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Andrew



Inscrit le: 06 Juil 2015
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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 11:58    Sujet du message: Répondre en citant

Concernant le mariage de Napoléon 1er avec Marie-Louise d'Autriche,n'y avait-il pas eu aussi un projet avec la Grande-Duchesse de Russie,la sœur du Tsar Alexandre 1er?
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Urbain Mukanga



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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 12:06    Sujet du message: Répondre en citant

C'était quand même dur pour Napoléon 1er que de dominer l'Europe alors que celle-ci était toute entière contre lui ou presque sans compter sa politique de domination sans partage qui n'a fait qu'exacerber les choses,il aurait fallu qu'il fasse une autre politique pour espérer obtenir véritablement quelque chose, à mon avis.
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Olivier



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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 13:59    Sujet du message: Répondre en citant

Andrew a écrit:
Concernant le mariage de Napoléon 1er avec Marie-Louise d'Autriche,n'y avait-il pas eu aussi un projet avec la Grande-Duchesse de Russie,la sœur du Tsar Alexandre 1er?


Si c'était le premier choix de Napoléon mais le Tsar Alexandre mit tout en oeuvre pour que ce mariage n'ait pas lieu.
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Olivier

"Le problème des citations sur facebook, c'est qu'on ne sait jamais si elles sont vraies..." (Napoléon Bonaparte)
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Andrew



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Messages: 826
Localisation: Hartford (Connecticut-USA)

MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 14:14    Sujet du message: Répondre en citant

J'avais aussi lu que le ministre Talleyrand a conseillé un mariage avec une princesse allemande (de la Bavière je crois) qui aurait consolidé les principautés allemandes favorables à la France,notamment celles de la Confédération du Rhin. Quelqu'un en sait-il plus sur cette histoire?
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Collectionneur



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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 14:49    Sujet du message: Répondre en citant

Augusta-Amélie de Bavière à épousé Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie et fils adoptif de Napoléon Ier, le 14 janvier 1806 Very Happy

https://fr.wikipedia.org/wiki/Augusta-Am%C3%A9lie_de_Bavi%C3%A8re

https://en.wikipedia.org/wiki/Princess_Augusta_of_Bavaria

Si Eugène meurt jeune, ses 6 enfants survivants ont eu des ''beaux mariages'' à travers l'Europe.
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 15:12    Sujet du message: Répondre en citant

M'enfin il n'y avait aps besoin d'une union matrimoniale pour avoir la Bavière dans son escarcelle. Maximilien a eu sa couronne grace à Napoléon.
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gaullien



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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 16:33    Sujet du message: Répondre en citant

zemmour dans mélancolie français dit que l'erreur de napoléon était de ne pas avoir abattue les Habsbourg (empire autriche) et Hohenzollen (prusse)
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 17:33    Sujet du message: Répondre en citant

La Prusse oui. Je suis moins sur pour l'Autriche.

La Prusse a toujours manœuvré pour pour avoir une cohésion territoriale dans un premier temps puis pour s'agrandir dans un deuxième temps. Elle a su se reformer pour monter une administration militaire efficace puis elle a reçut l'aide de Louis XIV avec la révocation de l'édit de Nantes qui lui a apporté une émigration huguenote composé de marchands et d'artisans, qui ont formé sa base économique pour soutenir son importante armée (comparativement à sa population globale).

Pour l'Autriche pourquoi je suis plus dubitatif ? Simplement historiquement les faits ont montré qu'il s'agissait d'un empire aux pieds d'argiles constitués d'une multitude de peuples et de religions. Entre les autrichiens, les hongrois, les magyars, serbes, croates puis entre catholiques, protestants et orthodoxes etc... Qui aspirent tous à plus d'autonomie ou d'égalité de traitement.
Le XIXe n'a pas été exempt de mouvements nationalistes qui ont menacé l'unité de l'empire. Sans compter la pression extérieure de l'empire ottoman ou bien russe.
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solarien



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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2016 23:19    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, l'empire autrichien s'est fait sur une longue période, plus de 200 ans et souvent par la diplomatie ( du moins dans la partie chrétienne) alors que la Prusse a conquis sont territoire en moins de 50 ans et par la force, la menace, la tricherie.

par contre, les magyars et les hongrois c'est la même chose, un même peuple, un même pays.
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Jeu Mai 26, 2016 00:26    Sujet du message: Répondre en citant

Exact, j'ai confondu avec les bohémiens et les moraves.
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gaullien



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MessagePosté le: Lun Mai 30, 2016 18:30    Sujet du message: Répondre en citant

donc est ce que ce serait plutôt l'exécution du duc d'enghien qui aurait affaiblit, souillé Napoléon ? lui qui voulait réconcilié tous les français, toute l'histoire du pays ?
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solarien



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MessagePosté le: Lun Mai 30, 2016 19:53    Sujet du message: Répondre en citant

Pas que l'execution, sa capture est aussi responsable d'une perte de confiance de la part des pays voisin.

Envahir un pays pour capturer un ressortissant et ensuite le jugé et l'executer, c'est montrer au autre pays que la seul loi, la seule parole qui compte, c'est celle de Napoléon.

Ensuite, cette execution est un complot ourdi par Talleyrand, Fouchet et surement d'autre pour mettre du sang sur les mains de Napoléon.
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gaullien



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MessagePosté le: Lun Mai 30, 2016 20:11    Sujet du message: Répondre en citant

solarien a écrit:
Pas que l'execution, sa capture est aussi responsable d'une perte de confiance de la part des pays voisin.

Envahir un pays pour capturer un ressortissant et ensuite le jugé et l'executer, c'est montrer au autre pays que la seul loi, la seule parole qui compte, c'est celle de Napoléon.

