Fantasque Time Line Index du Forum Fantasque Time Line
1940 - La France continue la guerre
 
 FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des MembresListe des Membres   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer 
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

Diplomatie-Economie, Février 1944
Aller à la page 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7  Suivante
 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Fantasque Time Line Index du Forum -> 1944 - Diplomatie, Economie
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13716
Localisation: Paris

MessagePosté le: Sam Oct 16, 2021 22:50    Sujet du message: Diplomatie-Economie, Février 1944 Répondre en citant

1er février
Pologne
L’ombre d’un doute
Londres
– Alors qu’en Lituanie, les événements se précipitent et que l’Armée Rouge approche à grand pas de la frontière polonaise, le gouvernement de Stanislaw Mikolajczyk relance discrètement Marseille et surtout Londres – on verra plus tard pour Washington – afin que ces capitales amies sondent discrètement l’Ours russe quant aux modalités pratiques d’une collaboration de l’Armée Rouge avec les forces polonaises de l’intérieur, comme avec celles qu’on pourrait (éventuellement…) dépêcher sur place en cas d’insurrection généralisée.
Car il existe en Angleterre une brigade parachutiste (commandée par le major-général Stanisław Sosabowski), qu’on lancerait bien sur Varsovie – un voyage sans retour, mais tous les hommes sont volontaires. Sans parler du corps d’armée du général Anders, qui perd son temps en Albanie alors que la Baltique est un lac allié…
De fait, et même si les relations avec Moscou ne sont pas exactement au beau fixe, une réelle collaboration se maintient entre les Partisans biélorusses et l’Armée Secrète. Cette collaboration peut (peut-être) rassurer pour l’avenir. D’ailleurs, dans le fond – et hormis évidemment le coup de poignard dans le dos de 1939 – le gouvernement polonais en exil n’a rien d’irréparable à reprocher à l’URSS. Et tant que l’on se parle, l’espoir fait vivre. Et en parlant de parler… Léon Blum promettra évidemment de faire de son mieux. Quant à Anthony Eden, tout aussi évidemment, il ne s’engagera pour ainsi dire sur rien.


2 février
Les Balkans compliqués…
Naissance d’une nation
Jajce (Bosnie)
– Il neige une fois encore dans les montagnes de Yougoslavie et sur la capitale séculaire des rois de Bosnie. Mais cela n’empêche pas l’AVNOJ (Antifašističko vijeće narodnog Oslobodjenja Jugoslavije) de se réunir en congrès pour la seconde fois de son existence, dans cette région contrôlée depuis plusieurs mois par les Partisans. Les représentants s’étaient réunis pour la dernière fois en juillet 1942 – les circonstances « complexes » de l’été 1943 ayant depuis empêché la tenue d’un second congrès. Ce dernier a donc été reporté à l’hiver 1944, ce qui ne gêne d’ailleurs pas grand monde, car la situation a beaucoup évolué depuis l’année dernière. En effet, face aux royalistes serbes, il n’est plus question d’une politique mesurée, comme le souhaitait le Croate Ivan Ibar du temps de la “République de Tito” – et les 142 délégués ont bien conscience de vivre une occasion historique, la dernière même, avant que les réactionnaires ne puissent enfermer de nouveau la Yougoslavie sous la chape de plomb de la royauté.
L’ordre du jour est donc chargé – Ibar a bien du mal à présider la séance tenue dans le “Centre culturel” du Sokol (le mouvement gymnaste tchèque), en attendant l’arrivée du “Vieux”, qui prépare son entrée en scène. Le chagrin, sans doute – il vient d’apprendre que son fils Ivo “Lola” Ribar est mort la veille, à Glamočko Polje, aux commandes d’un avion qui s’apprêtait à décoller pour Athènes avec, à son bord, une « mission militaire de coordination » chargée de rencontrer le haut commandement allié. Avant que ses camarades Vladimir Velebit et Miloje Milojević (les autres membres de la mission) montent à bord, un appareil non identifié a attaqué le terrain de fortune et lâché une bombe qui a tué Ribar sur le coup… Un curieux hasard en vérité, qui ne fait absolument pas les affaires de Josip Broz, pour qui l’envoi du chef partisan était un geste destiné à montrer aux alliés sa stature d’homme d’état (1) – « Ils nous envoient une mission, nous leur en envoyons une. »
Mais personne n’ira poser de questions sur ce triste événement, en temps de guerre et sous le regard des portraits de Staline, Roosevelt, Churchill et De Gaulle – peints par le Serbe Đorđe Andrejević Kun et encadrant le buste de Tito (en plâtre, par le Croate Antun Augustincic). De plus, le portrait de Josip Broz (par le Slovène Bozidar Jakac) veille derrière l’estrade, sous le tout nouveau blason de la Yougoslavie : six torches représentant les six nations yougoslaves, entourées des épis d’abondance drapés de bleu brodé de la date du jour et surmontées par l’étoile rouge communiste – une création conjointe de Kun et Augustincic, faite dans l’urgence (2).
La présence du portait de Staline n’est d’ailleurs pas aussi naturelle qu’on pourrait le croire, car les relations entre les partisans et Moscou montrent des signes d’incompréhensions – sans aller jusqu’à parler de divergences, évidemment ! Déjà, en septembre dernier, “Walter” (une des multiples identités de Tito) avait envoyé un télégramme au ministre Molotov, exprimant ses inquiétudes quant à la future conférence d’Athènes et spécifiant clairement que « Pierre II et son gouvernement de traîtres ne pourraient jamais rentrer au pays. » Le chef des Partisans s’inquiétait visiblement que l’on puisse prendre en son absence des décisions allant contre ses vœux. Mais aucune réponse n’était venue du Kremlin, malgré les assurances que Staline lui avait pourtant données lors de leur entrevue de l’été 1943.
Pire encore : se sentant soutenu par le cours des événements et les correspondants militaires occidentaux (dont le fameux colonel Fitzroy MacLean et Laurent Ravix, du Troisième Bureau – d’ailleurs présents dans la salle à Jajce !), Tito s’était proposé auprès de Moscou pour devenir le dirigeant de la Yougoslavie avant le retour du Roi, sous la forme d’une minauderie assez subtile. Il avait en effet envoyé à Georgui Dimitrov Mikhaylov, le secrétaire général du Kominterm, un télégramme faussement préoccupé dans lequel il indiquait : « En Slovénie, en Croatie et même au sein de l’AVNOJ, on propose mon nom pour devenir président du futur Comité National de Libération de la Yougoslavie. Ceci, en plus de ma fonction de commandement militaire. Pourriez-vous m’aider à convaincre mes camarades que cela ne serait pas bon, et même très certainement pas accepté à l’étranger ? » Evidemment, Josip Broz espérait une réponse fraternelle l’assurant qu’au contraire, ce serait excellent et l’invitant à se porter aux responsabilités avec la bénédiction de Moscou. La réponse n’en fut que plus proche de la douche froide : « Effectivement, cela n’est pas opportun. »
Depuis ce pénible épisode et alors que Pierre II est désormais installé à Belgrade, Tito reste un bon soldat du communisme – mais il craint fort que son mouvement serve de monnaie d’échange dans une forme de grand marchandage avec les Occidentaux. C’est pourquoi personne n’a informé Moscou de la tenue du congrès de l’AVNOJ – en effet, on murmure qu’elle aurait pu être sabotée en guise de rétorsion contre la politique « indépendantiste » de la Ligue des Communistes de Yougoslavie.
La séance démarre finalement. Parmi les délégués, une majorité de communistes bien sûr, mais pas seulement : le Parti paysan croate, la communauté musulmane, le Parti des socialistes chrétiens, le Parti des démocrates indépendants, le Parti radical, le Parti agraire serbe et bien d’autres encore sont également présents, en plus de personnalités hautes en couleur comme le prêtre orthodoxe Valda Zecevic ou le nationaliste Slovène Josip Vidmar. Bref, tout ce qu’il faut pour prétendre représenter la Nation – ou presque : on ne trouve évidemment aucun royaliste et nul Macédonien dans la salle.
Et voici que le “Vieux” monte sur l’estrade au milieu des applaudissements, pour un long discours introductif dans la plus pure tradition communiste. Il y est question de l’unité de la Yougoslavie, unité dans la lutte et en tant que Nation. Tito insiste lourdement sur le fait que le combat national n’est pas « une affaire strictement communiste, une bolchévisation du pays, ou une tentative pour les communistes de prendre le pouvoir. » Pas plus, d’ailleurs, qu’il ne devrait permettre à un peuple d’assurer son hégémonie sur les autres ethnies. Dire le contraire est un mensonge de propagande, sorti tout droit des cuisines de Herr Goebbels lui-même !
Ces éclaircissements effectués, on passe à la présentation des six motions principales, rédigées à l’avance par le Politburo – c’est à dire essentiellement par Edvard Kardelj, Moša Pijade et le sagace Boris Kidrič (3). Elles ont des buts ambitieux. D’abord, nommer un Comité national de libération de la Yougoslavie (Nacionalni komitet oslobođenja Jugoslavije ou NKOJ) qui, sous l’autorité d’un Premier ministre dont tout le monde devine l’identité, devra agir comme pouvoir exécutif temporaire dans les zones libérées par les Partisans, ôtant ainsi toute compétence aux fonctionnaires royaux. Ensuite, nier la légitimité des Karađorđević et du gouvernement royal jusqu’à la tenue d’un référendum sur le sujet. Enfin, proclamer une nouvelle Yougoslavie fédérale avec six républiques ayant des droits égaux – jetant de ce fait aux orties la dictature d’Alexandre Ier et la constitution de 1931. Il n’est pas prévu de vote secret – pourtant, la nuit sera longue…


