Peuple Français, est ministre de l’Intérieur.
Ministre de l’Economie et du Travail, l’ex-socialiste Marcel Déat est l’un des plus chauds partisans de la “Nouvelle Europe” qui doit s’organiser sous la bienveillante direction de l’Allemagne, dont il fait chaque jour l’éloge dans les éditoriaux de son journal, L’Œuvre. Il organisera la “collaboration économique” (sans oublier ses intérêts au passage).
Gaston Bergery est ministre des Affaires Etrangères. Laval aurait sans doute souhaité attribuer le poste à Pierre-Etienne Flandin, mais celui-ci y a renoncé, peu enthousiaste à l’idée de s’asseoir chaque semaine à la même table que Déat et Doriot. Flandin sera finalement nommé Ambassadeur en Espagne, poste qu’il acceptera en mémoire de Pétain (qui avait été le premier Ambassadeur nommé par la France auprès de Franco).
Parmi les autres membres du ministère Laval, citons Jacques Ybarnegaray aux Anciens Combattants.

Perpignan – Préfecture des Pyrénées Orientales
Dans un bureau au deuxième étage du bâtiment, un homme en uniforme dont la France commence tout juste à connaître la voix est au téléphone, serrant le combiné d’ébonite en tiraillant nerveusement sur le fil. La conversation est tendue ; la chaleur estivale et la mauvaise qualité de la communication n’arrangent rien.
– Donc, ils exigent l’intégration de NOS équipes Bruno à leurs propres équipes Enigma dans le cadre des négociations sur Concorde et les autres accords technologiques ?
………
– Je commence à savoir assez d’anglais pour savoir que demand veut dire exige !
………
– Monsieur le secrétaire d’Etat , la France ne saurait se contenter de jouer les utilités dans une affaire de l’importance d’Enigma. Faites-le comprendre à nos chers alliés, précisez-leur le rôle de nos Services dans cette affaire et rappelez-leur, si besoin, que sans nous, ces Polonais seraient toujours à Bucarest ! L’équipe du chiffre franco-polonaise est en cours d’installation près d’Alger , et je n’accepterai pas sa dilution dans un ensemble britannique sans contrepartie sérieuse.
De toute façon, ce sujet est trop sérieux pour que nous dépendions entièrement d’équipes étrangères ou même mixtes. La France maintiendra un PC Chiffre indépendant, pour disposer d’une source d’information autonome et d’une veille de cryptage/décryptage pour protéger nos codes de toute interception, même amie et alliée.
………
– Bien, je vous répète notre position : pour accepter leur “demand”, nous “demandons” la co-direction du projet et l’accès à l’ensemble des résultats de décryptage via les mêmes communications sécurisées qui existaient en mai, ainsi que la fourniture de machines Enigma au PC Chiffre d’Alger jusqu’à ce que nous en produisions nous-mêmes.
De notre côté, nous pouvons aussi mettre à leur disposition une équipe de mathématiciens (c’est toujours autant de monde que nous n’aurons pas à loger en Afrique) et nous acceptons bien volontiers de mettre à leur disposition les résultats des écoutes des stations existantes et de celles que nous allons créer en Méditerranée pour compléter leurs propres écoutes.
………
– Je sais que nous ne sommes pas en position de force sur ce sujet, Capitaine, comme sur les autres, d’ailleurs. Mais vous apprendrez qu’il faut parfois savoir faire “comme si” !
………………
Margerie fera donc “comme si” et, semble-t-il, assez efficacement. Il assurera ainsi à la France une position solide dans le système que l’on appellera ultérieurement “Ultra”, position qui lui permettra de participer à la mise au point des premiers calculateurs ou machines à décrypter et de bénéficier pleinement, au même titre que ses alliés, d’une exceptionnelle capacité à regarder par dessus de l’épaule de l’Axe.

Méditerranée Centrale
N’ayant aucune mission urgente qui le retienne à Rome, le C.V. Ferreri a tenu à se rendre à Bari assister à la fin des opérations de chargement et au départ des bateaux du convoi C 14. A son grand soulagement, les délais fixés sont respectés.
Le rassemblement et le chargement du convoi n’ont pas échappé aux avions de reconnaissance français opérant depuis Malte. Notamment la présence de chars sur les quais. Analysant les clichés, les services de renseignement alliés mettent en tête de leurs hypothèses le renforcement de la division cuirassée Centauro déployée en Albanie ; une tentative en faveur de la Libye n’est pas exclue mais l’absence de bateaux vraiment rapides leur paraît en diminuer la probabilité.
Dépêché la veille à Ancône par Ferreri, le L.V. Moracchioli trouve une situation moins satisfaisante. Comme le départ du convoi-leurre précède de près d’un jour celui du C 14 et que le Regio Esercito a tardé à profiter du dit convoi pour améliorer la dotation des troupes d’Albanie en vivres, munitions et autres denrées nécessaires, seuls quatre des six transports partent avec une cargaison, les deux autres navigant à lège.
A 9h03 (GMT+2), le convoi, escorté par la 15e Escadrille de torpilleurs (Confienza, Solferino, San Martino, Palestro), appareille et met le cap sur le point de rendez-vous prévu avec le C 14.
En l’occurrence, les Italiens bénéficient d’un coup de chance : le sous-marin mouilleur de mines HMS Rorqual (Lt-Cdr R.H. Dewhurst) a quitté Alexandrie quelques jours auparavant pour venir placer un champ de mines devant Ancône, mais il n’arrivera devant son objectif que le 13 août dans la nuit.
Les forces navales franco-britanniques ayant été accaparées par l’opération Hats, les sous-marins alliés sont d’ailleurs les seuls opposants immédiats possibles au bon déroulement de l’opération italienne. Mais fort peu sont en bonne position pour le faire. Les Anglais ont six bâtiments sur dix disponibles à la mer. Outre le Rorqual, il s’agit de deux autres sous-marins d’Alexandrie, les Osiris et Proteus, et de trois sous-marins basés à Malte : les Oswald, Otway et Rainbow. De ces cinq unités, deux, les Oswald et Rainbow, opèrent sur les côtes de Cyrénaïque, tandis que le Proteus a été envoyé surveiller le débouché des Dardanelles. Les deux autres doivent agir en Adriatique à l’instar du Rorqual : le 13 août, l’Otway n’est plus très loin de sa zone de patrouille, dans le golfe de Trieste, alors que l’Osiris est déjà en place devant Durazzo. Côté français, en Méditerranée centrale, tandis que le Narval est en train de regagner Malte après sa première patrouille en Adriatique (d’Otrante à Brindisi), infructueuse et écourtée par un incident mécanique, la Sirène est sur le point d’arriver devant Tarente, où elle relève l’Antiope. Les autres bateaux opèrent plus loin : la Sibylle a remplacé l’Espoir dans la zone du détroit de Messine, la Vestale et l’Atalante sont sur la côte est de la Sicile. Côté Dodécanèse, l’Actéon a relevé au sud d’une ligne joignant le cap Krikelos, à la pointe sud-ouest de Kos (Coo), au cap Poulari, à l’extrémité est d’Astypalée (Stampalia) l’Achéron qui regagne Beyrouth à l’issue de sa patrouille victorieuse. Le Phoque est au nord de cette ligne et l’Espadon est en route pour l’y remplacer (en contournant Astypalée par l’ouest, pour ne pas traverser la zone dévolue à l’Actéon).
Les Alliés disposent également d’une centaine d’avions en première ligne. En Mer Ionienne, peuvent intervenir les torpilleurs et bombardiers de l’Aéronavale ainsi que les bombardiers de l’Armée de l’Air basés à Malte. Pour les premiers, après plusieurs semaines d’engagement intensif, les escadrilles T1 et T2 disposent de 13 Laté-298 (7+6) et les escadrilles B1 et B3 de 19 Martin-167 (9+10). L’Armée de l’Air peut mettre en ligne 57 appareils : 34 LéO 451 des GB I/23, II/23 et I/31 et 23 Martin 167 F des GB I/63 et II/63. Dans le Dodécanèse, en revanche, il n’y a que les bombardiers Martin 167 de l’Armée de l’Air déployés à Chypre : le GB II/39 aligne 12 machines. De plus, que seules les formations de l’Aéronavale sont entraînées à attaquer des buts marins mobiles ; celles de l’Armée de l’Air doivent en principe bombarder les ports et les navires s’y trouvant .

Libye (Cyrénaïque)
Les colonnes alliées parties de Fort Capuzzo enlèvent Sidi Aziez (au sud-ouest de Bardia). De là, la route – le Trigh Capuzzo – se dirige vers El Adem, loin à l’ouest.

Alexandrie
Le porte-avions Illustrious, le cuirassé Valiant et leur escorte, venus de Gibraltar, arrivent à la base principale de la Mediterranean Fleet après une traversée marquée par un seul incident notable, survenu la veille sur le méridien de Derna. En effet, si la plupart des sous-marins italiens déjà en place pour couvrir l’opération C 14 n’ont rien vu ou n’ont pas été en mesure d’intervenir contre l’escadre britannique, le Luciano Manara s’est trouvé en bonne position. Il a attaqué l’Illustrious mais, respectant les instructions, n’a lancé que deux torpilles. Le porte-avions a pu éviter les deux engins, tandis que son assaillant parvenait à échapper à la contre-attaque des destroyers d’escorte.


14 août
Berlin
Le gouvernement du Reich reconnaît officiellement le Gouvernement Provisoire de l’Etat Français (GPEF). Otto Abetz est nommé ambassadeur auprès de ce gouvernement.

Orléans
Premier Conseil des ministres du GPEF, essentiellement consacré à des questions de préséance et de répartition des domaines d’activité entre ses membres.

Bataille de France
Le dernier membre du gouvernement français à partir pour l’Afrique du Nord n’est pas le Général de Gaulle, comme beaucoup l’ont affirmé. De Gaulle quitte Perpignan par avion dans la nuit, aux premières heures du 14, mais le jeune Jules Moch (ministre du Travail depuis le 13 juin), part de Collioure en hydravion dans la nuit du 14 au 15, alors que Perpignan est tombée depuis la fin de la journée, après avoir organisé les toutes dernières évacuations. Moch emmène avec lui, in extremis, le fameux économiste socialiste allemand, Rudolf Hilferding, exilé en France depuis 1934.
« Hilferding, qui représentait l’autorité morale d’un SPD en exil lui-même très divisé, devait exercer une importante influence sur Moch et ses positions violemment anti-communiste d’après-guerre. En effet, depuis plusieurs années, Hilferding avait progressivement développé une « théorie économique des Etats totalitaires », parmi lesquels il rangeait l’Allemagne nazie comme l’Union Soviétique. Le débat sur la différence ou l’identité des deux systèmes devait prendre un véritable caractère international à partir de 1946, avec des articles contradictoires venant de l’Anglais Maurice Dobb, du Polonais Michal Kalecki (qui devait rentrer en Pologne à partir de 1947) et d’un jeune économiste français qui avait rédigé sa thèse en 1939 sur l’économie soviétique, Charles Bettelheim.
Hilferding travailla jusqu’au début de 1941 avec les planificateurs français à Alger, avant de prendre la tête du Comité Anti-Nazi Allemand, qui se constitua à Alger durant l’été 1941. Ce comité, largement soutenu par la SFIO contre l’indifférence de Reynaud et l’hostilité de Mandel, eut lui-même une existence agitée. L’opposition personnelle de Hilferding à l’entrée des communistes en son sein à partir de fin mai 1942 provoqua une crise qui le conduisit à se retirer de la présidence du Comité à la fin de l’année.
Hilferding quitta Alger début 1943 pour rejoindre New York à l’invitation d’Erich-Maria Remarque. Aux Etats-Unis, il retrouva Wassily Leontieff et Michal Kalecki, qui constituaient ce qui devint après-guerre la Commission Économique des Nations-Unies. Hilferding, qui avait alors abandonné le marxisme et répudié une partie de son œuvre, se retrouva très isolé au sein des économistes travaillant à la future Organisation des Nations Unies.
Il revint à Alger début 1944, à la demande de Jules Moch et de Léon Blum, pour constituer avec ces derniers le Comité pour l’Amitié Franco-Allemande, dont le rôle après-guerre devait être décisif pour la mise en place des institutions européennes. Ce comité s’installa à Marseille en mars 1944 ; Hilferding eut alors l’occasion de rencontrer le général de Gaulle. Diminué par des problèmes de santé et sans doute par ce que ses amis décrivirent comme une dépression chronique, Hilferding abandonna pratiquement toute activité politique à partir de début 1945, sauf pour écrire son Manifeste pour une Allemagne Libre (Paris, Les Iles d’Or, août 1945), où il appelle les socialistes allemands à s'unir avec les libéraux et les chrétiens-démocrates pour forger la future Allemagne.
Rudolf Hilferding mourut à Paris des suites d’un infarctus en juillet 1945, dans l’appartement des bords de Seine de Léon Blum, sans avoir revu l’Allemagne.
Un personnage visiblement inspiré par Hilferding, incarnant le destin des Autrichiens et Allemands anti-nazis ballotés puis dispersés aux quatre vents lors de la Campagne de France apparaît dans le remarquable film du réalisateur autrichien Alex Corti, Dieu Croit-Il Encore en Nous ? (premier épisode d’une trilogie inspirée de l’œuvre de G.S. Stroller), qui obtint le pris spécial du Jury à Cannes en 1986. L’hydravion de Jules Moch y est remplacé par un bateau de pêche quittant le port de Collioure alors qu’arrivent les premiers chars allemands. » (Extrait du Grand Larousse de la Seconde Guerre Mondiale – Edition 2000, Paris, 2001).

Bari
04h30 (GMT+2) – Le convoi C 14 quitte le port sous la protection de la 7e Escadrille de torpilleurs (Angelo Bassini, Enrico Cosenz, Nicolo Fabrizi, Giacomo Medici). Ce départ est constaté et annoncé par la reconnaissance aérienne alliée du matin.
12h07 (GMT+2) – Les deux convois se côtoient momentanément à un peu moins de 90 milles nautiques dans l’est-nord-est de Bari puis se séparent, le convoi-leurre continuant sur Durazzo et le C 14 se dirigeant vers le canal d’Otrante tout en se rapprochant des côtes grecques.

Tarente
11h30 (GMT+2) – Une bonne partie de la flotte italienne, cuirassés en tête, sort de Tarente et évolue quelque temps, filmée sous toutes les coutures par les services de la propagande, qui ne pourront saisir sur la pellicule sa véritable sortie, fixée au lendemain à partir de 02h00 (GMT+2). Comme l’a souhaité Mussolini, les Italiens verront sous peu aux actualités cinématographiques L.U.C.E. l’image majestueuse de la puissance navale de leur pays. Cette escapade se clôt rapidement, sauf pour les Vittorio Veneto et Caio Duilio qui procèdent à d’ultimes essais, en particulier de leur artillerie principale. Tous les navires sont à nouveau au mouillage pour le passage vespéral quotidien d’un avion de reconnaissance français venu de Malte.

Durazzo
14h59 (GMT+2) – Le convoi-leurre arrive en vue de son port de destination. Ayant repéré son approche aux hydrophones, l’Osiris (Lt-Cdr J.R. Harvey), usant avec parcimonie de l’observation périscopique pour ne pas être détecté par les hydravions venus renforcer la défense ASM, parvient à gagner une position qui lui permet d’attaquer la queue du convoi. Son commandant ne lésine pas et lance, à une distance de 2 500 mètres, une gerbe de six torpilles avant de se dérober sans attendre. Les sillages des torpilles sont détectés par l’un des Cant Z 501 en patrouille juste à temps pour que toutes leurs cibles puissent s’écarter, sauf une : le cargo Morea (1 968 GRT), touché par un des engins, coule en quelques minutes. Par malchance pour les Italiens, il s’agit de l’un des quatre navires navigant à pleine charge.
Quand l’Osiris rend compte de son attaque et de son probable succès, les Franco-Britanniques ne doutent pas qu’il ait attaqué le convoi parti de Bari.

Canal d’Otrante
21h17 (GMT+2) – Sur le parallèle du cap de Santa Maria di Leuca, le convoi C 14 fait sa jonction avec son escorte rapprochée définitive (8e Division de croiseurs, 2e et 16e Escadrilles de contre-torpilleurs), sortie de Tarente après le passage du “mouchard” du soir. Tandis que les torpilleurs de la 7e Escadrille se retirent vers Brindisi, le convoi et son escorte, serrant au plus près la côte de Corfou, mettent le cap au sud-est. Si tout se passe bien, le C 14, marchant à 11 ou 12 nœuds, devrait embouquer le détroit d’Anticythère vers minuit (GMT+2) le 15 août, libérant de sa tâche l’escorte à distance, pour atteindre Rhodes vers la même heure la nuit suivante.