Ensuite, cette execution est un complot ourdi par Talleyrand, Fouchet et surement d'autre pour mettre du sang sur les mains de Napoléon.


surtout du général savary


II – Le témoignage irréfragable des faits :



Ce témoignage passe par l’analyse rigoureuse du déroulement de l’affaire qui doit nous permettre de donner une réponse claire à trois questions simples dictées par la logique :

- La situation du duc d’Enghien justifiait-elle son enlèvement outre-Rhin et sa traduction devant une cour martiale ?

- Son procès a-t-il été régulier et la sentence juste ?

- Son exécution précipitée a-t-elle respecté les règles du Droit ?

Nous répondrons OUI aux deux premières interrogations et NON à la troisième, mais sans que Napoléon n’en porte la responsabilité.



Légitimité de l’arrestation et de l’inculpation.

L’affaire du duc d’Enghien se greffe sur le complot Cadoudal-Moreau-Pichegru auquel il convient d’abord de se référer.




Georges Cadoudal


Général Pichegru


Général Moreau


A l’avènement du Consulat, la haineuse opposition royaliste au Premier Consul se déchaîne sauvagement, n’hésitant pas à recourir au terrorisme aveugle. Dès le 24 décembre 1800, Napoléon échappe par miracle au monstrueux attentat de la rue Saint-Nicaise. En dépit de la réprobation générale, les royalistes ne vont pas renoncer à l’élimination physique du Premier Consul. A cet effet, le Premier Ministre anglais Pitt inspire et soutient les projets homicides du comte d’Artois, frère cadet de feu Louis XVI, émigré à Londres avec son fils, le duc de Berry, et une cohorte de royalistes sans scrupules. Les autres hiérarques de la royauté en exil ne s’y opposent pas.

Avant même la rupture de la paix d’Amiens en mai 1803, se noue à Londres une nouvelle conjuration à l’envergure sans précédent. Cadoudal en est le maître d’œuvre avec la complicité au moins tacite des généraux Moreau et Pichegru. L’objectif est encore d’éliminer Napoléon pour restaurer la monarchie en France.

Mis sur la piste de la conspiration depuis l’été 1802, le chef de la police politique Desmarets arrête à la fin de l’année 1803 deux comparses de Cadoudal, les dénommés Querelle et Sol de Grisolle. Trois complices royalistes de second ordre font partie du coup de filet.

Le 13 janvier 1804, le conseiller d’Etat en charge de la police Real apprend l’arrivée de Pichegru à Paris, à l’appel de Cadoudal qui serait déjà dans la capitale. Pensant s’éviter la peine de mort, Querelle déballe tout ce qu’il sait. Il confirme notamment la présence à Paris de Cadoudal et Pichegru qui entretiennent une relation avec Moreau.

On apprend que Cadoudal a débarqué en Normandie le 20 août 1803, au pied des falaises de Biville. A partir de là, s’est mise à fonctionner une filière logistique acheminant les moyens et les hommes de main chargés de supprimer Napoléon. La méthode a changé. La boucherie de la rue Saint-Nicaise s’est révélée contre performante pour l’image de marque du royalisme. Cette fois-ci on n’envisage rien de moins que d’enlever le Premier Consul sur le trajet Tuileries – Malmaison ou Saint Cloud. Un gros détachement de sicaires armés jusqu’aux dents doit attaquer l’escorte du Premier Consul et s’emparer de lui mort ou vif.

Ainsi, pendant cinq mois, la police, pourtant réputée pour son efficacité, n’a pas éventé la présence de Cadoudal à Paris. Napoléon ne doit la vie qu’aux longs délais nécessaires à la préparation de cette véritable opération de guerre.

Etait-il déplacé alors d’employer tous les moyens nécessaires pour mettre un terme à cette entreprise terroriste de déstabilisation des institutions et faire subir à ses auteurs les rigueurs de la loi ?

Le 29 janvier, Real reçoit la direction de l’opération sous le contrôle judiciaire du Grand Juge Régnier. Murat, gouverneur militaire de Paris depuis le 15 janvier, et Savary, commandant de la gendarmerie d’élite, doivent lui apporter leur plein concours. Paris est décrété en état de siège.

La situation évolue vite. Real appréhende deux individus importants : un certain Picot, domestique de Cadoudal, et surtout Bouvet de Lozier, ancien adjudant général de l’armée des princes, qui avait combattu la France aux heures chaudes de la Révolution. Pour l’heure, Lozier est le bras droit de Cadoudal.


Bouvet de Lozier

Il ne se fait guère prier pour dévoiler tout le complot. Il confirme en tous points les révélations de Querelle et apporte des précisions sur les relations entre Cadoudal, Moreau et Pichegru. Fort heureusement pour Napoléon et la France, ils n’ont pu parvenir à un accord. Moreau voulait bien consentir à l’élimination du Premier Consul, mais à condition de lui succéder. Partisan fanatique d’une Restauration royaliste, le sanguin Cadoudal se fâche et lui jette avec mépris qu’il lui préférait encore Napoléon ! La rupture consommée, Cadoudal poursuit seul l’aventure, avec la complicité devenue tacite de Moreau et Pichegru.

La police consulaire continue à travailler vite et bien. Dans la nuit du 26 au 27 février 1804, elle procède à l’arrestation très mouvementée de Pichegru, des frères Armand et Jules de Polignac, et de Ribière, personnages hauts placés du royalisme militant. Quelques comparses de moindre importance font partie de la prise.

Les aveux de ce beau monde apportent un élément nouveau et déterminant : un « jeune prince », soit disant inconnu d’eux, fait partie de la conspiration . Il doit « rallier » le pays après l’assassinat du Premier Consul, avec pour objectif une Restauration royaliste.

