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Un épisode aérien en juillet 40
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 09:41    Sujet du message: Un épisode aérien en juillet 40 Répondre en citant

Etienne a eu envie de faire un "coloriage" d'un épisode évoqué mais non détaillé dans la Chrono de 1940.
Bonne lecture !



1er juillet
Flugplatz Vendeville (aujourd’hui Lille-Lesquin), 02h15
– Dans la salle d’opérations du Stab/KG 53 et du I/LG 1, les dernières consignes avant l’envol du raid sur Bordeaux sont données aux équipages des Heinkel 111 par les commandants d’unité, le major Eduard Teske pour le Lehrgeschwader 1 et l’Oberst Erich Stahl pour le Kampfgeschwader 53. Celui-ci, blessé lors d’un précédent raid, ne prendra pas part à l’opération, confiant la direction à son homologue du I/LG1 en transit sur le terrain. La chance, c’est comme ça…
Le Feldwebel Hans Keller, mitrailleur ventral, dont c’est la première mission, écoute d’une oreille distraite, encore mal réveillé à cause de la fête pour son intronisation, la veille. Les vins français sont bons et même leur bière est buvable (Ach ! La petite dame qui fabrique sa bière près du moulin un peu à l’ouest du terrain !), mais le mélange tape un peu… Et puis leur schnaps ! Enfin, ils appellent ça du schnieff [Prononciation ch’ti du genièvre] , mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas pour les gamins ! D’un autre côté, il lui fallait bien ça, après que ses camarades d’équipage lui aient expliqué que son prédécesseur, endormi à son poste à la fin d’une mission, n’avait pas trop apprécié l’atterrissage sur le ventre de leur Heinkel dont le train s’étant dérobé…
Après les infos sur les caps, météo sur le trajet, points de route et de rendez-vous avec les appareils des autres Gruppen participant à la mission (le KG 1 à Amiens-Glisy, le 1/KG 53 à Evreux), les questions. « Quelle escorte ? » lance un pilote. « Nous serons couverts par des Bf 110 Zerstörer du II/ZG 26 venant de Crécy en Ponthieu, cela suffira largement. On ne devrait pas en avoir besoin, les Français sont à l’agonie. »
Rires, et quelques « Zieg Heil ! » enthousiastes. A ce moment, coup de théâtre ! La porte s’ouvre, livrant passage à la forme rebondie et bien connue du Reichsmarschall Göring en personne ! Acclamations, les bras se lèvent spontanément… ou parfois opportunément.
« Danke, meinen Herren, bravo pour votre soutien aux actions du Grand Reich. Votre mission prouvera aux Français la détermination du peuple allemand de poursuivre la lutte jusqu’au bout, et devrait les convaincre que toute résistance supplémentaire est inutile ! Vous avez entendu dire que ces Schweinhunden tentaient de transférer en Afrique des matériels de guerre, Ach, on se demande bien pourquoi ! Si besoin, on ira les exterminer là-bas ! Mais bon, ce sera plus simple de le faire ici… Vos objectifs seront donc les navires dans le port et l’estuaire, mais évitez de détruire le port lui-même, ainsi que le terrain d’aviation, nous en aurons bientôt besoin [rires]. Et si par hasard, vous deviez sauter en parachute pour une raison indépendante de votre volonté, n’ayez crainte, vu la vitesse à laquelle progressent nos Panzerdivisionen, vous ne resterez pas longtemps chez les Français, profitez-en pour repérer les vignobles de la région ! "
Rires à nouveau… Keller ne fait que sourire, pas trop envie du parachute, après tout, un avion est fait pour voler !

