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La Suisse dans la FTL
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dak69



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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 16:49    Sujet du message: La Suisse dans la FTL Répondre en citant

Bonjour

La discussion sur les moteurs Hispano construits en Suisse m'a amené à me pencher un peu sur ce qu'aurait pu être la Suisse dans la FTL. Voici donc, en guise d'introduction, la permière partie du chapitre relatif à la période avant le point de divergence. Comme il s'agit de l'OTL toutes les citations et témoignages sont bien sûr authentiques !

Bien amicalement
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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 16:51    Sujet du message: Répondre en citant

Je charge mon Rapport Bergier et j'attends avec impatience! 8)
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dak69



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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 16:57    Sujet du message: Répondre en citant

Les 10 000 pages ? S'il faut tout couvrir avec ce niveau de détail, ainsi que tout ce qui ne figure pas dans le rapport car "supposé connu" par le Suisse moyen ou largement écrit dans d'autres publications, le reste de la FTL n'apparaîtra que comme une annexe de l'histoire helvétique !

Amicalement
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dak69



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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 16:59    Sujet du message: La période août 1939 - mai 1940 (première partie) Répondre en citant

Contrairement à d’autres pays, la Suisse se sentait plus ou moins prête lorsque la guerre fut déclarée entre les Alliés (France et Royaume-Uni) et l’Allemagne. Elle l’était en tout cas bien davantage qu’en août 1914, où, elle aussi, avait cru à une guerre « courte et joyeuse », avant de subir les conséquences de cette méprise.

Pour un observateur extérieur, cet état de préparation était particulièrement visible fin août 1939, quand la Suisse prit une série de mesures s’enchaînant avec une précision horlogère…

« le 25 août 1939, le lendemain du jour où Hitler et Staline avaient annoncé leur Pacte de non-agression au monde étonné, le Conseil fédéral (gouvernement composé de 7 membres, les conseillers fédéraux, dont l’un d’entre eux porte pour un an le titre de président) adressa au peuple suisse une déclaration: la guerre était proche et la population devait envisager l’avenir avec calme et dignité. Trois jours plus tard, la garde-frontière fut mobilisée. Cette mobilisation partielle se déroula sans problème et rapidement. En même temps, le Conseil fédéral convoqua l’Assemblée fédérale pour le 30 août en séance extraordinaire à Berne. Elle devait élire le général et accorder les pleins pouvoirs au Conseil fédéral. L’état de service actif fut déclaré sur tout le territoire de la Confédération. Il permettait au Conseil fédéral de décréter d’autres mesures préparatoires et de disposer de tous les moyens de transport.
Le mercredi 30 août, à cinq heures de l’après-midi, les députés commencèrent de délibérer. La séance se déroula plus rapidement que ce n’avait été le cas lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale 25 ans auparavant. La nécessité d’accorder les pleins pouvoirs au Conseil fédéral ne fut pas contestée. 181 conseillers nationaux (députés, sur 200) et 42 conseillers aux Etats (titre donné aux membres de la chambre haute, qui en comptait 44 en 1939) exprimèrent leur accord. Aussitôt après, on passa à l’élection du général qui se déroula, elle aussi, rapidement. Il n’y avait pas de candidat suisse allemand. Deux officiers romands étaient au premier plan, le commandant de la deuxième division, le colonel divisionnaire Jules Borel, et le commandant du premier corps d’armée, le colonel commandant de corps Henri Guisan. Ces deux hommes différaient par leur tempérament. Le Neuchâtelois, Borel, était un fonceur résolu et un chef militaire marquant, le Vaudois, Guisan, était plutôt mesuré et réfléchi. L’Assemblée fédérale se décida rapidement en faveur d’Henri Guisan et l’élut avec 204 voix sur 229. C’était le quatrième général de l’Armée suisse depuis 1848. 21 conseillers s’étaient exprimés en faveur de Borel. (Peter Dürrenmatt, Histoire illustrée de la Suisse, adaptation française de Aldo Dami, Payot, Lausanne 1958–1960) »

Il peut paraître surprenant que, pour l’élection du général (titre qui n’existe en Suisse qu’en temps de guerre), donc du chef de l’Armée, il n’y eût que des candidats francophones, alors que les germanophones représentent près des 2/3 des 4 millions d’habitants de la Suisse de 1939. Etait-ce pour effacer le souvenir du général de la première guerre mondiale Ulrich Wille, zurichois dont le petit-fils avait le Kaiser pour parrain ? Toujours est-il que le choix d’Henri Guisan fut largement approuvé par la population :

«Pendant que Guisan prêtait serment, environ 30 000 personnes se rassemblèrent devant le Palais fédéral pour l’acclamer lorsqu’il sortit en compagnie des conseillers fédéraux et d’officiers supérieurs. La foule entonna l’hymne national ‹Ô monts indépendants […]› et l’élection du général Guisan donna ainsi lieu à une prodigieuse manifestation de confiance. La principale mission confiée au commandant en chef de l’armée était naturellement de s’occuper de tous les problèmes concernant la défense nationale, parmi lesquels la sauvegarde de la neutralité avait une importance politique de premier ordre.» (Hans Rudolf Schmid, Le Général. La Suisse pendant la guerre de 1939 – 45, Zofingue 1975, p. 15) »

Il faut dire que la popularité d’Henri Guisan, qui n’allait que se confirmer et s’accroître dans les années de guerre, ne datait pas de ce jour-là. Contrairement à bon nombre de membres de la haute hiérarchie militaire, il savait être simple, comme le témoigne Robert Borer :

« J’avais 17 ans quand j’assistai au grand défilé d’ouverture de l’exposition suisse à Zurich en mai 1939, qui avait lieu dans les rues de la ville. A la tribune d’honneur étaient assis non seulement des membres du conseil fédéral, mais aussi toute la hiérarchie de l’armée. Une fois le défilé terminé, tous ces messieurs attendaient leurs limousines en se tenant à une distance respectable du commun des mortels. C’est alors que je vis un des officiers « couronnés » (allusion au képi largement orné) se mêler sans aucune gêne à la foule, en essayant vainement d’allumer son cigare. J’étais à peine deux mètres de ce colonel commandant de corps quand un monsieur plutôt âgé lui donna du feu. L’officier le remercia d’une petite inclinaison du buste et les mots « Merci bien Monsieur ». J’en déduisis que c’était un Romand, mais ce jour là j’ignorais encore son nom. Mais quand je vis dans le journal le portrait du nouveau Général après son élection du 30 août, je me souvins de cet officier amical et sus qu’il s’agissait d’Henri Guisan »

Le lendemain 31 août, la Suisse adressa une déclaration de neutralité à 40 pays, dont bien sûr les futurs belligérants.