Ici se noue l’affaire du duc d’Enghien.

Le scénario du complot lui étant désormais connu, le Premier Consul prescrit au gouvernement de prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour mettre Cadoudal hors d’état de nuire et identifier le fameux jeune prince.

Le nom du duc d’Enghien apparaît vite dans un rapport de police. Il possède toutes les qualités de l’emploi : il est prince, il est jeune (32 ans) et surtout il a un passé chargé. En exil dès 1789, il n’a cessé depuis de combattre la France les armes à la main, d’abord dans l’armée des émigrés commandée par son grand-père Condé, puis, après la piteuse dispersion de cette dernière, dans l’armée autrichienne. Il s’était notamment distingué dans l’affaire de Belheim, à l’attaque des lignes de Wissembourg, à la prise du village de Bertheim, à la défense du fort de Kehl, à Biberach contre Moreau. Il avait avec succès couvert la retraite de l’armée autrichienne. Il figure depuis longtemps sur la liste des traîtres à son pays. Pour peu qu’il tombe entre les mains de la justice, son sort ne souffre aucun doute. Il encourt déjà la peine capitale pour haute trahison, conformément aux lois en vigueur.

Depuis deux ans, il vit à Ettenheim, à quelques kilomètres au-delà du Rhin en pays de Bade. Il partage son temps entre l’amour passionné qu’il voue à sa fiancée Charlotte de Rohan-Rochefort et surtout l’activisme débridé qu’il déploie dans le milieu agité des émigrés de la région d’Offenbourg.




Le Duc d’Enghien




Charlotte de Rohan-Rochefort,
fiancée du Duc d’enghien

Les renseignements de police précisent que lorsqu’il se rend à Strasbourg il tente d’y débaucher des soldats. Il tenterait d’organiser une filière de désertion. Une autre information ajoute qu’il se serait rendu une fois en secret à Paris pour y rencontrer des personnalités non identifiées.

Le moins que l’on puisse dire est que l’enquête ne s’oriente guère dans le sens d’une présomption d’innocence à son égard !

Peut-on alors de bonne foi reprocher à Napoléon d’en avoir le cœur net ? Dans une réunion du cabinet, ses ministres unanimes l’exhortent à se montrer de la plus grande fermeté. Talleyrand et Fouché se montrent les plus déterminés à prôner une arrestation du duc.

Le général Moncey reçoit la mission de poursuivre activement les investigations. Il dépêche sur place le maréchal des logis Lamothe, de la Gendarmerie Nationale. A l’issue de son enquête sur le terrain, Lamothe fait parvenir son rapport au Premier Consul le 10 mars.

Entre temps, pour mémoire, Moreau écrit une lettre à Napoléon le 8 mars, reconnaissant ses contacts avec les conspirateurs, mais affirmant qu’il avait repoussé leurs propositions. Cadoudal quant à lui, est arrêté le 9 mars dans le quartier de l’Odéon après une sanglante échauffourée. Arrogant, il proclame son intention d’assassiner le Premier Consul. Il confirme la participation d’un prince dont il prétend ignorer l’identité. Il attendait son arrivée à Paris pour agir. Arrêté en même temps que lui, son cocher Léridant corrobore les aveux de son maître.

Il est évident qu’au niveau qui est le sien, Cadoudal doit connaître le «jeune prince» attendu. Napoléon rejette avec horreur l’emploi de la torture que d’aucuns lui suggèrent pour le faire parler. Il préfère ne s’en remettre qu’aux moyens normaux de l’investigation policière. A sa place, un authentique tyran sanguinaire n’aurait pas hésité un seul instant à employer la méthode barbare mais efficace du supplice…

Le rapport Lamothe renforce les soupçons de culpabilité du duc. A Ettenheim doivent se trouver auprès de lui le général félon Dumouriez et un certain Smith, probablement le célèbre comploteur britannique. Le duc se rend souvent à Strasbourg et à Offenbourg. Il y rencontre tout ce que la région compte de royalistes exaltés. Le soupçon d’implication du duc se renforce au fil des renseignements qui affluent. Tout le désigne désormais comme le très probable «jeune prince» attendu.

Il n’y a plus une minute à perdre pour s’en assurer. Au cours d’une nouvelle réunion, le cabinet prend à l’unanimité la décision d’arrestation du duc et de sa traduction en justice. Une fois encore Talleyrand et Fouché se montrent les plus impatients.


Talleyrand


Fouché

Qu’y a-t-il d’illégitime dans cette mesure ? Voilà un gouvernement sur le point d’être renversé par la violence et son chef assassiné. Tout un faisceau d’indices concordants aboutissent à un prince, âme présumée de la plus importante conjuration qu’ait connu la France. Après la mise hors d’état de nuire des exécutants, fallait-il laisser échapper la tête du complot et lui permettre de recommencer un peu plus tard ? Vraiment, il eût été irresponsable de la part de n’importe quel gouvernement d’en rester là !

Notons que l’arrestation et la traduction en justice innocentent implicitement Napoléon d’assassinat sommaire. S’il n’avait été animé que par la volonté de faire couler le sang d’un Bourbon, il lui eût été bien plus facile de faire appel à des tueurs à gages qui s’en seraient chargés discrètement sans le moindre risque de bavure.