Bordeaux-Mérignac, 05h00 – Dans l’aube naissante, quelques mécanos et pilotes du GC II/8 s’affairent autour des trois Bloch MB-152 de la première patrouille de couverture de la journée. La douceur du jour qui pointe contraste avec la dureté des traits des hommes, fatigués par les combats et les replis depuis six semaines, et appelés aujourd’hui à se sacrifier pour couvrir le Grand Déménagement, leurs montures à l’autonomie trop faible ne leur permettant pas de traverser la Mare. Mais la détermination se lit dans les regards, avec cette pointe de nostalgie amère des condamnés…
Soudain, la sirène retentit… Surpris, les pilotes grimpent dans leurs cockpits, se brêlent rapidement, « Contact ! Marche ! », les moteurs s’ébrouent, tandis que les hommes au sol s’attendent à voir surgir des bombardiers en rase-mottes, mais en fait de Heinkel, c’est Ainquelle, le planton de service, qui arrive en courant : « Les pilotes au PC ! Un raid a été détecté ! » Trop tard, les trois appareils ont commencé leur roulage, ils prendront les ordres par la radio.
Les quelques pilotes qui bavardaient avec les copains de l’aube accourent au PC du commandant Ponton d’Amécourt, où d’autres, plus ou moins réveillés, s’équipent en hâte.
– Un groupe ennemi venant du nord a été détecté par l’engin des Anglais, au moins 50 avions. Apparemment que des bombardiers, mais il pourrait y avoir aussi des 110 d’escorte. Grandbesançon, vous prenez les trois 155, vous rejoignez la patrouille du matin et vous grimpez le plus haut possible, en cas de chasseurs, que vous engagerez. Vaublanc, vous prenez les sept autres avec vous, cap 010, et vous intercepterez les bombardiers à leur hauteur, à 3 000 m. Si vous pouvez, engagez-les par le travers, mais je doute que vous en ayez le temps, alors il faudra les prendre de face. Messieurs, à vos avions !
“Grandbé”, indicatif du capitaine Grandbesançon, décolle rapidement avec ses deux équipiers sur MB-155, la mise en chauffe a été brève, mais bon, il ne fait pas trop froid au sol en cette saison. Sa patrouille grimpe aussi vite que le permettent les 1 080 ch des Gnome-Rhône 14N49 et rejoint la patrouille de l’aube, mais il leur faudra au moins dix minutes pour atteindre les 6 000 m prévus… Ce qui les fait arriver à peu près à l’heure du contact prévu avec le raid allemand.
Les huit MB-152, emmenés par “Devo”, le capitaine de Vaublanc, décollent peu après et grimpent également vers le nord, le vent latéral venant de la mer devrait leur donner la route réelle au 010. De toute manière, en dix minutes, on sera au contact visuel, d’autant plus que le temps est clair, avec juste quelques cumulus dans les 4 000-6 000. Plus bas, une petite brume de mer enveloppe les MB-152 et devrait les masquer un moment à la vue des Allemands. Dans les cockpits, les pilotes vérifient le bon fonctionnement des masques, manipulent les contacts des armes… Pour le jeune sergent Rousselle, cadet du groupe, dont c’est la première sortie de combat, le plus difficile est de contrôler les battements de son cœur.
Quasi simultanément, deux appels radio dans les écouteurs. De la patrouille haute, Grandbé signale : « Objectif en vue, à 11 heures, 3 à 4000 mètres, au moins 40 Heinkel, et 8 Messer 110 en couverture haute ». Juste après, “Cadet”, d’une voix nerveuse : « Heinkel à 12 heures, sont nombreux ! » De fait, les bombardiers allemands ont pris une formation frontale afin de multiplier leurs cibles potentielles, ce qui rend leur arrivée plus impressionnante… Comme à la parade, quoi.