La mobilisation générale fut décrétée le 2 septembre, et concerna 450 000 hommes, qui furent déployés aux frontières du nord-est et du nord (face à l’Allemagne), ainsi qu’à celle de l’ouest (face à la France). La neutralité était ainsi respectée : la Suisse s’opposerait à un passage des troupes françaises voulant attaquer l’Allemagne par le sud pour venir ainsi soulager la Pologne (ce qui était peu probable), ou à un passage des Allemands cherchant à contourner la ligne Maginot par le sud (ce qui l’était davantage). Un seul des sept membres du conseil fédéral était opposé à cette mesure : Giuseppe Motta (démocrate-chrétien), en charge du département politique (affaires étrangères) depuis 1920.

Dès cette date, les premières mesures de rationnement interviennent, elles seront plusieurs fois renforcées par la suite. Il s’agissait de gérer au plus juste les stocks de denrées alimentaires, et d’éviter l’explosion du marché noir qui avait été une des plaies du quotidien des Suisses pendant le conflit précédent. De même, les prix furent sévèrement encadrés et les salaires bloqués. Là aussi, c’était en réaction à l’inflation subie pendant la première guerre mondiale et à la perte importante de pouvoir d’achat qui en découla. L’approvisionnement de la confédération en cas de conflit avait fait l’objet de toutes les attentions des différents gouvernements depuis la fin de la première guerre mondiale, afin, là aussi, d’éviter au pays de se retrouver dépendant de la seule bonne volonté des belligérants qui l’entouraient. Mais, un an plus tard, ces dispositions allaient montrer leurs limites, quand le pays fut complètement encerclé par l’Axe, ce que personne n’imaginait possible en septembre 1939.

Mais, derrière ces apparences rassurantes, qu’en était-il réellement ?

Sur le plan militaire, les effectifs étaient impressionnants, surtout par rapport à la population du pays, d’autant plus qu’il fallait encore y ajouter les troupes auxiliaires. Mais, du côté du matériel et de la doctrine, la situation était bien moins favorable. Ainsi, en septembre 1939, la Suisse ne disposait au mieux que de quelques dizaines de chars et à peu près autant d’avions de chasse modernes. (des Me 109 D et E). Les chars avaient été longtemps jugés inutiles en raison de la configuration du terrain helvétique… En face, de l’autre côté du Rhin, on n’était certainement pas du même avis ! Et, en ce qui concerne les munitions et l’équipement de base, la situation n’était pas bien terrible non plus, puisque, de l’avis même de l’état-major, « les troupes frontière ne pouvaient être approvisionnées que pour quelques jours ; il manquait 54 % de la dotation en cartouches pour fusils et 77 % des munitions pour mitrailleuses ».

Quand la Pologne fut conquise, et que du côté occidental la drôle de guerre s’installa, les troupes furent partiellement démobilisées, pour que l’économie du pays continue à fonctionner, sauf bien entendu le long des frontières. Le témoignage de Kurt Bechtold est révélateur de l’état d’esprit de la troupe à l’époque, pendant l’hiver 1939-1940 :
“La mission de notre compagnie était ainsi formulée : tenir le défilé de Schlatt (vallée du Rhin, Thurgovie) ! Impossible à accomplir, et aucun d’entre nous ne se faisait d’illusion à ce sujet. Nous savions tous que nous pouvions au mieux ralentir une attaque allemande, et que nous nous trouvions dans la zone tampon allant du Rhin à la vallée de la Limmat. Quand la compagnie aurait été défaite, les ordres prévoyaient que les survivants se réfugieraient dans la forêt du Kohlfirst, où étaient cachées des munitions dans des dépôts connus des seuls officiers, pour entreprendre des actions de partisans. Il faut dire que les Suisses avaient appris la leçon de la campagne contre la Pologne en septembre 1939, où les Allemands inaugurèrent une nouvelle méthode d’attaque : la poussée des chars soutenue par l’aviation. De la sorte, nous ne passâmes pas la drôle de guerre, où les armées s’observaient, à flemmarder comme les Français. La défense en ligne le long du Rhin fut abandonnée, au profit d’une défense en profondeur. (…)
Notre compagnie eut ainsi à construire une de ces fortifications de campagne, un hérisson comme on les appelait, juste derrière la gare de Schlatt, dans la pente de la colline. Cela nous semblait sensé, et nous nous y attaquâmes avec enthousiasme. Nous avions la chance d’avoir, dans notre compagnie, un chef de chantier du bâtiment dans le civil, le lieutenant Leu. Il prit la direction des opérations, nous considéra comme des collaborateurs de confiance, et ce fut une réussite. Nous creusâmes des tranchées circulaires avec des positions protégées pour nos mitrailleuses, et aménageâmes un abri profondément enterré pour nous-mêmes. C’est là-dedans que nous voulions laisser passer le premier assaut, quand les balles des Messerschmitt et les obus d’artillerie nous arroseraient. Pour le bois qui était nécessaire à nos installations, nous allions nous servir dans la forêt avoisinante sans demander la permission du garde forestier. Comme seul étudiant de la compagnie, composée majoritairement de paysans ou d’ouvriers, je fus dispensé des travaux de terrassement, et me vis confier la mission d’approvisionner le chantier avec des caisses de bière en provenance du café de la gare. J’obtins ainsi, à défaut du galon de caporal que mes exploits me permettaient d’envisager, le respect et la gratitude de la part de mes camarades ».
Vers la mi-mars 1940, je fus détaché comme guetteur au poste d’observation de Flûeli, qui surveillait le débouché du pont de Wûtach. C’est là que je vis de mes propres yeux l’arrivée d’une armée allemande qui partait vers la Forêt-Noire. Ce n’est qu’après la fin de la guerre qu’il s’agissait d’une armée de diversion, pour fixer des divisions françaises en Alsace.
Nous croyions au mythe de la Ligne Maginot, et pensions tous que les Allemands contourneraient l’infranchissable fortification en passant par notre pays. Le 8 avril eut lieu l’invasion du Danemark puis celle de la Norvège. Nous étions alors persuadés que nous étions les suivants sur la liste. Pourquoi aurions-nous été épargnés ?
Fin avril, de retour à Schlatt au sein de ma compagnie, je retrouvais mes camarades profondément troublés. Les rumeurs étaient à leur apogée, et tout le monde s’attendait à une attaque allemande les jours suivants.
L’après-midi du 9 avril, nous enterrâmes environ 40 mines anti-char dans une zone plane entre la ferme de Kundelfing et la route de Schlatt. N’ayant jamais reçu d’instruction sur la manière de procéder, nous fîmes cela en parfaits dilettantes. Vers 10 heures du soir, alors que nous nous apprêtions à nous coucher dans la paille étalée dans une salle de classe de l’école de Schlatt, l’adjudant Rahm déboula en criant « Alerte, ils arrivent, c’est la guerre ! ». Il n’y eu pas de panique ni d’angoisse, nous ramassâmes notre équipement et chargeâmes notre fusil. Seul un caporal eut des larmes, il s’était fiancé le dimanche précédent et pleurait sa belle.
(…)
A mon poste, où je protégeais avec ma mitrailleuse légère les servants d’un canon de campagne, j’eus tout le temps de voir nos faiblesses : pas une seule arme anti-aérienne à la ronde, et nous n’avions bien trop peu de munitions ! A peine une dizaine de coups pour le canon, et au plus 15 magasins de 30 coups pour ma mitrailleuse. Mais la volonté de résistance était là, plus forte que jamais. Dans notre compagnie, la devise était « Si j’y reste, j’emmène au moins cinq Boches dans le trou avec moi ! ».
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loic
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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 19:27    Sujet du message: Répondre en citant