L’arrestation doit résoudre un délicat problème de droit international. On a le choix entre deux solutions : la demande d’extradition adressée en bonne et due forme au margrave de Bade, ou l’enlèvement de vive force par surprise. On renonce vite à la première méthode, manifestement inopérante. Longue et indiscrète, elle donnerait au suspect tout le temps de prendre la poudre d’escampette. De surcroît, elle plongerait le margrave dans le plus profond des embarras, certain de s’attirer l’hostilité de l’une ou l’autre des parties. On en a eu d’ailleurs la confirmation après coup, à la lecture de sa très timide réponse à la lettre d’excuses du gouvernement. On l’aurait même entendu pousser un profond soupir de soulagement…

Le gouvernement doit donc se rabattre sur l’enlèvement de vive force. Les objections ne manquent pas à ce qui ressemble à l’agression d’un pays étranger. N’ayant pas le choix, Napoléon prend la responsabilité de passer outre, avec l’approbation de ses grands subordonnés.

Le concept d’inviolabilité des frontières n’avait pas à l’époque l’importance d’aujourd’hui. Les violations étaient assez fréquentes. En son Conseil, Napoléon justifie sa décision en se fondant sur l’esprit et non la lettre des conventions en vigueur : «L’inviolabilité du territoire n’a pas été imaginée dans l’intérêt des coupables, mais seulement dans celui de l’indépendance des peuples et de la dignité du prince souverain». En d’autres termes, cela s’appelle « droit de suite »…

Il est important de souligner, d’ailleurs, que le duc et ses amis n’étaient tolérés à Ettenheim par le margrave qu’à condition de « ne pas conspirer contre le gouvernement français, ami et allié ». Ils devaient observer une « conduite tranquille et sage », engagement qu’ils n’ont manifestement pas respecté.

Pour réduire au maximum le retentissement international, l’expédition prendra la forme d’un coup de main de va et vient de très courte durée, sans provoquer le moindre dommage collatéral au pays. Pour s’en assurer, Napoléon monte lui-même en détails le plan d’opérations.

Le 10 mars, placé à la tête d’un gros détachement militaire d’un millier d’hommes, le général Ordener reçoit l’ordre de «se porter sur Ettenheim, cerner la ville, y enlever le duc d’Enghien, Dumouriez, un colonel anglais et tout individu qui serait de leur suite».

Malgré la discrétion observée, l’entourage du duc soupçonne l’imminence d’un danger. De tous côtés, lui parviennent des conseils de s’éloigner d’Ettenheim. Mais toujours téméraire, il n’en tient aucun compte, comme s’il voulait sceller lui-même son fatal destin.

Dans la nuit du 14 au 15 mars, le détachement de gendarmerie du commandant Charlot procède à l’arrestation du duc sans la moindre effusion de sang. La surprise n’a que partiellement joué, mais le duc et sa suite, bien que l’arme à la main, n’opposent aucune résistance, au grand étonnement de Charlot.

Ce ne sont pas Dumouriez et Smith que trouve Charlot à Ettenheim, mais le marquis de Thumery et un certain lieutenant Schmidt. Le maréchal des logis Lamothe a été induit en erreur par la prononciation des patronymes à l’allemande. Cela ne change rien de fondamental à l’affaire. C’est essentiellement du duc qu’il s’agit, et ce dernier est bien entre les mains de la gendarmerie, ainsi que ses papiers très compromettants qu’il n’a pas eu le temps de faire disparaître. Il est aussitôt dirigé sur Paris sous bonne escorte de Charlot.

En cours de route, le duc se montre disert avec son gardien. Retrouvant sa superbe naturelle, il se confie imprudemment. Il est étonné que l’on ait cru Dumouriez auprès de lui mais déclare « qu’il était cependant possible qu’il eut été chargé de lui apporter des instructions d’Angleterre » .

Cet aveu renforce le soupçon que le duc et le « jeune prince » attendu ne font qu’un. Se rendant compte de son énorme bévue, il s’empresse d’ajouter pour la faire oublier « qu’il estime Bonaparte comme un grand homme ». Mais son orgueil reprend aussitôt le dessus lorsqu’il poursuit «qu’étant prince de la famille des Bourbons, il lui a voué une haine implacable ainsi qu’aux Français, auxquels il ferait la guerre dans toutes les occasions». Avant même de passer devant un tribunal, le duc prépare lui-même sa condamnation à mort…

Lorsque Charlot lui demande pourquoi il s’est rendu sans résistance, il montre une certaine gêne et répond « qu’il se repend de n’avoir pas tiré sur lui, ce qui aurait décidé de son sort les armes à la main ».

Au passage, un constat s’impose ici. Sans la moindre décence, le duc crache sa haine pour le peuple de son pays. En digne représentant des Bourbons, il fournit ainsi la raison profonde de leur déchéance. En perdant l’amour pour leur peuple, vertu cardinale de leurs ancêtres, les derniers Bourbons se sont perdus eux-mêmes. Rois de France, ils ont oublié de rester rois des Français…

Les papiers saisis à Ettenheim parviennent entre les mains de Napoléon le 19 mars. Ils confirment, s’il en était besoin, la compromission du duc pour intelligence avec l’ennemi. On y découvre, en effet, qu’il est pensionné du cabinet anglais et qu’il anime tout un réseau anti-républicain aux nombreuses ramifications.

Dans une correspondance adressée à Sir Charles Stuart, il offre servilement ses services aux ennemis héréditaires de son pays, faisant se retourner tous les capétiens dans leur tombe. On y lit : «Le duc d’Enghien sollicite des bontés de sa Majesté britannique la grâce de jeter les yeux sur lui pour l’employer n’importe comment contre ses implacables ennemis, en daignant lui confier le commandement de quelques troupes auxiliaires (…) ». Les « implacables ennemis » du duc sont les Français. Après cet aveu accablant, peut-on encore douter de sa culpabilité d’intelligence avec l’ennemi et de trahison, même si la preuve n’est pas apportée qu’il incarne le « jeune prince » attendu ?


