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"Fabrice à Waterloo", Avril 1944
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demolitiondan



Inscrit le: 19 Sep 2016
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MessagePosté le: Sam Juil 16, 2022 10:50    Sujet du message: Répondre en citant

De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Enthousiasme
Voïvodine –
« Nous montions à présent avec le gros de l’infanterie yougoslave en territoire libérée – un territoire, je dois le dire, dont la beauté ne m’inspirait pas. Plaine agricole humide, triste, désolée, comme la Franche-Comté un mauvais jour d’hiver. Mes lépreux et moi-même n’étions pas supposés participer directement au combat. Néanmoins, au vu de l’étendue du terrain à tenir et de la parcimonie des effectifs engagés, je savais déjà en tant que professionnel qu’il était improbable que nous ne vîmes pas l’ennemi. Je fit donc mettre mon groupe en configuration de combat.
Hélas, lorsque nous arrivâmes finalement à Kovačica, ce fut pour croiser des adversaires effectivement – anciens, désarmés, et visiblement dépenaillés. Des hongrois ayant fui leur pays écrasé ! La vue de mon uniforme et de mon groupe calma un peu les sentinelles qui faisait la garde : devant moi, elles passèrent de patous agressifs volontiers molesteurs à de plus professionnels chiens de berger. Je ne pu toutefois faire l’impasse sur de nombreuses traces de coups voire de blessures visiblement récentes, et pas forcément dues aux Boches. Rapport en serait fait, une fois encore… Et je m’assurerai que le commandant Dumaire en ait bien connaissance – face à Vranješević, il me fallait bien surveiller mes arrières, tout était à craindre avec cet homme, même une interception.
Mais le plus dangereux, le plus logique, le plus inquiétant, n’était pas encore pour moi le sort des repentis de la Honvèd. Non, c’était la population civile. Laquelle n’était forcément enchantée de nous voir, je dois bien le dire. Car il y avait des hongrois à Kovačica, une
‘très forte minorité’ selon l’euphémisme en vigueur, mais que pour ma part, j’estimais bien plus volontiers à une véritable majorité. Qu’adviendrait-il d’elle en cas de nouveau ‘dérapage’ de jeunes conscrits avides de vengeance ? Voire pire – le visage du ‘capitaine” Živojin Lazović un instant m’apparu un bref instant. Et c’est la voix du caporal Dennoyeur qui ramena mon esprit parmi nous. Avec une ironie mordante, il chantonnait ‘Le jour de gloire est arrivé …’»


L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Chasse à l'homme
Environs de Jarkovac, Voïvodine –
« Une fois encore, et comme jadis en Bulgarie, nous parcourions la campagne avec d’autres à la recherche de défecteurs ou autres ‘traitres à la cause’ qui tentaient de gagner les lignes ennemies. Une tâche ingrate, visiblement médiocre – d’autres aurait pu l’accomplir, jusqu’aux médiocres réservistes de l’Ersatz. Et nos talents de Brandenburgers ne trouvaient assurément pas ici matière à s’exprimer.
J’en étais donc là, à me lamenter sur mes dernières actions, quand Olaf m’avisait au loin d’un petit de fantassins visiblement
‘anciennement amis’ qui progressait le long de la route vers le Sud. Uniformes déchirés, fusils trainants au sol, démarche épuisée – leur origine était claire. J’épaulais pour un premier tir de sommation. Mauvaise réponse : ils se baissent et commencent à courir. Un coup : l’homme de tête culbute en arrière. « Et de un ! » Je réajuste et en aligne un second. « Et de deux ! » La séquence se répète – les hongrois n’arrêtent pas, et sont presque à mi chemin de leur salut. A un angle de 45°, je dois à présent prendre en compte la déflexion. « Et de trois ! » « Et de quatre ! » Mes gestes sont précis, mécaniques, implacables- comme les rouages de mon arme. « ET DE CINQ, BANDE D’ENFOIRES ! » Un sixième suivrait encore, avant que les survivants ne disparaissent dans les fourrées. « On devrait peut-être les poursuivre, Herr Obergefreiter ? » me lança un Wilfried sans doute assez étonné de ma performance.
« Non, ils ont fait leur choix en refusant de se rendre. Et puis, on les reverra surement plus loin. Sinon … ben, ils ont eu de la chance. De toute façon, ils sont encore plus mauvais que les croates ! » J’en avais soupé des hongrois – la nuit de la veille avait éveillé en moi, et à leur encontre, comme un genre de rancœur issu de l’humiliation. »
(Dennis Kolte, op. cit.)
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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John92



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MessagePosté le: Sam Juil 16, 2022 11:19    Sujet du message: Répondre en citant

De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Enthousiasme
Voïvodine –
« Nous montions à présent avec le gros de l’infanterie yougoslave en territoire libérée (libéré) – un territoire, je dois le dire, dont la beauté ne m’inspirait pas.
...
Je
fit (fis) donc mettre mon groupe en configuration de combat.
Hélas, lorsque nous arrivâmes finalement à Kovačica, ce fut pour croiser des adversaires effectivement – anciens, désarmés, et visiblement dépenaillés. Des
hongrois (Hongrois) ayant fui leur pays écrasé ! La vue de mon uniforme et de mon groupe calma un peu les sentinelles qui faisait la garde : devant moi, elles passèrent de patous agressifs volontiers molesteurs (néologisme Coonien ?) à de plus professionnels chiens de berger. Je ne pu (put) toutefois faire l’impasse sur de nombreuses traces de coups voire de blessures visiblement récentes, et pas forcément dues aux Boches.
...
Laquelle n’était
pas (à ajouter)forcément enchantée de nous voir, je dois bien le dire. Car il y avait des hongrois (Hongrois) à Kovačica, une ‘très forte minorité’ selon l’euphémisme en vigueur, mais que pour ma part, j’estimais bien plus volontiers à une véritable majorité. Qu’adviendrait-il d’elle en cas de nouveau ‘dérapage’ de jeunes conscrits avides de vengeance ? Voire pire – le visage du ‘capitaine” Živojin Lazović un instant m’ apparu (apparut) un bref instant. Et c’est la voix du caporal Dennoyeur qui ramena mon esprit parmi nous. Avec une ironie mordante, il chantonnait ‘Le jour de gloire est arrivé …’»