La FTL est en train de devenir une affaire planétaire ! La Belgique et la Suisse, c'est en bon. Faut encore trouver quelque chose au sujet du Québec et on assurera nos ventes de livres en français ! Dancing

Excellente idée en tout cas, c'est une période que le Français de base ne doit pas connaître (sauf les relations entre les nazis et les banques suisses).

As-tu prévu d'aborder la question des plans militaires communs avec les Français en cas de passage allemand par la Suisse ?

Mis à part l'affaire des moteurs d'avions, qu'est-ce qui va pouvoir changer concernant la Suisse par rapport à OTL ? Une surveillance accrue par l'Allemagne ?

Au fait, y a-t-il un volontaire pour traduire le texte en anglais au fil de l'eau pour nos amis anglo-saxons ?
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dak69



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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 20:07    Sujet du message: Répondre en citant

Loïc,

les plans militaires communs sont un des ressorts de l'histoire. Mais la situation est un peu différente pas rapport à l'OTL, où les Allemands les
avaient découverts le 16 juin 1940 dans un wagon de marchandises à la Charité sur Loire, wagon abandonné par l'armée française en déroute.

En FTL, j'ai pris la liberté, comme cette date est post POD, de partir du principe que les Allemands n'avaient pas la preuver de leur existence, même s'ils s'en doutent.

Mais n'anticipons pas...

Bien amicalement
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loic
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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 21:28    Sujet du message: Répondre en citant

En effet ça se tient. Les plans pourront sans doute être découverts à Paris dans un ministère, plus tard ...
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Archibald



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MessagePosté le: Ven Nov 23, 2007 22:14    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour!

Je me permet de signaler que le forum "ATF 1940" comprend une formidable uchronie ecrite par Stephane Ferrard et impliquant la Suisse.
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Alias



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MessagePosté le: Lun Nov 26, 2007 13:31    Sujet du message: Répondre en citant

Un petit mot, en passant, sur la "démobilisation" de '40.

Un des éléments mythologiques fort de la Suisse pendant la 2e guerre mondiale, c'est l'établissement du "Réduit national": l'idée de fortifier la partie motagneuse du pays pour en faire une place inexpugnable. Ainsi parée, aucune armée étrangère n'aurait pu s'emparer de la Suisse!

Sauf que...

Déjà, stratégiquement, il y a beaucoup à dire sur un principe qui laisse à l'ennemi un bon tiers, voire une moitié du pays -- et qui plus est la partie la plus peuplée et la plus densément industrialisée.

Ensuite, un des éléments du fameux Rapport Bergier montre que le "Réduit" n'a rien été moins qu'un geste d'apaisement face à l'Allemagne: une excuse à portée intérieure pour justifier la démobilisation massive des troupes, qui étaient beaucoup plus utiles dans les usines.

Maintenant, en FTL, la poursuite de la lutte côté français apparaît comme une (faible) lueur d'espoir à une Suisse encerclée par les forces de l'Axe. J'imagine bien certains des politiciens et militaires les plus courageux (et les moins fascisants) se raccrocher à cet espoir pour éviter une grande partie des compromissions de l'OTL:

- politique nettement moins répressive envers les réfugiés en général et les Juifs en particulier; pas de "la barque est pleine";
- refus du travail forcé dans les usines gérées par des firmes suisses en Allemagne;
- rapprochements discrets avec les services secrets alliés, voire espionnage au profit des Alliés.

Par contre, les éléments de collaboration entre la Suisse et l'Axe (acquisition de matériaux stratégiques, exportations vers l'Allemagne, transit d'hommes et de matériel par le Gothard) me paraissent inévitables.

Après tout, en FTL, la France évite le déshonneur, pourquoi pas la Suisse? 8)
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dak69



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MessagePosté le: Lun Nov 26, 2007 13:45    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

Citation:
Maintenant, en FTL, la poursuite de la lutte côté français apparaît comme une (faible) lueur d'espoir à une Suisse encerclée par les forces de l'Axe. J'imagine bien certains des politiciens et militaires les plus courageux (et les moins fascisants) se raccrocher à cet espoir pour éviter une grande partie des compromissions de l'OTL:

- politique nettement moins répressive envers les réfugiés en général et les Juifs en particulier; pas de "la barque est pleine"; (1)
- refus du travail forcé dans les usines gérées par des firmes suisses en Allemagne; (2)
- rapprochements discrets avec les services secrets alliés, voire espionnage au profit des Alliés. (3)

Par contre, les éléments de collaboration entre la Suisse et l'Axe (acquisition de matériaux stratégiques, exportations vers l'Allemagne, transit d'hommes et de matériel par le Gothard) me paraissent inévitables. (4)


Tout à fait, au moins pour le (1) et (3). Le (4) est effectivement inévitable, mais n'a pas que des inconvénients pour les Suisses.