3 février
Conférence des Bermudes
Confiance et discordances
State House, Saint George, Bermudes
– Il n’est si bonne compagnie qui ne se quitte. Au cinquième et dernier jour de la conférence des Bermudes, il est temps de dresser le bilan d’échanges à plusieurs niveaux qui ont été fructueux et riches en enseignements sur les dynamiques au sein de l’Alliance. Si, comme au cours des conférences précédentes, ces échanges ont été tant politiques que militaires, la conférence a commencé à prendre une tournure économique qui n’a pas été sans donner quelques sueurs froides aux délégations britanniques et françaises…
………
Concernant la guerre contre l’Allemagne, le Conseil Combiné des Chefs d’État-Major, présidé par Sir Portal, a pris acte des évolutions sur les différents fronts.
Dans les Balkans, le Groupe d’Armées de Montgomery doit tenir compte des « spécificités de la politique intérieure yougoslave » (fort belle litote délicatement ciselée par Sir Portal), ainsi que du voisinage avec les armées soviétiques. Il faut noter que, sur ce sujet, le Premier Ministre britannique s’est fait quelque peu évasif. Aux questions posées par les généraux Doumenc et Bouscat, justifiées par la présence de troupes françaises sur ce théâtre d’opérations, Portal, Churchill ou Ismay ont donné des réponses précises sur le plan militaire. Sur le plan politique, nettement moins…
En Italie, le Groupe d’Armées de Clarke, où les cobelligérants italiens tiennent une place grandissante, continue de jouer le rôle qui lui a été dévolu : fixer le plus possible de troupes allemandes. Encore que la possibilité de la jonction de l’aile britannique avec les forces de Montgomery inspire de grandes idées au Premier Britannique…
Concernant ce qu’il est convenu d’appeler la Seconde Campagne de France (le terme « invasion », souvent utilisé par les Américains, ayant été évité à la demande de la délégation tricolore), les débats ont été séparés en deux : sud et nord, Dragon/Cobra et Overlord.
L’opération Dragon a déjà permis de commencer à libérer la Métropole française, tout en constituant dans le sud de la France une base d’opérations (débarquement de troupes et de matériels, création d’une ligne logistique, mise en place d’aérodromes, de bases et de dépôts) qui servira de tremplin aux futures campagnes destinées à détruire la WestHeer et à envahir l'Allemagne en conjonction avec les forces d’Overlord. Prévue au début du printemps, l’opération Cobra doit permettre au Groupe d’Armées de Frère de libérer une nouvelle partie du territoire français et d’attirer assez de troupes allemandes pour les rendre incapables de résister au choc de l’opération Overlord.
Cette dernière est vue par les Américains et les Britanniques comme celle qui doit permettre de terminer la guerre. Le débarquement en Normandie du Groupe d’Armées Auchinleck doit en effet provoquer l’écroulement du front allemand à l’ouest. La jonction des deux Groupes d’Armées devrait avoir lieu en Bourgogne, et être suivie par l’irruption des forces alliées en Allemagne même.
Les Alliés sont confiants. Pour preuve, les discussions entre Roosevelt, Churchill et De Gaulle sur les futures zones d’occupation en Allemagne ! Si rien n’est encore déterminé de façon très ferme, l’idée d’une zone britannique dans le nord du pays (Schleswig-Holstein, Hambourg, Basse Saxe et Rhénanie du Nord), d’une zone américaine dans le sud (Bavière, Hesse) et d’une zone française contiguë à la frontière franco-allemande (Westphalie, Rhénanie, Palatinat, Sarre, Bade, Wurtemberg) se dessine nettement – sachant qu’il faut prévoir que les Soviétiques prendront leur part du gâteau à l’est, qu’on l’espère ou qu’on s’y résigne. Les Français ont aussi mentionné l’idée d’une zone de taille restreinte qui serait allouée aux Belges ! Les Anglais ne s’y sont pas opposés formellement, mais les Américains ne se sont pas montrés enthousiastes, privilégiant de minimes rectifications de frontières à la proposition des Français.
A la fin de la conférence des Bermudes, le partage des provinces occidentales allemandes est acté – à condition, bien sûr, qu’une avance plus rapide qu’escompté de l’Armée Rouge ne rende pas caducs ces beaux projets.
A ce propos d’ailleurs, Churchill relance l’idée d’un débarquement en Norvège destiné à couper l’herbe sous le pied des Soviétiques en Scandinavie. Cependant, à cette date, même son état-major considère qu’il s’agit d’une lubie du même genre que le ventre mou de l’Europe (qui se révèle être plutôt un marécage).
La principale source de dissensions entre Alliés a concerné le devenir de l’Allemagne. La question est pourtant légitime : comment éviter un nouveau conflit contre ce pays dans vingt ans ? A cela, les Américains, en la personne du secrétaire au Trésor Morgenthau ont une réponse brutale : démembrer l’Allemagne. A commencer par détruire son tissu industriel, notamment en interdisant toute activité industrielle à grande échelle dans la Ruhr. Ce à quoi Churchill et De Gaulle se sont violemment opposés, à l’étonnement des Américains ! Comme a pu le dire le Premier ministre : « Je suis pour désarmer l’Allemagne. Mais nous devons permettre aux Allemands de conserver une vie décente. Il y a des liens entre les classes ouvrières de tous les pays, et le peuple anglais ne soutiendra jamais une telle politique ! »
Mais l’idée d’en finir avec l’Allemagne fait son chemin dans beaucoup de têtes… Si De Gaulle partage avec Churchill la conviction qu’il faut préserver la souveraineté des nations européennes, y compris des nations vaincues, il ne peut s’empêcher de trouver que la possibilité d’annexer la rive gauche du Rhin est bien tentante. Et l’Allemagne n’est-elle pas l’Ennemi par excellence ? D’ailleurs, au sein même de la délégation britannique, “The Prof”, Lord Cherwell, un des conseillers les plus proches de Churchill, semble adhérer au projet américain… Ce qui a d’ailleurs agacé au plus haut point le Prime Minister, qui s’est emporté à table contre Morgenthau et Roosevelt en accusant l’administration américaine de discuter de leur plan de destruction de l’Allemagne sans prendre la peine de l’en informer ! Un plan qu’il va même qualifier de « contre nature, antichrétien et inutile ». Chez les Français, le jeune âge de Mendès-France et le caractère effacé de Paul-Boncour ne leur ont pas, semble-t-il, permis de convaincre leurs interlocuteurs américains. Néanmoins, De Gaulle va finir par se ranger du côté de Churchill – par conviction qu’il fallait préserver l’existence de toutes les nations européennes, par fidélité à l’ami des mauvais jours de 1940… et, selon certains historiens, parce qu’il avait compris que le démembrement de l’Allemagne n’impliquait nullement, pour les Américains, l’annexion par la France d’une partie du territoire allemand !
La proposition drastique de Morgenthau peut s’expliquer par deux facteurs. Tout d’abord, le fait que les Etats-Unis ne seraient pas directement concernés par les conséquences d’une transformation de l’Allemagne en une sorte de pseudo-état agricole. Ensuite, les signaux alarmistes venant de l’ambassade US à Moscou parlant d’une crainte croissante en URSS que les Britanniques voire les Français cherchent à s’entendre avec l’Allemagne pour une paix séparée permettant à la Wehrmacht de repousser l’Armée Rouge. En tant que leader des Nations-Unies, les États-Unis se devaient de ménager tout le monde et de rassurer leur partenaire soviétique. Néanmoins, le plan Morgenthau devait aussi trouver des opposants chez les Américains, tels que de l’amiral Leahy, le chef d’état-major du Président Roosevelt lui-même !
Mais en filigrane de ces discussions sur le devenir de l’Allemagne apparaissent des réflexions sur le devenir des Alliés européens… En effet, malgré les postures des uns et des autres, il y a des réalités auxquelles on ne peut échapper : les Franco-Britanniques sont débiteurs des États-Unis et ce, depuis quasiment le début du conflit en Europe. Pour les deux Européens, avides d’indépendance mais voyant la paix revenir sur un continent en ruines, la question de leur économie est primordiale. Le Prêt-Bail durera-t-il après la fin de la guerre en Europe ? Se pourrait-il que les généreux États-Unis puissent faire durer leur aide au moins jusqu’à la fin de la guerre contre le Japon ? Churchill comme De Gaulle s’inquiètent des concessions qu’ils vont devoir accepter. De Gaulle, en particulier, est conforté dans ses convictions qui émergent sur la place de la France dans le concert des nations après-guerre.
Quoi qu’il en soit, les Européens le savent bien : si les Etats-Unis veulent vraiment appliquer le plan Morgenthau, il leur faudra faire contre mauvaise fortune bon cœur…
Cependant, l’idée d’une Commission conjointe de désarmement avec un officier général de chaque arme de chaque pays a été actée. Et les Britanniques ont gentiment proposé aux Américains et aux Français de participer au désarmement des navires allemands et de participer à la récupération des matériels intéressants.
………
Enfin, la guerre contre le Japon voit les trois Alliés retrouver leur unanimité ! Les délégations française et britannique promettent d’accroître leur effort sur ce théâtre dès la défaite de l’Allemagne – et, d’ici là, d’accentuer leurs actions aéronavales, en conjonction avec les opérations américaines. Cet enthousiasme fera même lâcher au Président Roosevelt : « Ce qui vous intéresse, c’est principalement de remettre les pieds à Singapour ou Hanoi ! » La pique ne sera pas relevée…
Côté américain, la confiance dans la victoire sur l’Allemagne est telle que, sauf catastrophe (comprendre un échec d’Overlord), on prévoit d’anticiper, en termes d’entraînement et d’équipement, l’affectation sur le théâtre Pacifique des unités qui devaient quitter les Etats-Unis pour l’Europe à compter du dernier trimestre 1944. Cependant, tant que le Rhin ne sera pas atteint, l’envoi de nouvelles divisions en Europe se fera selon le planning établi.
Concernant les théâtres d’opérations asiatiques, Sir Portal expose les conclusions des rapports des commandants en chefs présents sur place.
En Chine, la reprise de Hong-Kong peut être espérée sous quelques mois – permettant, un jour ou l’autre, aux flottes alliées de venir ravitailler les armées chinoises.
En Indochine, il est convenu de laisser pourrir les restes des forces japonaises dans la région Hanoi-Haiphong, dont la libération serait trop coûteuse.
La reconquête des derniers arpents de Birmanie occupée n’est qu’une question de temps – une offensive aéronavale contre Singapour est envisagée pour la fin de l’année.
Dans le Pacifique proprement dit, les Américains ont de grands projets, mais ils se montrent très schématiques – visiblement, ils font une affaire personnelle de l’offensive contre le Japon lui-même.
Enfin, à propos d’une participation des Soviétiques à la guerre contre le Japon, les Britanniques freinent les ardeurs américaines en suggérant d’aborder la question seulement à l’occasion de la réunion quadripartite prévue pour la fin de l’été, dans un lieu restant à déterminer… et de songer à consulter les Chinois !
………
Puis tout le monde se quitte, malgré tout bons amis et alliés fidèles…
Churchill, dans le dos de ses partenaires, va négocier directement avec un Staline (bien qu’il s’en méfier fortement !). Roosevelt va faire face d’ici quelques semaines à la fuite dans les médias du plan Morgenthau et au tollé qui en découlera et imposera l’abandon du projet. De Gaulle n’a plus qu’une obsession : consolider le plus rapidement possible la situation de la France, à l’extérieur mais surtout à l’intérieur, pour qu’une après-guerre amère ne fasse pas paraître inutile les efforts consentis pour une victoire d’autant plus glorieuse qu’elle avait pu sembler chimérique.