Libye
En Tripolitaine, les forces mécanisées françaises voient arriver les Combat Cars, Scout Cars, Armored Cars et chars M2A2 “Mae West” livrés en nombre au mois de juillet par les Américains (voir annexe 40-8-2).
En Cyrénaïque, chars A-13, petits Vickers Mk VI et automitrailleuses françaises traversent les sables en direction d’El Adem, Plus loin au sud, la VIIIe Armée repart à l’assaut de l’oasis de Giarabub, qui a été continuellement harcelée depuis que les Britanniques ont dû en lever le siège début juillet. Mais pendant ce temps, les Italiens ne sont pas restés inactifs. D’abord, l’armement de l’oasis a été accru de 4 pièces anti-chars de 47mm et des travaux ont renforcé les divers postes défensifs. Dans un second temps, la garnison a été renforcée, dépassant désormais 2 000 hommes (1 350 soldats italiens et 800 libyens), pour ancrer solidement le pilier sud de la défense italienne. Un nouveau siège commence et une nouvelle fois, le colonel Salvatore Castagna va conduire la défense avec ténacité et habileté.

Au large de la Cyrénaïque
« Depuis près d’un mois, les deux canonnières italiennes survivantes avaient briqué en alternance la Méditerranée le long des côtes de Cyrénaïque, soit seules, soit accompagnées de l’une ou l’autre des citernes à eau civiles réquisitionnées, elles aussi travesties en caboteurs bien fatigués, dans l’espoir qu’un sous-marin ennemi se laisse prendre à leur aspect misérable et décide de les attaquer au canon. Travail éprouvant pour les nerfs des équipages, mais tellement préférable à la mort passive dans un port sous les bombardements aériens ou navals… Jusqu’à présent, la chance leur avait souri dans une certaine mesure, car aucun des avions alliés qui avaient survolé les petites unités et leurs conserves n’avait jugé utile de s’en prendre à elles. Mais en contrepartie, il n’y avait pas encore eu le moindre engagement avec un submersible adverse. Enfin aucun, sauf une occasion manquée, dès le 19 juillet, quand un sous-marin allié (sans doute un Anglais de classe P) avait brusquement fait surface non loin de la Palmaiola. Malheureusement avait alors surgi l’un des derniers Cant Z 501 d’A.S.I., dont l’attaque avait contraint l’Anglais à une plongée rapide saluée par les gerbes de bombes arrivées trop tard pour être efficaces. Tout fier de lui, l’hydravion avait tenu à escorter un moment le petit navire, dont l’équipage vouait « ces coglioni d’aviateurs qui interviennent sans qu’on les sonne » à divers sorts peu enviables.
Le 14 août, donc, le Riccardo Grazioli Lante, précédé par la citerne Lina Campanella, se traînait à nouveau à 6 nœuds entre Appolonia et Derna, port d’attache des deux unités depuis la mi-juillet. En début de matinée, alors que les deux bateaux étaient encore à 10 milles du port environ, l’équipage de la citerne aperçut deux sillages de torpilles ! Le premier passa sur l’avant tandis que l’autre filait droit sur la Campanella, mais passait sous la coque sans la toucher (la citerne naviguait à vide, mais avec une coque maquillée pour donner l’impression d’un navire chargé). Dûment averti, l’équipage de la canonnière se prépara à l’action. Le lieutenant de vaisseau qui la commandait formait des vœux ardents pour que son homologue, à quelques mètres sous la surface des eaux, trouve suffisant d’avoir gaspillé deux “anguilles” et veuille traiter au canon ses deux proies affolées qui avaient accéléré et se hâtaient vers le port à… 7 nœuds.
De fait, un sous-marin britannique de la classe O, l’Oswald (Lt-Cdr D.A. Fraser), ne tarda pas à émerger, porteur d’un menaçant canon de 4 pouces (102 mm). Tandis que la canonnière/chalutier ralentissait aussitôt, son équipage s’agitant dans la plus grande panique apparente, la gerbe d’un coup de semonce s’élevait devant la proue de la Campanella, mais la citerne, au lieu de stopper, continua à fuir vers Derna pour attirer sur elle l’attention de l’ennemi. Jeu dangereux, car les canonniers du sous-marin manquèrent de peu faire mouche aux troisième et quatrième coups. Mais ils durent vite s’interrompre car, sur le kiosque, l’une des vigies venait de découvrir que proue et poupe du vieux chalutier rouillé s’ornaient désormais chacune d’un canon de 76 mm prêt à ouvrir le feu et que cet adversaire recommençait à se mouvoir. Le commandant du sous-marin fit face et la fortune sembla hésiter un moment. Les marins italiens, tout à leur hâte d’en découdre, tardèrent à trouver la bonne distance, d’autant que le sous-marin, ayant tourné sa proue vers eux, leur présentait une cible réduite. Au bout de quelques minutes (une éternité !), les canonniers des deux bords mirent au but presque simultanément. L’Oswald plaçait un coup au but dans la salle des machines, suivi d’un autre à toucher la flottaison, qui causa une voie d’eau. Mais pendant ce temps, le canon arrière du Grazioli Lante touchait le kiosque, faisant plusieurs morts et blessés, le Lt-Cdr Fraser étant lui-même touché. Quelques instants plus tard, la pièce avant de l’Italien touchait l’unique canon du sous-marin, le mettant hors service et tuant ou blessant tous les servants. Désormais incapable de riposter et même de plonger, le sous-marin britannique battit en retraite à pleine vitesse, non sans qu’un dernier obus lui torde la barre de plongée tribord arrière. Il dut gagner Alexandrie pour soigner ses blessures et fut indisponible jusqu’à la fin de l’année.
Les marins italiens ne purent guère savourer leur succès. La canonnière était sérieusement blessée. Si l’on parvint à aveugler la voie d’eau, la machine était irrémédiablement hors service. Il fallut faire appel à l’unique remorqueur disponible à Derna. Le remorquage était en cours quand surgirent six Martin 167F du GB I/39, car le second de l’Oswald, toute honte bue, avait alerté Malte et avoué sa mésaventure. Tandis que trois des bimoteurs allaient bombarder le port, laissant, entre autres dégâts, la Lina Campanella à demi coulée , les trois autres achevaient sans états d’âme la canonnière et en profitaient pour envoyer le remorqueur par le fond.
On s’en doute, le commandant de l’Oswald ne fut guère félicité pour avoir failli perdre son bâtiment ; il ne dut de garder son commandement qu’au fait d’avoir eu la bonne grâce d’être lui-même assez sérieusement blessé. En revanche, la propagande italienne eut enfin un fait d’armes à célébrer : le commandant du Grazioli Lante, blessé lors de l’attaque aérienne, avait cependant survécu et reçut la Médaille d’Or à la Valeur militaire ; les marins tués et blessés eurent droit à la Médaille d’Argent et tous les autres membres de l’équipage à la Médaille de Bronze.
Le demi-succès de la canonnière avait cependant éventé le stratagème imaginé par l’amiral Brivonesi. Celui-ci se résolut, avec l’accord de Supermarina et de Graziani, à ordonner l’évacuation vers la Sicile de la canonnière Palmaiola et de la citerne Polifemo, la Ticino étant immobilisée à Tobrouk par des dégâts subis au fil des bombardements successifs du port. Lui-même n’envisageait pas de partir tant qu’il resterait des marins en A.S.I, avec ou sans bateaux. »
(Francesco Folcini, Piccoli Combattenti – Le unità leggere della Regia Marina nella Seconda Guerra Mondiale, Rome, 1966)
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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 17:13    Sujet du message: 15 août Répondre en citant

15 août
Bruxelles
Parution du premier numéro de La Libre Belgique clandestine, qui sera publiée sans discontinuer, avec une régularité remarquable, jusqu’à la libération de la Belgique.

France métropolitaine
Ce jour marque la fin “officielle” de la Campagne de France…
La Luftwaffe a laissé sur le sol français, en plus de trois mois de combats, près de 1 250 avions et la plupart de leurs équipages. Les prisonniers de guerre allemands ont en effet été transférés au Maroc. Parmi eux, les plus précieux sont bien sûr 800 à 900 pilotes et membres d’équipage de la Luftwaffe, le plus célèbre étant l’as Werner Mœlder (as numéro un de l’époque, dont le vainqueur, le sous-lieutenant Pomier-Layrargues, n’avait pas survécu à sa victoire).
Ce transfert de prisonniers est du moins la version officielle des événements. En pratique, dans la tourmente de juillet-août, les choses ne se sont pas toujours passé simplement. L’envoyé du NY Times, Bill Clifton, le raconte dans cet article dont seule est parue à l’époque une version tronquée. L’original a été retrouvé après la guerre, dans la chambre où Clifton était logé en 1940, rue d’Isly, à Alger.
L’honneur d’un lieutenant
« Cette fois, c’était fichu. Malgré une résistance désespérée, les dernières lignes de défense françaises craquaient de toute part. Je me voyais terminer mes reportages à Berlin, quand se présenta une occasion inespérée : un convoi de prisonniers pour l’Afrique. Ces prisonniers, une cinquantaine, étaient tous des aviateurs allemands abattus dans les lignes françaises, et que les Français n’avaient aucune envie de voir remonter dans leurs avions. A la Bourse des prisonniers, un pilote est beaucoup plus important qu’un vulgaire fantassin, car il est beaucoup plus difficile à former, et ces Allemands étaient des experts !
Un officier qui m’avait pris en sympathie me proposa de prendre place dans le convoi partant pour la côte méditerranéenne – quelques camions où les prisonniers, menottés, étaient escortés par une douzaine d’hommes. Ces derniers étaient commandés par un jeune lieutenant, frais émoulu de Saint-Cyr (le West Point français) mais « héréditairement très expérimenté » disait-il en souriant : il avait dans sa famille au moins un soldat par génération, et son arbre généalogique remontait aux Croisades…
C’est ainsi que nous arrivâmes, le lieutenant (qui préférerait sûrement que je taise son nom), les aviateurs prisonniers, leur escorte, les camions et moi, jusqu’à un carrefour stratégique du réseau routier dans ce pays accidenté : une toute petite ville désertée par ses habitants et dont le nom importe peu. Là, un barrage avait été bâti par des hommes qui travaillaient fiévreusement à fortifier la ville. Ces hommes portaient de drôles d’uniformes et parlaient avec un accent bizarre – je compris soudain qu’il s’agissait de Républicains espagnols réfugiés ici en 1939 et auxquels le nouveau gouvernement français avait offert la citoyenneté s’ils s’engageaient. Alors qu’il y avait là au moins deux bataillons, tous semblaient commandés par un homme aux cheveux grisonnants, qui portait les galons d’adjudant, mais que tous ses hommes appelaient « Coronel », Colonel. Il nous accueillit avec chaleur dans une espèce de poste de commandement improvisé dans un café : ces camions étaient juste ce qu’il lui fallait pour transporter ses blessés, l’équipement lourd qu’il fallait sauver, et même certaines femmes – leurs épouses, leurs sœurs – qui avaient jusqu’alors refusé de les quitter et auxquelles les Boches feraient un mauvais sort s’ils leur mettaient la main dessus. Le reste du régiment pourrait suivre les véhicules à marche forcée, et avec un peu de chance, tout le monde se retrouverait en Algérie pour reprendre le combat. Quant aux prisonniers, ils pouvaient bien aller se faire pendre ailleurs.
Le lieutenant répondit très poliment qu’il comprenait bien, mais que ces prisonniers n’étaient pas de simples troupiers, mais des aviateurs expérimentés, et qu’il était hors de question de les libérer. Le visage de l’Espagnol s’assombrit. Lentement, il dit qu’il savait que les aviateurs allemands connaissaient leur affaire et que les libérer serait une catastrophe, mais qu’il était responsable des blessés, des femmes, de l’équipement lourd, qu’il lui fallait donc les camions, d’autant plus que cela permettrait à une grande partie de ses hommes de se sauver aussi. Il n’y avait donc qu’une solution, pas drôle, mais c’était la guerre, et le lieutenant comprendrait sûrement.
Il comprit plus vite que moi et se leva d’un bond. Il était blême : « C’est impossible ! Mon honneur de soldat… » L’autre le coupa : « Tu me reparleras de ton honneur de soldat quand les cadavres de ces hijos de puta de Hitler, Franco et Mussolini pourriront au soleil. Et laisse ton pistolet, vous êtes douze et nous sommes des centaines. » Il y eut trente secondes de silence, durant lesquelles le jeune lieutenant parut vieillir de trente ans. « Je dois aller parler à mes hommes » murmura-t-il. Un bras espagnol m’empêcha de le suivre.
Quelques minutes plus tard, le lieutenant et ses hommes quittèrent les camions et s’éloignèrent vers l’entrée du bourg. Des Espagnols firent descendre les prisonniers et les conduisirent vers l’église. D’abord, je ne compris pas, puis je me souvins qu’à côté de l’église, il y avait le cimetière. Le pseudo-adjudant se leva. Voyant que je voulais aller avec lui, il grogna que je devais rester là, que je ne comprendrais pas. Je répondis que je connaissais les effets des bombardements sur les troupes au sol, mais que j’avais été aussi témoin de mitraillages de civils sur les routes, et surtout que j’avais aussi couvert la guerre civile espagnole et que je m’étais rendu, entre autres, dans la petite ville de Guernica après son bombardement par les Allemands de la Légion Condor. Il m’a regardé bien en face et m’a dit que oui, je comprendrais peut-être, mais que je devais rester là.
Un peu plus tard, nous avons entendu la mitraillade dans le cimetière.
Puis, l’Espagnol est revenu me voir. « Tu sais conduire, Yanqui ? Oui, tous les Yanquis savent conduire. Tu conduiras un camion. Nous manquons de conducteurs, le petit lieutenant a décidé de rester, il dit qu’il doit laver son honneur. » J’ai demandé ce qu’il faisait, lui, il m’a dit qu’il restait aussi, bien sûr, avec deux compagnies. Pour laver son honneur, lui aussi ? Il ne s’est pas fâché. « Non. Parce que je suis fatigué, je me bats depuis 36, tu sais, et cette guerre est partie pour durer. Et puis, comme ça, je pourrai savoir ce que c’est que vouer son âme aux puissances infernales pour le salut commun, comme le Romain Decius Mus, ou défendre un point clé contre des forces écrasantes sans espoir et sans idée de recul, comme Léonidas et ses Spartiates aux Thermopyles. » J’ai dû prendre un air stupéfait, parce qu’il m’a dit en souriant presque : « Tu n’aurais jamais cru que, jusqu’au putsch des fascistes, j’enseignais le latin et le grec dans un lycée de Madrid, hein ? » Il a soupiré, puis il m’a saisi par le bras : « Mais toi, Yanqui, journaliste, va dire à Sparte… va dire à New York que, maintenant, vous êtes obligés de gagner à Salamine et à Platée. Obligés ! Tu comprends ? » J’ai bredouillé que les Américains étaient neutres et voulaient le rester. Alors il m’a regardé et il s’est mis à rire comme s’il n’avait jamais rien entendu d’aussi drôle.
Quelques jours plus tard, sur le bateau qui nous conduisait vers l’Afrique – un petit chalutier belge – nous avons réussi à capter la radio allemande, qui annonçait, entre autres triomphes, qu’après deux jours de combats héroïques, les glorieux Germains avaient pris la petite ville dont le nom importe peu. Le régiment de mercenaires apatrides qui la défendait avait été anéanti jusqu’au dernier homme, disait la radio. Elle ne disait pas que ces deux jours signifiaient le salut pour tous ceux qui étaient montés dans nos camions, et même pour ceux qui les avaient suivis à marche forcée. Elle parlait d’un régiment alors qu’il n’y avait que deux compagnies, de mercenaires alors qu’ils auraient payé pour se battre et d’apatrides alors que la plupart avaient plutôt deux patries, l’Espagne et, depuis peu, la France. Mais en ce qui concerne le fait qu’il n’y avait pas eu un seul survivant, là, c’était sûrement la vérité. »

Pithiviers
Aidé par des amis, Joseph Darnand s’évade du camp de prisonnier local en compagnie d’autres officiers. Il va trouver refuge à Paris.