Sir Charles II Stuart



Des lettres récentes à son grand-père Condé lui conseillant la prudence, confirment son activisme effréné et nourrissent un peu plus la suspicion qu’il est le « jeune prince » attendu : « En ce moment, où l’ordre du Conseil privé de Sa Majesté britannique enjoint aux émigrés retraités de se rendre sur les bords du Rhin, je ne saurais, quoi qu’il puisse m’arriver, m’éloigner de ces dignes et loyaux serviteurs de la monarchie ». Notons au passage l’allusion claire à l’implication de Londres dans la conspiration en cours.

D’autres lettres à son grand-père renforcent les soupçons de sa participation au complot Cadoudal. L’une d’entre elles est particulièrement compromettante : « (…) Je désire rester rapproché des frontières car, comme je le disais tout à l’heure, la mort d’un homme peut amener, au point où en sont les choses, un changement total (…) ». L’homme dont on attend la mort n’est-il pas Napoléon et le « changement total» le renversement du régime ? Dans la moins grave des hypothèses, le duc est au moins complice d’un assassinat en préparation…

Avant de passer au procès, nous pouvons affirmer sans l’ombre d’un doute que le duc est coupable d’intelligence avec l’ennemi et de trahison. S’il n’a pas reconnu être le prince attendu, il n’en a pas moins avoué sa complicité dans le complot. Son arrestation et sa traduction devant la justice sont on ne peut plus légitimes. L’intrusion non autorisée en pays de Bade ne représente qu’une vétille au regard de la gravité de l’affaire.

Régularité du procès et de la sentence prononcée.

L’illustre prisonnier arrive au château de Vincennes dans la soirée du 20 mars. Dans l’après-midi, le Premier Consul a réuni de nouveau son Conseil aux Tuileries en vue d’arrêter la décision de mise en jugement. En toute légalité et sans aucune objection juridique émanant du Conseil, le texte suivant a été adopté : « Sur le compte-rendu du Grand Juge, Ministre de la Justice, de l’exécution des ordres donnés par le gouvernement le 16 de ce mois relativement aux conspirateurs qui s’étaient réunis dans l’électorat de Bade, le gouvernement arrête que le ci-devant duc d’Enghien , prévenu d’avoir porté les armes contre la République, d’avoir été et être encore à la solde de l’Angleterre, de faire partie des complots tramés par cette dernière puissance contre la sûreté intérieure et extérieure de la République, sera traduit devant une Commission Militaire composéede sept membres, nommés par le Gouverneur Militaire de Paris, et qui se réunira à Vincennes » .

Les Commissions Militaires n’étaient pas des tribunaux d’exception. Elles avaient été instituées par la Convention. Le Premier Consul en avait adouci la rigueur. Elles étaient assez souvent saisies. En 1803-1804 elles le furent près de cinquante fois.

Gouverneur militaire de Paris, Murat dispose de très peu de temps pour composer la Commission. Il fait son choix un peu au hasard parmi les


Murat

officiers de la garnison de Paris. Le général Hulin, Commandant des Grenadiers de la Garde, est nommé à la présidence. Murat lui communique l’injonction verbale de Napoléon, transmise par Savary, chef de la gendarmerie d’élite, de «juger sans désemparer et en finir dans la nuit», c'est-à-dire siéger sans interruption jusqu’à la sentence. Notons bien l’expression «juger sans désemparer et en finir dans la nuit» car elle prendra une grande importance par la suite.

Six colonels commandants de régiments, un capitaine rapporteur et un greffier complètent la Commission. Les six colonels sont : Guiton (1 er régiment de cuirassiers), Bazancourt (4 ème régiment d’infanterie légère), Ravier (18 ème régiment de ligne), Barrois (96 ème régiment de ligne), Rabbe (2 ème régiment de la Garde de Paris). Le capitaine rapporteur se nomme Dautancourt. Rien dans leur curriculum vitae ne permet de douter de leur impartialité, comme le confirmera le déroulement du procès.

Savary est chargé ès qualité de la sécurité des lieux. A ce titre, il s’impose de lui-même comme observateur tout puissant du procès. Rien en droit ne s’oppose à sa présence, le huis clos n’étant pas décrété. D’ailleurs, d’autres officiers présents observent de plus loin.

La Commission reçoit le dossier d’instruction vers vingt deux heures. Il contient l’arrêté du gouvernement précité donnant sa mission à la Commission, l’ordre de Murat précisant la composition de cette dernière, le rapport de synthèse rédigé par Real, et des pièces à conviction constituées par les papiers compromettants du duc saisis à Ettenheim.

Le prévenu est aussitôt soumis à l’interrogatoire serré du capitaine rapporteur. A aucun moment le duc ne sollicite l’assistance d’un défenseur qu’il sait avoir le droit d’exiger. Dautancourt prend son temps pour ne rien laisser dans l’ombre. De son interrogatoire, il ressort en substance que le duc nie farouchement toute participation à la conjuration Cadoudal . Mais il reconnaît sans difficulté, et même avec une certaine délectation, son lourd passé de combattant contre l’armée française. Il affirme avec impertinence sa volonté de réitérer à la moindre occasion. Il affiche sa totale allégeance à l’Angleterre en guerre contre la France. Il confirme sa haineuse hostilité pour « Bonaparte » qu’il ne peut s’empêcher d’admirer par ailleurs.
Avant la signature du procès verbal d’interrogatoire, il tient à y ajouter de sa main cette demande en grâce déguisée : « Je fais avec insistance la demande d’avoir une audience particulière avec le Premier Consul. Mon nom, mon rang, ma façon de penser et l’horreur de ma situation me font espérer qu’il ne refusera pas ma demande ». Cette requête est parfaitement légitime.

Le prévenu est introduit en salle d’audience vers minuit et demi par Dautancourt. Savary se tient dans un coin de la salle, très attentif.