Comme disait un ami helvétique "La neutralité, c'est comme le fléau d'une balance, il doit rester horizontal. Si on charge davantage un des plateaux, il faut faire pareil de l'autre".

Bien amicalement
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MessagePosté le: Lun Nov 26, 2007 14:58    Sujet du message: Répondre en citant

Pour (2), et si mes souvenirs sont bons, le Rapport mentionne que certaines de ces usines germano-suisses traitaient mieux les prisonniers utilisés pour le travail forcé.

On peut imaginer des consignes plus ou moins officielles de la Confédération pour obliger les usines à traiter cette main-d'oeuvre selon des critères humanitaires donnés.
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dak69



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MessagePosté le: Ven Nov 30, 2007 16:36    Sujet du message: Répondre en citant

Comme promis, voici la suite

Laissons un instant les militaires pour nous intéresser à la situation politique, et notamment à la perception qu’avaient les Suisses de ce qui se passait autour d’eux. Pour cela, il faut remonter quelques années en arrière, vers 1933-1934, en pleine crise économique A cette époque, le fossé entre les « marxistes » (socialiste et communistes) et les « partis bourgeois » (libéraux, agrariens, démocrates chrétiens) semblait infranchissable. Les premiers avaient été considérés responsables de troubles qui avaient eu lieu à Genève et à Zurich, se traduisant par l’intervention de l’armée ou des émeutes. La lutte contre les « marxistes » était donc à l’ordre du jour au sein du gouvernement, avec une certaine admiration pour les régimes autoritaires, comme en témoigne cette allocution du Conseiller Fédéral Rudolf Minger (parti agrarien, en poste de 1930 à 1940, président en 1935), faite à Windisch (Argovie) le 9 juillet 1933 :
« Maintenant que la conception marxiste du monde a été éliminée, tout d’abord en Italie et maintenant en Allemagne, ce serait vraiment un signe de faiblesse de la part de notre peuple suisse s’il ne pouvait pas lui aussi venir à bout du communisme et du marxisme (…). Tant que l’esprit d’un Léon Nicole (leader communiste genevois, ndt) soufflera sur la Suisse, il n’y a pas d’autre solution que de réagir avec vigueur. Eradiquer cette pensée doit être notre but ! »
Mais de là à importer le système politique des voisins du Nord ou du Sud dans la Confédération était un pas que l’immense majorité des Suisses refusait, le peu de succès des groupes fascistes en Suisse en étant la preuve. Ces derniers (les Fronts), inspirés des mouvements fascistes et nazis, et utilisant les mêmes moyens (uniformes, marches au flambeau, perturbation de réunions et de spectacles…), avaient dans un premier temps été encouragés par les partis bourgeois qui voyaient en eux des alliés électoraux de choix dans les cantons de gauche, comme Genève et Zurich. Mais ce soutien disparut rapidement, quand ces partis se rendirent compte que les Fronts mordaient bien davantage sur leur propre électorat que sur celui des socialistes. Les fronts perdirent à peu près toute influence politique directe après le refus par le peuple à plus de 70 % d’approuver leur initiative de réforme constitutionnelle en septembre 1935, réforme bien entendu autoritaire, corporatiste et nationaliste.

Si les Suisses étaient donc opposés aux idées fascistes ou nazies, et donc finalement attachés à leur démocratie, les milieux d’affaires, pour leur part, jouaient de leur immense influence pour que les relations avec l’Allemagne soient les plus lisses possible, l’Allemagne étant le principal partenaire économique du pays (15 % des exportations et 22 % des importations suisses se font avec l’Allemagne en 1938).

Ce refus de l’extrémisme ainsi que l’abandon par le parti socialiste de la « dictature du prolétariat » (ainsi que son acceptation de la défense nationale) conduisirent progressivement à un consensus national, symbolisé par l’exposition suisse de 1939 à Zurich, qui présentait la Suisse comme un pays moderne ancré dans les traditions démocratiques datant de ses origines, et qui fut un immense succès puisqu’elle attira près de 10 millions de visiteurs.

Mais les régimes autoritaires séduisaient encore, avec par exemple le titre de docteur honoris causa accordé à Mussolini par l’université de Lausanne en 1937, ou bien encore l’attitude Giuseppe Motta (en charge des affaires étrangères de 1920 à son décès en 1940), admirateur de l’Italie, (et des Italiennes !), qui trouvait bien des mérites au Duce.

Les tendances fascisantes étaient donc à peu près absentes de la Suisse officielle, ainsi que d’une grande majorité de ses habitants, au profit d’un consensus sur les valeurs traditionnelles du pays. Mais ce consensus était fragile, et des événements extérieurs pouvaient le mettre à bas. Et ces événements n’allaient pas tarder à se produire.

La perception qu’avaient les Suisses du système politique de leur autre grand voisin, la France de la IIIe République, n’était pas non plus des plus favorables. L’instabilité chronique qui caractérisait le système parlementaire français et l’absence de direction à long terme qui en résultait étaient jugés très sévèrement. Mais le prestige de l’armée française demeurait intact.

Une des devises non écrites du Conseil Fédéral aurait pu être « tenons-nous à l’écart des excès de nos voisins, quels qu’ils soient ». Et la Suisse s’en tenait à l’écart au point de vouloir en éviter toutes les conséquences, comme celles relatives aux victimes de la mainmise des nazis sur l’Autriche et la Tchécoslovaquie, ainsi que sur l’Allemagne elle-même.