L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Chasse à l'homme
Environs de Jarkovac, Voïvodine –
« Une fois encore, et comme jadis en Bulgarie, nous parcourions la campagne avec d’autres à la recherche de défecteurs ou autres ‘traitres à la cause’ qui tentaient de gagner les lignes ennemies. Une tâche ingrate, visiblement médiocre – d’autres aurait (auraient) pu l’accomplir, jusqu’aux médiocres réservistes de l’Ersatz. Et nos talents de Brandenburgers ne trouvaient assurément pas ici matière à s’exprimer.
J’en étais donc là, à me lamenter sur mes dernières actions, quand Olaf m’avisait au loin d’un petit
groupe (à ajouter)de fantassins visiblement ‘anciennement amis’ qui progressait le long de la route vers le Sud. Uniformes déchirés, fusils trainants au sol, démarche épuisée – leur origine était claire. J’épaulais pour un premier tir de sommation. Mauvaise réponse : ils se baissent et commencent à courir. Un coup : l’homme de tête culbute en arrière. « Et de un ! » Je réajuste et en aligne un second. « Et de deux ! » La séquence se répète – les hongrois (Hongrois) n’arrêtent pas, et sont presque à mi chemin (mi-chemin) de leur salut. A un angle de 45°, je dois à présent prendre en compte la déflexion. « Et de trois ! » « Et de quatre ! » Mes gestes sont précis, mécaniques, implacables- comme les rouages de mon arme. « ET DE CINQ, BANDE D’ENFOIRES ! » Un sixième suivrait (suivra ?) encore, avant que les survivants ne disparaissent dans les fourrées. « On devrait peut-être les poursuivre, Herr Obergefreiter ? » me lança un Wilfried sans doute assez étonné de ma performance.
« Non, ils ont fait leur choix en refusant de se rendre. Et puis, on les reverra surement plus loin. Sinon … ben, ils ont eu de la chance. De toute façon, ils sont encore plus mauvais que les
croates (Croates) ! » J’en avais soupé des hongrois (Hongrois) – la nuit de la veille avait éveillé en moi, et à leur encontre, comme un genre de rancœur issu (issue) de l’humiliation. » (Dennis Kolte, op. cit.)
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Ne pas confondre facilité et simplicité
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Etienne



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MessagePosté le: Sam Juil 16, 2022 18:11    Sujet du message: Répondre en citant

Y a t-il eu une réforme sur les accents circonflexes? Confused

"Traîtres", "sûrement"...
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houps



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MessagePosté le: Sam Juil 16, 2022 20:03    Sujet du message: Répondre en citant

De retour du Lautaret (fait chaud !)

demolitiondan a écrit:
De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Enthousiasme
Voïvodine –
« ... La vue de mon uniforme et de mon groupe calma un peu les sentinelles qui faisaient la garde : devant moi, elles passèrent de patous agressifs volontiers molesteurs à de plus professionnels chiens de berger. Je ne pus toutefois faire l’impasse sur de nombreuses traces de coups voire de blessures visiblement récentes, et pas forcément dûes aux Boches. ...


L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Chasse à l'homme
Environs de Jarkovac, Voïvodine –
« [i]Une fois encore, et comme jadis en Bulgarie, nous parcourions la campagne avec d’autres à la recherche de défecteurs ou autres ‘traitres à la cause’ qui tentaient de gagner les lignes ennemies. Une tâche ingrate, visiblement médiocre** – d’autres aurait pu l’accomplir, jusqu’aux médiocres** réservistes de l’Ersatz. Et nos talents de
Brandenburgers ne trouvaient assurément pas ici matière à s’exprimer.
... Uniformes déchirés, fusils [color=blue]traînant
au sol, démarche épuisée – leur origine était claire. J’épaulais pour un premier tir de sommation. Mauvaise réponse : ils se baissent et commencent à courir. Un coup : l’homme de tête culbute en arrière.
« Et de un ! » Je réajuste et en aligne un second. « Et de deux ! » La séquence se répète – les hongrois n’arrêtent pas, et sont presque à mi chemin de leur salut. A un angle de 45°, je dois à présent prendre en compte la déflexion. « Et de trois ! » « Et de quatre ! » Mes gestes sont précis, mécaniques, implacables- comme les rouages de mon arme. « ET DE CINQ, BANDE D’ENFOIRES ! » Un sixième suivrait encore, avant que les survivants ne disparaissent dans les fourrés. « On devrait peut-être les poursuivre, Herr Obergefreiter ? » me lança un Wilfried sans doute assez étonné de ma performance.
« Non, ils ont fait leur choix en refusant de se rendre. Et puis, on les reverra sûrement plus loin. Sinon … ben, ils ont eu de la chance. De toute façon, ils sont encore plus mauvais que les croates ! » J’en avais soupé des hongrois – la nuit de la veille avait éveillé en moi, et à leur encontre, comme un genre de rancœur issu de l’humiliation. » [/color](Dennis Kolte, op. cit.)


Bon, "traînant" (participe présent, et non adjectif verbal) refuse de passer en bleu...

Ensuite :

Les ** signalent une répétition. Je propose " piètres réservistes"...
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houps



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MessagePosté le: Sam Juil 16, 2022 20:05    Sujet du message: Répondre en citant

Etienne a écrit:
Y a t-il eu une réforme sur les accents circonflexes? Confused

"Traîtres", "sûrement"...