Les Balkans compliqués
Naissance d’une nation fédérée
Jajce (Bosnie)
– Il est minuit dans la froideur de l’hiver et le congrès de l’AVNOJ touche à sa fin. Voilà cinq heures que l’on parle, cinq heures que se prolongent les tractations – ou plus exactement l’exposé des motions. En effet, une fois longuement détaillées par Ibar, Tito et les autres vice-présidents (4), celles-ci ont été adoptées par applaudissements et à l’unanimité, sans qu’il y ait véritablement de débat sur le fond. Le projet de la Ligue des Communistes de Yougoslavie est donc accepté en l’état – et la Nation que cette ligue prétend créer naît ainsi, fort paradoxalement, de la même manière que le royaume des Karađorđević vingt-cinq ans plus tôt.
Une longue déclaration destinée à être proclamée à la face du monde résume tous ces “échanges”. Dans un premier temps, elle insiste lourdement sur les succès du mouvement des Partisans et le rassemblement de tous les patriotes de toutes les ethnies « autour du quartier général suprême et du célèbre chef national Tito », dont l’autorité est désormais incontestable et qui dirige un territoire libéré en extension constante. Puis, elle met en balance « le grand succès de notre Lutte de Libération Nationale, y compris à l’étranger » avec « la pleine révélation de l’attitude ambiguë du prétendu gouvernement récemment installé sur le territoire national grâce à l’appui de forces étrangères quoique alliées. »
Sur cette base, la déclaration annonce qu’une nouvelle ère politique s’est ouverte en Yougoslavie – une ère qui doit se traduire par un changement nécessaire et non par un retour à l’ordre ancien, « qui serait obtenu par la trahison, la fraude ou la spéculation ». En effet, la situation actuelle offre légitimement à toutes les ethnies yougoslaves (y compris aux Croates), unies contre l’envahisseur, « le droit de décider librement et en toute indépendance de leur avenir, ce qui inclus le droit de faire sécession ou de s’unir à d'autres nations », attendu que « les vestiges de la politique hégémonique de la Grande Serbie [c’est-à-dire du royaume] ont été brisés pour toujours ». La nouvelle Yougoslavie, « communauté fraternelle, démocratique et fédérale », voulue par tous les congressistes et forgée non pas sous la contrainte mais dans la lutte commune des peuples qui la composent, doit être bâtie sur le principe d’égalité entre ses composantes… et contre le principe de « séparatisme réactionnaire ».
Cette Nation naissante, qui se présente déjà comme la seule expression légitime du peuple yougoslave tout entier, « demande à juste titre aux Nations-Unies et à tous les pays amis d’être reconnue, non seulement dans sa lutte contre l’Occupant, mais également dans sa libre volonté démocratique ». Cette reconnaissance implique très clairement « la redistribution aux forces démocratiques du pays de l’aide accordée au prétendu gouvernement qui se trouvait encore récemment en exil », ainsi que l’exigence « que les organes d’autorité nationale dudit gouvernement, privés de légitimité, cessent leurs luttes actuelles [sans qu’il soit d’ailleurs précisé lesquelles] ».
Ce même gouvernement royal est par ailleurs qualifié plus loin de « clique d’exilés réactionnaires au destin incertain et de zélateurs obstinés de la Grande Serbie (5) opposés à toute négociation avec les forces démocratiques ». Ladite clique a « réussi à tromper une partie de nos alliés, tenté de cacher la véritable volonté du peuple yougoslave et détourné toute l’aide envoyée vers le cœur libéré de nos nations », puis elle « a organisé, et organise peut-être encore en ce moment même, une guerre fratricide avec l’aide de ses agents, dont feu Draža Mihailović fut l’un des plus actifs ». Elle est donc « responsable, au moins moralement, des massacres et des crimes perpétrés par les gangs tchetniks ayant usurpé le nom “Armée yougoslave dans le pays” » et qui furent, toujours selon l’AVNOJ, « le plus solide appui des envahisseurs fascistes ».
En résumé, le gouvernement royal est désormais « un organisme de terreur chauvine, guerrier, évidemment anti-démocratique et comprenant d’anciens complices des occupants fascistes travaillant à briser et à diviser la Yougoslavie. » Le coup de grâce est adressé à Pierre II lui-même : « Pendant deux ans et demi, le roi Pierre a défendu de toute son autorité le traître criminel Mihailović. Il est désormais devenu un exemple unique dans l’Histoire d’aveuglement, ou tout au moins d’inconséquence : il est en effet le chef suprême des perfides gangs tchetniks, qui firent partie intégrante de l’armée d’Occupation contre laquelle notre peuple livre encore une lutte à mort, et qui font aujourd’hui partie de ses propres troupes ! Le roi est aujourd’hui le dernier refuge, le cœur de toutes les forces antinationales. Sous son drapeau et celui de la monarchie, les pires trahisons et les crimes les plus terribles furent perpétrés contre notre peuple, et le seront peut-être à nouveau demain. »
La conclusion vient – logique, explicite mais en même temps curieusement ouverte : « Il est donc nécessaire que le peuple de Yougoslavie cherche à prendre vis-à-vis du roi et de la monarchie des mesures qui correspondent à son attitude dans la lutte de libération nationale. »
Enfin, après un court hommage à l’appui offert par les Alliés occidentaux et par l’Union soviétique, et tout en faisant expressément référence à la conférence d’Athènes et « au droit [des Nations] à résoudre librement leurs questions internes », l’AVNOJ réaffirme sa volonté de combattre et conclut de façon péremptoire…
« Compte tenu de tous ces faits, le Conseil antifasciste de libération populaire de Yougoslavie est la représentation la plus juste et la plus claire de la volonté de tous les peuples de la Yougoslavie. Il prend aujourd’hui les décisions ci-après.
1. Le Conseil antifasciste de libération populaire de Yougoslavie, constitué comme organe suprême de représentation législative et exécutive de la Yougoslavie, est, en tant que représentant suprême de la souveraineté de l’ensemble du peuple et de l’État de Yougoslavie, fondé à établir le Comité national de libération de la Yougoslavie (NKOJ) en tant qu’organe comportant toutes les caractéristiques du gouvernement national. Le Conseil antifasciste de libération populaire de la Yougoslavie exerce ainsi sa fonction exécutive.
2. Le Conseil antifasciste de libération populaire de la Yougoslavie décide de suspendre le droit du “gouvernement yougoslave” anciennement réfugié à l’étranger à gouverner la Yougoslavie de façon légitime, et en particulier le droit de représenter les peuples de Yougoslavie en toutes circonstances.
3. Le Conseil antifasciste de libération populaire de la Yougoslavie décide d’examiner tous les traités et obligations internationaux conclus par le “gouvernement” anciennement réfugié à l’étranger au nom de la Yougoslavie, afin d’annuler, de re-conclure, ou d’approuver ceux-ci, et de ne pas reconnaître les futurs traités et obligations internationaux qui seraient éventuellement conclus à compter de ce jour par ledit “gouvernement”.
4. Le Conseil antifasciste de libération populaire de la Yougoslavie affirme que la Yougoslavie est bâtie sur un principe fédéral démocratique en tant qu’union d’États à peuples égaux.
5. Le Conseil antifasciste de libération populaire de la Yougoslavie indique que toutes ces décisions figureront dans le relevé des décisions spéciales de l’AVNOJ. »