En un rien de temps, observant le dispositif devant eux, Vaublanc prend sa décision : « De Devo, formation en ligne décalée pour un passage frontal, maintenez l’altitude, dégagement par-dessus puis à droite ! » Les Bloch s’écartent et s’alignent sur le chef de patrouille, qui a légèrement réduit le temps que ses équipiers se mettent en formation. « De Devo, feu à mon signal ! » – à près de 800 km/h de vitesse relative des deux forces, on y sera vite !
Sans le savoir, Vaublanc inaugure une formation et une tactique qui seront très utilisées trois ans plus tard, au-dessus de l’Allemagne, notamment par les pilotes des Fw 190 de la IV Sturm/JG 3 de Von Kornatsky attaquant les quadrimoteurs américains au dessus de l’Allemagne. Et tout comme ce sera le cas en 1943, le résultat va être meurtrier !
« Achtung ! Französen vorwarts ! » Alertés par un mitrailleur de nez qui a repéré le dispositif bas (les patrouilles hautes étant masquées par les cumulus), les Bf 110 entament une descente plein gaz sur les huit MB-152. Les six Français du groupe haut piquent derrière eux pour les intercepter, à l’injonction de Grandbesançon : « De Grandbé, on engage, chacun le sien, visez juste ! »
Les Bloch grimpent mal, mais piquent bien. Les pilotes des Bf 110, concentrés sur leurs cibles, sont secoués par les cris d’alarme de leurs mitrailleurs, mais ceux-ci, avec leur pauvre MG 15 de 7,9 mm, ne peuvent pas grand-chose face au tir des 20 mm et des mitrailleuses des Bloch. Trois sont abattus en quelques secondes – un seul parachute s’ouvre – et deux autres tentent de s’enfuir en fumant, pendant que les trois derniers, plus chanceux, décrochent dans trois directions différentes…
Dans le même temps, sans se préoccuper des Bf 110, la formation de “Devo” ouvre le feu. La dernière chose que voient plusieurs pilotes allemands est le clignotement de nombreuses lumières face à eux… Cinq Heinkel piquent vers le sol ; l’un est en flammes et les habitacles des autres ont été ravagés par les tirs de la passe frontale, tuant plusieurs membres d’équipage – la grande verrière vitrée caractéristique du nez du He 111 est certes appréciable pour la visibilité qu’elle offre et pour bombarder, mais moins pour se défendre. Trois ou quatre parachutes s’ouvrent, dont celui du Fdw Keller… Deux autres appareils quittent la formation pour tenter de s’échapper, l’un avec un moteur en flammes, l’autre maintenu tant bien que mal en l’air par le Leutnant Meier, blessé au bras par l’obus qui a pulvérisé sa verrière et tué son bombardier et mitrailleur ; grimaçant, il demande de l’aide aux autres membres de son équipage pour larguer les bombes et libérer son appareil d’un poids inutile. Heureusement pour lui, il perd de l’altitude et se soustrait ainsi aux tirs des Bloch 152 qui, après avoir croisé en trombe la formation allemande, virent pour revenir faire une deuxième passe, par le travers cette fois, tandis que les MB-155, auxquels Grandbesançon a interdit de courir après les 110 survivants, se mettent en position après une ressource assez dure pour une passe par la gauche sur les bombardiers.
C’est l’hallali. Les huit avions de Vaublanc engagent par l’avant gauche la formation allemande quelque peu disloquée. Quatre autres bimoteurs aux larges ailes entament leur descente aux enfers, trois sont touchés plus ou moins gravement…
Suspendu à son parachute, Keller regarde, effaré, la déroute des aigles invincibles de son gros Reichsmarschall. Maigre consolation, un avion français s’éloigne au sud en fumant… Le jeune Feldwebel, fasciné par les combats, ne s’aperçoit pas qu’il descend doucement du côté de la N10 surchargée de véhicules militaires divers et de troupes en marche.
C’est au tour des avions de Grandbé d’attaquer une formation allemande en voie de désintégration. Le Leutnant Hörst, qui a pris le commandement du Gruppe – la première passe a tué le major Teske – tente de sauver les meubles : « A tous, larguez vos bombes et demi-tour, on rentre ! » Les vignobles bordelais du nord auront cette année un goût de TNT…