Non, non, sûrement pas, mais le "^" fond avec la chaleur, tout comme le "ç" majuscule... Rolling Eyes
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MessagePosté le: Sam Juil 16, 2022 20:46    Sujet du message: Répondre en citant

houps a écrit:
Non, non, sûrement pas, mais le "^" fond avec la chaleur, tout comme le "ç" majuscule... Rolling Eyes

C'est joliment dit Applause
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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Juil 16, 2022 22:46    Sujet du message: Répondre en citant

Sinon, sur le fond, ca convient ? Confused
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houps



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MessagePosté le: Dim Juil 17, 2022 08:47    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Sinon, sur le fond, ca convient ? Confused


Sur le fond, que donne le ca ?... Arrow
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Quand un PDG fait naufrage, on peut crier "La grosse légume s'échoue".
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demolitiondan



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MessagePosté le: Ven Juil 22, 2022 11:39    Sujet du message: Répondre en citant

16 avril 1944
L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Retour aux sources
Environs de Jarkovac, Voïvodine
« Agitation sur la division, de nuit et vers le Sud-Ouest en direction des lignes alliés. Le Brandenburg repartait à l’assaut ! Comme jadis, lors des grandes heures de 1940 et 1942, pour une action brusquée qui n’avait pas d’autre but que celui de semer le chaos et de frapper l’adversaire dans les côtes.
L’opération paraissait donc – à première vue et pour une fois –
‘nous’ convenir, attendu que cette fois-ci, il ne s’agissait pas tant d’attaquer en grande unité que de s’infiltrer, contourner, taper avant de filer. Toutefois, la plaine de Voïvodine s’y prêtait malheureusement mal – avec son peu de couvert, on pouvait être vu à des kilomètres. Ça serait donc avant tout une affaire de vitesse. Et de chance surtout.
Avec
Doris, notre groupe partait évidemment en avant, telle la section de reconnaissance qu’elle était, accompagnée en sus d’une radio manœuvré par un opérateur prénommé Walter. Je me gardais bien d’être enthousiaste face à cette énième chevauchée fantastique – et tout autour, en bons soldats professionnels, c’était l’appréhension des grands jours qui domine. Tous, hormis Olaf … et encore, ce dernier était un peu trop bruyant pour être véritablement sincère. Quoiqu’il en soit, notre camion quittait le camp, et les bords du canal, pour disparaitre dans la nuit... »
(Dennis Kolte, op. cit.)
_________________
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Juil 24, 2022 10:26    Sujet du message: Répondre en citant

17 avril 1944
De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Elle viendra quand même
Environs de Kovačica, Voïvodine –
« ‘Si j'avance, suivez-moi ! Si je recule, tuez-moi ! Et si je meurs, vengez-moi !’ – c’est sur cette citation de La Rochejaquelein que j’escomptais glorieuse que nous avions commencé la matinée. De nuit, la division du général Mihailovic était attaquée, soumise à une succession de coup de mains et autres infiltrations par des groupes très mobiles, inévitablement renforcés ensuite d’engins blindés, voire de canons automoteurs type Sturmgeschütz. Des combattants visiblement très professionnels, au moins pour leur plus grande partie – mais depuis 5 ans que nous combattions les allemands, nous avions nous aussi eu le temps pour aguerrir.
Mes lépreux et moi étions donc désormais, par hasard ou accident – mais en tout cas sans réserve – à nouveau sur le front. Mobilisés comme tant d’autres à défendre un chemin de traverse menant au village
‘stratégique’ de Kovačica. La tâche semblait facile : peu de couvert, rien sinon des champs et des fossés sur des kilomètres. Seul problème que nous n’avons pas su anticiper : la lumière sans cesse chancelante et agressive des fusées éclairantes, dont nos alliés yougoslaves faisaient un abondant usage, au moins autant que des munitions qui leur avait été confié. Régulièrement, sur ma gauche comme sur ma droite, traçantes, explosions, départ de feu : la guerre, dans toute sa bruyante splendeur.
Nous avions déjà repoussé un groupe de 4 hommes, surpris à découvert en passant d’un fossé à l’autre. Mais alors que de nouveaux éléments arrivés entretemps prenaient notre relais sur notre position, la radio nous ordonnait de nous redéployer plus au Sud, en direction de Crepaja. C’était sans doute facile pour un habitué des lieux – pour moi, sans visibilité, avec une mauvaise carte et mes deux engins au milieu de la campagne, c’était pire qu’un exercice de scout.