Au large de Tarente
02h05 (GMT+2) – Le premier groupe de l’escorte à distance du convoi C 14 sort à son tour de la grande base navale.
02h37 – La route de ce groupe croise celle du sous-marin MN Sirène (L.V. Hamon), qui arrive dans sa zone de patrouille. La mésaventure de ce “600 tonnes” ouvre ce que les sous-mariniers français baptiseront leur “semaine infernale”.
« Le sous-marin Sirène avait rejoint sa zone de patrouille le 14 août à la tombée de la nuit. Le 15, à 02h37, alors qu’il naviguait en surface pour recharger ses batteries, l’une des vigies de tribord signala plusieurs silhouettes de navires se déplaçant à bonne allure à la rencontre du sous-marin. Appelé sur la passerelle, le commandant Hamon put observer l’approche d’un écran de contre-torpilleurs (ou torpilleurs) précédant deux ou trois croiseurs. Comme devait le préciser l’enquête menée auprès de la Regia Marina en août 1943, il s’agissait de l’avant-garde du premier groupe de l’escorte à distance du convoi C 14 : les croiseurs légers de la 4e Division et les contre-torpilleurs de la 12e Escadrille.
Le L.V. Hamon décida de rester en surface et de manœuvrer de façon à se glisser derrière les escorteurs avant se s’en prendre aux croiseurs en les attaquant de trois-quarts avant. Ayant laissé passer les contre-torpilleurs, la Sirène avait gagné la position souhaitée et s’apprêtait à lancer sur les trois croiseurs en ligne de file désormais visibles, quand la vigie surveillant le secteur bâbord avant annonça qu’un gros contre-torpilleur ou un croiseur se ruait à toute vitesse sur le sous-marin. C’était le quatrième croiseur de la 4e Division, le Luigi Cadorna, lequel, retardé par un léger incident technique, se hâtait de rejoindre sa formation. Une vigie italienne ayant repéré la Sirène à environ 2 000 m sur tribord avant du croiseur, le commandant de ce dernier, le C.V. Francesco Mazzola, avait aussitôt ordonné de mettre le cap à pleine vitesse sur la silhouette, présumée hostile puisqu’aucun sous-marin italien ne devait se trouver dans ces parages. A peine l’avertissement de la vigie française avait-il retenti que la Sirène fut soudainement illuminée par le projecteur du Cadorna, qui ne se trouvait plus qu’à 1 500 m, tandis que les cibles potentielles du sous-marin entamaient sans retard une manœuvre d’évasion. Ne pouvant évidemment fuir en surface, le commandant Hamon ordonna la plongée. Malheureusement, les hommes, surpris et aveuglés, eurent quelque peine à évacuer rapidement la passerelle, ce qui coûta de précieuses secondes. En outre, comme les autres bateaux de sa classe, la Sirène n’était pas réputée pour ses qualités de plongeur et sa prise de plongée dépassa sans doute les 60 secondes. Aussi le bâtiment ne se déroba-t-il qu’à la toute dernière extrémité devant l’étrave du Cadorna, qui laboura les tôles du sommet du kiosque, détruisant la tête du périscope. Sans être fatal, le choc fut suffisant pour secouer vigoureusement le sous-marin et causer des dégâts à ses batteries. La Sirène n’en continua pas moins sa descente jusqu’à la profondeur limite théorique de 80 m. Comme le nota le L.V. Hamon dans son rapport : « Par chance, l’abordeur de la Sirène était un croiseur, dépourvu de toute arme anti-submersible. S’il s’était agi d’un contre-torpilleur, notre perte eût été certaine. » Le sous-marin n’en était pas quitte pour autant. Arrivait derrière le Cadorna l’autre partie du premier groupe d’escorte à distance, soit la 1ère Division de croiseurs (lourds) et la 9e Escadrille de contre-torpilleurs. Tandis que le reste du groupe poursuivait son chemin, les CT Oriani et Carducci vinrent se joindre aux Lanciere et Ascari de la 12e Escadrille, qui avaient fait demi-tour, pour faire la chasse à l’intrus. Les contre-torpilleurs lancèrent à eux tous plus de soixante grenades sous-marines, dont les plus proches infligèrent de nombreux dommages à la Sirène. Quand ils se retirèrent pour rejoindre le reste du groupe, le sous-marin était en piteux état. Ayant attendu aussi longtemps que possible, le L.V. Hamon se décida à faire surface à 04h48 pour évacuer les vapeurs acides des batteries et rendre compte de sa mésaventure. Ce fut pour constater que la radio était morte et qu’il ne pouvait plus utiliser qu’un moteur diesel sur deux. Commença alors pour la Sirène, aveugle en plongée et muette, un interminable voyage de retour vers Malte, à la vitesse maximale de 6 noeuds en surface et de 4 à 5 nœuds en plongée. Elle devait arriver à La Valette au soir du 18 août, sans avoir subi de nouvelle attaque mais non sans une dernière émotion, le temps de convaincre le patrouilleur anglais de garde qu’il avait bien affaire à un sous-marin français. Compte tenu de son âge, l’importance des travaux nécessaires à sa remise en état (le haut du kiosque à refaire, le périscope, un moteur diesel, une partie des batteries et les tubes lance-torpilles mobiles à réparer ou changer) décida l’Amirauté à placer la Sirène en réserve à Alger, où elle finit par être désarmée en janvier 1941. »
(Extrait de Soldats des profondeurs – Les sous-marins de la Marine Nationale dans la guerre, par le Commandant Henri Vuilliez – 2e éd. complétée par Claude Huan, Paris, 1992)
Le silence forcé de la Sirène empêche les Alliés d’être immédiatement informés de la sortie de forces légères italiennes. En réalité, ce sont presque tous les navires de Tarente qui sont à la mer, le second groupe d’escorte à distance, comprenant les cinq cuirassés, ayant appareillé à son tour à 02h35.

Tarente
05h30 GMT (07h30 heure italienne) – Le Bloch 174 du matin – le “laitier” – appartenant à la 4e escadrille (la Mouette Rhénane) du groupe II/33, a la surprise de découvrir le principal bassin du port de Tarente, Mare Grande, à peu près vide alors que s’y trouvaient encore la veille au soir cinq cuirassés et plusieurs croiseurs. L’observateur, le L.V. Le Scouarnec (l’Aéronavale ayant obligeamment prêté à l’Armée de l’Air, pour la surveillance des ports italiens, quelques observateurs expérimentés, chargés entre autres de former leurs collègues aviateurs aux réalités de la chose maritime) décide de rendre compte sans tarder à Malte en phonie : « Hullo, Malta authority, Morning Spy speaking. Taranto harbour is empty. I repeat : empty. No ships, no ships. Italian fleet is out. »

Méditerranée centrale et Mer Ionienne
Le message du L.V. Le Scouarnec amène certes une réaction immédiate, mais pas celle qu’il espérait. Emule de saint Thomas, l’officier de la RAF de permanence à Malte décide que pareille nouvelle ne peut être transmise plus haut, sous le sceau “Très Urgent”, sans avoir à l’appui les sacro-saintes photos qu’attendent les services de renseignement. Néanmoins, par précaution, il transmet malgré tout l’information par la voie ordinaire vers Alexandrie et Alger : inutile de préciser qu’elle arrive trop tard pour servir à quoi que ce soit ! L’incrédule y gagnera le commandement d’une base aérienne très retirée, dans le Nyassaland (aujourd’hui le Malawi : à chacun son Sahara !). Rien ne bouge donc avant le retour du Bloch et le traitement de ses clichés, ce qui fait perdre plus de deux heures aux Franco-Britanniques.
07h50 GMT – Le doute n’est plus de mise : la flotte italienne a bien pris la mer. Reste à savoir dans quel but. Cette sortie intervient bien trop tard pour contrer l’opération Hats, venue à bonne fin le 13 août. Deux possibilités semblent se dessiner : de vastes manœuvres en Adriatique pour parfaire l’entraînement des navires et de leurs équipages ou une nouvelle opération pour amener renforts et ravitaillement en Afrique du Nord. Mais, dans cette hypothèse, il devrait aussi y avoir quelque part à la mer un convoi de navires de charge rapides. On peut supposer que, instruits par la mésaventure du Rex, les Italiens l’ont constitué au fin fond de l’Adriatique, à Trieste ou Pola et que l’escadre de Tarente est allée l’attendre dans le canal d’Otrante.
Les Alliés se hâtent de mettre sur pied de nouveaux vols de reconnaissance tant pour retrouver la flotte italienne que pour repérer l’hypothétique convoi pour l’A.S.I. Les deux Amiot 351 disponibles à Malte sont envoyés explorer l’Adriatique (où, bien sûr, ils ne verront rien), tandis que des Martin 167F de l’Aéronavale et des Sunderland doivent quadriller la Mer Ionienne. La Mediterranean Fleet est mise en alerte, de même que les cuirassés français de Mers-el-Kébir. La première pourra prendre la mer vers 13h50 GMT, mais la présence dans ses rangs de bâtiments plus lents, comme le cuirassé HMS Ramillies ou le porte-avions MN Béarn, ne lui permettra d’arriver dans les parages de Benghazi que le lendemain vers 17h30 GMT, sauf à découpler les unités les plus rapides. Cependant, les appareils de ses porte-avions seront en mesure d’intervenir bien plus tôt. Quant à l’escadre française, l’Amirauté française prend le risque calculé de lui ordonner de gagner dès que possible Bizerte, afin d’être en mesure d’intervenir plus rapidement en Méditerranée centrale ou orientale : là encore, ce mouvement ne produira son plein effet que le 16 août. En outre, pour parer à toute éventualité sur les côtes de Cyrénaïque, l’Amirauté britannique y confirme l’envoi, de Malte, du sous-marin Regulus en remplacement de l’Oswald mis hors combat la veille.
10h22 GMT (12h22 heure italienne) – Un Martin-167 finit par repérer la flotte italienne, ou plutôt la majeure partie de celle-ci. En effet, couvrant à bonne distance le convoi C 14 – lequel a dépassé l’île de Zanthe peu après 07h17 GMT – l’escadre de l’amiral Campioni navigue alors à 22 nœuds au large du Péloponnèse, toujours divisée en deux groupes distants de 8 milles nautiques, les croiseurs des amiraux Matteucci et Marenco di Moriondo assurant l’éclairage. Le Martin garde le contact jusqu’à ce qu’il puisse être relevé par un Sunderland, plus lent mais bien plus endurant. Une vive discussion s’engage dans les états-majors alliés. Il paraît impensable que la Regia Marina ait pris le risque d’une sortie d’exercice en Mer Ionienne. L’option “Afrique du Nord” s’en trouve donc confortée, mais l’avion de reconnaissance n’a aperçu que des navires de guerre. Faut-il attaquer sans tarder les cuirassés ennemis ou bien attendre d’avoir enfin trouvé l’éventuel convoi ? Les partisans d’une attaque immédiate finissent par l’emporter, en soulignant que frapper l’escorte peut suffire à faire avorter l’opération italienne. Ordre est donné de lancer tous les avions de Malte. Une première vague sera constituée par les appareils de l’Aéronavale et l’on espère qu’elle pourra infliger à la flotte ennemie assez de dommages pour faciliter l’action des novices de l’Armée de l’Air. Les cinq groupes de bombardement de celle-ci constitueront donc une seconde vague, qui attaquera une demi-heure après la première, chacun des groupes devant être guidé par un Martin de l’Aéronavale qui déterminera le dernier segment d’approche.
Compte tenu des vols de reconnaissance effectués dans la matinée, 14 Martin 167 – 6 de l’escadrille B1 et 8 de la B3 – peuvent être disponibles à l’heure prévue pour le départ de la première vague. Mais seuls douze (5+7) y participeront : les deux autres sont gardés en réserve pour accompagner les avions de l’Armée de l’Air. Quant aux Laté 298, on peut redouter que, compte tenu de l’éloignement croissant de l’escadre italienne par rapport à Malte, ils n’aient, avec une torpille, les jambes un peu courtes. Douze appareils étant en état de vol, on décide de diviser les risques en envoyant six appareils armés d’une torpille et six armés de bombes. Au vu des résultats des derniers exercices, l’escadrille T1 est choisie pour le torpillage et la T2 pour le bombardement en semi-piqué.
11h07 GMT, 12h07 GMT – Plus lents, les Laté 298 décollent les premiers, suivi une heure plus tard par les plus rapides Martin 167. Les deux groupes doivent ainsi arriver ensemble sur l’objectif, vers 13h35. Malheureusement, durant le vol, l’un des Laté de la T1 connaît des problèmes de moteur et doit faire demi-tour, ce qui réduit à cinq le nombre des torpilleurs.
13h37 GMT – Les avions français arrivent en vue de l’escadre italienne, que l’amiral Campioni, ne doutant pas d’une prochaine attaque aérienne (ses vigies ont aperçu les avions de reconnaissance alliés), a regroupée afin de disposer d’un volume de feu anti-aérien maximal. Les Martin 167 attaquent les premiers, pour disperser des navires ennemis et faciliter l’action des Laté-298. S’ils échappent tous aux coups de la DCA, les Martin, malgré un bombardement relativement précis, n’obtiennent aucun coup au but. Seules quelques bombes tombées à courte distance arrosent d’éclats le cuirassé Vittorio Veneto et le croiseur lourd Pola, où trois marins sont blessés. Cependant, l’escadre italienne a perdu de sa cohésion.
13h43 – Les deux escadrilles de Laté entrent à leur tour dans la danse. Des cinq appareils de l’escadrille T1 armés de torpilles, deux se dirigent vers le Vittorio Veneto, deux vers le Littorio et le cinquième vers le Caio Duilio. Atteint par un obus du cuirassé ou du contre-torpilleur Folgore, demeuré tout près de lui, ce dernier s’écrase en flammes dans la mer. Les deux visant le Vittorio Veneto , intimidés par l’intensité de la DCA, lancent de trop loin et le cuirassé, manœuvrant à pleine vitesse, peut éviter les torpilles. Le premier hydravion attaquant le Littorio (sur lequel se trouve l’amiral Bergamini) lance lui aussi d’un peu trop loin pour espérer mettre au but. Voyant cela, l’aspirant Rubini, pilote du dernier Laté (mitrailleur : quartier-maître Ménétrier) décide de lancer à la dernière limite. Maintenant sa ligne de vol malgré le feu ennemi, il réussit un lancer parfait. En dépit d’une prompte réaction, le Littorio est touché à la poupe… mais la torpille n’explose pas ! Rubini, quant à lui, réussit à extraire son appareil de la zone dangereuse malgré des tirs du Littorio, du croiseur léger Eugenio di Savoia et d’au moins deux contre-torpilleurs. Criblés d’éclats, le Laté n’est plus en état de rentrer à Malte : Rubini choisit de gagner la côte grecque. Il gagnera ainsi, avec son équipier, plusieurs mois de vacances forcées, jusqu’à l’entrée en guerre de la Grèce aux côtés des Franco-Britanniques. Le Laté 298, réparé, sera rendu à l’Aéronavale avec son équipage.
Les six avions de l’escadrille T2 attaquent en trois paires en même temps que leurs camarades de la T1, pour diviser l’attention des canonniers italiens. L’une des paires s’en prend au Littorio et le rate, mais son action facilite sans doute l’attaque de Rubini. Une autre plonge sur le Giulio Cesare (où ont leurs marques les amiraux Inigo Campioni et Bruto Brivonesi) : l’un des deux avions est abattu avant d’avoir pu lancer ses bombes de 150 kg (pas de survivants) ; le second réussit à placer une bombe entre les deux cheminées du cuirassé, allumant un incendie rapidement maîtrisé par les équipes de sécurité. La troisième paire vise le Vittorio Veneto. L’un des deux appareils le manque. Le second, dévié de sa trajectoire par les éclatements de 90 mm AA, se retrouve malgré lui à viser le contre-torpilleur Ugolino Vivaldi : ses deux projectiles tombent à le toucher et lui causent une voie d’eau à l’avant.
13h50 GMT (15h50 heure de Rome) – L’attaque est terminée. L’escadre italienne est à peu près intacte : côté humain, les pertes sont très légères (4 tués et treize blessés) ; quant aux dégâts matériels, seul le Vivaldi est vraiment diminué, les dommages infligés à sa coque lui interdisant de dépasser 20 à 22 nœuds. Mais les amiraux italiens sont bien conscients du fait que la chance seule les a protégés de dégâts plus importants : si la torpille qui a atteint le Littorio n’avait pas été défectueuse … Leur moral est ainsi bien plus atteint que leurs bâtiments ! Tandis que le Vivaldi est renvoyé sans délai vers Tarente, ils rendent compte à Supermarina de l’attaque subie et sollicitent l’autorisation d’interrompre la mission de l’escadre sans attendre que le convoi C 14 ait atteint le canal d’Anticythère (dont il est encore à un peu plus de 8 heures de navigation). « Nos propres reconnaissances aériennes et celles menées depuis Rhodes n’ont pas décelé de force de surface alliée en mesure d’atteindre le convoi, fait valoir Campioni. En revanche, il reste assez d’heures de jour pour que l’ennemi lance contre nous d’autres attaques aériennes, et nous n’aurons pas toujours de la chance ! Je serais prêt à affronter les flottes franco-britanniques, mais je ne veux pas risquer pour rien un mauvais coup ! Et avant la nuit, je n’ai aucun moyen d’échapper aux avions de reconnaissance ennemis. » Ne voulant ni tenter le diable ni contrevenir trop ouvertement aux volontés de Mussolini, l’amiral Cavagnari tarde à donner une réponse. Les bombardiers français vont trancher la question pour lui.
14h11 GMT – Avec un léger retard sur l’horaire prévu, les 62 appareils de la seconde vague (57 avions de l’Armée de l’Air et 5 Martin-167 de l’Aéronavale servant de guides) surviennent à leur tour, lâchant leurs projectiles d’une altitude de 3 500 mètres. La mer bouillonne de longues minutes autour des navires italiens, jusqu’à 14h34. Cette fois-ci, tous n’échappent pas aux projectiles. Une bombe de 150 kg lâchée par un LéO-451 atteint le Vittorio Veneto à tribord, à la hauteur de sa cheminée arrière, détruisant deux canons de 90 mm AA ; quelques autres navires reçoivent des éclats. C’est encore bien peu (et cet unique impact est même un coup de chance que des avions en vol horizontal mettront très longtemps pour rééditer), mais c’en est trop pour Campioni. Ayant informé Supermarina de la nouvelle attaque et de son issue, il arrache dans la foulée à Cavagnari l’autorisation de faire sans plus tarder demi-tour vers Tarente. Ce dernier pourra à son tour obtenir une approbation du bout des lèvres de Mussolini, ulcéré que ses navires tournent les talons sans avoir pu en découdre avec des bâtiments de surface anglais ou français.
Le Duce et les amiraux italiens ignorent qu’au même moment, le camp adverse fait lui aussi grise mine. Pour un résultat décevant, les maigres forces entraînées au combat anti-navires disponibles à Malte ont été sérieusement amputées. Trois Laté-298 ont été perdus et quatre plus ou moins endommagés.
Le mouvement de retraite de l’escadre italienne ayant été dûment signalé par le Sunderland qui lui colle aux basques, il est décidé d’envoyer contre elle une troisième vague d’assaut, que l’heure impose de limiter à des unités entraînées à la lutte anti-navires. Les Laté 298 n’en seront pas : trop lents, ils ne pourraient attaquer avant le coucher du soleil. Ce dernier effort de la journée sera donc demandé aux seuls Martin 167.
17h02 GMT – Alors que la dernière vague d’attaque approche de la flotte italienne, le convoi est enfin par un Sunderland ayant décidé de ratisser la côte du Péloponnèse. La description qu’en fait l’hydravion –composition, relative lenteur – font comprendre aux Alliés qu’ils faisaient fausse route : un tel convoi ne peut être en route pour l’Afrique du Nord. En revanche, Rhodes devient sa destination logique. A ce moment, il se trouve encore à cinq heures environ du détroit d’Anticythère, mais il n’y a à la mer aucune force alliée capable de profiter de la situation et il est trop tard pour envisager un raid aérien !
17h41 GMT –Juste avant le coucher du soleil, onze Martin 167 arrivent au contact de l’escadre italienne, alors dans l’ouest-nord-ouest du cap Matapan. Pour obtenir de meilleurs résultats, les bombardiers attaquent de 2 500 mètres au lieu de 3500. La précision se révèle en effet meilleure : le croiseur lourd Zara encaisse deux bombes de 150 kg qui lui vaudront quelques semaines de réparations et une bombe frappe le croiseur lourd Gorizia, détruisant la catapulte et l’hydravion Ro.43 en place sur celle-ci. En revanche, un Martin de l’escadrille B3 est abattu ; seul le mitrailleur peut évacuer l’avion, il est recueilli par le contre-torpilleur Freccia. Deux autres appareils rentrent au bercail endommagés, le premier avec un blessé à bord.
L’attaque s’achève à 17h48 GMT (19h48 heure de Rome). Globalement, les résultats obtenus sont toujours aussi décevants, mais les leçons de la journée ne seront pas perdues. L’Aéronavale comprend qu’il lui faut des avions torpilleurs plus rapides (pour rester moins longtemps la cible de la DCA tout en lançant de plus près) et que ses bombardiers doivent emporter des bombes plus lourdes et les lâcher de plus bas.
Mais les états-majors alliés doivent à présent se préoccuper du Dodécanèse.