Face à ses juges qui le scrutent intensément, le duc conserve son attitude hautaine. Le colonel Ravier demande immédiatement la parole : Mon général, déclare-t-il, je tiens à faire observer que nous ne remplissons pas les conditions exigées par la Loi : aucun témoin n’a été cité, l’accusé n’a pas été pourvu d’un défenseur. Je me demande si dans ces conditions, nous avons le droit de siéger. » A cette question capitale, le président apporte une réponse précise : « Nous ne sommes pas constitués en Conseil de Guerre mais en Commission Militaire, juridiction spéciale instituée par la Convention en l’An III, disposant d’un pouvoir discrétionnaire, et jugeant sans appel. Le prévenu n’a pas sollicité de défenseur. » La Commission siège donc en toute légalité.

Après cette mise au point, l’officier rapporteur procède à la lecture du procès-verbal d’interrogatoire. Il termine par la demande d’audience du duc au Premier Consul. Le colonel Barrois demande alors la parole : « Je crois de notre devoir, déclare-t-il, de transmettre cette supplique au général Bonaparte. Cela ne nous empêchera pas de siéger entre temps. En moins de quatre heures, un cavalier bien monté peut porter un message à la Malmaison et nous rapporter la réponse. » Savary bondit jusqu’au fauteuil du président et lance d’un ton péremptoire : « Cette demande est inopportune ! » De quoi se mêle-t-il ?



Manifestant courageusement son indépendance, la Commission passe outre et décide de réexaminer la question en fin d’audience.

Aux questions du général Hulin qui s’appuie sur le contenu du procès verbal d’interrogatoire, le duc répond sans détours. Il confirme son lourd passé de guerrier contre l’armée française. Il ne peut nier son inféodation rétribuée à l’Angleterre, ennemie de son pays. Il persiste à renouveler ses aveux accablants avec une provocante satisfaction.

Des membres de la Commission tentent en vain de lui tendre des perches en vue de déceler quelque hypothétique circonstance atténuante. C’est peine perdue, il s’enferre au contraire : « (…) Un Condé ne peut jamais rentrer en France que les armes à la main. Ma naissance, mon opinion, me rendent à jamais l’ennemi de votre gouvernement ». Cette bravade ne manque pas de panache, mais elle signe déjà la condamnation à mort de son auteur par lui-même...

Et ce n’est pas fini ! Concernant la question cruciale de sa participation à la conjuration Cadoudal, il renouvelle avec vigueur ses dénégations précédentes, estimant le procédé indigne de lui. Mais, poussé dans ses derniers retranchements par le général Hulin, il finit par lâcher ce demi aveu qui achève de le perdre : « Mon intention n’était pas d’y rester indifférent. J’avais demandé à l’Angleterre du service dans son armée et elle m’avait fait répondre qu’elle ne pouvait m’en donner, mais que j’eusse à rester sur le Rhin, où j’aurais incessamment un rôle à jouer, et j’attendais. Monsieur, je n’ai plus rien à vous dire ! »

Le duc aurait-il été à son insu le « jeune prince » attendu par les conjurés ? Après coup, on a pu établir qu’il s’agissait du duc de Berry, ce qui n’exclut pas que le duc d’Enghien pouvait être également attendu à titre complémentaire. De toutes façons, la question était devenue accessoire.

Les débats achevés, le duc est reconduit jusqu’à sa cellule dans l’attente du verdict. La délibération de la Commission dure moins de deux heures. Jamais tribunal n’a eu à juger affaire aussi simple. Le prévenu lui-même a moralement déjà signé sa condamnation. De surcroît, son attitude provocante n’encourage guère les juges à la clémence. La sentence de mort est inéluctable. Elle est prononcée à l’unanimité de la Commission. Le duc d’Enghien est reconnu coupable :

« 1 – d’avoir porté les armes contre la République Française .

2 – d’avoir offert ses services au gouvernement anglais ennemi de la France.

3 - d’avoir reçu et accrédité auprès de lui des agents du gouvernement anglais, de lui avoir procuré des moyens de pratiquer des intelligences en France et d’avoir conspiré avec eux contre la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat.

4 – de s’être mis à la tête d’un rassemblement d’émigrés et autres, soldé par l’Angleterre, sur les frontières de la France dans les pays de Fribourg et de Bade.

5 – d’avoir pratiqué des intelligences dans la place de Strasbourg, tendant à faire soulever les départements circonvoisins pour y opérer une diversion favorable à l’Angleterre.

6 – d’être l’un des fauteurs et des complices de la conspiration tramée par les anglais contre la vie du Premier Consul, et devant en cas de succès de cette conspiration, entraîner l’envahissement de la France ».

Observons bien que tous ces motifs correspondent en tous points aux faits constatés et aux aveux du prévenu. Notons aussi qu’il n’est pas reconnu comme le « jeune prince attendu », mais seulement le complice du complot Cadoudal. De toutes façons, la question était devenue superfétatoire au regard des autres charges…

On a beaucoup glosé sur la sévérité de la sentence, probablement parce qu’elle frappait un prince du sang. Juridiquement ce verdict est inattaquable. Pour les crimes d’intelligence avec l’ennemi et de trahison, ici clairement établis et même revendiqués, les lois du 28 mars 1793 et du 26 brumaire an III ne prévoient que la peine capitale pour chacun de ces chefs d’inculpation . La Justice doit être la même pour tous sans aucune discrimination. Une position sociale élevée constitue plutôt une circonstance aggravante ! « Dura lex, sed lex. ». Le jury n’avait pas d’autre choix. Napoléon lui-même n’eût pu épargner au duc la peine de mort. Il ne lui restait plus que le droit de grâce…

On a également attaqué le jugement sur une lacune de rédaction. La Commission connaissait les lois qu’elle appliquait mais non leurs dates précises. Elle a dû les laisser provisoirement en blanc. Cette imperfection mineure ne change absolument rien au fond.