Pouvoir servir de terre d’asile aux victimes du pouvoir hitlérien semble être une hantise de la Suisse de l’époque. Dès la prise de pouvoir des nazis en 1933, des mesures furent prises pour décourager l’arrivée de fugitifs en Suisse. En 1934, à la demande des syndicats, il fut interdit à tout réfugié d’exercer une activité professionnelle, car ils auraient « disputé leur travail aux Suisses ». Lors de l’annexion de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie, la Suisse exigea un visa d’entrée pour tout ressortissant de ces pays, visas attribués avec la plus extrême parcimonie par le consulat de Vienne aux « non-aryens ». Pour les Allemands désirant se rendre en Suisse, un visa était gênant pour les relations commerciales entre les deux pays, et aurait encouragé les autres pays à l’instaurer. Après avoir réinstauré ce visa, la Suisse finit par obtenir des Allemands le 29 septembre 1938 de distinguer les passeports des ressortissants juifs des autres, ce qui fut fait sous forme d’un tampon « J », et l’obligation de visa disparut. Le conseil fédéral accepta à l’unanimité le 4 octobre 1938 cette manière de procéder, sans se préoccuper des conséquences pour les personnes concernées. Obtenir l’asile politique en Suisse était en 1939 quasi-impossible, le fait d’être persécuté dans son pays d’origine pour des raisons religieuses n’étant pas reconnu comme un motif valable.

Pour illustrer l’état d’esprit qui régnait à l’époque sur ce sujet, le compte-rendu fait par l’ambassadeur de Suisse à Berlin de sa rencontre avec Goering le 28 janvier 1939 est particulièrement révélateur :

« J’avais déjà chercher à obtenir une audience du Generalfeldmarschall Göring l’été précédent, peu après ma prise de fonction. A la fin de l’année dernière, le chef de Cabinet du ministère de la Guerre, le Général Bodenschatz, me fit savoir que le Generalfeldmarschall, en raison des exigences d’un emploi du temps particulièrement chargé, n’avait malheureusement pas eu le temps jusqu’à présent de me recevoir, mais qu’il y consentirait volontiers après le jour de l’an.

Je fus donc convié à une audience le samedi 28 janvier, à 12 h 30.

Le Generalfeldmarschall me reçut très amicalement et vint rapidement à parler des relations entre nos deux pays. Il dit qu’il était un grand ami de la Suisse et que beaucoup d’excellents souvenirs le rapprochaient de notre pays. L’Allemagne ne voulait rien de la Suisse. La Suisse devait rester un Etat indépendant, et l’Allemagne n’avait rien contre la démocratie helvétique, qui, comme la Suisse d’ailleurs, représentait une exception en raison de la composition de sa population.

Mais il tenait à attirer notre attention sur deux détails. Tout d’abord la presse. En Allemagne, l’on ne s’offusquait pas des critiques, mais les campagnes de calomnie pourraient finir par lasser un Etat fier à juste titre. De plus, il tint à nous mettre en garde contre les émigrants.

J’expliquai au Generalfeldmarschall que notre Gouvernement faisait tout son possible pour éviter les campagnes de dénigrement systématiques, et que nous non plus ne souhaitions rien d’autre qu’une attitude de neutralité amicale avec l’Allemagne, comme avec tous les autres pays.

En ce qui concerne les émigrants, je lui rappelai que l’immigration des Juifs en Suisse avait été limitée par l’obligation qui leur était faite d’un visa d’entrée, et que cela avait été possible par l’instauration d’un signe distinctif sur leurs passeports par l’Allemagne. J’eus l’impression qu’il avait été suggéré au Generalfeldmarschall d’aborder le sujet de l’activité politique des émigrants allemands.

Je fis ensuite porter la conversation sur la chasse. Le Maître veneur du Reich Göring me fit expliquer les règles auxquelles la chasse était soumise en Suisse, se montra compréhensif quant à notre système de permis de chasse cantonaux pour nos habitants, mais, d’après lui, il était impossible de combiner une chasse réglementée et de beaux tableaux.

Pour conclure, j’en profitai pour remercier le Generalfeldmarschall d’avoir autorisé la livraison d’avions militaires. Notre entrevue avait duré plus d’une demi-heure. »

Avant de retourner aux événements militaires qui se déroulaient de l’autre côté de sa frontière, il reste à aborder brièvement la situation économique du pays. En 1938, le chômage était limité (50 000 personnes), et le commerce avec les autres pays était pratiquement remonté à son niveau d’avant la crise. L’Allemagne, la France, l’Italie et la Grande-Bretagne étaient les principaux partenaires économiques du pays. La Suisse dépendait du charbon allemand, des produits alimentaires italiens, et des matières premières de tous. Ses exportations portaient de plus en plus sur les produits à forte valeur ajoutée (machines-outil, armement, optique…), et, pendant la « drôle de guerre », la quasi-totalité de la production d’armements prit la direction du camp allié, sous l’œil apparemment indifférent des Allemands. Le maintien de ses approvisionnements en cas de guerre longue était également une des hantises du gouvernement, et, pour rendre le pays le plus autonome possible sur le plan alimentaire, des dispositions prévoyant la mise en culture de tout ce qui pouvait l’être dans le pays furent prises. Nommées « plan Wahlen », du nom de son instigateur, ou « guerre des patates », ces mesures restèrent longtemps dans les mémoires.

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dak69



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MessagePosté le: Ven Déc 14, 2007 16:14    Sujet du message: Répondre en citant

2. La campagne de France : du 10 mai au 10 juin 1940

Pendant la plus grande partie de la drôle de guerre, une fois le choc initial passé, la Suisse civile avait donc assez rapidement retrouvé ses habitudes. Les institutions fonctionnaient, et, le 1er janvier 1940, ce fut le radical vaudois Marcel Pilet-Golaz, conseiller Fédéral aux Postes et aux Chemins de Fer, qui prit pour une année la Présidence de la Confédération. C’est lui qui prononça l’éloge de Giuseppe Motta en janvier 1940 suite à son décès subit :
« Pas de lustre, pas de spectacle, mais pas non plus d’hésitation. Une vision précise des besoins du pays, une extraordinaire clairvoyance des évolutions futures. Un but précis : l’indépendance d’une Suisse respectée et, si possible, aimée. L’inégalable souplesse du Centre ». Etrange ambiance à Berne le jour de l’enterrement de Giuseppe Motta, où les représentants des pays belligérants se mêlèrent, et où, à l’écoute de ses paroles, tous les auditeurs considérèrent Pilet-Golaz comme le successeur de Motta aux Affaires étrangères, ce qui fut confirmé formellement en mars.