Ces cinq décisions historiques engageront pour longtemps le pays – sans parler de Tito lui-même, qui vient de franchir le Rubicon en se posant fermement comme un rival du gouvernement royal. Tout juste garde-t-il encore, sur le conseil de Fitzroy MacLean, la porte ouverte à une négociation – en l’absence du retour d’une Armée royale non négligeable sur le territoire, il est probable que le texte aurait été encore plus dur et n’aurait pas accordé le bénéfice du doute à Pierre Karađorđević. Le Britannique aurait voulu quelque chose de plus… mesuré. Mais la crainte d’un pourrissement de la situation en de stériles négociations, puis d’un étouffement comme celui que viennent de subir les camarades grecs, aura été trop forte pour Broz – au moins autant que son appétit pour le pouvoir et la révolution. Mais le redoutable chef croate ne tient pas pour autant rigueur de ce désaccord à son honorable correspondant – au contraire : avec le temps, Tito a appris à apprécier son sens politique (6).
Il est désormais bien tard, l’assemblée est fatiguée – surtout la délégation monténégrine, qui a tout de même dû faire un voyage de presque 300 kilomètres à pied avec la crainte permanente d’une mauvaise rencontre. Elle ne bénéficiait pas, comme la croate, des services de la 13e Brigade prolétarienne…
Il reste pourtant encore une sixième et dernière décision – prévue de longue date mais théâtralement préparée. Alors qu’on procède à la nomination du Comité national de libération de la Yougoslavie (NKOJ) [voir appendice 1] selon les propositions du Serbe (mais juif !) Moše Pijade, avec bien évidemment Tito comme président, le Docteur Josip Vidmar – chef de la délégation slovène – se lève avec fracas pour proposer d’attribuer au président Tito le titre de “Maréchal de Yougoslavie” ! Une tartufferie évidemment – l’intéressé avait proposé la chose à son correspondant Dimitrov dans son dernier télégramme, trois jours plus tôt ! Et déjà, quand il validait les diplômes de la nouvelle école d’officiers d’état-major des Partisans, Broz signait “Maréchal de Yougoslavie”. Il n’empêche… ce grade est inconnu dans les Balkans. Et Tito, bien que très flatté, se demande encore si ce n’est pas aller un peu vite en besogne et annoncer beaucoup de choses en même temps à la face du globe. Mais Kardelj se veut rassurant : « Allons, Camarade ! Les Russes ont leurs maréchaux ! Pourquoi les Yougoslaves ne pourraient-ils pas avoir les leurs ? »
Une atmosphère « d’unanimité tumultueuse et enivrante » envahit alors la salle, racontera Milovan Đilas. On s’embrasse, on applaudit, on se congratule… Finalement, après quelques minauderies, le chef cède, bien sûr. Il se fera très rapidement faire un uniforme brun “à la soviétique”, chez un tailleur slovène. « Un uniforme étincelant, des applaudissements, des cris d’enthousiasme, le faste, la familiarisation avec son rôle de monarque » dira plus tard Lado Kozak. Et Đilas de conclure : « Il devint le chef total ! »
La séance avait commencé sur le fameux appel à l’union slovaque « Hey Sloveni » interprété par le chœur du théâtre de l’Armée de Libération Nationale. Elle finira finalement à 5 heures du matin, dans l’allégresse et sur un kozarački kolom – une danse folklorique bosniaque bien plus gaie… Mais pas avant que Tito ait pris la parole une dernière fois, pour signifier : « Nous sommes convaincus que nos alliés ne comprendront pas mal cette étape historique franchie par notre peuple, mais qu’ils feront tout leur possible pour apporter à ce dernier leur aide et leur soutien moral et matériel, par l’intermédiaire des représentants élus par le peuple lui-même. » – « Mort au fascisme, liberté pour le peuple ! » répond la salle. Puis chacun s’en retourne de son côté, ivre d’avenir et de fatigue.
Et alors que les délégués se dispersent enfin dans les villages alentours pour un repos bien mérité, ils laissent dans la salle, seul mais aux commandes, un petit groupe qui vient tout simplement, sur la seule base de sa puissance militaire, d’exprimer sa volonté puis de former un état et un gouvernement sans même demander la bénédiction de Moscou ! Car même si le NKOJ ne se prononce pas sur les relations d’après-guerre et l’avenir de la Yougoslavie, il est déjà acquis qu’il disposera de tous les pouvoirs d’un organe d’Etat pour les influencer le moment venu – sans beaucoup plus de démocratie que la monarchie des Karađorđević, en vérité… Edvard Kardelj avait affirmé que « Le NKOJ serait l’organe de la Révolution et du pouvoir, qui indiquerait la direction dans laquelle le pays se développerait dans les domaines politiques et sociaux. »
Et Milovan Đilas devait reconnaître plus tard que : « Le nouveau pouvoir ne se caractérisait ni par une séparation totale d’avec l’ancien régime [du point de vue de la démocratie…] ni par sa non-fidélité envers nos pères spirituels [entendre, Staline et l’URSS – deux négations valant une affirmation]. »