Nous y arrivâmes finalement à 4 ou 5 heures du matin … Plus longtemps à tenir avant le levé du soleil – je savais déjà par retour d’expérience que la lumière était maléfique aux Boches. Faute d’aviation, en terrain aussi plat, ceux-ci n’allaient pas manquer de souffrir sitôt nos avions sur les lieux ! J’abordais donc cette dernière affectation avec une forme de soulagement, teinté par la certitude que nous étions de toute façon passés sur un secteur secondaire de la bataille. Mauvaise pensée, issues de la fatigue comme de l’ivresse des combats. Elles m’ont fait du tort – et hélas pas qu’à moi.
Ainsi, quand nous vîmes arriver au loin, sur notre droite (donc depuis le Sud) un camion se dirigeant vers nous, nous n’avons pas envisagé un instant qu’il puisse être allemand ! Et pourtant … En voyant notre barrage, le véhicule fit soudain une embardée vers la gauche, visiblement pour nous éviter … avant de se coincer dans un trou d’eau. Le chauffeur enchainait les coups de pédale rageurs pour redémarrer au plus vite, faisant ainsi souffrir son moteur. Une fusée passe au loin au-dessus, éclairant un bref instant l’attelage. Mon sergent
‘Ca, ce ne sont pas des yougo, mon capitaine.’ Moi, à la jumelle : ‘J’avais compris. De toute façon, je n’ai jamais vu de Yougoslaves dans des camions tchèques, avec un nom en gothique sur leur capot. On se déploie !’
Mon groupe ne fut pas long à se redéployer. La fusillade est par contre curieusement longue à venir : nos adversaires étaient soit peu motivés, soit très disciplinés. Quoiqu’il en soit …les coups de feu éclatèrent avec une violence et une précision que je n’avais encore que rarement vu. J’esquivais de justesse une rafale de pistolet-mitrailleur qui balayait mon couvert, Augagneur balançait son MAS en direction du camion, sans parvenir à ajuster … Chaque fois qu’il épaulait, un tir de sniper le forçait à se rejeter dans la boue presqu’immédiatement. ‘On a des costauds en face, mon capitaine !’ ‘JE SAIS ! Caporal, vous et deux hommes, vous allez me ramper dans cette direction avec trois grenades chacun, compris ?’
Sitôt dit, sitôt fait ! Dennoyeur et mes deux tatars Garifullina et Gaspirali s’éloignait dans la nuit fracassé. Ils n’avaient fait que 100 mètres quand le plus gros des tirs se reporta sur eux. Nos adversaires avaient compris le danger.
Trois détonations de fusil dans le silence, coup sur coup. Puis au loin un grand cri, qui faisait
Buk ! et je savais qu’il s’était passé quelque chose … Le camion nous échappait. Sortant de son piège au prix de milles efforts, il s’éloignait de nous, pris un nouveau virage et disparu dans la nuit. J’observais à la lueur de ma dernière fusée un individu à fusil monter en marche à l’arrière du camion, souple et agile comme un tigre, sans que nos tirs ne puissent rien y faire.
‘Merde, je crois qu’on a un blessé mon capitaine !’ Au mépris de toutes les règles, mon sergent de se lever et de courir vers la zone où se concentrait désormais l’attention. ‘Merde ! Merde ! Merde ! MERDE ! MERDE ! MEEEEEEEERDE !’ hurlait Augagneur à la Cantonnade, comme sous le coup d’une sombre prémonition. Je ne lui en voulais pas – je dois hélas convenir que j’éprouvais la même.
Il était là, dans le fossé, la poitrine fracassé par un impact, la tête sur une médiocre pierre à me tenter un sourire.
‘Alors, mon capitaine, là, j’ai racheté mes fautes comme on dit ?’ Augagneur :’Raah putain Charles, ils t’ont eu ces enfants de XXX biberonnés au XXX ! Mais vous foutez quoi tous les deux ? Allez vite nous chercher le secours ! Poche de sang, la poudre jaune, tout le bordel ! ALLLEZ MERDE grouillez vous !’
Je n’allais pas contredire cette injonction virile mais pleine de sens. Les deux Tatars filaient au camion, vite remplacés par une bonne part du reste de la section – je lui ordonnai de former périmètre, autour du lieu du drame. Certes, l’ennemi paraissait parti - mais on n’était jamais sûr de rien ! Quoiqu’à la réflexion … Je pris sur moi de regarder la blessure : mauvaise. Très mauvaise. Un tir parfait, presque sportif – comme celui d’un cerf qu’on abat en forêt. La balle était passé dans les côtes droite, avait probablement fracassé deux ou trois os avant ressortir par la gauche en perçant les deux poumons. Et vu la bile jaune qui paraissait aussi tacher son uniforme, ce n’était sans doute pas le seul organe touché … Il n’en avait hélas plus pour longtemps. Je m’asseyais à côté de lui, alors qu’il palissait à vue d’œil, et que la terre sous lui devenait rouge. ‘Je ne sais pas si je vous ai fait une faveur en vous emmenant dans ce merdier, caporal. Mon cher ami, j’aurai préféré vous imaginer ailleurs qu’ici…’ Il m’a sourit, face à ses deux amis qui pleuraient, pour simplement partir en murmurant de plus en plus faiblement ‘Le monde en beau. Le monde en beau. Le monde en beau.’ (1) Je lui fermais les yeux. Le jour se levait. C’était fini. Sous le voile de la Gloire, la guerre se révélait une marâtre fort laide. Adieu, caporal Dennoyeur. Vous étiez trop subtil pour ce monde. »


L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Coup de chance
Est de Kovačica, Voïvodine –
« Une mauvaise rencontre plus tard (une de plus !) notre section et Doris regagnions enfin les lignes amies. Maudit commandement qui avait jugé pertinent de nous envoyer seuls vers le Sud ! Maudits retards et embourbements qui nous mettait à chaque heure davantage en difficulté ! Fichu soleil qui se levait et réduirait bientôt à néant le seul avantage dont nous disposions ! La nuit n’avait certes pas été mauvaise – juste médiocre : aucun sabotage, quelques affrontements, et surtout une capture évitée de justesse à cause d’une roue coincée. La Dame soit louée, nous nous en étions sortis. Pas bien fins, les adversaires locaux – c’eut été nous qu’ils n’auraient guère eu de chance.
Et en parlant de chance … Le jour était revenu. Un groupe de chasseur lourd ennemi apparaissait à l’horizon. Depuis ma place tout à l’arrière du plateau, j’en vis soudain un qui se détacherait et virait vers nous, assurément animé des plus mauvaises intentions. Le gros batard (2) accélérait très vite
‘Wilfried, tu m’écoute bien ! Quand je te dis de tourner, tu tourne ! Peu importe où ca nous envoie !’ ‘Compris, Herr Obergefreiter ! Mais ca sera un miracle si on s’en sort !’
En effet, je n’en doutais pas. Mais sauter du camion en plaine n’aurait rien abouti qu’à nous faire massacrer en courant à pied. Et pourtant – prière exaucée ou simple adresse de notre chauffeur ? – nous tînmes bon. Au moins deux bonnes minutes face à un chasseur visiblement enragé, qui faisait virevolter très très bas ses cocardes yougoslaves. Toutefois, en arrivant vers Padina, nous nous retrouvâmes coincés par un fossé de drainage de forte profondeur, impossible à passer sauf à rouler droit. Et évidemment … ‘On passe en force, sinon c’est la capture !’ ‘Oui, et sinon, je nous jette dans le trou au pire. Bonne chance les gars, faites vos prières !’ Oskar se signait, Olaf faisait un geste bizarre de sa main, Kurt caressait sa MG42, Wilfried embrassait son volant, Walter trifouillait sa radio en espérant un miracle … Je me retirais au plus profond de moi pour une supplique. Qui n’était visiblement pas entendu : l’avion s’aligna, accéléra et commença à labourer la route juste derrière nous. Un, deux, trois trous dans le plancher et la bâche … et ce fut tout ! Nous passâmes le pont, sous les coups d’ailes rageux de notre adversaire, continua encore un trop long moment à nous menacer avant d’abandonner finalement la poursuite.
Quand il disparu enfin au loin, nous fîmes halte. Silence, soupirs, sortie … Vomissures dans le fossé pour ce cher Olaf. Et derrière moi, Oskar – notre approvisionneur, qui ne bougeait plus, le pied visiblement fracassé par un obus adverse. Personne ne s’en était rendu compte, tant il était raide de douleur et de discipline. Il me glissa dans un sourire :
‘Comment ca se présente, Obergefreiter ?’ ‘Je ne vais pas vous mentir ... Probablement comme ca se ressent.’ ‘J’imagine des fraises écrasées …’
» (Dennis Kolte, op. cit.)