Quant aux militaires, du moins ceux qui n’avaient pas été renvoyés (provisoirement) dans leurs foyers, ils attendaient avec inquiétude. Les renseignements fonctionnaient, malgré des moyens encore dérisoires, l’attaque contre la Norvège avait été annoncée (même si personne n’y crut jusqu’à ce qu’elle ait lieu), ainsi que celle de la Belgique et de la Hollande. Mais nul ne savait si la Suisse allait aussi se trouver dans la ligne de mire de la Wehrmacht, comme se rappelle Kurt Bechtold pour la nuit du 9 au 10 mai 1940 :
« C’est avec une tension extrême que nous attendions l’aurore, moment de l’attaque allemande ! Je revois encore précisément les rougeurs naissantes du ciel à l’Est. Mais, de l’autre côté, tout restait calme. Un chien aboyait dans la ferme Kundelfing, où le paysan, Spiess, sortait pour traire ses bêtes à l’étable. Nous accueillîmes avec joie le lever du soleil, et avec encore plus d’enthousiasme le café chaud envoyé après cette nuit d’angoisse par notre bon fourrier Paul Rüger, qui, dans un coin du village de Schlatt, maintenait le feu dans sa roulante pour assurer nos repas, élément fondamental du moral des troupes.
La journée passa sans incident, et nous démontâmes notre installation pour la nuit. Les officiers étaient plus amicaux que d’habitude. Devant nos yeux passaient quelques automobiles occupées par des habitants de Schaffhouse, mais la plupart des partants avaient pris un autre chemin plus direct vers l’intérieur du pays. Nous ne fîmes aucun reproche aux fuyards, ce n’est que plus tard qu’il fut question de lâcheté. Le danger était extrêmement proche pour les habitants de Schaffhouse, à peine quelques centaines de mètres les séparaient de l’Allemagne. L’après-midi, l’adjudant Rahm passa à notre batterie. Il disposait d’un poste de radio, et il nous apprit que les Allemands avaient envahi la Belgique et la Hollande. La meute n’avait donc pas déferlé dans le cours supérieur du Rhin, mais à son embouchure et sur la Meuse. Le 10 mai fut le point de départ d’une nouvelle phase de la guerre, marquée par des succès allemands écrasants. »
L’attaque allemande en Belgique fut dans un premier temps un soulagement pour l’Etat-Major suisse. Mais la menace restait. En effet, le Renseignement avait estimé qu’une force d’environ 30 divisons (le groupe d’armées C, dirigé par le Général von Leeb) se trouvait dans le sud de l’Allemagne, et qu’elle ne tarderait pas à entrer en action. Attaquerait-elle de front la ligne Maginot ou chercherait-elle à la contourner par le Sud, donc par la Suisse ?
Les axes d’attaque possibles dans le cadre d’une action contre la France en passant par la Suisse avaient été soigneusement étudiés. Bâle semblait exclu, car sous la « protection » de l’artillerie française sur voie ferrée stationnant dans l’extrême sud de l’Alsace, mais plus sûrement parce qu’une concentration de troupes sur la rive allemande du Rhin n’aurait échappé à personne et qu’une offensive de ce côté-là aurait rapidement tourné au combat de rues, forcément coûteux en hommes. Beaucoup plus discrète aurait été une arrivée des Allemands par la vallée de la Wiese qui descendait de la Forêt Noire, et qui auraient ensuite cherchés à traverser le Rhin un peu en amont de Bâle. Enfin, une attaque sur Schaffhouse, ouvrant ensuite la voie sur Zürich et la Suisse centrale, était au moins autant à craindre. Et, dans ces deux cas, il fallait pour revenir vers la France contourner Bâle, et c’est pour cela que des fortifications et des points d’appui furent construits durant l’hiver 1939-1940 pour défendre les passages obligés, comme le plateau de Gempen au sud de la ville. Mais qui allait occuper ces points d’appui, et avec quels canons ? La réponse était simple : les Français, qui se porteraient au secours de la Suisse en toute légitimité, puisque, une fois attaquée, elle perdait de fait son statut de puissance neutre.
Et, naturellement, cette intervention des Français se devait d’être préparée, mais dans la plus absolue discrétion, car, si elle venait à être connue avant une attaque allemande, la neutralité helvétique aurait été mise bien à mal. On ne sait pas au juste qui fut à l’initiative de cette préparation, même s’il est possible que ce fut le Conseiller Fédéral à la Défense, Rudolf Minger, qui aurait chargé le Colonel Guisan, que Minger envisageait déjà comme général en cas de conflit, d’organiser les contacts, qui furent pris par des collaborateurs extrêmement proches de Guisan. On sait aujourd’hui qu’il n’y eut pas plus d’une douzaine de personnes impliquées du côté suisse dans cette opération, et qu’elles gardèrent le secret extrêmement longtemps, parfois même jusqu’à leur mort de nombreuses années plus tard. Mais une telle discrétion serait-elle autant de mise du côté français ? Cette interrogation angoissera longtemps le Général Guisan…
Les premiers jours qui suivirent l’attaque allemande furent également marqués par l’exode d’une partie de la population civile, qui partit des régions les plus exposées pour chercher refuge plus au sud, à proximité du Lac Léman. Mais la plupart des habitants restèrent sur place. Dès le 10 mai, toute l’armée fut à nouveau mobilisée, et occupa les positions prévues dans l’hypothèse d’une attaque des Allemands pour envahir la France.
Le 22 mai, une mauvaise nouvelle parvint à l’Etat-Major : le Général Gamelin faisait comprendre que la plupart des troupes tenues en réserve en Franche-Comté et en Bourgogne allaient faire mouvement vers le Nord pour faire face au déferlement allemand. La conclusion était immédiate : La Suisse aurait à se défendre seule. Et se défendre, elle le faisait déjà, puisque l’aviation helvétique et la DCA avaient abattu quelques bombardiers allemands qui survolaient le territoire national, après des missions sur la France. Goering fut très vexé, et il prépara des mesures de rétorsion.
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dak69



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MessagePosté le: Jeu Déc 27, 2007 15:04    Sujet du message: Répondre en citant