4 février
Les Balkans compliqués
Le Roi prépare sa contre-attaque
Palais Blanc (Belgrade)
– Pierre II Karađorđević a découvert comme tout le monde la proclamation du NKOJ diffusée la veille. Essentiellement par la radio d’ailleurs – faute d’autres moyens. Et les services radiophoniques du Royaume, qui n’ont évidemment pas relayé cette annonce, sont en ce moment très occupés à tenter de couvrir les émissions des collectivistes par leurs propres programmes… Autant dire que la portée de cet événement sera limitée – du moins en territoire libéré.
Le roi de Yougoslavie n’a donc aucune raison immédiate de s’irriter. Du reste, contre toute attente, il n’est pas si mécontent que cela du pas agressif que Tito vient de faire contre lui : cela clarifie les choses, et les Alliés occidentaux vont enfin devoir choisir un parti – le sien évidemment, sauf à affirmer à la face du monde qu’ils se réservent le droit de choisir les gouvernements des Nations qu’ils libèrent… Bien sûr, Pierre II n’a plus autant d’estime qu’auparavant pour ses protecteurs franco-britanniques. Ils vont certainement encore louvoyer, discuter, rechercher des solutions intermédiaires ou de compromis… Mais sans rien pouvoir changer au Destin.
Et pour forcer la main à ce Destin, le roi prévoit désormais de solliciter un ami bien plus puissant que De Gaulle ou Churchill : le président Roosevelt lui-même. Ses bonnes relations avec l’URSS et surtout sa serbophilie sont bien connues… Quel dommage que ce fichu Ivan Šubašić n’ait pas daigné plaider avec plus d’énergie la cause de son pays… Mais Dieu merci, l’ambassadeur Constantin Fotitch, seul responsable en poste à présent, sait bien mieux défendre ses positions et surtout celles de son Roi (7) !
Il convient donc désormais de faire entrer au plus vite Washington dans le jeu balkanique, puisque Tito vient, c’est évident, d’y faire entrer Moscou. C’est pourquoi Pierre II a décidé d’envoyer Momčilo Ninčić en tournée Outre-Atlantique, afin de rencontrer le Président, le Secrétaire d’Etat et autant de monde que possible. Histoire de se faire de nouveaux alliés plus fiables… et d’acquérir discrètement un matériel éminemment nécessaire à la suite.
En effet, maintenant que Tito est l’adversaire déclaré du royaume – bien davantage que Pavelic, dont le destin est scellé depuis que les forces alliées sont entrées en Yougoslavie – il convient de s’occuper de lui en premier lieu. Et donc de réadapter l’opération Glaive de Justice à cet irritant personnage.
Mais le chef des Oustachis ne perdra rien pour attendre… Pour lui, le Conseil restreint prévoit une petite surprise dénommée Damoclès – ce nom ne sonne-t-il pas bien, en vérité ? Pavelic se montrera utile, finalement : il permettra d’unir la Yougoslavie contre lui. Les affiches « Zapamti Nis ! » et « Zapamti Bubanj ! » incitant à se souvenir des massacres commis par les Croates fleurissent déjà sur les murs de Serbie. Qu’il meure à présent, et le Roi sera le sauveur de la Nation ! L’homme qui aura vaincu un, non, deux traîtres qui voulaient dissoudre le Royaume !

Les Franco-Anglais s’agacent
Marseille / Londres
– Quai de la Joliette, une conversation animée se déroule dans le bureau du ministre Léon Blum ; au bout du fil : Anthony Eden, rentré un peu avant Churchill des Bermudes. Les services diplomatiques alliés semblent avoir été pris de court par la création du NKOJ, malgré les alertes multiples de leurs agents de renseignement. Pour Marseille comme pour Londres, il paraissait en effet évident que Tito n’oserait pas franchir la Drina sans l’accord de Moscou – un accord dont le ministre Molotov vient d’assurer son collègue français qu’il n’a absolument pas été donné !
– Notre collègue soviétique, précise Blum, avait tous les accents de la sincérité, voire d’une certaine inquiétude. Je pense donc très sincèrement que Monsieur Tito – ou plutôt le Maréchal Tito, puisqu’il semble que nous devions l’appeler ainsi à présent – s’est avancé seul. La question est donc : comment éviter désormais une guerre civile en Yougoslavie sans pour autant suivre Pierre II dans ses excès ?
– Difficile de répondre, mon cher ami… Nous ne pouvons pas vraiment nous permettre d’interrompre les livraisons d’armes à destination des Partisans de l’AVNOJ – sauf à envoyer sur place des troupes supplémentaires dont nous ne disposons pas. Et je ne vois pas par quel autre moyen nous pourrions exercer une pression sur Mister Broz !

Léon Blum approuve, avec l’enthousiasme inquiet d’un socialiste qui voit ses bons amis communistes avancer un peu trop vite : « Et il y a l’Albanie et le Kosovo ! On m’indique que nos forces rencontrent les pires difficultés là-bas. Imaginons que nous dénoncions franchement la LCY – qui nous garantit que le PC Albanais ne déchirera pas les accords de Tirana pour reprendre la lutte armée contre ses rivaux, ou même contre nous ? »
– Il faut donc en appeler à ce qui reste l’autorité suprême pour ces camarades… Cela risque d’être long et de prendre du temps. Sir Archibald Kerr va évidemment prendre contact au plus vite avec le maréchal Staline – avec lequel il semble presque ami, en vérité ! Mais votre ambassadeur, Mister Corbin, pourrait tenter de son côté une approche plus formelle, qu’en pensez-vous ? Après tout, votre gouvernement d’union nationale est fort apprécié à Moscou, isn’t it… Pour ma part, je m’attacherai à sonder les Américains.