Méditerranée Orientale
Certes, le convoi italien enfin repéré ne peut guère être destiné qu’aux îles de l’Egée. Mais, après avoir tourné et retourné la question, les stratèges anglais, experts en opérations complexes (sinon compliquées), en vient à se demander si Supermarina ne les aurait pas imités, concevant un plan à tiroirs avec deux convois-leurres pour mieux en masquer un troisième, destiné à l’Afrique du Nord et qui aurait jusqu’alors échappé à tout repérage…
Pour parer à ces éventualités, l’Amirauté confirme à l’amiral Cunningham l’ordre de faire route vers Benghazi. La Mediterranean Fleet poursuit donc sa route vers la capitale de la Cyrénaïque. Cunningham décide toutefois de renvoyer à Alexandrie le plus lent de ses navires, le cuirassé Ramillies, qui a du mal à suivre le train du reste de la flotte, pourtant adapté en principe à ses possibilités. Il lui donne pour escorte les destroyers HMS Griffin et Hotspur, ainsi que les torpilleurs MN Basque et Fortuné. L’amiral britannique dispose cependant encore de quatre cuirassés (HMS Malaya, Valiant et Warspite ; MN Lorraine) et de trois porte-avions (HMS Eagle et Illustrious ; MN Béarn). De quoi faire face à toute éventualité.

Méditerranée Centrale
L’apparente retraite de la flotte italienne vers sa base ne serait-elle pas une autre feinte ? Préoccupée, l’Amirauté britannique s’efforce de convaincre son homologue française de maintenir l’envoi de ses cuirassés à Bizerte : l’accord finit par se faire sur la poursuite du mouvement des seuls Dunkerque et Strasbourg. Les Bretagne et Provence rentrent à Mers-el-Kébir après un petit tour en mer.

Mer Ionienne
Désormais débarrassée de l’étroite surveillance des avions de reconnaissance alliés, l’escadre italienne continue sa retraite vers Tarente, à l’allure soutenue de 25 nœuds. Elle devrait ainsi arriver en vue du port le lendemain 16 août vers 06h00 du matin (GMT+2).
Cependant, le sous-marin La Sibylle (C.C. Raybaud) se hâte en surface vers les approches du golfe de Tarente. L’Amirauté française, n’ayant pu, pour les raisons que l’on sait, entrer en contact avec la Sirène et inquiète du sort de celle-ci, lui a ordonné à 16h32 GMT (18h32 heure italienne) de quitter les parages du détroit de Messine et de se porter dans une nouvelle zone de patrouille, limitée à l’ouest par le méridien de Santa Maria di Leuca (de façon à ne pas empiéter sur celle de la Sirène). Simultanément, la Vestale (L.V. Vidal) doit remplacer la Sibylle aux abords de Messine ; elle est elle-même remplacée par l’Atalante (L.V. Conan).

Mer Egée
Théâtre très secondaire, les îles du Dodécanèse n’ont pas jusqu’alors bénéficié de la même surveillance que les ports d’Italie du Sud, de Sicile ou de Sardaigne. Quelques vols de reconnaissance ont bien été effectués dès leur arrivée à Chypre par les Martin-167 du GB II/39, mais aucun n’a été demandé pour ce jeudi 15 août.
14h00 (GMT+2) – Les deux contre-torpilleurs et les quatre torpilleurs de MariEgeo quittent Porto Lago pour aller au-devant du convoi C 14. Le seul témoin de leur départ est le sous-marin Phoque (C.C. Laguarigue). Comme il se prépare à prévenir Beyrouth, ce qui l’oblige à rester en immersion périscopique, il est aperçu par un Cant Z.501. Les bombes lancées par l’hydravion manquent de peu le submersible. Celui-ci, contraint à plonger profondément, va devoir rester à 80 mètres de profondeur durant près de six heures, traqué tant par d’autres hydravions que par les MAS des 7e, 11e et 16e escadrilles basées à Léros, les uns et les autres rameutés par le Cant et se succédant en noria pour maintenir la surveillance. Deux tentatives de remonter à l’immersion périscopique avortent à cause de la garde vigilante montée par les Italiens et ne valent au sous-marin, immédiatement pourchassé par les MAS et les avions, que des grenadages et quelques dégâts, dont l’addition diminue quelque peu ses capacités.
21h38 (GMT+2) – La nuit est tombée et le commandant Laguarigue peut faire émerger le Phoque, c’est pour indiquer à Beyrouth d’abord ce qu’il a vu il y a maintenant plusieurs heures, ensuite que, malgré les avaries subies par son bâtiment, il s’estime en mesure de poursuivre sa patrouille.
Son message tardif vient confirmer ce que les états-majors alliés commençaient à comprendre. Les Franco-Britanniques font alors le compte de ce dont ils disposent pour attaquer le convoi italien. Pour ce qui est des forces navales, seuls les sous-marins pourront intervenir avant que le convoi ne rallie Rhodes, mais le bilan est maigre. Il n’y a sur place que le Phoque, déjà endommagé, et l’Actéon. En théorie, le HMS Proteus pourrait revenir à temps de l’entrée des Dardanelles, à condition de pouvoir faire tout le voyage en surface : ce ne sera sans doute pas possible, mais le jeu en vaut la chandelle et il reçoit donc des instructions en ce sens. De même, l’Espadon, qui devait relever le Phoque dans la nuit du 16 au 17 août, est invité à presser l’allure et autorisé à pénétrer dans la zone de patrouille de l’Actéon. Pour éviter toute méprise, leurs règles d’emploi étant bousculées, les sous-marins alliés reçoivent l’ordre formel de n’attaquer aucun congénère jusqu’au retour à la normale.
Pour ménager l’avenir – on peut prévoir que les navires du convoi ne resteront pas dans le Dodécanèse – les sous-marins MN Dauphin, Protée, Fresnel (ce dernier récemment arrivé à Beyrouth) et HMS Parthian gagneront dès que possible le port chypriote de Limassol.
Côté aviation offensive, il n’y a pour l’heure de disponible à Chypre que le GB II/39. L’expérience faite le jour même invite à n’employer les bombardiers de l’Armée de l’Air que lorsque le convoi aura atteint sa destination. Etant donné sa vitesse, ce ne sera pas avant la nuit du 16 au 17 août : il y a donc la journée du 16 pour trouver des renforts convenables. Faute de vrais chasseurs à long rayon d’action, l’un des problèmes à résoudre sera l’escorte des bombardiers jusqu’à Rhodes ou Léros. Ils pourraient certes attaquer de nuit, mais les Alliés ne tiennent pas à risquer de faire des victimes dans la population grecque des îles : ce ne serait pas le meilleur moyen de se concilier les faveurs de la Grèce.

Libye (Cyrénaïque)
Graziani ordonne l’évacuation de Bardia, mais bien trop tard. Des chars R-35 ont coupé la Via Balbia à l’ouest de la ville et la plus grande partie des troupes des divisions Marmarica et Cirene sont prises au piège. Les unités qui réussissent à s’extraire de la nasse sont pourchassées le long de la Via Balbia par les avions alliés, car ceux-ci exercent un contrôle pratiquement total de l’espace aérien.
A l’intérieur, sur le Trigh Capuzzo, les colonnes mobiles qui foncent vers l’ouest prennent sans coup férir ou presque la petite ville de Sidi Rezegh.

Afrique Orientale
Le Duc d’Aoste, estimant que sa supériorité numérique se fera mieux sentir sur des fronts plus étendus, au Kenya et au Soudan, décide de proclamer sa victoire sur le Somaliland et de laisser des troupes se retrancher autour de la “forteresse” de Djibouti, pendant qu’il prépare une offensive vers Khartoum.


Dernière édition par Casus Frankie le Lun Aoû 18, 2008 17:19; édité 1 fois
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 17:19    Sujet du message: 16 au 20 août Répondre en citant

16 août
Berlin
Hitler prononce un discours de victoire où la rage de ne pas avoir pu forcer son adversaire à capituler est masquée par l’ironie : « La décision du gouvernement français déchu d’émigrer en Afrique pour prétendre y continuer la guerre sous la conduite des mêmes Juifs apatrides qui ont mené la France à l’effondrement est évidemment ridicule. Mais elle est aussi logique pour un peuple qui s’est progressivement abâtardi et qui n’est plus aujourd’hui digne de l’Europe. » Quant à l’Angleterre, elle ne perd rien pour attendre : « Si Monsieur Churchill et les ploutocrates britanniques se croient à l’abri derrière un ridicule bras de mer, ils se trompent. La Luftwaffe leur fera bientôt sentir qu’un peu d’eau salée ne les préservera pas de la colère du peuple allemand, qu’ils ont contraint à la guerre ! » Et Goering va répétant que “sa” Luftwaffe aura bientôt réduit l’Angleterre à merci.

Versailles
Le GPEF, insoucieux de la référence à 1871, s’installe provisoirement dans l’ancienne capitale royale.
Pierre Laval, cette fois clairement identifié comme « Chef du Gouvernement Provisoire de l’Etat Français », prononce sur Radio-Paris un discours qui annonce le début d’une « Révolution Nationale » dont l’ossature sera « un grand parti unique rassemblant les énergies françaises ». Saisissant l’occasion que lui offre la fin des combats dans le Midi, il annonce que tous les militaires et fonctionnaires qui ne se trouveraient pas dans les dix jours en territoire métropolitain (Corse exclue !) seront considérés comme « traîtres à la Patrie ». Cette décision est officialisée dans la soirée, ce sera la première à être publiée par le Journal Officiel de l’Etat Français (dont la parution commencera à la fin du mois).

Mer Egée
02h29 (GMT+2) – Les six navires de MariEgeo arrivent au point de rendez-vous fixé sur le méridien de Rethymno. Ils sont rejoints peu après par le convoi C 14.
Comme prévu, l’escorte rapprochée de ce dernier fait alors demi-tour, à l’exception des trois contre-torpilleurs de la 2e Escadrille. Les deux croiseurs légers et les quatre contre-torpilleurs qui les accompagnent vont progressivement porter leur vitesse à 28 nœuds, de façon à arriver le plus tôt possible dans la zone couverte par la chasse basée autour de Tarente. Compte tenu du rayon d’action des chasseurs, cette zone s’étend en théorie jusqu’à 200 milles du port, en réalité jusqu’à 150 ou 175 milles seulement, si les appareils doivent pouvoir combattre : l’escadre devrait donc atteindre cette zone vers 11h30 (GMT+2).
Quant aux sept bâtiments de charge du convoi, ils sont désormais sous la protection de cinq contre-torpilleurs et quatre torpilleurs pour la dernière portion de route, des eaux crétoises à Rhodes. Leur arrivée est toujours prévue pour la nuit suivante, vers minuit.

Mer Adriatique
05h45 – Un peu au nord de Pirano (en Istrie), le sous-marin HMS Otway (Cdr H.R. Conway) lance deux torpilles sur un cargo de 5 400 GRT… et le rate (les torpilles explosent à la côte). Cette attaque suffit toutefois à déclencher un beau branle-bas chez les marins italiens. Tandis qu’il interdit la navigation des bateaux marchands non escortés, le responsable du Département de la Haute-Adriatique, le vice-amiral Ferdinando di Savoia réclame aussitôt à Supermarina qu’on lui rende les quatre torpilleurs de la 15e Escadrille, prêtés pour les besoins du convoi de diversion Ancône-Durazzo. Il lui est répondu que, compte tenu de la présence d’au moins un sous-marin ennemi dans les eaux albanaises, ces unités ne pourront regagner son secteur qu’après avoir raccompagné dans les ports italiens les cinq cargos survivants du convoi en question. Dans le même temps, Supermarina enjoint au contre-amiral Tur, responsable de la Marine en Albanie, d’accélérer le retour de ces bâtiments.
Ce dernier s’exécute promptement.
12h00 (GMT+2) – Deux petits convois partent de Durazzo : le premier, vers Venise, comprend un unique cargo qu’escorte le torpilleur Solferino ; le second, vers Ancône, comprend deux cargos veillés par les torpilleurs Confienza et Palestro.
18h00 (GMT+2) – Les deux derniers cargos, confiés au torpilleur San Martino et au croiseur auxiliaire Brioni, partent vers Bari.
La surveillance constante exercée tant par les hydravions que par les patrouilleurs disponibles empêche cette fois l’Osiris d’attaquer l’un ou l’autre des convois et ceux pour Venise et Bari vont arriver à destination sans encombres. Celui d’Ancône a moins de chance.
22h33 (GMT+2) – Alors que le port d’Ancône est en vue, le torpilleur Confienza heurte l’une des mines mouillées dans la nuit du 13 au 14 août par le HMS Rorqual et coule. Les deux cargos et le Palestro se sortent indemnes de ce champ de mines, dont la neutralisation coûtera aussi à la Regia Marina un dragueur auxiliaire.