Voici un nouveau chapitre. La suite en 2008, et, en attendant, bonne année à tous !
3. La période du 10 au 18 juin 1940 : l’horizon devient noir
Le mardi 11 juin, peu après 18 heures, deux hommes se rencontrèrent au café Odéon, à proximité de l’hôtel de ville de Berne. Ce n’était pas la première fois qu’ils se voyaient, et ce ne sera pas la dernière… D’âge voisin, quelques années les séparaient néanmoins, mais, aux yeux des autres consommateurs, ils étaient des anonymes parmi d’autres, sans doute des employés d’une banque ou d’une administration quelconque, qui venaient échanger quelques propos autour d’une bière avant de rentrer chez eux. Dans le brouhaha ambiant, nul ne prêtait attention à leurs paroles, mais une oreille attentive aurait pu distinguer des accents français dans leur conversation, pourtant tenue en « schwyzerdütsch ». Mais qui étaient-ils ?
Le plus volubile était le Commandant Gaston Pourchot, attaché militaire adjoint à l’Ambassade de France, et son interlocuteur, beaucoup moins disert, n’était autre que le Colonel Roger Masson, chef du service de renseignements de l’Armée helvétique. Et, bien entendu, leur discussion ne portait pas sur leurs loisirs du dimanche précédent :
- La situation est mauvaise, très mauvaise même. Après avoir coupé nos forces en deux, les Allemands sont maintenant en train de descendre vers le sud, et je ne sais pas si nous arriverons à les arrêter.
- Mais vous n’êtes pas seuls, les Anglais sont avec vous
- Les Anglais, pour la plupart, sont rentrés chez eux, en laissant tout ce qui leur restait de véhicules et d’artillerie à Dunkerque, pendant qu’ils embarquaient sur tout ce qui pouvait flotter, et sous la protection de nos troupes.
- Mais, vous aussi, vous avez pu ramener des troupes en Angleterre
- Bien moins qu’eux. D’ailleurs, je me demande pourquoi les Allemands n’ont pas mis la pression sur Dunkerque plus tôt. Ils pouvaient capturer la quasi-totalité des Anglais sans difficulté, mais ils ne l’ont pas fait.
- Peut-être se souvenaient-ils des conditions abominables du front de l’Yser pendant la Grande Guerre ou bien étaient-ils provisoirement à court de munitions ?
- Je ne crois pas. Pour moi, cela était délibéré. Ils voulaient que le plus d’Anglais puissent retourner sur leur île, pour faire croire qu’ils n’avaient rien contre la Grande-Bretagne, et que leur ennemi était la France et elle seule.
- Une amorce de paix séparée ?
- Peut-être. Ou au moins une tentative de séparer les alliés. Les pacifistes, voire les pro-allemands, ne manquent pas là-bas, y compris au gouvernement. Ils n’ont pas encore tous compris. Mais j’ai l’impression que Churchill est en train de bien prendre les choses en main.
- Cela nous éloigne de notre sujet. Vous me disiez que ça allait mal. Mais vous allez les arrêter sur la Marne, comme en 1914 ?
- C’est illusoire. ¨Près du tiers de l’armée française est déjà prisonnière ou encerclée. Ce sera au mieux sur la Loire et le Rhône, et même là, j’ai des doutes.
- Vous tiendrez ! Avec le Maréchal Pétain au gouvernement pour réveiller le souvenir de Verdun, cela ne fait pas de doute.
- Là aussi, je crains que vous ne soyez trop optimiste