Ce sont à présent des combats épars, les Bloch engageant tout ce qui passe à portée de leurs armes, dans le désordre indescriptible des joutes aériennes, jusqu’à épuisement des munitions ou alerte carburant.
Onze bombardiers et trois chasseurs seront comptabilisés comme sûrs, mais six autres He 111 feront des atterrissages forcés un peu partout en France occupée, et parmi les avions qui rejoindront leur base, un Bf 110 et deux Heinkel seront déclarés irrécupérables. Joli score pour une escadrille à l’agonie, Herr Göring, d’autant plus que les dommages subis par le GC II/8 sont minimes, sauf pour le jeunot…
Lors de sa dernière passe, le Sgt Rousselle a entendu un cognement sourd dans son moteur… Touché ? Apparemment non, il ne voit rien et n’a pas entendu d’impact de balle. Mais bientôt les pressions chutent, une légère fumée grise sort des ouvertures, accompagnée de filets d’huile. Quelle qu’en soit la provenance, le bourrin est touché, vite, réduire les gaz et partir au sud vers le terrain en mode finesse max, volets sortis un cran. L’avion s’éloigne du champ de bataille en fumant…
Le ciel se vide soudain – c’est un des paradoxes des combats aériens : après un engagement furieux, où les avions semblent tous devoir se percuter (ce qui arrive parfois, mais reste relativement rare), encombrant le ciel dans un fracas assourdissant de moteurs plein pot, de mitraillages et d’explosions, d’un seul coup c’est le silence… Des corolles de parachute descendent doucement vers le sol, d’où montent ça et là quelques fumées, mais les avions ont tous disparu.
………
Pendant ce temps, dans le calme revenu, Keller revient à son environnement et se rend compte qu’il descend droit vers la Nationale, bien encombrée de véhicules et surtout, à son grand effroi, d’uniformes qui le mettent en joue… Une balle siffle à ses oreilles, une douleur violente à l’épaule, et un cri impératif qui monte du sol : « Halte au feu ! Halte au feu, j’ai dit ! » rugit un capitaine d’infanterie : « Qu’est ce que c’est que ces manières d’abattre un homme en parachute ? Et si c’était un de nos pilotes ? »
– C’est un Boche, je l’ai vu sauter d’un bombardier !
répond un fusilier.
Le capitaine se tourne vers le biffin, les yeux noirs : « T’as une sacrée bonne vue ! Mais de toute manière, un aviateur prisonnier est plus intéressant qu’un Boche mort, il peut causer ! Récupérez-le, vérifiez s’il est armé et amenez-le au poste le plus proche. »
Quand le jeune Allemand prend contact avec le sol français, dans les vignobles (Bon, j’exécute les ordres du Reichsmarshall ! songe Keller), il est rapidement entouré de soldats et lève un bras en signe de reddition – l’autre bras est blessé, ça se confirme… Les fantassins lui ôtent son parachute et son arme de service, le malmènent quelque peu en le conduisant jusqu’à un camion. L’Allemand perd (pas pour tout le monde…) son serre-tête de cuir et son foulard, mais peut grimper dans le véhicule, entouré de gardes à la mine hostile.
………
Là-haut, dans son Bloch en perdition, le sergent Rousselle surveille avec inquiétude ses instruments pour le vol plané, badin, altimètre et vario surtout. Il a mis l’hélice en drapeau, coupé le contact moteur mais gardé le jus pour la radio. Dans son casque, il écoute les conseils de “Deux dents”, indicatif de l’adjudant Marchais, qui est venu l’épauler après avoir épuisé (très efficacement) ses munitions.
– Cadet, tu as coupé le moteur ?
– C’est fait.
– Alors tu dois avoir une durite qui pisse sur l’échappement, parce que tu dégages toujours de la fumée noire du dessous, actionne ton extincteur.