Mer Ionienne
06h09 (GMT+2) – La flotte italienne presque au complet rentre à Tarente, suivie quelque temps après de son éclopé, le contre-torpilleur Vivaldi, escorté par le Leone Pancaldo que l’amiral Campioni a détaché auprès de lui quand l’escadre l’a rejoint puis dépassé.
07h21 (GMT+2) – Le Bloch 174 du matin annonce et photographie son retour au bercail. L’hypothèse du “convoi fantôme pour l’A.S.I.” s’en trouve quelque peu affaiblie, mais, forte du précédent du Rex, l’Amirauté britannique n’y renonce pas encore. Il faudra de nombreux vols de reconnaissance infructueux pour qu’elle se laisse convaincre, de mauvais gré…
15h36 (GMT+2) – L’ex-escorte rapprochée du convoi C 14 est parvenue à échapper assez longtemps aux avions de reconnaissance alliés pour se retrouver sous l’ombrelle protectrice des chasseurs de la Regia Aeronautica avant qu’une attaque aérienne ait pu être lancée contre elle. Mais alors que les navires, qui ont réduit l’allure à 25 nœuds, ne sont plus qu’à 60 milles environ de Tarente, leur route les amène à proximité du sous-marin La Sibylle. Le C.C. Raybaud parvient à se placer en bonne position et, d’une distance de 1 800 mètres, lance ses cinq torpilles de 550 mm avant – trois sur le Duca degli Abruzzi et deux sur le Garibaldi. Malheureusement, il a sous-estimé la vitesse de ses cibles et les “anguilles” manquent leur but. La Sibylle peut toutefois se dérober à la réaction des contre-torpilleurs de la 16e Escadrille.
18h12 (GMT+2) – Les croiseurs et leurs escorteurs rentrent à Tarente sans autre incident.

Méditerranée Occidentale (Sicile et Rome)
Depuis la fin juin, l’Armée de l’Air a harcelé plus ou moins continûment les aérodromes italiens les plus proches de l’Afrique du Nord. A l’occasion du transfert provisoire d’une partie de l’escadre de Mers-el-Kébir à Bizerte, la Marine lui a demandé un effort particulier.
Dès la veille, les Martin 167 basés à Sidi-Ahmed (GB I/62 et II/62) ont attaqué à deux reprises les terrains siciliens (plus précisément Gela et Comiso).
A l’aube du 16, les LéO 451 de Blida (GB I/11 et II/11) attaquent avec succès le terrain de Rome-Ciampino nord : leurs bombes mettent provisoirement hors de combat le 41e Groupe de bombardement terrestre (204e et 205e escadrilles BT), détruisant deux de ses SM-79 et endommageant huit autres à des degrés divers.
Dans la journée, les GB I et II/62 repartent à l’assaut, avec l’appui des groupes de bombardement déployés à Malte. Cette fois, les attaques visent Castelvetrano, Sciacca, Catane-Fontanarossa (deux raids chacun) ainsi que Palerme (un seul raid). Pourtant, toutes ces précautions vont se révéler insuffisantes…

Méditerranée Occidentale (Tunisie)
Quand il est enfin clair que le convoi italien pour la Libye n’est qu’une chimère, les croiseurs de bataille Dunkerque et Strasbourg et leur escorte, dont le croiseur léger AA HMS Carlisle , ne sont plus très loin de Bizerte. L’Amirauté décide de ne pas les rappeler immédiatement mais de faire de cette vaine sortie un test du déploiement éventuel d’une force importante à Bizerte, susceptible de pouvoir aussi bien appuyer les futures opérations contre la Sardaigne que les toutes prochaines actions contre le Dodécanèse.
17h05 (GMT) – L’escadre arrive en vue de la base tunisienne. Son entrée dans le port est observée à distance respectueuse par le sous-marin Des Geneys. Supermarina, informé, prévient à son tour la Regia Aeronautica.
Le chef d’état-major de celle-ci, le général Francesco Pricolo, mis au défi de « faire quelque chose », ne peut guère ordonner un raid diurne : il faudrait attendre le lendemain et espérer que les navires français soient toujours là ; surtout, il faudrait accepter d’envoyer sur l’objectif des bombardiers non escortés… En revanche, un raid nocturne, bien que passablement improvisé, est possible. Pricolo dispose pour cela, à Viterbe, du 26e Groupe de bombardement terrestre (11e et 13e escadrilles BT), fraîchement remis en condition après avoir participé aux opérations sur le front français. Il compte 12 SM-79, à l’autonomie plus que suffisante (2 000 km). Comme ses équipages n’ont pas l’habitude d’opérer en Méditerranée, ils seront guidés par les six SM-79 survivants du 59e Groupe BT de Gela, replié à Palerme.

Méditerranée Centrale
16h00 – Au large de la Tripolitaine, le sous-marin Pietro Calvi, qui cherche à gagner Sirte en mission de ravitaillement, est gravement endommagé par une mine (sans doute l’une de celles posées par le Nautilus) dans le golfe de Syrte. Le Calvi réussira à rentrer à Tarente après avoir échappé, le 17, aux bombes de deux Laté-298 venus de Malte, mais il sera considéré comme trop endommagé pour être réparable et finira la guerre comme ponton de chargement d’accumulateurs.

Méditerranée Orientale
17h30 – Le sous-marin italien Lafolè, en patrouille au large de l’Egypte, repère le cuirassé Ramillies et son escorte. Alors qu’il manœuvre pour l’attaquer, le destroyer HMS Hotspur détecte son approche. Laissant le cuirassé se hâter vers Alexandrie sous la garde des torpilleurs français, le Hotspur, aidé du Griffin, pourchasse le submersible durant plusieurs heures. Ce dernier en réchappe, mais il est assez gravement endommagé pour que son commandant, le L.V. Piero Riccomini, décide de gagner Tobrouk pour quelques réparations urgentes.

Mer Egée
Journée décevante pour les Franco-Britanniques.
Tout d’abord, arrivé à proximité de l’île de Patmos, le HMS Proteus est repéré par l’unique hydravion Ro.43 basé à Porto Lago. Son commandant, le Lt-Cdr Gordon-Duff, essaye de poursuivre le plus longtemps possible son voyage en surface. Mais le Ro.43 a appelé des renforts et deux Cant Z.501 le rejoignent bientôt. Le sous-marin doit alors plonger : il ne pourra arriver à temps pour intercepter le convoi C 14.
Ensuite, il n’apparaît guère possible d’étoffer les capacités offensives de l’aviation basée à Chypre. Tandis que l’Aéronavale de Malte reste un long moment sur la brèche pour repérer l’éventuel convoi pour la Libye, les bombardiers français d’Afrique du Nord et de Malte sont retenus par l’offensive préventive contre les aérodromes italiens et ceux de la R.A.F. appuient l’offensive en Cyrénaïque. Aussi le seul renfort finalement disponible est-il fourni par le GB I/39 : six de ses Martin 167 sont redéployés d’Egypte à Chypre en fin d’après-midi. Quant aux chasseurs d’escorte, les Morane 406 du GC I/7 ayant les jambes trop courtes, on décide d’utiliser dans ce rôle les neuf Potez 63.11 du G.A.O. I/583 et autant de Blenheim IF prêtés par les Britanniques. S’il faut aller chercher les bateaux italiens jusqu’à Léros, seuls les Blenheim pourront accompagner les bombardiers.
Seule satisfaction : le convoi C 14 est repéré par un Martin-167 du GB II/39 dès le début de matinée et pisté ensuite dans sa progression, malgré la gêne occasionnée par la présence de quelques Breda-88 (une nouveauté pour les aviateurs du Levant) puis des CR-32 de Karpathos (Scarpanto). Au crépuscule, le convoi a laissé cette île derrière lui, dans le sud-sud-ouest, et paraît décidément faire route vers Rhodes, dont il ne se trouve plus guère qu’à 45 milles. L’information est retransmise aux trois sous-marins sur zone.
Dès que l’obscurité lui paraît suffisante, le C.C. Laguarigue, qui avait fait pénétrer légèrement le Phoque dans la zone de patrouille de l’Actéon et se tenait aux aguets en plongée dans le sud-ouest du cap Krikelos, fait surface et met le cap sur Rhodes à vitesse maximale. Mais son bâtiment va payer le prix des coups encaissés la veille : alors qu’il vient de dépasser l’île de Tilos (Telo), l’un des moteurs diesels surchauffe. La chasse s’arrête là pour le Phoque. Il va rentrer à Beyrouth, après une escale à Chypre, en utilisant ses diesels en alternance (le second donnant à son tour des signes de faiblesse) pour éviter la panne définitive. Il ne reste donc que les Actéon (L.V. Clavières) et Espadon (C.C. Sevellec) pour intercepter le C 14.

Libye
A l’intérieur des terres, les forces mobiles alliées capturent l’aéroport d’El Adem, au sud de Tobrouk.
Sur la côte de Cyrénaïque, Indiens et Français des unités d’infanterie qui ont pris Bardia avancent maintenant en direction de Tobrouk, défendue par la division Catanzaro.
Enfin, ayant admis l’inexistence d’un convoi italien pour l’Afrique du Nord, l’Amirauté britannique, soucieuse de rentabiliser la sortie de la Mediterranean Fleet, donne l’ordre à l’amiral Cunningham d’appuyer de ses canons l’offensive alliée en Cyrénaïque. Entre 23h34 et 23h49 GMT, ses quatre cuirassés, ainsi que les croiseurs lourds HMS Kent et York et MN Suffren, Tourville et Duquesne, pilonnent la Via Balbia entre les faubourgs de Benghazi et Tolemaide. Outre des pertes non négligeables, ce bombardement provoque une grande confusion dans le trafic militaire nocturne italien, accompagnée de quelques mouvements de panique dans la population.

Mer Egée, au large de Rhodes
A cette époque, il n’est pas question que les sous-marins attaquent en meute, ni même qu’ils coordonnent leurs attaques. Aussi l’Actéon et l’Espadon (C.C. Sevellec) agissent-ils chacun pour leur compte.
L’Espadon est le premier en action. Le 16 août à 22h32 (GMT+2), alors que le convoi C 14 n’est plus qu’à 19 nautiques environ du port de Rhodes, il rattrape peu à peu ce dernier par l’arrière et lance quatre torpilles sur « un groupe apparemment compact de trois silhouettes » (dira le rapport de son commandant) juste au moment le contre-torpilleur Quintino Sella, dernier chien de garde du troupeau, l’aperçoit à son tour. Plongeant sans demander son reste, l’Espadon est vivement secoué par les premières grenades du Sella, bientôt rejoint par son jumeau, le Francesco Crispi. Contraint de faire le mort, le sous-marin a au moins la satisfaction d’entendre l’une de ses torpilles détonner probablement contre une des cibles, tandis que trois explosions trop tardives signalent autant de ratés. De fait, l’un des engins a touché à la poupe le croiseur auxiliaire Adriatico. Le navire coule, mais assez lentement pour être évacué en bon ordre : si le matériel est perdu, on ne déplore que huit disparus parmi les 252 Chemises Noires transportées. Passagers et équipage sont répartis entre les deux autres croiseurs auxiliaires et les contre-torpilleurs Borea et Espero. Pendant ce temps, le Sella et le Crispi continuent à traquer l’Espadon, aidés par trois MAS de Rhodes précédemment venues à la rencontre du convoi. Au bout de plus d’une heure trois-quarts de chasse, tous sont rappelés auprès du convoi, attaqué par l’Actéon. Leur proie semble alors en état de poursuivre sa patrouille, mais le C.C. Sevellec s’apercevra, au fil de la nuit, que son bateau perd du mazout par des fissures causées à sa coque externe et qu’il laisse en surface de quoi le suivre à la trace ; il décide de remettre sans tarder le cap sur Beyrouth. De fait, le jour suivant, les hydravions italiens envoyés en patrouille apercevront une tache iridescente à l’endroit où l’Espadon a été attaqué et est resté un certain temps immobile : ils seront alors persuadés qu’un second sous-marin a été coulé.


17 août
Versailles
Le GPEF commence officiellement à négocier les clauses d’un armistice avec les autorités allemandes et italiennes.

Alger
De Gaulle « mesure la longueur des morceaux du glaive brisé de la France, qu’il [lui] incombe de reforger » (Mémoires de Guerre, tome 1, Le Sursaut).
A l’Armée d’Afrique d’avant la guerre, renforcée de tabors et de goumiers recrutés en masse, se sont ajoutés les 150 000 hommes évacués de Dunkerque et de Norvège (dont la fameuse Demi-Brigade de la Légion Etrangère engagée à Narvik), et 120 à 150 000 hommes évacués de France métropolitaine avec leur équipement (et dont une partie se trouve pour le moment en Corse).
Un grand nombre de volontaires sans armes et sans entraînement sont par ailleurs parvenus à rejoindre l’Afrique, et bien d’autres continueront de s’y rendre, malgré la mauvaise volonté (graduellement allégée avec le temps) du gouvernement espagnol.

Mer Egée, au large de Rhodes
Si l’Espadon s’en est tiré, les Italiens ont bien obtenu un succès au cours de la nuit. L’Actéon est intervenu à son tour vers 00h30 (GMT+2) le 17 août, alors que le convoi, un peu retardé par la première attaque, arrivait en vue du port. « On sut plus tard, par les récits italiens, qu’il avait lui aussi réussi à approcher le C 14. Alors qu’il gagnait une bonne position de lancement, il fut aperçu à une distance de 1 200 mètres par le contre-torpilleur Ostro qui remontait le flanc bâbord du convoi. Il sembla au commandant de l’escorteur qu’on l’avait également aperçu du sous-marin. Mais celui-ci ne plongea pas immédiatement et prit le temps de lancer sur les cibles à sa portée. Quand il commença à s’enfoncer sous l’eau, le torpilleur n’était plus qu’à 600 mètres de lui. Moins d’une minute plus tard, l’Ostro lâchait toute une grappe de grenades sous-marines, ne laissant aucune chance à l’Actéon. Celui-ci disparut avec tout son équipage, premier sous-marin français perdu en Méditerranée du fait de l’ennemi. Des six torpilles lancées par l’Actéon (trois de ses tubes avant plus les trois de son affût mobile), une seule fit mouche, ce qui peut sans doute s’expliquer par la hâte avec laquelle le L.V. Clavières dut décider et agir. La seule torpille qui alla au but était une des torpilles de 400 mm de l’affût mobile. Elle toucha le vapeur Antonio Locatelli à la salle des machines ; ce navire stoppa, mais survécut à l’impact, une preuve de plus de la relative inefficacité des torpilles de ce calibre, en principe destinées aux navires marchands et qui devaient être abandonnées dans la suite du conflit. »
(Extrait de Soldats des profondeurs – Les sous-marins de la Marine Nationale dans la guerre, par le Commandant Henri Vuilliez – 2e éd. complétée par Claude Huan, Paris, 1992)
De fait, le cargo endommagé peut être remorqué jusque dans le port de Rhodes, où l’ont précédé les autres bateaux du convoi. Instruits par leurs expériences douloureuses d’Afrique du Nord, les Italiens entreprennent sans traîner le déchargement des hommes et des matériels, ainsi que leur évacuation immédiate loin de la zone portuaire.

Bizerte
Il a fallu quelques heures aux Italiens pour mettre sur pied le raid contre Bizerte. Les avions du 26e Groupe BT décollent de Viterbe à 22h20 GMT (00h20 heure italienne). A 23h48 GMT (01h48 heure de Rome), ils sont rejoints au-dessus de Palerme par les appareils du 59e Groupe BT : ces derniers prennent la tête de la formation.
00h41 GMT – Les 18 SM-79 approchent de Bizerte. Leur formation s’est quelque peu relâchée depuis leur décollage, mais son arrivée, en altitude au dessus de la mer, n’échappe pas au radar du HMS Carlisle.
Les Français sont prévenus suffisamment tôt pour que les huit Potez 631 disponibles de l’escadrille de chasse de nuit de Tunis prennent l’air et se portent à la rencontre de l’ennemi. La nuit est claire, l’officier du Carlisle chargé de la direction de la chasse met à profit l’entraînement acquis au large de Marseille et les Potez, aux mains de pilotes expérimentés, font du bon travail. Ils parviennent à perturber l’approche de 10 des 18 appareils de la formation ennemie, il est vrai peu accoutumés aux missions de nuit. L’un des SM-79 du 59e Groupe BT est abattu par les obus de 20 mm du Potez du sergent Roger Sauvage, qui obtient là sa troisième victoire . Quatre autres bombardiers, tous du 26e Groupe, sont endommagés (trois font demi-tour, dont l’un atteindra la Sicile mais sera considéré comme irréparable ; l’autre, qui tente de mener à bien sa mission malgré un moteur en feu, est achevé par la DCA ; trois membres de l’équipage peuvent évacuer et seront faits prisonniers). Cinq autres se débarrassent de leurs bombes fort loin du mouillage des navires français.
Mais huit SM-79 ont pu continuer leur route. Si une partie de leurs projectiles s’égarent sur la terre ferme, d’autres tombent désagréablement près de leurs objectifs. Plusieurs bombes explosent à faible distance du Foch et du Dupleix ; une autre crible d’éclats la proue du La Galissonnière, mais c’est du côté des croiseurs de bataille que l’alerte est la plus chaude. Une bombe coule un petit patrouilleur mouillé non loin d’eux, le vieux (1918) Chasseur-81 : les charges de profondeur de ce dernier explosent à leur tour et l’onde de choc vient secouer le Dunkerque, heureusement sans lui causer de dégâts. Surtout, un autre projectile coule la vedette de l’amiral Gensoul !
06h00 GMT – Le gros de l’escadre française quitte Bizerte pour gagner Alexandrie, où elle arrivera le 19, avec trois jours d’avance sur ce que prévoyait la préparation de l’opération “Judgement”. Pour les marins français, la leçon des événements de la nuit est claire. Malgré l’avantage procuré par le radar du Carlisle et même si l’Armée de l’Air pouvait mettre en ligne des chasseurs de nuit plus nombreux – ce qui ne sera pas le cas de sitôt – Bizerte n’est pas assez sûre pour y stationner plus que des unités légères. La présence de grandes unités de la flotte française ne pourrait qu’inciter les Italiens à multiplier les raids nocturnes, qui risqueraient d’être plus efficaces.
Pour permettre à tout ou partie de l’escadre de Mers-el-Kébir d’être en mesure d’intervenir plus rapidement en Méditerranée Orientale, il faudra rendre durablement inutilisables les aérodromes de Sicile et du sud de la péninsule.
Par ailleurs, les Alliés disposent depuis peu d’une base plus éloignée des aérodromes d’Italie : Tripoli , dont il importe de hâter autant que possible la remise en état !
De fait, les 6e et 10e Divisions de contre-torpilleurs (Mogador et Volta ; Audacieux, Fantasque et Terrible) quittent l’escadre principale et mettent le cap sur Tripoli. Elles y seront rejointes le 18 au soir par la 8e Division (Indomptable et Malin) , venue d’Alger. En accord avec l’Amirauté britannique, qui souhaite ménager la Mediterranean Fleet jusqu’à l’opération Judgement, la force légère ainsi constituée aura pour tâche d’intercepter à son retour du Dodécanèse le convoi italien qui a échappé aux Alliés à l’aller. Les sept bâtiments sont placés sous le commandement du capitaine de vaisseau Still, “pacha” du Fantasque et de la 10e DCT.