Quelque part – Une ombre passe parmi les ombres et les braséros. Elle s’arrête un instant devant un statue, ouvre sa main droite pour y jeter quelque chose qui tombe dans une cascade de tintement métallique, avant de poursuivre sa route.

Une cabane perdue en Serbie – Beaucoup plus loin, une voyante continue de tirer ses cartes de tarot : Le Chariot, La roue de la Fortune et l’Empereur. La guerre, le changement puis la Stabilité. ‘Comme diraient les autres : un partout, et la partie continue. Oui… oui, oui.’

(1) Le mauvais vitrier, Charles Baudelaire (1869) sans doute.
(2) Le surnom de Diable à deux queues (Gabelschwanz-Teufel) attribué au P-38 relève bien sûr de la propagande alliée. Comme ‘La Mort Sifllante’ pour le Corsair et tout ce genre de choses. Au milieu d’un combat, soumis à des tirs de 12.7 mm, on a souvent mieux à faire que trouver des évocations poétiques pour désigner ses adversaires …
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Etienne



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MessagePosté le: Dim Juil 24, 2022 10:42    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
16 avril 1944
L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Retour aux sources
Environs de Jarkovac, Voïvodine
« Agitation sur la division, de nuit et vers le Sud-Ouest en direction des lignes alliés. Le Brandenburg repartait à l’assaut ! Comme jadis, lors des grandes heures de 1940 et 1942, pour une action brusquée qui n’avait pas d’autre but que celui de semer le chaos et de frapper l’adversaire dans les côtes.
L’opération paraissait donc – à première vue et pour une fois –
‘nous’ convenir, attendu que cette fois-ci, il ne s’agissait pas tant d’attaquer en grande unité que de s’infiltrer, contourner, taper avant de filer. Toutefois, la plaine de Voïvodine s’y prêtait malheureusement mal – avec son peu de couvert, on pouvait être vu à des kilomètres. Ça serait donc avant tout une affaire de vitesse. Et de chance surtout.
Avec
Doris, notre groupe partait évidemment en avant, telle la section de reconnaissance qu’elle était, accompagnée en sus d’une radio manœuvré[color=red]e par un opérateur prénommé Walter. Je me gardais bien d’être enthousiaste face à cette énième chevauchée fantastique – et tout autour, en bons soldats professionnels, c’était l’appréhension des grands jours qui domine. Tous, hormis Olaf … et encore, ce dernier était un peu trop bruyant pour être véritablement sincère. Quoiqu’il en soit, notre camion quittait le camp, et les bords du canal, pour disparaître dans la nuit... »
[/color] (Dennis Kolte, op. cit.)

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Etienne



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MessagePosté le: Dim Juil 24, 2022 11:02    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
17 avril 1944
De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Elle viendra quand même
Environs de Kovačica, Voïvodine –
« ‘Si j'avance, suivez-moi ! Si je recule, tuez-moi ! Et si je meurs, vengez-moi !’ – c’est sur cette citation de La Rochejaquelein que j’escomptais glorieuse que nous avions commencé la matinée. De nuit, la division du général Mihailovic était attaquée, soumise à une succession de [color=red]coup de mains (coups de main) et autres infiltrations par des groupes très mobiles, inévitablement renforcés ensuite d’engins blindés, voire de canons automoteurs type Sturmgeschütz. Des combattants visiblement très professionnels, au moins pour leur plus grande partie – mais depuis 5 ans que nous combattions les allemands, nous avions nous aussi eu le temps pour aguerrir. (pour nous, ou de nous aguerrir)
Mes lépreux et moi étions donc désormais, par hasard ou accident – mais en tout cas sans réserve – à nouveau sur le front. Mobilisés comme tant d’autres à défendre un chemin de traverse menant au village
‘stratégique’ de Kovačica. La tâche semblait facile : peu de couvert, rien sinon des champs et des fossés sur des kilomètres. Seul problème que nous n’avons pas su anticiper : la lumière sans cesse chancelante et agressive des fusées éclairantes, dont nos alliés yougoslaves faisaient un abondant usage, au moins autant que des munitions qui leur avait été confiées. Régulièrement, sur ma gauche comme sur ma droite, traçantes, explosions, départ de feu : la guerre, dans toute sa bruyante splendeur.
Nous avions déjà repoussé un groupe de 4 hommes, surpris à découvert en passant d’un fossé à l’autre. Mais alors que de nouveaux éléments arrivés entretemps prenaient notre relais sur notre position, la radio nous ordonnait de nous redéployer plus au Sud, en direction de Crepaja. C’était sans doute facile pour un habitué des lieux – pour moi, sans visibilité, avec une mauvaise carte et mes deux engins au milieu de la campagne, c’était pire qu’un exercice de scout.