Rousselle s’exécute, mais le contacteur reste bloqué : « Extincteur en rade ! »
– Essaye à nouveau, tu as des flammèches à présent ! Tu as bien coupé l’essence ?

L’essence ! Le manque d’expérience, le fait qu’en école, on ne faisait que simuler la coupure du robinet lors des entraînements de panne… Non, il n’y a pas pensé ! Fébrilement, il cherche la vanne, qui bien sûr regimbe… A’y est ! Mais c’est peine perdue, une canalisation s’est ouverte et alimente le feu. En s’étendant, bien aidé par l’air circulant, celui-ci provoque la rupture des durites d’huile.
– Cadet ! Ton moteur flambe de plus en plus, tu en es où ?
– Essence coupée, mais extincteur toujours en panne !
– Alors, prépare-toi à sauter, déjà que j’étais pas sûr que tu puisses arriver au terrain, mais avec le feu en prime… Et pas question de te poser en vrac, c’est des vignes partout en bas, pas le moindre terrain dégagé.

Marchais a anticipé le souhait du jeune sergent, se vautrer dans un champ. Dans le Bordelais, les pâtures sont rares.
– Cadet, de Devo. Saute, c’est un ordre !
Cette fois, c’est le capitaine qui intervient à la radio. Pas d’alternative : il faut rejoindre ceux du Club de la Chenille…
Verrière larguée, oxygène et radio dégrafés, tirette du parachute engagée, harnais défait, le jeune homme bascule l’avion sur le dos, extrait ses jambes, sort la tête du cockpit puis donne un coup de manche en avant, qui l’éjecte de son cher 152. Un choc, le parachute s’ouvre, tandis que l’avion, désemparé, part en vrille…
En observant sa chute, Rousselle s’en veut : première sortie, et un appareil de perdu ! Le Vieux va lui passer un savon…
………
Justement, sur le terrain de Mérignac, le commandant Ponton d’Amécourt, appuyé sur sa canne, attend avec impatience les retours. Trois avions arrivent dans le circuit, fusée verte – mais avant de se poser, chacun boucle un tonneau lent… Au moins trois victoires, c’est déjà ça, le Vieux sourit et allume sa pipe. Un par un, deux par deux ou trois par trois, les autres appareils reviennent. Sauf deux qui se posent en direct, car endommagés, tous bouclent le tonneau ! Le commandant compte les arrivées jusqu’à 13, et souffle. Un seul de perdu et onze victoires ? Va falloir trouver du champagne, et à Bordeaux, ça ne va pas être facile…
Les Bloch arrivent au parking, moteurs coupés, les pilotes descendent, chaleureusement félicités par leurs équipes, un peu de joie dans ces moments difficiles. Le Vieux fronce les sourcils, c’est le jeune, Rousselle, qui manque à l’appel, l’aurait pas dû l’envoyer au feu si vite… L’adjudant Marchais, l’as du groupe, court vers lui, se doutant de ce qu’il pense : « Rousselle se balance au bout de son parachute, mon commandant, si les biffins ne le prennent pas pour un Boche, ça ira pour lui ! »
Le Commandant sourit alors, et son sourire s’élargit quand “Deux Dents” ajoute : « Même le jeunot a eu sa victoire ! »
………
Le bilan impressionnant du GC II/8 est dû à plusieurs facteurs.
La détection de la formation ennemie à plus de 100 km de son but grâce au radar anglais replié à Bordeaux – elle a permis aux Bloch, piètres grimpeurs, de parvenir à temps à l’altitude de l’ennemi, et même plus haut, permettant ainsi une vraie tactique d’engagement.
La trop grande confiance du commandement de la Luftwaffe – huit Bf 110 étaient très insuffisants pour couvrir les He 111 contre des monomoteurs modernes.
La passe frontale, instaurée par Vaublanc à la vue du déploiement en largeur de la formation ennemie – elle fut d’une meurtrière efficacité, tant par sa puissance de feu qu’en désorganisant le groupe allemand.
Les 20 mm des Bloch, bien adaptés aux bimoteurs allemands – en l’occurrence, ils se montrèrent bien plus efficaces que les 7,62 des Hawk (surtout), mais aussi des Hurricane ou Spitfire, et même plus efficaces que l’unique “moteur-canon” des Morane et Dewoitine.
Plus un brin de chance, et surtout la hargne et l’expérience de la plupart des pilotes du II/8, dont certains venaient de la DAT de Châteauroux.
………
Arrivé au sol, par chance, sans incident, Rousselle, tout comme l’infortuné Keller, se voit mettre en joue par des soldats. Gueulant comme un âne, il déverse une flopée de jurons, dont l’origine ne laisse aucun doute à la soldatesque rampante : « Ah, l’est bin d’cheu nous, çui-là ! » L’accueil est dès lors nettement meilleur et l’on partage topettes et fillettes jusqu’à ce qu’un camion de la prévôté s’arrête. Coïncidence, c’est celui qui emporte le Feldwebel de la Luftwaffe.
Confraternité des aviateurs ? Grisé par sa victoire (et le contenu des topettes), le jeune sergent tempête pour que l’on soigne le blessé au plus vite. Le camion devra faire une halte dans un hôpital de campagne avant d’arriver à Bordeaux.
Quand le cadet franchit la porte du mess de l’escadrille, les libations sont bien entamées ! A sa vue, les hourras fusent. Empoigné par les Anciens, il est porté en triomphe jusqu’au bar, où le commandant, trônant sur une chaise haute de bistrot, sirote un verre de Pomerol bien capé… Inquiet, le cadet rectifie la position : « Sergent Rousselle au rapport, mon commandant ! »
– Rompez, sergent, vous me ferez ça demain, ce soir c’est fête ! Et félicitations pour votre victoire, ça vous vaut d’ailleurs de payer la prochaine tournée !
– Euh, mais j’ai perdu mon avion ?
– Et alors? Vous comptiez garder le même jusqu’à la fin de la guerre ? Vous irez demain à l’usine en face en réclamer un, ils sont contents malgré tout qu’on ait eu aussi peu de dégâts… Et puis, ils ont commencé à prendre l’habitude !… Tout de même, bien pratique…
ajoute-t-il pour lui-même.