Les deux hommes convinrent de se revoir trois jours plus tard, et Roger Masson retourna à son bureau pour rédiger une brève note à l’intention du Général Guisan :
« La situation en France semble se dégrader rapidement. Une avancés des troupes allemandes jusqu’au Rhône n’est pas à exclure, menaçant dangereusement notre frontière du Jura et Genève. »
Cette note n’était bien sûr pas de nature à rassurer Guisan, qui était en train de chercher à résoudre au mieux un autre problème : celui de la trop grande efficacité de ses troupes d’aviation. En effet, suite aux incursions répétées des avions allemands dans le saillant de l’Ajoie, qui culminèrent le 8 juin 1940 par une série de combats où les Allemands perdirent plusieurs Me 110 après avoir abattu un malheureux C-35 suisse d’observation, Goering s’était fâché pour de bon. Il réclama la restitution des Me109 achetés par la Suisse, et prétendait que c’étaient les aviateurs suisses qui avaient franchi la frontière. Le 11 juin, l’Allemagne suspendit ses livraisons de charbon à la Confédération. Dès le 10 juin, les patrouilles au-dessus de la frontière furent interdites aux aviateurs suisses, et, le 13, cette interdiction s’étendit à l’Ajoie. Mais cela n’allait pas suffire à calmer le bouillant voisin.
Comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle menace risquait d’apparaître dans les prochains jours : l’Italie. Mussolini avait déclaré la guerre à la France et à la Grande-Bretagne. Même si, dans un premier temps, Mussolini « déclare la guerre mais ne la fait pas », la possibilité d’une Suisse prise en sandwich entre les deux mâchoires de l’Axe ne pouvait pas être exclue.
Comme convenu, Roger Masson et Gaston Pourchot se retrouvèrent le 14 juin, dans un parc public du centre de Berne. La conversation fut brève :
« Ce que je vous disais l’autre jour se confirme : l’ensemble de l’Armée Française décroche vers le sud. Les Allemands ont attaqué la ligne Maginot, et »
Masson interrompit son interlocuteur :
« Ici, tout le monde ne fait que parler des remous à la tête de la France : Pétain, Gamelin et Weygand renvoyés ! Les témoins, que dis-je, les piliers de la victoire de 1918 ! Et remplacés par un obscur général, qui n’était encore que colonel il y a quelques semaines, et par celui qui a ouvert la porte aux Allemands dans les Ardennes ! Mais où va votre pays ? »
La réponse de Pourchot fut brève :
« - Je peux, dans la limite de mes moyens et de ma conscience, vous parler de la situation militaire. La politique n’est pas de mon ressort, et, je le crois, pas non plus du vôtre. A demain, peut-être !
- Où ?
- Là où vont les touristes. Bonsoir !»
Roger Masson mit plusieurs minutes à se reprendre. Il avait pris un trop grand risque en interrogeant Gaston Pourchot sur ce point. Mais en y réfléchissant, il acquit la conviction que les changements survenus dans le gouvernement et à l’Etat-major français ne faisaient pas l’unanimité parmi les Français, et que bientôt le pays risquait d’être coupé en deux, non pas par l’invasion allemande, mais par l’attitude à l’encontre de l’Allemagne. En tout cas, le lendemain, il serait bien plus prudent avec sa source de renseignements. Et pour la localiser, il aurait à mettre une demi-douzaine de personnes en faction aux endroits les plus célèbres de la ville. Il s’en voulait d’avoir oublié une des règles de base du métier, et il pouvait s’estimer heureux s’il s’en tirait à si bon compte.
Toute la journée du lendemain, Roger Masson eut bien du mal à cacher sa nervosité à ses collaborateurs. Il parvint à justifier la mise en faction devant les monuments par un « exercice de détection d’agents ennemis », bien que le contre-espionnage ne fasset pas partie des attributions de son service. Ce n’est qu’à 19 h 45 que le téléphone sonna enfin : le « suspect » était repéré à la Fosse aux Ours. Il est vrai qu’il avait poussé l’amabilité au point de déplier un exemplaire du « Völkischer Beobachter » arrivé en droite ligne d’Allemagne... Vingt minutes plus tard, légèrement essoufflé, Roger Masson vint s’asseoir à côté de Gaston Pourchot.
- Sincèrement, je félicite votre pays pour sa neutralité. Ca fait maintenant plus d’une heure que je brandis ce torchon, et personne n’a fait de remarque. Seuls certains passants ont fait un détour pour éviter de passer devant mon banc. Je suppose que ce serait pareil avec un autre journal ?
- Ne le prenez pas pour acquis. Si c’était la faucille et le marteau qui apparaissaient en première page, je pense que ce n’est pas avec moi que vous seriez en train de discuter, mais avec la police.
- Mais je ne vous félicite pas pour votre vitesse… La célèbre lenteur des Bernois, sans doute ?
- Monsieur Pourchot, je sais qui vous êtes, et toute l’importance que ce que vous pouvez m’apprendre a pour mon pays. Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour hier.
- Vous comprendrez aisément que ce que vous évoquiez a été un coup de tonnerre pour beaucoup de Français, et beaucoup se demandent si l’orage va se retourner contre les Allemands ou au contraire redoubler sur notre dos. L’incident est clos.
- Et, sur le terrain, la situation a-t-elle évolué ?
- Non, pas vraiment. Nous nous replions toujours, et l’ennemi a déjà débordé Paris par l’ouest. Je pense que vous pourrez bientôt voir parader la Wehrmacht sur les Champs-Elysées aux actualités de l’UFA.
- Merci, A demain ?
- Plutôt après-demain. Cinéma Alhambra, avant-dernier rang, séance de fin d’après-midi. Si je n’y suis pas, même lieu le lendemain ou le surlendemain.
Mais laissons là nos deux acteurs du renseignement pour nous intéresser aux plans de Goering contre l’aviation helvétique. Puisqu’elle était plus forte dans les airs, elle serait détruite au sol ! A cette fin, l’Abwehr envoya un commando de 10 hommes, dont un Suisse, formés à la hâte, détruire les installations de quatre terrains d’aviation et d’une fabrique de munitions. Vêtus à l’identique d’habits de randonneurs neufs et de magnifiques chaussures bavaroises assorties, avec 50 Reichsmark et 500 Francs suisses en poche, et, dans le sac à dos, soigneusement empaqueté dans du papier gris, l’attirail complet du parfait saboteur comprenant des détonateurs, des explosifs, un pistolet avec 60 cartouches, des pinces coupantes, une lampe de poche, une carte de la Suisse ainsi qu’une boussole, sans oublier un petit sac de poivre moulu à l’usage des chiens policiers, ces brillants terroristes ne tardèrent pas à être arrêtés grâce à la vigilance d’un agent des chemins de fer fédéraux. Un mois après avoir été pris, ils furent condamnés à la prison à perpétuité, prison qu’ils quittèrent alors que le IIIe Reich s’était déjà écroulé depuis plusieurs années. Il ne fait guère de doute que le côté folklorique de l’opération avait été voulu par Canaris, qui, au moins à titre personnel, avait d’excellentes raisons de laisser la Suisse en paix.
Les jours suivants, les nouvelles en provenance de la France étaient toujours aussi inquiétantes. Paris était tombé, et tout l’ouest de la France était progressivement envahi par la Wehrmacht. Mais ce qui intéressait bien davantage le Général Guisan était la situation à sa frontière. Une très grande partie de l’armée française se trouvait toujours en Bourgogne et en Franche-Comté, mais il était de plus en plus vraisemblable qu’elle allait reculer jusqu’au Rhône. Laisserait-elle des éléments pour couvrir la frontière ? Personne ne le savait, pas même Gaston Pourchot, qui, après une brève apparition au cinéma Alhambra, était « reparti aux nouvelles ». Une chose était sûre : les Allemands continuaient à attaquer de tous les côtés, et avaient même franchi le Rhin en Alsace, pour ne trouver en face d’eux que de maigres troupes, qui malgré tout opposèrent une forte résistance. A Bâle, où l’on était aux premières loges, la canonnade s’entendait fort bien.
Quant aux nouvelles en provenance d’Allemagne, elles n’étaient pas meilleures… Le 18 juin, jour funeste s’il en fût, la déclaration faite par Hitler à l’issue de sa rencontre à Munich avec Mussolini ne laissait aucun doute : la France était en train de s’effondrer sous les coups de la Wehrmacht, et, comme elle refusait d’accepter sa défaite, l’Allemagne irait jusqu’au bout, avec le concours de l’Italie. Il eut même une phrase pour la Suisse, qui disait en substance : « une fois complètement encerclée, elle sera à notre merci, et elle se taira. Sinon, nous l’avalerons au retour !».


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MessagePosté le: Jeu Déc 27, 2007 16:19    Sujet du message: Répondre en citant

Excellent, le coup du commando Rolling Eyes
Sinon, il y a un jour de décalage : le premier entretien a lieu le 11 et les deux hommes conviennent de se revoir 3 jours plus tard. Mais le second entretien a lieu le 13 ?
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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