Nous y arrivâmes finalement à 4 ou 5 heures du matin … Plus longtemps à tenir avant le levé du soleil – je savais déjà par retour d’expérience que la lumière était maléfique aux Boches. Faute d’aviation, en terrain aussi plat, ceux-ci n’allaient pas manquer de souffrir sitôt nos avions sur les lieux ! J’abordais donc cette dernière affectation avec une forme de soulagement, teintée par la certitude que nous étions de toute façon passés sur un secteur secondaire de la bataille. Mauvaise pensée, issues (issue) de la fatigue comme de l’ivresse des combats. Elles m’ont fait du tort – et hélas pas qu’à moi.
Ainsi, quand nous vîmes arriver au loin, sur notre droite (donc depuis le Sud) un camion se dirigeant vers nous, nous n’avons pas envisagé un instant qu’il puisse être Allemand ! Et pourtant … En voyant notre barrage, le véhicule fit soudain une embardée vers la gauche, visiblement pour nous éviter … avant de se coincer dans un trou d’eau. Le chauffeur enchaînait les coups de pédale rageurs pour redémarrer au plus vite, faisant ainsi souffrir son moteur. Une fusée passe au loin au-dessus, éclairant un bref instant l’attelage. Mon sergent
‘Ca, ce ne sont pas des Yougo, mon capitaine.’ Moi, à la jumelle : ‘J’avais compris. De toute façon, je n’ai jamais vu de Yougoslaves dans des camions tchèques, avec un nom en gothique sur leur capot. On se déploie !’
Mon groupe ne fut pas long à se redéployer. La fusillade est par contre curieusement longue à venir : nos adversaires étaient soit peu motivés, soit très disciplinés. Quoiqu’il en soit …les coups de feu éclatèrent avec une violence et une précision que je n’avais encore que rarement vu. J’esquivais de justesse une rafale de pistolet-mitrailleur qui balayait mon couvert, Augagneur balançait son MAS en direction du camion, sans parvenir à ajuster … Chaque fois qu’il épaulait, un tir de sniper le forçait à se rejeter dans la boue presqu’immédiatement. ‘On a des costauds en face, mon capitaine !’ ‘JE SAIS ! Caporal, vous et deux hommes, vous allez me ramper dans cette direction avec trois grenades chacun, compris ?’
Sitôt dit, sitôt fait ! Dennoyeur et mes deux tatars Garifullina et Gaspirali s’éloignaient dans la nuit fracassée (ça fait bizarre, comme adjectif pour la nuit). Ils n’avaient fait que 100 mètres quand le plus gros des tirs se reporta sur eux. Nos adversaires avaient compris le danger.
Trois détonations de fusil dans le silence, coup sur coup. Puis au loin un grand cri, qui faisait
Buk ! et je savais qu’il s’était passé quelque chose … Le camion nous échappait. Sortant de son piège au prix de milles efforts, il s’éloignait de nous, pris (prit) un nouveau virage et disparut dans la nuit. J’observais à la lueur de ma dernière fusée un individu à fusil monter en marche à l’arrière du camion, souple et agile comme un tigre, sans que nos tirs ne puissent rien y faire.
‘Merde, je crois qu’on a un blessé mon capitaine !’ Au mépris de toutes les règles, mon sergent de se lever et de courir vers la zone où se concentrait désormais l’attention. ‘Merde ! Merde ! Merde ! MERDE ! MERDE ! MEEEEEEEERDE !’ hurlait Augagneur à la Cantonnade, comme sous le coup d’une sombre prémonition. Je ne lui en voulais pas – je dois hélas convenir que j’éprouvais la même.
Il était là, dans le fossé, la poitrine fracassé par un impact, la tête sur une médiocre pierre à me tenter un sourire.
‘Alors, mon capitaine, là, j’ai racheté mes fautes comme on dit ?’ Augagneur :’Raah putain Charles, ils t’ont eu, ces enfants de XXX biberonnés au XXX ! Mais vous foutez quoi tous les deux ? Allez vite nous chercher le secours ! Poche de sang, la poudre jaune, tout le bordel ! ALLLEZ MERDE grouillez vous !’
Je n’allais pas contredire cette injonction virile mais pleine de bon sens. Les deux Tatars filaient au camion, vite remplacés par une bonne part du reste de la section – je lui ordonnai de former périmètre, autour du lieu du drame. Certes, l’ennemi paraissait parti - mais on n’était jamais sûr de rien ! Quoiqu’à la réflexion … Je pris sur moi de regarder la blessure : mauvaise. Très mauvaise. Un tir parfait, presque sportif – comme celui d’un cerf qu’on abat en forêt. La balle était passé dans les côtes droites, avait probablement fracassé deux ou trois os avant ressortir par la gauche en perçant les deux poumons. Et vu la bile jaune qui paraissait aussi tacher son uniforme, ce n’était sans doute pas le seul organe touché … Il n’en avait hélas plus pour longtemps. Je m’asseyais à côté de lui, alors qu’il pâlissait à vue d’œil, et que la terre sous lui devenait rouge. ‘Je ne sais pas si je vous ai fait une faveur en vous emmenant dans ce merdier, caporal. Mon cher ami, j’aurai préféré vous imaginer ailleurs qu’ici…’ Il m’a sourit (souri), face à ses deux amis qui pleuraient, pour simplement partir en murmurant de plus en plus faiblement ‘Le monde en beau. Le monde en beau. Le monde en beau.’ (1) Je lui fermais les yeux. Le jour se levait. C’était fini. Sous le voile de la Gloire, la guerre se révélait une marâtre fort laide. Adieu, caporal Dennoyeur. Vous étiez trop subtil pour ce monde. »[/color]