La rédaction du jugement donne lieu à un incident fâcheux. A la demande du greffier, une première mouture déjà signée par tous les membres de la Commission doit être annulée pour anomalies dans la forme. On s’attelle immédiatement à une seconde rédaction sans prendre soin de détruire la première, restée dans les papiers personnels du président Hulin. Nous verrons plus loin l’usage malhonnête que certains en feront pour discréditer la procédure judiciaire.



Nous venons de faire litière des injustes reproches généralement faits à la procédure judiciaire suivie. Jusqu’ici tout s’est déroulé selon les règles établies, à l’exclusion du dernier acte. Un impardonnable abus de pouvoir, commis par Savary, va entacher gravement l’exécution de la sentence.



L’odieuse bavure de l’exécution.

Le jugement rendu, le général Hulin s’emploie immédiatement à donner la suite prévue à la demande d’audience au Premier Consul. Savary s’interpose de nouveau :

- « Que faites-vous là ? » demande-t-il sèchement au général.

- « J’écris au Premier Consul pour lui exprimer le vœu de la Commission et celui du condamné ».

- « Votre affaire est finie, rétorque-t-il avec véhémence, lui arrachant la plume de la main. Maintenant cela me regarde ! »




Le général Savary

Si on en croit ses « Explications offertes aux hommes impartiaux » (1823), le général Hulin prétend comprendre alors que « cela le regardait d’avertir le Premier Consul » et n’insiste donc pas. C’est une explication mais non une justification. Dans une circonstance aussi grave, jamais le président de la Commission n’aurait dû se décharger sur personne de son devoir. Un inconsolable remords devait miner le reste de son existence. On a voulu faire porter le chapeau de l’exécution précipitée au général Hulin. Il s’en défend sur son honneur dans le document précité : «Je veux éloigner de moi et de mes collègues, l’idée que nous avons agi comme des hommes de parti. (…) Oui , je jure au nom de tous mes collègues, cette exécution ne fut point autorisée par nous. (…) La seconde rédaction du jugement, la vraie, ne portait pas l’ordre « d’exécuter » tout de suite, mais seulement de « lire » tout de suite le jugement au condamné. (…) L’ordre d’exécution ne pouvait être régulièrement donné que par une autorité supérieure. (…) Nous ignorons si celui qui a si cruellement précipité cette exécution funeste avait des ordres. S’il n’en avait point, lui seul est responsable.» Il s’agit bien entendu de Savary.

On peut accorder foi aux justifications du général Hulin. Seul Savary porte la responsabilité du viol flagrant de la Loi qui accorde au condamné à mort le droit d’un recours en grâce.

En cette fin de nuit du 21 mars 1804, Savary ne perd pas une seconde pour ne donner à quiconque le temps de contrecarrer son noir dessein. Il ordonne au gouverneur de Vincennes le transfert immédiat du condamné dans les fossés du château, où va se dérouler une atroce tragédie, bouleversante et surréaliste, qui n’a pas peu apporté à la notoriété de l’affaire.

En parvenant dans les fossés, le duc comprend qu’il est perdu. A la lueur des lanternes, il aperçoit sous une pluie fine un peloton de gendarmes alignés, l’arme au pied. Un sous-officier s’avance vers lui un falot à la main et lit à haute voix le jugement.

Restant maître de lui, le duc demande alors si quelqu’un peut lui prêter une paire de ciseaux. Un gendarme satisfait à cette requête insolite. Le duc coupe une mèche de ses cheveux qu’il glisse avec l’anneau qu’il porte à son doigt dans l’enveloppe d’une lettre qu’il était en train d’écrire lorsque l’on est venu le chercher. Il s’adresse à l’officier de gendarmerie présent : «Voulez-vous faire passer ceci à la princesse de Rohan-Rochefort ? ». L’officier accepte d’exaucer cette ultime volonté.

Puis, toujours calme, il demande l’assistance d’un prêtre. C’est son ultime volonté et nul n’a le droit de s’y opposer. Ce n’est pas l’avis de Savary qui accumule les infamies en cette fatale nuit. Sa voix tonitruante tombe du pont-levis enjambant le fossé sur lequel il préside à l’exécution : « Pas de capucinade !».

Toujours digne, le duc se dirige alors vers un arbuste se trouvant là. Il s’agenouille pour prier. N’en étant plus à une ignominie près, Savary s’impatiente : « Adjudant, commandez le feu! ».

Quelques minutes plus tard, le duc tombe sous les balles du peloton d’exécution. On a eu quelque peine à éloigner de lui son chien Mohilof qu’on l’avait autorisé à emmener d’Ettenheim. Son cadavre est jeté et enseveli dans une fosse déjà creusée à proximité, ce qui atteste la criminelle préméditation de Savary.

L’exécution n’a pris que quelques minutes. La Commission se trouve encore dans le château lorsqu’elle entend le crépitement de la fusillade. Stupéfaite, elle en frémit d’effroi…

Le duc d’Enghien est mort dignement. Son incontestable bravoure eût mérité mieux que la défense nostalgique de privilèges surannés, contraires aux intérêts supérieurs d’une Patrie dont il n’a pas eu la conscience.

Tôt dans la matinée de ce 21 mars 1804, Savary arrive à la Malmaison faire son rapport au Premier Consul, « en exécution de ses ordres » a-t-il le toupet de dire.