Face à la mer, Léon Blum hoche la tête avec agacement : son homologue britannique vient tout à la fois de l’assurer de son soutien franc et entier … et de lui faire comprendre que sur ce dossier, c’est lui le maître du jeu ! Hélas, la République n’a plus guère les moyens de ses ambitions dans cette région…
Le Britannique ajoute toutefois rapidement, comme pour changer de sujet : « Vous savez, ces damnés Yankees ne pensent qu’à leurs aviateurs tombés entre Belgrade et Vienne. Ce qui peut nous servir d’ailleurs – dans ce domaine, les royalistes paraissent avoir été plus actifs que bien d’autres ! Je vais donc tâcher de convaincre notre ami Cordell Hull de ne pas prendre de décision trop hâtive. »
– Je vous remercie, mon cher ami. Puis-je compter sur votre retour rapide ?
– Evidemment. Il va sans dire que vous serez informé de toutes nos démarches et de leurs résultats,
conclut Sir Anthony avec une parfaite hypocrisie – il s’est bien gardé d’évoquer le prochain voyage de Churchill à Moscou ! Mais bon, ce n’est pas comme si Blum s’était vraiment attendu à une franchise totale de sa part…

Staline est furieux
Kremlin
– Finalement, c’est à Moscou que la proclamation du NKOJ fait le plus de vagues. Le maréchal Staline ne cesse de pester devant un Viatcheslav Molotov et un Lavrenti Beria plutôt penauds, voire franchement inquiets. Le maître du Kremlin n’a pas besoin de faire les cent pas derrière son bureau comme bien des exploiteurs capitalistes le feraient pour montrer leur mécontentement. Non – Staline se contente de tirer sur sa pipe à intervalles réguliers mais longs, en laissant planer le malaise comme la fumée dans la pièce. Pour qui ne le connaîtrait pas, il paraîtrait presque calme – sauf que ses deux invités savent que c’est exactement le contraire dans son esprit tempétueux. La situation n’en est que plus que plus inquiétante… En vérité, Staline est fou furieux.
Finalement, il reprend avec une douceur feinte, pipe au bec et les deux mains jointes devant lui : « Enfin, comment se fait-il que nous n’ayons pas été mis au courant de cette initiative du “camarade Walter” ? Nous aurions ainsi pu le convaincre de son erreur, et parer aux difficultés que nous rencontrerons sans doute sous peu… »
Béria se hâte de répondre, avec la sincérité de celui qui peut, pour une fois, se prévaloir de n’y être pour rien : « Camarade Secrétaire Général, mes services n’ont pas de relations avec l’AVNOJ – la lutte contre les fascistes et les saboteurs qui infestent la Rodina les accapare totalement. De surcroit, ce n’est pas leur rôle ! Nous parlons ici d’une formation relevant du Komintern (8) ! »
Donc du ministre Molotov. Celui-ci sent bien que la réponse qu’il va donner n’est pas franchement la bonne, mais qu’y faire ?
– Je me suis hâté de contacter le comité central de la Ligue des Communistes de Yougoslavie pour m’enquérir des raisons de cette défaillance inadmissible. J’ai finalement réussi à joindre le camarade Leka [Aleksandar Rankovic], qui m’a évidemment certifié que cette déclaration n’était absolument pas un signe d’indiscipline ou de déviationnisme de son mouvement, mais que, pour des raisons purement techniques ou relevant de la sécurité des congressistes, il n’avait pas été possible de nous communiquer par radio les projets de l’AVNOJ pour une validation préalable de la part de nos services. La peur d’une triangulation par les fascistes, semble-t-il (9). Et nous n’avons donc reçu un télégramme qu’une fois les décisions prises…
– Der’mo ! [Foutaises !] Je crois surtout que l’enthousiasme révolutionnaire est monté à la tête du camarade Walter. Lequel n’a pas été contrôlé comme il l’aurait fallu par vos deux services, chers camarades ministres. Nous allons donc prendre les mesures qui s’imposent…

Sur cette phrase porteuse de menaces, Staline considère sa pipe – elle s’est éteinte, faute de tabac. Aussi, il entreprend, comme à son habitude, d’en recharger la bourre sans l’avoir nettoyée au préalable. Mais ses gestes sont secs, voire violents – l’opération prend du temps. Pendant qu’il procède, un silence de cathédrale règne dans la pièce.
Une bouffée plus tard, le tsar rouge reprend : « Donc, camarade Molotov, vous allez prendre contact ce jour même avec les responsables français et britanniques concernés pour étudier avec eux les implications de ce petit débordement, sans nous compromettre – mais sans non plus désavouer franchement Walter. Du moins, pour l’instant. Selon leurs réactions – j’ose espérer qu’ils sont aussi surpris que vous ! – nous élaborerons ensemble la réponse qui conviendra. »
Staline se tourne à présent vers Béria, la pipe pointée vers sa poitrine : « Quant à vous, camarade Béria, vous allez me faire le plaisir d’organiser dans les meilleurs délais une mission militaire destinée à former et encadrer nos camarades Partisans du NKOJ, dans un sens moins individualiste et plus conforme à l’intérêt de la Troisième Internationale. Enfin, qu’est-ce que c’est que ce mouvement collectiviste où on trouve de tout, sauf des Soviétiques ? »
L’approbation est évidemment immédiate – il ne pouvait d’ailleurs en être autrement, Staline étant infaillible. Les deux ministres prennent congé, mais une sourde inquiétude les taraude… Staline n’a pas utilisé, comme à l’accoutumée, leurs prénoms et patronymes, mais leurs noms de famille. Bien pire qu’un reproche, c’est une sorte de mise à l’écart, presque une disgrâce !

Et les Titistes chantent…
Jajce (Bosnie)
– Après une nouvelle journée agitée mais productive, les membres du NKOJ se séparent – provisoirement et pour des raisons de sécurité. Mais pas avant d’avoir proclamé la Libération « imminente et nécessaire » de la République de Bosnie, prochaine étape dans la reconquête complète de la Yougoslavie. Ce sera donc la priorité de l’armée de Libération Nationale, en coordination avec le Front de libération populaire de Bosnie-Herzégovine – lequel regroupe de très nombreuses sensibilités politiques (10).
– Que le monde sache bien que nous ne sommes pas des bandits de grand chemin avides de pouvoir, clame Tito. C’est le peuple tout entier qui nous porte, c’est lui qui nous donnera la Victoire !
Sur ces mots prophétiques, le nouveau maréchal serre des mains et embrasse des camarades, avant de s’en retourner vers ses grottes aux confins de la Bosnie. Sur son chemin, un peloton chante en chœur une chanson amenée à un grand succès : « Camarade Tito, petite violette blanche, / Tu es dans nos cœurs l’espérance… »