L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Coup de chance
Est de Kovačica, Voïvodine –
« Une mauvaise rencontre plus tard (une de plus !)[color=red], notre section et Doris regagnions enfin les lignes amies. Maudit commandement qui avait jugé pertinent de nous envoyer seuls vers le Sud ! Maudits retards et embourbements qui nous mettait à chaque heure davantage en difficulté ! Fichu soleil qui se levait et réduirait bientôt à néant le seul avantage dont nous disposions ! La nuit n’avait certes pas été mauvaise – juste médiocre : aucun sabotage, quelques affrontements, et surtout une capture évitée de justesse à cause d’une roue coincée. La Dame soit louée, nous nous en étions sortis. Pas bien fins, les adversaires locaux – c’eût été nous qu’ils n’auraient guère eu de chance.
Et en parlant de chance … Le jour était revenu. Un groupe de chasseurs lourds ennemi apparaissait à l’horizon. Depuis ma place tout à l’arrière du plateau, j’en vis soudain un qui se détacherait détachait) et virait vers nous, assurément animé des plus mauvaises intentions. Le gros bâtard (2) accélérait très vite
‘Wilfried, tu m’écoutes bien ! Quand je te dis de tourner, tu tournes ! Peu importe où ca nous envoie !’ ‘Compris, Herr Obergefreiter ! Mais ca sera un miracle si on s’en sort !’
En effet, je n’en doutais pas. Mais sauter du camion en plaine n’aurait rien abouti qu’à nous faire massacrer en courant à pied. Et pourtant – prière exaucée ou simple adresse de notre chauffeur ? – nous tînmes bon. Au moins deux bonnes minutes face à un chasseur visiblement enragé, qui faisait virevolter très très bas ses cocardes yougoslaves. Toutefois, en arrivant vers Padina, nous nous retrouvâmes coincés par un fossé de drainage de forte profondeur, impossible à passer sauf à rouler droit. Et évidemment … ‘On passe en force, sinon c’est la capture !’ ‘Oui, et sinon, je nous jette dans le trou au pire. Bonne chance les gars, faites vos prières !’ Oskar se signait, Olaf faisait un geste bizarre de sa main, Kurt caressait sa MG42, Wilfried embrassait son volant, Walter trifouillait sa radio en espérant un miracle … Je me retirais au plus profond de moi pour une supplique. Qui n’était visiblement pas entendue : l’avion s’aligna, accéléra et commença à labourer la route juste derrière nous. Un, deux, trois trous dans le plancher et la bâche … et ce fut tout ! Nous passâmes le pont, sous les coups d’ailes rageux de notre adversaire, qui continua encore un trop long moment à nous menacer avant d’abandonner finalement la poursuite.
Quand il disparut enfin au loin, nous fîmes halte. Silence, soupirs, sortie … Vomissures dans le fossé pour ce cher Olaf. Et derrière moi, Oskar – notre approvisionneur, qui ne bougeait plus, le pied visiblement fracassé par un obus adverse. Personne ne s’en était rendu compte, tant il était raide de douleur et de discipline. Il me glissa dans un sourire :
‘Comment ca se présente, Obergefreiter ?’ ‘Je ne vais pas vous mentir ... Probablement comme ca se ressent.’ ‘J’imagine des fraises écrasées …’[/color] » (Dennis Kolte, op. cit.)

Quelque part – Une ombre passe parmi les ombres et les braséros. Elle s’arrête un instant devant un statue, ouvre sa main droite pour y jeter quelque chose qui tombe dans une cascade de tintement métallique, avant de poursuivre sa route.

Une cabane perdue en Serbie – Beaucoup plus loin, une voyante continue de tirer ses cartes de tarot : Le Chariot, La roue de la Fortune et l’Empereur. La guerre, le changement puis la Stabilité. ‘Comme diraient les autres : un partout, et la partie continue. Oui… oui, oui.’

(1) Le mauvais vitrier, Charles Baudelaire (1869) sans doute.
(2) Le surnom de Diable à deux queues (Gabelschwanz-Teufel) attribué au P-38 relève bien sûr de la propagande alliée. Comme ‘La Mort Sifllante’ pour le Corsair et tout ce genre de choses. Au milieu d’un combat, soumis à des tirs de 12.7 mm, on a souvent mieux à faire que trouver des évocations poétiques pour désigner ses adversaires …

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MessagePosté le: Jeu Juil 28, 2022 12:03    Sujet du message: Répondre en citant

18 avril 1944
De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Démarches nécessaires
Environs de Kovacica, Voïvodine –
« L’action était retombée aussi vite qu’elle était venue. Laissant au moins deux grands vides que je n’imaginais pas aussi douloureux – à dire vrai, je ne les avais d’ailleurs jamais vraiment imaginés. La mort du Caporal Charles Dennoyeur, bien sûr. Mais aussi et surtout l’impression que sa perte n’avait rien accompli. Ce n’était pas comme cette nuit, où nous avions tous pris d’assaut le camp au Nord de Niš. Pour sûr, Gashi et ses camarades avaient toutes les raisons du monde d’avoir été en colère ce jour là : contre moi, les allemands, les oustachis, la terre entière en vérité. Comment leur en vouloir ? Moi aussi, si j’étais tombé sur l’étron qui a pendu nos compatriotes à Tulle (parmi tant d’autres crimes), j’aurai sans doute perdu mon sang froid !
Mais là, c’était différent. Nous n’avions sauvé personne, pris aucun village, servi sans doute en rien la France éternelle ou son amie la Yougoslavie : nous étions simplement tombés au hasard sur une bande de nazis dont un tir chanceux m’avait enlevé un ami. Voilà. Médiocre conclusion pour un soldat infortuné, qui aurait mérité mieux.
Pas de quoi faire chanceler mes convictions profondes. Bien sûr … Néanmoins, c’était dommage. C’était malheureux. C’était laid. Tout simplement. Comme la guerre. Et bien sûr, j’allais avoir des papiers à remplir (n’en déplaise au commandant Dumaire), des lettres à écrire, une citation à demander – même à titre posthume ? Cela ferait peut-être plaisir à quelqu’un, quand bien même je ne m’étais jamais demandé si ce brave homme avait une famille. J’avais à peine attaqué ce dossier que le sergent Augagneur rentrait dans ma tente – après avoir frappé, d’une tenue propre et pour me saluer d’une manière inhabituellement raide chez lui.
‘Repos, repos Sergent. Je ne suis pas d’humeur au protocole. Et vous non plus d’ailleurs, j’en suis certain. Soyons bref : que me veulent encore les miliciens du cru ?’ ‘Ce ne sont pas de leur part que je viens vous voir mon capitaine.’ ‘Quoi alors ? Le Major Vranješevic ? Si c’est pour m’infliger encore une de ces éternelles litanies de reproches, je vous préviens que je m’en vais le recevoir, ca va lui faire …’ Je me levais de mon bureau, pour retrouver presque face contre face avec Augagneur, à toucher sa poitrine. ‘C’est pas lui non plus, mon capitaine. Ce coup-ci, ca n’a rien à voir avec les serbes – on est entre Français. ‘ Et sur ce, il enlevait son béret pour me dire ‘En fait, moi et les gars, on aurait comme une faveur à vous demander.’. »