2 juillet
Mérignac, 11h00
– C’est un sergent Rousselle tout timide, un papier à la main, qui cherche un Responsable et hésite devant les hangars SNCASO de Mérignac ; l’usine de Bacalan est un peu plus loin et c’est sur l’aéroport que sont effectués les derniers essais avant livraison. A la porte d’un bureau vitré à l’entrée du H1, un homme en costume l’interpelle : « Que cherchez-vous, sergent ? »
Bredouillant, rosissant, tendant son papier signé du Commandant, Rousselle essaye d’expliquer qu’il a besoin d’un appareil, le sien étant tombé après qu’il ait abattu un Boche.
Sourire sarcastique du civil, après lecture du papelard : « Normalement, tous les avions bons de guerre doivent passer par l’EAA-301, qui se charge de vous les délivrer. »
Silence pesant… Puis il reprend : « Mais bon, vu les circonstances et le boulot que vous avez tous fait hier, ça fera un avion de moins à livrer, et comme le temps presse… Vous prendrez le 708 là-bas, il a un peu d’essence, ça ira pour aller à votre parking. Mais d’abord, venez signer la prise en charge ! »
Et c’est fier comme Artaban que le jeune homme arrive sur son aire de dispersion, aux commandes d’un vrombissant MB-155 tout neuf…
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Archibald



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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 14:58    Sujet du message: Répondre en citant

Ah mes Bloch MB-152 du II/8 ! J'avait décrit leurs actions héroïques... il y a presque 10 ans (boudiou ça passe vite !!!)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 16:00    Sujet du message: Répondre en citant

Exact (et ça reste de toute première qualité)…
Mais au début, il manquait un peu de couleurs… 8)
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Archibald



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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 18:07    Sujet du message: Répondre en citant

Aucun souci. j'ai retrouvé le fil de discussion (2008 - pas tout a fait 10 ans quand même !)
http://www.1940lafrancecontinue.org/forum/viewtopic.php?p=4149&sid=eb8a875d517cd3a6275d2fb24beb6a25
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 18:12    Sujet du message: Répondre en citant

Les tactiques d'attaques des flottes de bombardiers allemands auraient pu être transmissent aux buveurs de thé, cela aurait eu un impact de sur la bataille d’Angleterre ?
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 18:24    Sujet du message: Répondre en citant