Notes
1- Tito fut très touché par la mort de son camarade : le télégramme annonçant la nouvelle lui aurait échappé des mains et il se serait agrippé à la table en s’écriant : « On a démoli l’un de mes piliers ! » Il tint à annoncer lui-même cette perte à Ibar père, dont la femme avait été massacrée par les Oustachis et dont le fils aîné, Jurica, était lui-même tombé au combat quelques jours plus tôt ! Prenant Tito dans ses bras, le vieux Croate murmura simplement « Notre lutte est vraiment terrible… »
2- Les deux artistes ont été appelés au dernier moment par Aleksandar Rankovic pour produire quelque chose de « marquant pour les esprits » dans le contexte du congrès – Augustinčić devait initialement aller à Biokovo, sur l’Adriatique, pour construire une statue monumentale de Tito ! Les six torches seraient issues d’une idée de Rankovic et de Tito lui-même. Le modèle sera rapidement reproduit en noir et blanc et intégré aux documents officiels de l’AVNOJ. Les billets de banque, les armoiries du Comité central et tout le décorum nécessaire à un état suivront dans la foulée.
3- Kardelj dira de lui dans ses Mémoires : « D’un côté, c’était un homme d’action infatigable et très perspicace ainsi qu’un excellent organisateur. De l’autre côté, c’était un penseur assidu, un analyste de talent, qui ne se contentait pas d’un rôle d’exécutant, mais était aussi un innovateur. »
4- A savoir Antun Avgustinčić, Dimitar Vlahov, Marko Vujačić, Moša Pijade et Josip Rus. Les secrétaires étaient Rodoljub Čolaković et Radonja Golubović. Notons que toutes les ethnies yougoslaves étaient représentées.
5- Petar Živković est nommément cité plus loin…
6- En 1974, le (désormais) Premier ministre et maréchal Josip Broz fera lire à MacLean – en toute confidentialité – le projet de constitution établi par Kardelj afin de savoir si son estimé ami pensait que « cela fonctionnerait ». La réponse fut… britannique : « Je ne vois pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas. » Et Tito d’espérer que ce serait effectivement le cas – la suite devait gravement le décevoir !
7- Un peu trop même – OTL, il défendra longtemps Mihailovic contre bien des évidences…
8- Théoriquement dissous en mai 1943, mais l’énervement aidant, les appellations habituelles reprennent le dessus…
9- C’était évidemment faux. Dans ses Mémoires, Edvard Kardelj précisera : « Nous avions tout d’abord décidé de ne pas informer Moscou, car nous étions convaincus que [les dirigeants soviétiques] désapprouveraient cette nomination. Certes, nous les croyions toujours révolutionnaires mais, pour des raisons tactiques, nous ne voulions pas les tenir informés. Ils n’avaient cessé, tout le temps qu’avait duré notre guerre de Libération Nationale, de soumettre leur comportement à notre égard à leurs propres objectifs tactiques, qui consistaient essentiellement à préserver leurs bons rapports avec les Occidentaux. Ils considéraient qu’il fallait sacrifier la Révolution en Yougoslavie, qu’il valait mieux la sacrifier que de risquer des frictions avec les Anglais ou les Français. Nous avions conscience que nous ne pouvions pas compter sur eux et qu’il nous fallait laisser les Russes de côté si nous voulions nous en sortir. » Ce qui doit bien sûr se comprendre par « Il nous fallait assumer officiellement les prérogatives de la souveraineté étatique pour ne pas nous retrouver par la suite subordonnés au gouvernement royaliste. »
10- On dénombre en effet dix partis dans le “Front Populaire de Yougoslavie” – ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils avaient tous voix au chapitre…


Dernière édition par Casus Frankie le Lun Oct 18, 2021 11:10; édité 1 fois
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Etienne



Inscrit le: 18 Juil 2016
Messages: 2825
Localisation: Faches Thumesnil (59)

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 06:31    Sujet du message: Répondre en citant

3 février
Conférence des Bermudes
Citation:
Puis tout le monde se quitte, malgré tout bons amis et alliés fidèles…
Churchill, dans le dos de ses partenaires, va négocier directement avec un Staline (bien qu’il s’en méfier fortement !).

_________________
"Arrêtez-les: Ils sont devenus fous!"
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Hendryk



Inscrit le: 19 Fév 2012
Messages: 3205
Localisation: Paris

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 07:05    Sujet du message: Re: Diplomatie-Economie, Février 1944 Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Car il existe en Angleterre une brigade parachutiste (commandée par le major-général Stanisław Sosabowski), qu’on lancerait bien sur Varsovie – un voyage sans retour, mais tous les hommes sont volontaires.

Incidemment, Sosabowski a été incarné au cinéma par Gene Hackman dans Un Pont trop loin.
_________________
With Iron and Fire disponible en livre!
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13716
Localisation: Paris

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 10:21    Sujet du message: Répondre en citant

5 février
Les Balkans compliqués
Mouvements d’humeur soviétiques
Yougoslavie
– La proclamation de l’AVNOJ ne fait l’objet d’aucune réaction officielle de la part de Moscou ou des capitales occidentales. Les Alliés (de quelque bord qu’ils soient) paraissent considérer la chose avec une sorte d’étonnement circonspect, sans oser se déclarer franchement pour ou contre, de peur de déclencher une réaction violente de la part de leurs partenaires.
Tito n’est pas surpris – mais il sait bien, aussi, que ce qu’il a fait a attiré sur lui l’attention mécontente de l’œil de Moscou. Veljko Vlahović, le glorieux vétéran de la Guerre d’Espagne représentant la LCY en URSS, l’a déjà contacté pour indiquer, avec une grande inquiétude, que Staline lui a personnellement signifié qu’il n’avait « pas voulu [auparavant] éveiller les soupçons de Londres concernant nos intentions révolutionnaires dans les Balkans. Les décisions de l’AVNOJ et leur annonce publique sont donc un couteau planté dans le dos de l’URSS ! » On murmure même qu’un télégramme très critique aurait été envoyé du Kremlin – il se serait perdu en route.
Cependant, malgré ces mouvements d’humeur, le chef des Partisans n’est pas vraiment inquiet. Staline n’ira pas jusqu’à l’exclure de l’organisation des partis frères qui doit remplacer la Troisième Internationale, ou à le faire déposer… Quant aux Alliés occidentaux, ils ne paraissent pas rejeter son appel – encore moins se détourner de ses forces. Tito y voit donc une forme d’acquiescement tacite… charge à lui d’exploiter cette opportunité. Quant à Pierre II, il a choisi de traiter l’événement par le mépris, préférant ironiser sur le fait que le NDH et l’AVNOJ sont les deux visages d’un même projet hégémonique croate.


6 février
Les Balkans compliqués
Mouvements d’humeur soviétiques
Yougoslavie
– De retour dans ses grottes aux environs de Sjenica, Tito reçoit une nouvelle communication officielle en provenance de Moscou, et plus précisément de Dimitrov, le responsable de feu le Komintern. Cette dernière paraît beaucoup plus encourageante que les précédentes : en deux mots, le Kremlin prend acte de la proclamation de l’AVNOJ, dont elle regrette la méthode – mais non le fond – et annonce le soutien « imminent et fraternel de l’URSS » dans la campagne qui doit parachever la libération de la Yougoslavie.
Nul doute que l’absence de réactions trop négatives de la part des capitales occidentales a joué un grand rôle dans cette modération. Le chef des Partisans a bel et bien réussi à placer Staline devant le fait accompli ! Mais cela ne veut pas dire pour autant que tout est réglé entre le NKOJ et l’URSS… L’Union Soviétique indique en effet très clairement qu’elle s’arroge désormais un « droit de conseil » dans les futures décisions de Tito – et notamment en ce qui concerne les délicates considérations d’équilibre avec Belgrade… La crainte (sincère ou non) d’une identification trop forte entre l’Armée de Libération et la Nation Croate, évidemment opposée à une armée royale essentiellement serbe, semble forte à Moscou – Pierre II Karađorđević a su appuyer là où ça fait mal.
Dimitrov ajoute d’ailleurs : « Il vous faut considérer que les spéculations à ce sujet vont bon train dans divers cercles anglo-français. » Ce qui rend bien sûr l’arbitrage du grand frère soviétique d’autant plus nécessaire… Et comme pour bien marquer cette mauvaise humeur qu’il convient d’apaiser, la radio communiste Slobodna Jugoslavija (qui émet de Roumanie) maintiendra durant dix jours encore un embargo sur la proclamation. Tito s’est voulu le meilleur élève de son professeur – il a maintenant toute sa sourcilleuse attention…