A l’annonce de l’exécution, Napoléon est frappé de stupeur. Prenant brutalement conscience de l’extrême gravité de ce dénouement précipité, il sent le sol se dérober sous ses pieds. Il suffoque, sur le point de défaillir. A cause d’un funeste concours de circonstances que nous verrons en son temps, une effroyable faute politique vient d’être commise contre son gré. La précieuse carte d’une grâce possible vient de s’envoler.

L’ignoble Savary tente de se justifier par une explication tirée par les cheveux. Il affirme la main sur le cœur qu’il avait compris que « juger sans désemparer et en finir dans la nuit », comme il avait été ordonné à la Commission, signifiait aller jusqu’à l’exécution de la sentence. Pour sûr, si un représentant du Premier Consul avait été présent, il n’aurait pas ordonné l’exécution immédiate sans son consentement, ajoute-t-il hypocritement.

La colère succédant à la stupéfaction, Napoléon lui inflige une mémorable volée de bois vert que les observateurs ont presque passé sous silence, seulement préoccupés d’instruire à charge son procès à venir.



Napoléon se ressaisit rapidement. Son légendaire réalisme reprend le dessus. Le mal étant fait, tragiquement irrémédiable, ce qui importe désormais c’est de limiter les dégâts politiques de cette monstrueuse bavure. Nous verrons en son temps les raisons qui l’ont conduit à ne pas s’en désolidariser publiquement et à conserver à ses côtés le méprisable Savary.

Ce faisant, il va prêter le flanc à l’affreuse accusation d’être l’ordonnateur en chef de cette exécution sommaire. Le procès de Napoléon va chasser celui du duc d’Enghien. Ses détracteurs vont exploiter à outrance cette situation et l’ériger en machine de guerre contre lui, au mépris d’une pièce capitale de l’affaire qui disculpe totalement Napoléon et qu’ils font mine d’ignorer. Nous l’avons gardée pour la bonne bouche.

Napoléon connaît son monde. L’insistance avec laquelle certains de ses grands subordonnés l’ont poussé à se montrer intraitable lui fait craindre un intempestif excès de zèle. Pour éviter tout dérapage, il décide d’introduire dans le circuit judiciaire son propre représentant. Au moment où la Commission s’apprête à siéger, il fait porter à Real l’ordre suivant, rédigé par le secrétaire d’Etat Maret :

« Rendez-vous sur le champ à Vincennes pour faire interroger le prisonnier. Voici l’interrogatoire que vous ferez :

1 - Avez-vous porté les armes contre votre Patrie ?

2 - Avez-vous été à la solde de l’Angleterre ?

3 - N’avez-vous pas oublié tout sentiment de la nature jusqu’à appeler le peuple français votre plus cruel ennemi ?

4 - N’avez-vous pas proposé de lever une légion et de faire déserter des troupes de la République, en disant que votre séjour pendant deux ans près des frontières vous avait mis à même d’avoir des intelligences parmi les troupes qui sont sur le Rhin ?

5 – Avez-vous connaissance du complot tramé par l’Angleterre et tendant au renversement du gouvernement de la République et, le complot ayant réussi, ne deviez-vous pas entrer en Alsace et même vous porter à Paris, selon les circonstances ? ».

Ce questionnaire est exactement le double de celui contenu dans le dossier de la Commission et Napoléon le sait parfaitement. Mais c’est un bon prétexte pour avoir sur place un homme à lui. Il s’assure de la sorte la maîtrise du processus judiciaire. Tant que Real ne lui aura pas fait rapport de sa mission, rien d’irréparable ou d’irréversible ne pourra se produire…

Hélas, trois fois hélas, un fatal concours de circonstances, que l’Histoire se plait parfois à infliger aux hommes, vient tout gâcher, réduisant à néant le verrou de sécurité placé par le Premier Consul. Lorsque sa missive parvient au domicile de Real à vingt deux heures, ce dernier dort déjà du sommeil du juste, épuisé par sa longue et minutieuse enquête. Son rôle était terminé. La Justice venait de prendre le relais. Il a ordonné à son valet de chambre de ne le déranger sous aucun prétexte avant cinq heures du matin. Lorsque à son réveil il prend connaissance du document il se précipite à Vincennes dans tous ses états, mais il arrive trop tard. L’irréparable est consommé.



Napoléon aurait-il accordé sa grâce si la demande du duc lui était parvenue ? Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, il donne une réponse positive : « Si j’avais vu la lettre qu’il m’écrivait, et que l’on ne me remît, Dieu sait pour quels motifs, qu’après qu’il n’était plus, bien certainement j’eusse pardonné». Nous reviendrons sur l’expression «que l’on ne me remît, Dieu sait pourquoi, qu’après….», allusion lourde de sens… On ne peut douter de la sincérité de cette confidence de Napoléon faite quinze ans après les faits. Mais on ne peut non plus affirmer qu’il en eût été ainsi en 1804, dans la brûlante ambiance de l’heure. La décision aurait certainement dépendu de l’attitude du duc face à Napoléon…

Dans ses Mémoires, où il fait une large place à l’affaire, son secrétaire Meneval abonde dans le sens de la clémence de Napoléon : « Je suis persuadé de ce que Napoléon, suffisamment réconforté par l’humiliation qu’il avait infligée à ses ennemis en déjouant leur complot, aurait incliné à la clémence et épargné la vie du prince. » Venant de quelqu’un vivant dans l’intimité de Napoléon, cette confidence a un poids certain…


Meneval



Quoi qu’il en soit, répétons-le, la lettre à Real innocente sans conteste Napoléon de l’accusation de crime contre le duc d’Enghien.

source : L’AFFAIRE DU DUC D’ENGHIEN,
UNE MACHINATION CONTRE NAPOLEON.
http://www.napoleonicsociety.com/french/ducenghien.htm
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