L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Retour au bercaille
Ouest de Jarkovac, Voïvodine –
« Evidemment, Oskar ne reviendrait pas. Avec un pied en moins, il lui aurait de toute facon été difficile de marcher avec nous. Sitôt Doris rentrée donc ‘Les derniers, une fois encore !’ - dixit le sergent de garde, toujours bien disposé à mon encontre …, il me fallut donc bien faire la queue comme tout le monde pour remettre mon rapport d’engagement et de perte. Bilan : rien d’exceptionnel, pour rester poli. Pas de sabotage, pas de destruction de matériel, peu de renseignements utiles à la division transmise par Walter … Seulement trois sentinelles égorgées, et deux yougoslaves abattus au fond d’un fossé. Un peut-être … allez savoir, je n’étais pas allé voir pour compter !
En soi, ce n’était pas un problème : nous n’avions pas été affecté en
Kommando pour un objectif spécifique, mais pour une simple action d’harcèlement. Pas de reconnaissance préalable, pas de cible claire, pas de plan prédéfini … Dans ces conditions, il ne fallait pas s’attendre à grand-chose ! Autant donner du lard au cochon – mais au-delà de l’équilibre d’une équipe à retrouver, il allait d’abord nous falloir un nouveau pourvoyeur… ’ » (Dennis Kolte, op. cit.)
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MessagePosté le: Ven Juil 29, 2022 09:28    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
18 avril 1944
De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Démarches nécessaires
Environs de Kovacica, Voïvodine –
« L’action était retombée aussi vite qu’elle était venue. Laissant au moins deux grands vides que je n’imaginais pas aussi douloureux – à dire vrai, je ne les avais d’ailleurs jamais vraiment imaginés. La mort du Caporal Charles Dennoyeur, bien sûr. Mais aussi et surtout l’impression que sa perte n’avait rien accompli. Ce n’était pas comme cette nuit, où nous avions tous pris d’assaut le camp au nord de Niš. Pour sûr, Gashi et ses camarades avaient toutes les raisons du monde d’avoir été en colère ce jour là : contre moi, les Allemands, les Oustachis, la terre entière en vérité. Comment leur en vouloir ? Moi aussi, si j’étais tombé sur l’étron qui a pendu nos compatriotes à Tulle (parmi tant d’autres crimes), j’aurais sans doute perdu mon sang froid !
Mais là, c’était différent. Nous n’avions sauvé personne, pris aucun village, servi sans doute en rien la France éternelle ou son amie la Yougoslavie : nous étions simplement tombés au hasard sur une bande de Nazis dont un tir chanceux m’avait enlevé un ami. Voilà. Médiocre conclusion pour un soldat infortuné, qui aurait mérité mieux.
Pas de quoi faire chanceler mes convictions profondes. Bien sûr … Néanmoins, c’était dommage. C’était malheureux. C’était laid. Tout simplement. Comme la guerre. Et bien sûr, j’allais avoir des papiers à remplir (n’en déplaise au commandant Dumaire), des lettres à écrire, une citation à demander – même à titre posthume ? Cela ferait peut-être plaisir à quelqu’un, quand bien même je ne m’étais jamais demandé si ce brave homme avait une famille. J’avais à peine attaqué ce dossier que le sergent Augagneur rentrait dans ma tente – après avoir frappé, nanti d’une tenue propre et pour me saluer d’une manière inhabituellement raide chez lui.
‘Repos, repos Sergent. Je ne suis pas d’humeur au protocole. Et vous non plus d’ailleurs, j’en suis certain. Soyons bref : que me veulent encore les miliciens du cru ?’ ‘Ce ne sont pas de leur part que je viens vous voir mon Capitaine.’ ‘Quoi alors ? Le Major Vranješevic ? Si c’est pour m’infliger encore une de ses éternelles litanies de reproches, je vous préviens que je m’en vais le recevoir, ça va lui faire …’ [i]Je me levais de mon bureau, pour retrouver presque face contre face avec Augagneur, à toucher sa poitrine.
‘C’est pas lui non plus, mon capitaine. Ce coup-ci, ca n’a rien à voir avec les Serbes – on est entre Français. ‘ Et sur ce, il enlevait son béret pour me dire ‘En fait, moi et les gars, on aurait comme une faveur à vous demander.’. »

L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
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Ouest de Jarkovac, Voïvodine –
« Evidemment, Oskar ne reviendrait pas. Avec un pied en moins, il lui aurait de toute façon été difficile de marcher avec nous. Sitôt [ Doris rentrée donc ‘Les derniers, une fois encore !’ - dixit le sergent de garde, toujours bien disposé à mon encontre …, il me fallut bien faire la queue comme tout le monde pour remettre mon rapport d’engagement et de perte. Bilan : rien d’exceptionnel, pour rester poli. Pas de sabotage, pas de destruction de matériel, peu de renseignements utiles à la division transmis par Walter … Seulement trois sentinelles égorgées, et deux Yougoslaves abattus au fond d’un fossé. Un peut-être … allez savoir, je n’étais pas allé voir pour compter !
En soi, ce n’était pas un problème : nous n’avions pas été affecté en
Kommando pour un objectif spécifique, mais pour une simple action de harcèlement. Pas de reconnaissance préalable, pas de cible claire, pas de plan prédéfini … Dans ces conditions, il ne fallait pas s’attendre à grand-chose ! Autant donner du lard au cochon – mais au-delà de l’équilibre d’une équipe à retrouver, il allait d’abord nous falloir un nouveau pourvoyeur… ’ » (Dennis Kolte, op. cit.)

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MessagePosté le: Ven Aoû 05, 2022 11:40    Sujet du message: Répondre en citant

Une cabane perdue en Serbie – Beaucoup plus loin, une voyante continue de tirer ses cartes de tarot : Le Chariot, La roue de la Fortune et l’Empereur. La guerre, le changement puis la Stabilité. ‘Comme diraient les autres : un partout, et la partie continue. Oui… oui, oui.’

Tarologue depuis 44 ans, c'est plutôt "La Roue de Fortune"

Avec Le Chariot et l'Empereur, ce sera:
-La fortune sourit aux audacieux

Pour la"stabilité", ii faudra avoir la carte de "La tempérance", après celle de "l'Empereur"
Et avoir

Roue de fortune/ Empereur/ Tempérance

Cordialement

M
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