Les avions anglais manquaient de canons, à époque !
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 18:37    Sujet du message: Répondre en citant

Je comprends bien que le 7,62 est largement faiblard au 20mn mais, s'ils adaptent leurs passes pour mitrailler les verrières des bombardiers, s'ils ne détruisent pas l'avion, ils pourraient largement décapiter les équipages, non ?
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 18:53    Sujet du message: Répondre en citant

En fait, durant la Bataille d'Angleterre, beaucoup de bombardiers allemands sont rentrés à leur base avec plusieurs morts et blessés dans leurs équipages, alors que l'avion était relativement peu touché.
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ViKing



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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 18:58    Sujet du message: Répondre en citant

Viser précisément une verrière, c'est pas si facile !
Je me souviens d'une interview de Clostermann, qui disait de Beurling (je crois) qu'il était l'un des seuls parmi les alliés à pouvoir affirmer qu'il avait délibérément visé tel ou tel organe de l'appareil ennemi.
Bon, en passe frontale, et avec la vitesse moins grande des appareils de 40, c'est sans doute plus facile, mais tout de même !
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ciders



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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 19:36    Sujet du message: Répondre en citant

Ce n'était effectivement pas simple, mais c'était faisable. Il y avait un article dans le dernier Guerres & Histoire qui signalait que les postes les plus exposés aux pertes dans les B-17 étaient les membres d'équipage présents dans le cockpit et dans la tourelle de queue. Comme dit dans la description du combat, le cockpit vitré du He 111 était un véritable piège pour ses occupants, d'autant plus qu'il n'était pas pourvu de blindages et que l'armement frontal du Heinkel était très limité.

De la même manière, la gondole ventrale du He-111 était surnommée Sterbebett par ses occupants, ce qui se traduit à peu près par "lit de mort".
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loic
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MessagePosté le: Jeu Sep 22, 2016 21:51    Sujet du message: Répondre en citant

Bravo pour ce récit !
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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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Hendryk



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MessagePosté le: Ven Sep 23, 2016 06:38    Sujet du message: Répondre en citant

C'est passionnant, bravo!
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GUY2LUZ



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MessagePosté le: Ven Sep 23, 2016 15:51    Sujet du message: Répondre en citant

Un régale à lire. De quoi se remémorer quelques moments de la 1ére campagne de France avant la seconde...

Merci
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JPBWEB



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MessagePosté le: Ven Sep 23, 2016 16:14    Sujet du message: Répondre en citant

Excellent récit !

Quelques details qui mériteraient retouche:

Sieg Heil ! (pas Zieg Heil)
Des personnels de la Luftwaffe salueront le Reichsmarschall militairement. Seuls des civils le salueraient bras levé.
On devrait parler de He-111 plutôt que simplement de Heinkel
Parler de ‘grande verrière vitrée’ est peut-être redondant ?
Je doute qu’un capitaine tutoie un biffin. meme dans le feu de l’action.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Sep 23, 2016 16:45    Sujet du message: Répondre en citant

JPBWEB a écrit:
Sieg Heil ! (pas Zieg Heil)
Des personnels de la Luftwaffe salueront le Reichsmarschall militairement. Seuls des civils le salueraient bras levé.
On devrait parler de He-111 plutôt que simplement de Heinkel
Parler de ‘grande verrière vitrée’ est peut-être redondant ?
Je doute qu’un capitaine tutoie un biffin. meme dans le feu de l’action.


1) Sieg : désolé, je l'ai loupé !
2) Réécriture :
Acclamations, saluts, claquements de talons, et même quelques bras levés spontanément… ou opportunément.
(tenons compte de l'existence parmi les aviateurs de nazis convaincus)
3) Le plus souvent, ne parlent de "Heinkel" tout court que des Français, pour qui il n'y a de Heinkel que les 111. Pour le reste, je corrige.
4) Oups.
5) Oui, sans doute.
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Casus Frankie

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