Méditerranée Orientale
02h00 GMT – La Mediterranean Fleet remet le cap sur Alexandrie.
13h30 GMT – Parvenu à la hauteur de Sollum, l’amiral Cunningham détache les cuirassés Valiant et Malaya avec le porte-avions Eagle, dont les Swordfish seront chargés de la veille contre les sous-marins. Les deux cuirassés sont chargés de bombarder Tobrouk à nuit faite.

Libye (Cyrénaïque)
08h00 – Les sous-marins Giuseppe Finzi et Enrico Tazzoli achèvent de décharger à Benghazi six tonnes chacun de munitions et des pièces de rechange pour les rares Fiat CR-42 survivants. Pendant ce temps, la canonnière Palmaiola et la citerne Polifemo, arrivées la nuit précédente d’Apollonia, appareillent pour Syracuse en emmenant plusieurs dizaines de blessés transportables et quelques aviateurs valides mais privés d’appareils. Elles y arriveront sans encombre la nuit suivante .
Dans la journée, les forces mobiles alliées parvenues à El Adem doivent faire face à une série de contre-attaques organisées à l’ouest par les Chemises Noires de la III Gennaio, venant de Derna et Gazala, au nord par la division Catanzaro, venant de Tobrouk. Cependant, ces contre-attaques ne sont pas coordonnées et elles sont brisées par les unités alliées, notamment par les tirs de l’artillerie mobile française, pour improvisée qu’elle soit.
En début d’après-midi, le sous-marin Lafolè, endommagé la veille, se réfugie dans le port de Tobrouk, espérant bien réparer dans la nuit et repartir pour l’Italie dès l’aube.
Mais de 22h10 à 23h05 GMT, les cuirassés HMS Valiant et Malaya bombardent violemment Tobrouk. Touché par à trois reprises, le vieux San Giorgio, déjà échoué, explose. Quant au Lafolè, atteint par un obus de 15 pouces “perdu”, il acquiert la douteuse distinction d’être le seul sous-marin de la guerre à avoir été coulé par un cuirassé.

Rhodes (mer Egée)
05h15 GMT (07h15 GMT+2) – Les 17 bombardiers Martin 167F des GB I/39 et II/39, escortés par les neuf Potez 63.11 du G.A.O. I/583 en configuration chasse (avec un équipage réduit au pilote et au mitrailleur arrière) et par les neuf Blenheim IF de la RAF, arrivent en vue du port de Rhodes. Leur approche n’a pas échappé aux observateurs italiens installés sur l’île de Castellorizo (Castelrosso). Un Cant Z.501 en patrouille repère à son tour le raid et confirme l’alerte. Les avions alliés vont ainsi trouver face à eux les 13 Fiat CR-32 des 162e et 163e escadrilles autonomes CT basées à Rhodes, les 12 Breda 88 constitués en 164e escadrille autonome atypique (CR, pour Chasse et Reconnaissance) et même les 8 hydravions de chasse IMAM Ro.44, venus de Léros pour l’occasion. Les Breda 88 et Ro.44 doivent engager les bombardiers, les CR-32 leur escorte.
Ce premier combat aérien au-dessus des eaux du Dodécanèse est mené avec une égale détermination de part et d’autre. Les Breda 88 démontrent alors que, grâce à leurs trois mitrailleuses lourdes (12,7 mm) de nez, ils peuvent faire du mal à des bombardiers lestés de leurs projectiles. Contre les Blenheim IF et les Potez 63.11, c’est une autre histoire… Pour la perte de trois d’entre eux , les “chasseurs lourds” (trop lourds) abattent un Martin 167 et en touchent gravement deux autres, qui doivent se débarrasser de leurs bombes. L’un de ceux-ci sera achevé par les Ro.44, qui font de leur mieux malgré leur faible vitesse mais vont perdre deux des leurs. Quant aux Fiat CR-32, qui ont su se ménager l’avantage de l’altitude et compensent par leur maniabilité leur vitesse inférieure, ils accrochent à leur tableau de chasse deux Potez 63.11, endommagent trois Blenheim et forcent un Martin, endommagé, à faire demi-tour. En contrepartie, l’un d’entre eux est abattu (par un Blenheim) et trois autres endommagés.
Il reste donc 13 Martin 167 pour bombarder le port de Rhodes. Plus que par la D.C.A., pourtant présente, leur action va être gênée par les écrans de fumée tendus par les contre-torpilleurs et les torpilleurs. Ce bombardement en semi-aveugle obtient cependant quelques résultats. Le cargo Antonio Locatelli, dernier arrivé et déjà endommagé par la torpille de l’Actéon, est touché par deux bombes de 50 kg, dont l’une allume un incendie qui ravage son château avant de pouvoir être maîtrisé (privé d’énergie, il ne peut utiliser ses manches anti-incendie). Le vapeur Capo Vado encaisse une bombe qui pénètre dans sa cale arrière par un panneau ouvert et touche une partie de la cargaison non encore débarquée : la poupe du cargo s’orne d’un impressionnant panache gris, mais la chance veut que la bombe ait touché des sacs de ciment ! La plupart des bombes touchent les quais : si les engins du 312e bataillon mixte cuirassé et l’équipement lourd de la 201e Légion de Chemises Noires ont déjà quitté le port, il reste encore une bonne quantité d’équipements incapables de se déplacer seuls, dont une partie est détruite ou incendiée. Malheureusement, quelques bombes vont aussi s’égarer sur les quartiers d’habitation proches du port : deux immeubles sont détruits et trois autres endommagés, mais on dénombre peu de victimes civiles, la population, constatant la hâte des Italiens qui débarquaient, ayant jugé prudent d’aller se mettre à l’abri dès l’aube.
Pendant ce temps, les cinq Fiat CR-32 de Karpathos s’en prennent sans états d’âme aux éclopés alliés qui ont pris la route du retour. Ils achèvent deux des Blenheim et un des Martin 167, mais l’un d’eux, trop confiant, est abattu par le second Martin ; son pilote devra se parachuter près de Karpathos.
Pour les Alliés, le bilan est lourd : sept avions (3 Martin 167, 2 Potez et 2 Blenheim) abattus et autant d’équipages perdus (8 tués, 9 prisonniers), sans compter d’autres avions endommagés et d’autres pertes au sein des équipages (2 tués, 4 blessés). Ils renoncent à lancer un second raid. Si les Italiens ont perdu également sept appareils (3 Breda-88, 2 CR-32 et 2 Ro.44), ils ont préservé la plus grande partie du convoi et des approvisionnements et sortent vainqueurs aux points de cette première confrontation. De Vecchi contacte sans tarder Mussolini pour obtenir le remplacement des appareils perdus, voire quelques avions de plus : le Duce promet que la Regia Aeronautica fera le maximum.

Rome
L’opération C 14 ne sera pas vraiment terminée avant le retour du convoi en Italie. Mais, après le fiasco du Rex, personne ne fait la fine bouche à Supermarina : au prix d’un seul transport coulé et d’un autre gravement endommagé (sans compter les pertes de l’opération de diversion, il est vrai), la Marine a pu faire parvenir dans le Dodécanèse l’essentiel de ce qu’elle était chargée d’y transporter. On pourrait même se réjouir si l’escadre de Tarente n’avait dû se retirer piteusement sous la pression aérienne franco-britannique.

Beyrouth
Le Phoque et l’Espadon ayant tour à tour annoncé leur retrait forcé du champ de bataille, dû aux dommages subis, la 10e DSM se trouve momentanément réduite au seul Dauphin. Aussi l’Amirauté française programme-t-elle sans tarder l’envoi de renforts dans les eaux du Levant. Son choix se porte sur la 9e DSM : Souffleur et Caïman (ce dernier a été remis en état après les dommages subis le 22 juin). Les jours suivants, elle va négocier avec les Britanniques l’admission du Phoque, hors d’état de revenir en Méditerranée Occidentale, à l’arsenal d’Alexandrie. En revanche, l’Espadon sera réparé à Bizerte.


18 août
Londres
L’Ambassadeur de Belgique, le Baron Etienne Cartier de Marchienne, reçoit le Premier Ministre Hubert Pierlot, accompagné des ministres Spaak (Affaires Etrangères), De Schrijver (Affaires Economiques) et Janson (Justice).
Pierlot : Alors, avez-vous pu convaincre le Prince ?
Cartier de Marchienne : Hélas, non ! Je me rends compte à quel point la situation devient embarrassante, mais je n’ai rien pu y faire.
Janson, visiblement excédé : Il est têtu comme un Cobourg, une vraie tête de bois ! Il est toujours sous l’influence de cette intrigante, Mademoiselle Baels ?
Cartier de Marchienne : Allons donc, comprenez-le ! Comment n’aurait-il pas l’impression de trahir son père en recevant les hommes qui l’ont pratiquement accusé de trahison et de félonie ? Vous savez l’admiration qu’il lui porte. Seul Monsieur De Vleeschauwer trouve grâce à ses yeux.
Spaak, agité et théâtral : Oui, mais Albert [De Vleeschauwer] est toujours au Congo, et ne rentrera pas avant plusieurs semaines. Ah, comme je m’en veux encore des propos que j’ai tenus à Limoges (voir annexe 40-1). Si seulement j’avais su ! L’ambiance survoltée de cette fin mai m’a fait perdre tout recul… Albert a eu bien raison de se tenir à l’écart de ce lynchage.
Pierlot fusille Spaak du regard : Nous avions toutes les raisons d’agir comme nous l’avons fait. Si le Roi n’a pas traité avec les Allemands, c’est parce que nous l’en avons empêché. Mais qu’allons-nous faire ? Nous sommes tout de même le Gouvernement légitime de la Belgique, même les juristes consultés par le Roi l’ont implicitement reconnu (voir annexe 40-1). Ce garçon ne peut pas continuer à nous ignorer.
Janson : Paul-Henri, de tous ses Ministres, tu es celui que le Roi appréciait le plus [le tutoiement s’explique par le fait que Janson est l’oncle de Spaak]. Il y avait une véritable complicité entre vous. N’irais-tu pas voir le Prince pour le convaincre de nos bonnes intentions ?
Spaak, soulignant ses propos d’un grand geste du bras : Pour me faire jeter à la porte comme un malpropre ? Ah, c’est une tragédie ! Tout serait tellement plus simple si le Roi était avec nous aujourd’hui.
Cartier de Marchienne : Messieurs, je vais m’efforcer de mettre sur pied une entrevue, comme le suggère Monsieur le Ministre Janson. Nous ne révélerons l’identité du visiteur au Duc de Brabant qu’au dernier moment. Il va sans dire que ce sera la seule et unique tentative : vous êtes condamné à réussir, Monsieur Spaak.

Libye (Cyrénaïque)
Graziani donne l’ordre d’évacuer Tobrouk, alors que la Catanzaro était en train de s’y retrancher avec énergie. Cet ordre inattendu crée une profonde confusion qui ne facilite pas l’évacuation. Les marins de la garnison du port prennent le temps d’exécuter le maximum de destructions. La rage au cœur, ils sabotent les pièces de la défense côtière et sabordent tout ce qui flottait encore, notamment la citerne Ticino. Ils partent dans les derniers, le bataillon de fusiliers fermant la marche.
Les Chemises Noires de la 4e Division battent en retraite vers Gazala, puis le long de la Via Balbia vers Derna, harcelées par les avions français et britanniques. Pendant ce temps, les colonnes mobiles alliées foncent vers l’ouest à l’intérieur des terres.

Alexandrie
05h00 GMT – La majeure partie de la Mediterranean Fleet rentre au port. Le groupe des Valiant et Malaya arrive à son tour vers 14h50 GMT. La sortie du 15 au 18 août restera comme «the great race after a shadow [la grande course après une ombre] ».

Dodécanèse
Tandis que les Giorgio Orsini et Tarquinia vont commencer à répartir dans les diverses îles ce qui leur revient de la cargaison du C 14, les trois autres bâtiments du convoi en état de marche (le cargo Capo Vado et les AMC Barletta et Brindisi) quittent en fin d’après-midi Rhodes pour Porto Lago, où ils vont ravitailler en combustible avant de tenter de rentrer en Italie, les escorteurs complétant en outre leur dotation en grenades ASM. Le HMS Proteus, désormais seul sous-marin allié sur place, ne peut intervenir en raison de l’activité des hydravions italiens.

Chypre
Les sous-marins MN Fresnel (L.V. Daussy) et Dauphin (L.V. Petit) arrivent à Limassol à 08h00 GMT. Ils y sont rejoints en début d’après-midi par le HMS Parthian (Lt-Cdr M.G. Rimington). Retardé par un problème mécanique, le Protée (C.C. Garreau) ne doit arriver que le lendemain et ne jouera aucun rôle dans le second acte de la bataille du convoi C 14. Les trois submersibles alliés quittent en fin de journée le port chypriote pour aller attendre les navires italiens entre les Cyclades et la Crète. Etant le plus rapide, le Parthian ira prendre la position d’aguets la plus occidentale, autour du méridien de La Canée. Le plus lent, le Dauphin, occupera le poste le plus à l’est, à la hauteur du Cap Sideros. Le Fresnel se postera au nord d’Héraklion.


19 août
Libye (Cyrénaïque)
Tobrouk, évacué, tombe sans résistance aux mains de la 6e Division australienne, tandis que la 4e Division Indienne et la 86e DI française nettoient ce qui reste des divisions Marmarica et Cirene.
A l’intérieur des terres, les colonnes mobiles alliées atteignent le croisement du Trigh Capuzzo et du Trigh el Abd. Elles sont en partie ravitaillées par une noria d’avions de transport français (Fokker T-VII, Potez 621 et D-338) et britanniques (Bristol Bombay et autres antiquités des Imperial Airways), qui se posent à El Adem.

Méditerranée Occidentale (Tarente)
L’amiral Cavagnari a tenu à aller recueillir sur place les avis de ses principaux subordonnés sur les leçons à tirer de la première sortie majeure de l’escadre. Leurs conclusions, couchées par écrit, sont sans ambages. Même avec cinq et bientôt six, cuirassés, la flotte italienne n’est pas en mesure de se risquer loin de ses bases, en raison de la supériorité aérienne écrasante des Franco-Britanniques. Le 15 août, elle a eu beaucoup de chance, mais cela ne se reproduira pas forcément. Ses possibilités d’action se limitent donc aux zones où elle pourra être protégée par la chasse terrestre : ainsi, comme cela a déjà été souligné en juillet, elle ne peut toujours pas envisager de jouer un rôle dans la défense de la Sardaigne. Si le Duce souhaite vraiment lui voir assumer une autre posture que celle de fleet in being ou de dernier rempart de la Péninsule, il doit être conscient que cela suppose au minimum la neutralisation durable ou la conquête de Malte et de la Corse. Opérations qui impliqueraient à leur tour de disposer au moins localement de la supériorité aérienne…
Cavagnari présentera dès le lendemain à Mussolini une version édulcorée du rapport des amiraux (il ne sera pas question de la Sardaigne). Sans doute mis de bonne humeur par la réussite du ravitaillement du Dodécanèse et les bonnes nouvelles d’Afrique Orientale (il ne sera informé de la chute de Tobrouk que dans la soirée), le Duce semble accepter les conclusions de ses marins. Il explique à Cavagnari qu’avec l’arrivée imminente des premiers Stukas cédés par Hitler, le retour prochain au service actif des chasseurs Macchi 200 et la mise en ligne des premières escadrilles de SM-79 torpilleurs, les aviations et flottes alliées n’ont qu’à bien se tenir. Quand les unes et les autres auront été bien affaiblies, on pourra songer à régler le cas de la Corse et de Malte…

Mer Egée (Porto Lago)
20h38 (GMT+2) – Le convoi C 14, désormais réduit à trois transports, prend le chemin du retour, escorté par les trois contre-torpilleurs de la 2e Escadrille et les unités de MariEgeo, rappelées en Italie. En dépit de la menace sous-marine alliée, il marchera au plus court. Toute la journée du lendemain, il bénéficiera de la protection ASM des Cant Z.501 et Z.506 de Porto Lago. Marchant à 10 nœuds, il entrera dans le détroit d’Anticythère le lendemain vers 20h30 et accélèrera alors pour traverser une bonne partie de la Mer Ionienne de nuit.
Tenu à l’écart par les patrouilles des torpilleurs de la 8e Escadrille et des MAS de Léros, le Proteus ne peut s’approcher et doit se contenter d’avertir du départ du convoi.


20 août
Rethondes
Dans la matinée, Laval lui-même signe l’armistice dans le célèbre wagon avec une délégation allemande dirigée par Keitel et une délégation italienne dirigée par Ciano. Le chef du GPEF vient de passer trois jours à discuter les termes de ce document, sans obtenir de concession de la part de ses interlocuteurs.
D’abord, les Allemands tiennent à « réintégrer au Reich la province d’Alsace-Moselle, injustement arrachée à la Nation allemande et à la Race germanique en 1919. »
Le reste de la France est divisé, « jusqu’au règlement général du conflit », en deux zones d’occupation : la Zone Atlantique comprend la façade atlantique, de la frontière espagnole à la frontière belge (le futur AtlantikWall), et la Région Paris ; la Zone Sud comprend le littoral méditerranéen entre Cannes et les Pyrénées (le futur SudWall) et la Région Lyon. La frontière entre ces zones va des Pyrénées à l’Alsace-Moselle. Chacune des deux zones est placée sous l’autorité d’un commandement militaire indépendant, rattaché à l’Oberbefehlshaber West. Le bassin houiller du Nord est placé sous administration militaire spéciale.
De son côté, l’Italie obtient une zone d’occupation allant de Grenoble à Cannes. Hitler refuse de céder Toulon à Mussolini. Celui-ci devra se contenter de laisser entendre dans la presse italienne que cette zone d’occupation, qui correspond à peu près à la Savoie et à l’ancien Comté de Nice, « sera un jour prochain appelée à rejoindre la Mère Patrie italienne. »
La France s’engage à payer à l’Allemagne et à l’Italie des indemnités de guerre « qui seront chiffrées ultérieurement. » En attendant, elle doit pourvoir à l’entretien des forces d’occupation, ce qui représente une somme de 600 millions de francs par jour.
Enfin, le nouvel Etat Français n’a pas d’armée mais une « Force de Sécurité du Territoire », limitée à 80 000 hommes. Ceux-ci ne pourront guère être recrutés que parmi les prisonniers de guerre. Les agents recruteurs de Laval (rappelons qu’il est ministre de la Défense !) feront dans ce but la tournée des stalags, promettant la libération des volontaires, ce qui expliquera bon nombre d’engagements dans la FST.

Reims
La journée du chef du GPEF est décidément chargée. En effet, dans l’après-midi, il signe à Reims avec Otto Abetz un accord baptisé Convention de Collaboration, censé faire entrer la France dans la Nouvelle Europe et qui précise en réalité les conditions de l’occupation allemande. Les clauses de cet accord, évidemment léonin, sont dictées par les préoccupations de Hitler. Il faut bien sûr, à long terme, assurer la soumission de la France, qui ne doit même pas pouvoir espérer de revanche. Mais il faut aussi, à court terme, permettre que la France assure une partie de la production d’armement allemande, pour alléger le plus possible l’effort de guerre fourni par la population allemande en prévision de l’invasion de l’URSS. Ces considérations vont déterminer le contenu des vingt-quatre articles relativement brefs de la Convention.
Le gouvernement Laval exerce son autorité administrative sur l’ensemble du territoire, mais il est stipulé que l’Allemagne exerce les droits de la puissance occupante, ce qui implique que l’administration travaille avec elle d’une manière “correcte”. En réalité, le gouvernement Laval est totalement inféodé à l’Oberbefehlshaber West. La plupart des mesures “autonomes” qu’il prend visent à servir les intérêts particuliers des membres du gouvernement, et/ou à réprimer telle ou telle fraction de la population.
L’Allemagne promet de libérer les prisonniers de guerre (1,5 million d’hommes) « dès que la réussite de la politique de Collaboration sera avérée » – ils resteront en captivité jusqu’à la fin de la guerre, en dehors de quelques cohortes symboliques qui prétendront justifier la politique d’échanges prisonniers/travailleurs (un pour deux…) mise en place par Laval. De plus, en contradiction flagrante avec les Conventions de Genève, les prisonniers seront massivement utilisés dans les usines d’armement allemandes et pour des travaux de fortification.
Par ailleurs, la Convention de Collaboration prévoit que le gouvernement Laval livrera les réfugiés politiques allemands, autrichiens ou italiens présents sur le sol français. Dans la mesure où il parviendra à se faire obéir, c’est bien ce qu’il fera, poussant même la bonne volonté jusqu’à y ajouter le plus possible de Juifs “étrangers” (réfugiés ou déchus de leur nationalité française).
Laval pense qu’avec ces deux documents – armistice et convention – il vient d’assurer son avenir à la tête du pays. En fait, avec ces deux signatures, il a aussi paraphé sa future condamnation à mort.

Alger
Aussitôt connue la signature de l’accord d’armistice par le gouvernement Laval, Roland de Margerie reçoit au Gouvernement Général (où se sont installés, à titre en principe provisoire, les services des Affaires étrangères) le Dr Marcel Junod, chef de la délégation du Comité International de la Croix Rouge.
Le note que Margerie remet au Dr Junod a, d’évidence, été préparée depuis plusieurs jours. Sa brièveté lui confère davantage de force : « Le Gouvernement français prie le Comité International de la Croix Rouge, à Genève, de transmettre au Gouvernement du Reich la note qui suit :
Les forces armées françaises, où qu’elles se trouvent, appliquent à leurs prisonniers les dispositions prévues par les Conventions de Genève. Elles seraient contraintes d’y renoncer si les forces armées allemandes, au nom du soi-disant armistice conclu avec une autorité de fait, traitaient désormais leurs prisonniers français en francs-tireurs. Auquel cas les combattants et prisonniers allemands seraient eux-mêmes tenus pour francs-tireurs et traités comme tels par les Forces armées françaises. La réponse du Reich est attendue sous vingt-quatre heures. »
Moins de vingt minutes plus tard, la même demande est présentée par Margerie au ministre de Suisse , Walter Stücki, puisque la Confédération représente à Alger, après Paris, les intérêts de l’Allemagne et de l’Italie, comme elle représente à Berlin ceux de la France. Pendant ce temps, le Dr Junod adresse au siège de l’institution genevoise un message en code commercial – donc lisible par tous.
À 23 h 30, le Dr Junod joint Margerie à son domicile personnel : « J’ai la réponse de Berlin. »
– Alors ? interroge Margerie.
– La Chancellerie du Reich elle-même nous répond “Die Franzosen können ruhig schlaffen. Ihre Frage ist ohne Nötigkeit. Die Sachen sind selbstverständlich.„
– Les Français peuvent dormir tranquilles. Leur question est, heu… sans nécessité. Les choses vont de soi. J’ai bien traduit ?
– À la perfection, réplique Junod, confédéralement bilingue.
– Eh bien, cela nous montre à quel point ces messieurs s’intéressent aux fantoches qui se croient leurs complices et à leur prétendu armistice ! s’écrie Margerie.
Tenu, estime-t-il, par la neutralité de son pays et par les règles du CICR, le Dr Junod, qui n’en pense pas moins, s’abstient de tout commentaire.

Des lettres pour les Pyrénées (1)
Araau, le 20 août 1940
Cher Papa, chère Maman,
J’ai enfin l’autorisation de vous écrire cette lettre, que la Croix-Rouge a promis de vous faire parvenir. Je suis sûr que vous devez être terriblement inquiets de ne pas avoir eu de nouvelles depuis presque trois mois et je suis désolé de vous avoir causé cette inquiétude. Je vais bien, je suis en bonne santé, je n’ai pas été blessé. Je suis actuellement dans un camp de prisonniers en Suisse, où je suis bien traité (on dit un camp d’internement, mais hélas, c’est bien un camp de prisonniers). Nous sommes bien logés, bien nourris, et on nous fait parfois travailler avec les fermiers de la région, ce qui me rappelle un peu la maison. La saison des vendanges approche, je le sais, j’espère que les vignes n’ont pas souffert des combats et que vous trouverez l’aide nécessaire pour les vendanger : avec l’Occupation, je crains que les travailleurs espagnols habituels ces dernières années ne se fassent plus rares… Le soleil, la mer et les bons fruits du Roussillon me manquent, mais moins que vous. A part ça, le moral est bon.
Il faut que je vous raconte mes aventures de ces derniers mois. Comme vous le savez, après ma mobilisation, j’avais rejoint mon unité, le 4e Bataillon de Chasseurs Pyrénéens, stationnée à Belfort. Pendant des mois, la vie de garnison à Belfort ou les exercices dans les Vosges étaient presque agréables, en tout cas bien éloignés des horreurs de la guerre ; certains de mes camarades disaient que cela leur rappelait les scouts ! Le 10 mai (je crois que ma dernière lettre datait du 6 mai), avec l’annonce de l’attaque allemande, l’excitation nous a tous gagnés : nous allions enfin nous battre. Mais on a entendu parler des défaites dans le nord et l’inquiétude a commencé à se faire sentir. Nous suivions tout cela à la radio et par les ragots qui circulaient dans la caserne : la guerre était toujours si loin… Le 10 juin (je crois), on a dit que les Allemands avaient passé la Somme et la Marne, puis qu’ils attaquaient sur le Rhin et un vent de panique et de défaitisme a commencé à courir sur la ville. Mais peu après, les discours de M. Mandel et du président Reynaud à la radio nous ont regonflé le moral. Le général Laure, notre commandant d’armée, avait ordonné que ces discours soient diffusés par les haut-parleurs de nos cantonnements. Et puis il a pris des mesures énergiques ; il nous a avertis que Belfort pourrait bientôt être attaqué et nous a tous mis au travail pour améliorer les défenses de la ville et de ses forts. Les travaux, épuisants, ne nous ont pas beaucoup servi, mais ils nous ont empêchés de trop penser à ce qui pouvait se passer ailleurs…
Le 20 juin, cependant, tout est devenu bien réel : nous avons entendu le canon au loin pour la première fois ! L’ennemi était au pied des Vosges, dans la plaine d’Alsace, mais aussi sur la Saône et sur la Moselle, il pouvait arriver chez nous de toutes les directions ! Ma compagnie est allée se positionner sur un col, près du Ballon d’Alsace (une petite montagne, rien à voir avec notre Canigou), dans les sapins, pour bloquer les Boches de ce côté. Le 22 juin, on nous a prévenus que l’ennemi approchait… Les premières automitrailleuses allemandes sont arrivées le lendemain à l’aube, et j’ai reçu mon baptême du feu… Je dois avouer que je n’étais pas très fier, mais j’ai essayé de surmonter ma peur et de faire mon devoir. Le premier combat a été court, les Allemands se sont repliés. Nous avons trop vite cru à notre victoire, mais quelques heures après, nous avons subi un déluge d’artillerie… Horrible expérience, plusieurs camarades y sont restés… Bien vite le lieutenant nous a ordonné de nous replier vers un village dans la vallée (Le Thillot, je crois), où nous avons organisé une nouvelle ligne de défense dans des maisons dont les habitants s’étaient heureusement enfuis. Nous n’avons eu le temps ni de dormir ni de manger un peu : les Allemands ont attaqué à nouveau, avec des chars cette fois, contre lesquels nos fusils n’avaient aucun effet… J’ai vu des copains, devenus fous de peur, s’enfuir devant ces monstres d’acier crachant le feu… Mais j’ai tenu bon jusqu’à ce que le sergent ordonne un nouveau repli ; le sergent parce que notre lieutenant, foudroyé par une rafale de mitrailleuse, y est resté. Nous avons couru vers la forêt pour échapper à la mort et à la capture.
Quand nous avons repris haleine, nous n’étions qu’un petit groupe de cinq autour du sergent, et nous étions perdus dans la forêt. Nous avons marché au hasard. En pleine nuit, nous avons fini par tomber sur une maison forestière où nous nous sommes abrités. Nous n’étions pas les premiers à y trouver refuge et nous avons partagé nos maigres provisions avec les deux soldats qui nous avaient précédés. Au petit matin, nous sommes repartis tous ensemble. L’un des deux autres, qui se faisait appeler Armand, a tout de suite pris le commandement : visiblement, même si il n’y avait aucun galon sur son uniforme (un uniforme trop grand pour lui !), il avait l’habitude de commander. Surtout il avait une carte de la région, il voulait échapper aux Boches et gagner la Suisse, on l’a suivi… Dans l’après-midi, au coin du sentier, on est tombé sur une patrouille allemande : ils étaient aussi surpris que nous, mais ils étaient bien armés et ceux d’entre nous qui avaient encore leur fusil (dont moi) n’avaient presque plus de munitions ! Ils ont tiré, le copain d’Armand est tombé, on a détalé dans tous les sens… Quand je me suis arrêté, j’étais seul avec Armand…Et on a continué. On a marché ensemble plus de deux semaines, en buvant l’eau des ruisseaux et en mangeant les dernières conserves de notre paquetage et les fruits qu’on trouvait dans les sous-bois, on a un peu chassé au collet ; mon « bon sens paysan » (comme disait Armand) nous a bien aidé à survivre… Nous avons rencontré deux fois des forestiers qui nous ont donné un peu de nourriture, des vêtements civils (je leur ai laissé mon fusil, Armand était d’accord) et quelques informations : les Allemands étaient partout, on disait que les combats se poursuivaient loin au sud… Nous avons évité les routes, les villages, nous sommes restés dans la forêt pour ne pas être capturés, en suivant les lignes de crêtes. Un jour, d’après la carte de d’Armand, nous avons traversé la ligne invisible qui sert de frontière avec la Suisse… Alors nous avons enfin décidé de redescendre dans la vallée.
Le lendemain, 10 juillet, nous avons été arrêtés par des gardes-frontières suisses. Armand s’est alors présenté comme le Colonel Jean-Armand Duluc, commandant des chars de la 8e Armée ! Il m’a présenté comme son ordonnance ; à croire qu’il avait pris goût à ma compagnie et qu’il ne voulait pas qu’on se sépare. Bref, les Suisses nous ont envoyés dans ce camp de prisonniers, près de Berne, où je suis resté, dans la zone des officiers, avec le colonel… En reprenant contact avec la civilisation, nous avons eu des nouvelles de la guerre : nous avons célébré une bien triste fête nationale, en apprenant que les Allemands étaient à Avignon… Mais, comme le dit le colonel, comme ne cesse de le marteler à la radio notre nouveau ministre de la guerre, le général de Gaule [Note de l’éditeur : sic], cette guerre s’annonce longue, et nous aurons le temps de prendre notre revanche !

Pendant toutes ces semaines pendant lesquelles personne ne voulait transmettre notre courrier, j’ai beaucoup pensé à vous… J’ai vu la ligne de front progressivement se rapprocher de Bages, j’ai appris que Perpignan était tombé le 14 août : la guerre a fini par rattraper Pierrot qui pensait qu’il était bien planqué dans son poste de douane au Perthus… J’espère qu’il n’a pas joué au héros et qu’il va bien. Je prie pour que les Boches ne soient pas trop durs avec vous tous : pour l’instant, ils sont les plus forts, ne faites rien de stupide, ne vous faites pas remarquer...
Ne vous inquiétez pas pour moi, je reviendrai tôt ou tard. Je vous embrasse bien tendrement, embrassez pour moi la petite Dédé.
Votre fils, Bertin.

Libye (Cyrénaïque)
Dans la confusion de la retraite italienne, Gazala, pratiquement pas défendu, est enlevé sans difficulté par les Australiens de la 6e Division qui avancent de Tobrouk à la poursuite de la division Catanzaro.

Mer Egée
01h50 GMT (03h50 GMT+2) – Le couloir où peut passer le convoi C 14 est assez large pour que les sous-marins soient obligés de parier sur la bonne latitude. Le choix du Dauphin n’est pas le bon et le convoi traverse sa zone de patrouille sans être détecté.
07h43 GMT (09h43 GMT+2) – Plus heureux que le Dauphin, le Fresnel repère les bâtiments italiens au nord-nord-est d’Héraklion alors qu’il est sur leur avant et peut donc s’en rapprocher en plongée. Mais la chance l’abandonne alors qu’il vient de gagner une position de lancement. La porte du tube n° 2 reste coincée et la torpille démarre au tube sans pouvoir être lancée. Les gaz d’échappement envahissent le compartiment avant, qui doit être abandonné ; plusieurs marins sont légèrement intoxiqués. Deux autres torpilles sont parties normalement des tubes 1 et 3, mais elles ratent leurs cibles et leurs sillages alertent les Italiens. Le Fresnel doit se dérober sans attendre pour échapper à la réaction du torpilleur Libra. Il en est quitte pour une bonne révision de ses tubes, mais cela n’en fait pas moins un cinquième sous-marin détruit ou hors combat en six jours (dont les récits des sous-mariniers feront une semaine complète, affirmant que « le septième jour, la Poisse s’était reposée »).
13h31 GMT (15h31 GMT+2) – Contraint de demeurer en plongée en raison de la présence de deux Cant Z.501, le HMS Parthian ne peut se placer en position d’attaque. Mais il ne se prive pas de signaler le convoi. Avec le message du Fresnel, les Alliés peuvent à présent prévoir la route de celui-ci avec une grande précision.
18h29 GMT (20h29 GMT+2) – Le convoi C 14 approche du canal d’Anticythère et porte progressivement sa vitesse à 13 nœuds. Les contre-torpilleurs Sella (à bâbord) et Crispi (à tribord) ouvrent la marche. Le cargo Capo Vado et les AMC Barletta et Brindisi, naviguant en ligne de file dans cet ordre, sont encadrés à bâbord par le contre-torpilleur Espero et les torpilleurs Libra et Lupo, à tribord par le contre-torpilleur Ostro et les torpilleurs Lince et Lira. Le contre-torpilleur Borea ferme la marche.

Mer Ionienne
Les contre-torpilleurs français des 6e, 8e et 10e DCT ont quitté Tripoli la veille à 22h55 GMT et mis le cap vers Anticythère. Filant 28 nœuds, ils arrivent non loin de l’île vers 18h00 GMT. Se tenant à l’ouest de la ligne Cap Ténare (alias Matapan) - Cap Spada, les navires se séparent alors en trois groupes pour surveiller les 42 nautiques qui séparent l’île de Cythère de la Crète. La 6e DCT (Mogador, Volta) patrouille au sud, entre Anticythère et la grande île. La 8e DCT (Indomptable, Malin) évolue dans le sud-sud-ouest de Cythère. Enfin, la 10e DCT (Audacieux, Fantasque, Terrible) se tient dans l’ouest d’Anticythère, de façon à être masquée par l’île.
18h49 – Une vigie du Fantasque aperçoit le C 14 par tribord avant, alors qu’il dépasse la pointe nord d’Anticythère.
A priori, la rencontre s’annonce relativement déséquilibrée : face aux 41 canons de 138 mm et 65 tubes lance-torpilles de 550 mm des sept contre-torpilleurs français, les Italiens ne totalisent que 20 canons de 120 mm et 26 tubes lance-torpilles de 533 mm pour leurs cinq contre-torpilleurs, plus 12 canons de 100 et 16 tubes de 450 pour les quatre torpilleurs .
Le premier round est à l’avantage des contre-torpilleurs de la 10e DCT. Ayant communiqué aux 6e et 8e DCT la découverte du convoi ennemi, le C.V. Still précise dans la foulée : « J’attaque. Ralliez-moi ! » Ses trois contre-torpilleurs se ruent à l’assaut, prenant sous leur feu les Italiens surpris. Le Fantasque met rapidement plusieurs coups au but sur le Sella, tandis que le Terrible (C.F. Bonneau) en fait autant sur l’Espero. En revanche, l’Audacieux (C.F. Derrien), sautant le Libra, ne peut faire mieux qu’encadrer le Lupo.
Le second round voit une réaction italienne aussi vive qu’efficace. Tous les navires forcent l’allure et, croiseurs auxiliaires et cargo compris, entreprennent d’émettre de la fumée pour compliquer la tâche des canonniers adverses. Surtout, les deux torpilleurs contre-attaquent sans hésiter. Le Libra pointe avec décision sur le Terrible contraint de délaisser l’Espero pour se préoccuper de ce nouvel adversaire. Le petit torpilleur encaisse un obus de 138 mm qui détruit sa pièce de 100 avant, mais parvient à lancer ses deux torpilles tribord ; il abat pour lancer ses deux autres torpilles quand un nouvel obus met les tubes hors service, fauchant les servants. Le Terrible est obligé manœuvrer pour éviter les deux torpilles et le Libra en profite pour se dégager. Pendant ce temps, le Lupo s’est jeté sur l’Audacieux et a lui aussi lancé ses deux torpilles tribord ; esquivant un peu tard, l’Audacieux ne peut en éviter qu’une, l’autre le touchant à l’extrême avant. Le coup n’est pas mortel, mais il oblige le Terrible à intervenir pour protéger le navire blessé et tenir le Lupo à distance. Pendant ce temps, le Fantasque, délaissant le Sella qui, touché cinq fois, flambe en trois endroits mais reste manœuvrant, reporte son tir sur l’Espero avec la même précision. Déjà touché par le Terrible, l’Italien voit sa vitesse réduite à 12 nœuds. Le Fantasque, pour en finir, tente de le torpiller, mais il a sous-estimé la vitesse que l’Espero peut encore donner et les trois torpilles lancées manquent leur but. Cependant, l’une d’elles va frapper le Capo Vado à la poupe ! Cloué sur place, le cargo commence aussitôt à s’enfoncer par l’arrière.
Pendant ce temps, la 8e DCT a rejoint le champ de bataille : l’Indomptable (C.V. Barthes) engage le Francesco Crispi tandis que le Malin (C.F. Deprez) affronte l’Ostro. Non engagés, les deux autres torpilleurs de la 8e Escadrille se hâtent d’aller couvrir le flanc bâbord arrière du convoi, où vient d’intervenir la 6e DCT.
Le Volta (C.F. Jacquinet) envoie quelques salves sur le Borea, mettant hors service sa tourelle double de 120 mm arrière ; le navire français délaisse ensuite son adversaire, persuadé de le voir sombrer . Quant au Mogador (C.F. Maerten), il engage les deux croiseurs auxiliaires. Il atteint d’un obus le Barletta puis immobilise le Brindisi en plaçant deux obus dans sa machine. C’est alors que les Lince et Lira passent à l’attaque, en même temps que les Lupo et Libra (persuadés, eux, d’avoir coulé un de leurs adversaires – l’Audacieux – et définitivement repoussé un deuxième – le Terrible). Les petits navires lancent leurs torpilles bâbord – sauf le Libra, dont les tubes sont hors service mais qui se même quand même à l’attaque. Six engins qui courent vers les Mogador et Volta. Les deux grands contre-torpilleurs en évitent cinq. La sixième (sans doute du Lira) explose dans le sillage du Mogador, endommageant son hélice bâbord, tandis qu’il est atteint par deux obus de 100 mm des torpilleurs. Ces derniers ne se retirent toutefois pas indemnes. Tous sont secoués par les salves des Mogador et Volta, les plus atteints étant le Lince, qui flambe en son milieu, et le Libra, qui perd ses deux derniers canons de 100 mm et dont la poupe est ravagée par un incendie. Ce dernier se débarrasse alors de ses grenades anti-sous-marines et les explosions successives font croire aux Français qu’ils l’ont coulé.
Ces derniers sont toutefois incités à la prudence. De fait, le Lince (tout en maîtrisant tant bien que mal son incendie) et le Lira repartent sur le flanc tribord du convoi et prononcent une nouvelle attaque, certes infructueuse mais qui va permettre au contre-torpilleur Crispi de se dégager de l’étreinte de l’Indomptable en l’obligeant à manœuvrer serré pour éviter quatre torpilles. En contrepartie, le contre-torpilleur place un obus sur la passerelle du Lira, où seul reste indemne le commandant du navire, et touche à nouveau le Lince à deux reprises. Là encore, les marins français croiront, de bonne foi, avoir envoyé par le fond l’un de leurs petits adversaires, proprement avalés par les écrans de fumée tendus et retendus depuis le début de l’engagement.
Le commandant du Crispi, responsable du convoi, donne alors l’ordre aux navires qui le peuvent encore de chercher leur salut isolément. Outre son propre bâtiment et le Sella, vont y parvenir les quatre torpilleurs, le Borea et le Barletta, oublié assez longtemps pour pouvoir s’éloigner à 14 nœuds. Le croiseur auxiliaire Brindisi, immobilisé, se saborde après avoir sauvé l’honneur en tirant quelques salves et les contre-torpilleurs Espero et Ostro, incapables de se dégager, se sacrifient pour retenir l’attention des Français. L’Espero lance ses torpilles bâbord sur le Fantasque : ce geste de défi lui vaut une grêle d’obus administrée par ce dernier et le Volta. Stoppé par de nouveaux coups au but dans ses machines, son commandant ordonne l’évacuation et le sabordage, mais les deux Français mettent du temps à s’en apercevoir et lui portent de nouveaux coups qui augmentent les pertes humaines. L’Ostro a poursuivi avec le Malin un duel longtemps incertain, puis la supériorité de l’artillerie du navire français a parlé. Le Malin en finit en lançant trois torpilles sur son adversaire ralenti, vengeant ainsi, sans encore le savoir, l’Actéon. Une seule torpille fait mouche mais elle suffit à envoyer l’Ostro par le fond.
Restés maîtres du champ de bataille, les Français sont persuadés d’avoir coulé, outre le Brindisi et le Capo Vado, trois contre-torpilleurs et deux torpilleurs. En fait, leur succès est moins éclatant, puisque seuls deux contre-torpilleurs sont allés par le fond, mais tous les navires italiens survivants ont été peu ou prou endommagés. La nuit n’étant guère avancée, les Français prennent le temps de recueillir les survivants avant de remettre le cap sur Tripoli à 24 nœuds, vitesse que l’Audacieux peut encore donner… en marche arrière, pour ne pas arracher sa proue blessée.
Côté italien, la défaite est évidemment considérée comme glorieuse, puisque (au moins selon le communiqué) deux “croiseurs légers” ont été coulés. Les quatre torpilleurs de la 8e Escadrille seront tous récompensés pour leur conduite valeureuse : les Lupo et Lira, auteurs d’un torpillage réussi, recevront la Médaille d’argent à la Valeur Militaire, les Lince et Libra auront droit à la Médaille de bronze. A titre individuel, leurs quatre commandants recevront la Médaille d’argent.
Côté français, les analyses postérieures ainsi que les interrogatoires des prisonniers, avant même les vérifications rendues possibles par la capitulation italienne, amèneront à réviser à la baisse le résultat obtenu. La nécessité de renforcer l’entraînement au combat de nuit apparaîtra, ainsi que l’intérêt d’une cadence de tir supérieure à celle des 138 mm équipant les contre-torpilleurs. Mais, pour diverses raisons, ces problèmes ne seront pas tous résolus en décembre 1941…


Dernière édition par Casus Frankie le Lun Aoû 18, 2008 17:46; édité 1 fois
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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 17:42    Sujet du message: Répondre en citant

Bien entendu, les pages qui précèdent vous donnent aussi une idée de l'ensemble. Si vous avez des remarques sur la présentation, n'hésitez pas...
Par ailleurs, question à Mille Francs-Or : quel est le RAYON D'ACTION d'un Morane 406 ?? Attention, rayon d'action, pas autonomie. Autrement dit, à quelle distance de sa base peut-il combattre avant de retourner à la dite base.
Si je pose la question, c'est que j'ai des chiffres divergents, vous vous en doutez... Donc, merci d'indiquer vos sources.

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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 19:35    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir à tous, en vacances encore ou déjà au turbin.

Toute petite remarque sur le travail remarquable de Folc : le 16 août, on parle du "vice-amiral Ferdinando di Savoia". Ne devrait-on plutôt dire le "vice-amiral duc de Gênes" ou le "duc de Gênes", ce qu'il est depuis 1931 ?

Désolé, pinaillage, arstocratie, vous connaissez le refrain.
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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 22:11    Sujet du message: Répondre en citant

Cornelis a écrit:
Toute petite remarque sur le travail remarquable de Folc : le 16 août, on parle du "vice-amiral Ferdinando di Savoia". Ne devrait-on plutôt dire le "vice-amiral duc de Gênes" ou le "duc de Gênes", ce qu'il est depuis 1931 ?


Pourquoi pas en effet...
Mais, comme je l'ai précisé, je n'ai pas mis les notes de bas de page... Il se trouve que Folc en avait mise une concernant Ferdinando :
"De la branche des Savoia-Genova, cousin du roi Victor-Emmanuel III, titré prince d’Udine."
Donc, prince d'Udine et duc de Gênes ??? !!!

En passant, Cornelis, qu'est-ce que tu attends pour nous donner quelque chose de ton cru sur un sujet ou un autre ? Wink
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MessagePosté le: Lun Aoû 18, 2008 22:55    Sujet du message: Vice-amiral Ferdinando di Savoia Répondre en citant

Pour Cornelis :
Les organigrammes consultés çà et là le nomment simplement "Ferdinando di Savoia" sans préciser ni le fait qu'il appartenait à une branche cadette de la Casa Savoia, ni ses titres.
En fait, il est, au complet, Ferdinando di Savoia-Genova, duca di Genova, principe d'Udine.


Pour Casus :
Un petit doublon à supprimer. L'Illustrious et son escorte arrivent deux fois à Alexandrie, le 13 août puis le 14. En fait, la bonne date est le 13.

Amicalement.
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MessagePosté le: Mar Aoû 19, 2008 08:23    Sujet du message: Répondre en citant

Superbe !
La perte de l'Actéon n'était toutefois pas prévue, les annexes MN donnent ce sous-marin basé en Ecosse à partir du début de 1941 et au moins jusqu'en 1942.
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MessagePosté le: Mar Aoû 19, 2008 09:06    Sujet du message: Actéon Répondre en citant

C'est tout le problème d'écrire le début d'une aventure après la fin !
Il m'est apparu que, compte tenu des pertes des SM anglais, leurs camarades de la Marine Nationale ne pouvaient pas passer éternellement à travers l'orage en Méditerranée.
Je me suis débrouillé avec une seule perte supplémentaire (la Sirène était déjà dans la charrette des SM rapidement désarmés; je me suis borné à accélérer son désarmement).
On peut se passer de l'Actéon par la suite, car il n'y a sauf erreur que des annexes à corriger.
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MessagePosté le: Mar Aoû 19, 2008 09:33    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, je sais bien, mais Fantasque avait aussi calculé le nombre de SM qu'il fallait envoyer en Mer de Norvège. Bon, on verra avec son retour.
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MessagePosté le: Mar Aoû 19, 2008 10:59    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour.

J'ai eu un été plutôt chargé, mais j'essaie de fignoler un petit truc.

Pour notre ami Fernandino, je crois qu'il était titré prince d'Udine avant la mort de son père et son accession au duché. Je pensais juste au précédent du duc d'Aoste qui n'est pas, je crois, appelé Amedeo di Savoia.

De toute manière l'intérêt du point pour la FTL est assez proche du zéro absolu.
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MessagePosté le: Mer Aoû 20, 2008 09:53    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai un peu l'impression que sortir les cuirassés pour escorter un convoi relativement mineur vers le Dodécanèse est un peu exagéré (même si les problèmes de carburant ne se posent pas encore avec acuité pour la marine italienne, elle ne croule pas sous les réserves non plus).
Quant aux dégâts subis par l'escadre italienne. Tarente est-elle le meilleur endroit pour réparer tout ça, à portée de Malte voire de la Tunisie ?
Ne pas oublier que le raid aéronaval sur Tarente a lieu le 24 août, soit peu de temps après.
Bref, je suis quand même un peu gêné par cette proposition par ailleurs très bien écrite.
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MessagePosté le: Mer Aoû 20, 2008 13:11    Sujet du message: Répondre en citant

L'importance de la sortie (déjà évouée par ailleurs) se justifie par des besoins de propagande et de moral des hommes, pour effectuer un exercice de manoeuvre en mer, tenter de prendre un certain ascendant sur l'ennemi... et faire plaisir au Duce.

Quant aux dégâts, ils sont bien mineurs et ne semblent pas justifier d'aller se cacher au fond de l'Adriatique ou à Gênes (aucun besoin de cale sèche pour un BB ou un CA notamment).

OTL, il me semble que la flotte italienne était déjà à Tarente avant la capitulation française.
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MessagePosté le: Mer Aoû 20, 2008 14:25    Sujet du message: Répondre en citant

Je sais bien tout ça, mais tout de même ... S'il faut sortir la plus grande partie de la flotte italienne, autant escorter un gros convoi en direction de la Lybie ou même aller bombarder Malte de nuit !
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