7 février
Pologne
L’angoisse monte
Siège du gouvernement polonais en exil (Eaton Place, Londres)
– La nouvelle de la dernière offensive soviétique en Ukraine – et même en République Polonaise, car les Russes ont déjà dépassé la ligne Curzon – déclenche la consternation dans les rangs des politiques regroupés autour de Stanisław Mikołajczyk, qui a succédé au général Władysław Sikorski. Mais où les Rouges s’arrêteront-ils ?
Pour Mikołajczyk, il est évident que les Allemands sont désormais en pleine débandade – ils ont perdus 250 kilomètres en trois semaines, aussi rapides qu’en 1939 dans l’autre sens ! – et ne devraient sans doute pas parvenir à se rétablir avant la Vistule. Or, cette nouvelle et brutale évolution de la situation sur le front de l’Est est positivement dramatique pour l’institution légale qu’il représente.
En effet, depuis que les Russes sont entrés en Pologne, les incidents se multiplient – qu’il s’agisse d’exactions ukraino-biélorusses à l’encontre des civils polonais ou des récents événements à Vilnius. Les Rouges refusent à l’évidence de collaborer, alors même qu’il existe pourtant une flagrante communauté d’intérêt entre eux et les combattants de l’Armée Secrète face aux Allemands, aux Ukrainiens et aux Baltes. Dans ce contexte, et tandis que les Franco-Britanniques se contentent de belles paroles (Blum est loin, Eden ou Churchill semblent absents, comme hypnotisés par la Yougoslavie !), sans parler des Américains… l’angoisse monte dans les rangs. Et si les Alliés avaient tout simplement vendu leur allié contre de belles promesses de l’Ogre ? Après tout, ce dernier sait se faire enjôleur – dans ses dernières déclarations, Staline parle ouvertement de rectifications de frontière aux dépens de l’Allemagne et de la Pologne !
Le Premier ministre envisage donc déjà de se rendre à Moscou afin de clarifier tout cela… mais le ministre de la Guerre Marian Włodzimierz Kukiel (le prédécesseur d’Anders) et le général Tadeusz Bór-Komorowski (qui coordonne l’Armia Krajowa) n’y croient guère. Ils savent ce que valent les promesses des Rouges : beaucoup des prisonniers faits lâchement en 1939 ne sont toujours pas revenus des camps. Quant à ceux qui sont revenus… ils jouent les supplétifs pour rien en Albanie, ou se tournent les pouces dans le Lincolnshire ! Dans ces conditions, Kukiel se sent coincé – à juste titre, il faut bien le dire, et comme une bonne partie de son gouvernement. C’est pourquoi il ordonne officiellement ce soir à son état-major de préparer une opération Tempête étendue à Varsovie et Cracovie. Pour sa part, avec Mikołajczyk, il se charge d’obtenir des Alliés les moyens d’appuyer cette opération – de gré ou de force !


8 février
Pologne
L’ombre d’un doute
Haut-Commissariat de France (58 Knightsbridge, Londres)
– Par la voix de son ministre des Affaires étrangères Edward Bernard Raczyński, la République de Pologne demande officiellement à la République Française son appui dans les discussions en cours avec les Soviétiques. Lesquelles sont visiblement dans l’impasse, tandis que Moscou paraît désormais gagner du temps pour pouvoir déferler sur le territoire polonais sans rien négocier.
Raczyński, originaire de Cracovie et dont le patronyme a sans doute facilité au moins un peu sa brillante carrière diplomatique (11), ne se fait aucune illusion sur la réalité des relations internationales. Et il est encore plus pessimiste quant aux projets que le Reich nourrit à propos de la population de son pays – à ce propos, ses services ont fourni aux Français de nombreux renseignements relatifs aux massacres en cours de Polonais juifs, qui ne font que s’aggraver depuis bientôt quatre ans. Il estime donc avec pertinence être non pas en position de force, mais de victime. Et il va évidemment en jouer, face à un Joseph Paul-Boncour qui n’ignore rien de l’émotion que les informations parvenues en fin d’année à Marseille et Alger ont causé dans son gouvernement.
– Songez, Votre Excellence (12), que notre Nation se retrouve désormais, de fait, soumise à la merci de tous ses voisins. Votre Nation, qui a connu comme nous les heures les plus tragiques, doit le comprendre et nous aider à retrouver la maîtrise de notre territoire – comme votre armée le fait magnifiquement au même moment chez vous.
Le Français ne saurait contredire pareil discours – mais que peut-il faire ? Il se contente donc de paroles d’apaisement, courtoises… diplomates. Lesquelles ne trompent guère Raczyński, vieil habitué de la SDN.
– Nous comprenons, et évidemment, nous ne pouvons que compatir. Déjà en 1940, notre pays a subi l’épreuve du fer et du feu pour avoir tenu tenir sa parole envers le vôtre, comme nous y étions évidemment tenus.
– Dans ce cas, pourriez-vous nous aider à ce que ce sacrifice ne soit pas vain ?
– Il ne saurait l’être ! Cependant, vous n’ignorez rien, Monsieur le ministre, des… (toussotement) discordances qui nuisent aux relations entre l’URSS et la République de Pologne. Il vous faut régler de multiples contentieux, réaliser des arbitrages, faire des choix.
– Etes-vous en train de suggérer que nous devrions négocier une partie de notre souveraineté, comme d’autres membres des Nations-Unies nous y invitent presqu’explicitement ?
– Absolument pas ! Ce n’est pas la position de mon gouvernement, et nous ne saurions tenter d’influencer vos décisions sur ce sujet. Simplement – puisque vous nous faites l’honneur de solliciter notre conseil – nous vous suggérons d’envisager certains remaniements ministériels qui permettraient à votre gouvernement de représenter toutes les sensibilités politiques de votre pays, comme nous l’avons fait nous-mêmes. Car il faudra gagner la paix après avoir gagné la guerre. Ce conseil n’a rien de spécifique à la Pologne : c’est le même que nous donnons – et contre d’autres ! – au Royaume de Yougoslavie.

Autrement dit, les Français sont favorables au fameux gouvernement d’union nationale que Staline évoque de temps en temps dans ses volumineux discours – alors même qu’il ne daigne toujours pas reconnaitre officiellement l’autorité du gouvernement en exil ! Paul-Boncour complète immédiatement : « L’idéal serait un gouvernement d’union autour d’une figure populaire et incontestée. Nous parlons d’expérience. »
Hélas ! Depuis la mort tragique, sans doute accidentelle mais inexpliquée, du regretté général Sikorski – lequel n’a cependant jamais eu en Pologne la popularité acquise en France par le Général en trois ans et demi – il faut convenir que le gouvernement en exil, quoique toujours évidemment légal, est quelque peu… marginalisé. Il lui faut revenir vers son peuple, regagner l’estime des siens pour les représenter. Faire de la politique en somme, pour ne pas disparaitre. Raczyński soupire imperceptiblement et demande – pour être sûr : « Est-ce la position officielle de la République Française ? »
– La position de la République Française, en tant que Nation amie de la République de Pologne depuis sa création, et qui l’a toujours soutenue face à tous les envahisseurs – le chef de notre Gouvernement en est témoin – est de rétablir la Pologne comme un état libre et souverain dans ses frontières. C’est à ce titre que le Président du Conseil a obtenu de l’Union Soviétique, après des négociations des plus techniques, le rapatriement d’une partie de vos soldats internés en URSS, et que nous avons pourvu à l’armement de ces troupes…
– Troupes qui sont actuellement coincées en Albanie, bien loin de leurs terres, ou en Angleterre, bien loin de tout champ de bataille.
– Nous travaillons avec le Gouvernement de Sa Majesté britannique à envoyer sur le front français vos troupes d’Albanie. Cependant, vous conviendrez, Votre Excellence, que si demain l’URSS doit collaborer militairement avec la République polonaise – qu’il s’agisse de votre valeureuse Armée Secrète, des tout aussi valeureuses forces du général Anders ou de ce celles stationnées en Grande-Bretagne – il va bien falloir, à un moment ou à un autre, que vous acceptiez de… hmm, discuter avec les Soviétiques.

C’est drôle, Raczyński jurerait avoir entendu « négocier ». Un silence, puis le Français reprend : « Nous pouvons vous y aider. Nous allons vous y aider – si vous nous y autorisez. Mais je crains qu’il faille que la démarche vienne de vos services. »
Ça, Raczyński l’a bien compris. Tout comme le général Marian Włodzimierz Kukiel, ministre de la Guerre, qui pense, avec d’autres, que pour parler de soi, mieux vaut se trouver chez soi.

L’orgueil d’un amiral
Déceptions portugaise et suisse
Lisbonne
– L’ambassadeur Robert de Dampierre (autrefois détaché à Budapest par le gouvernement de la République) rédige son rapport à destination du Quai de la Joliette quant aux négociations (très) secrètes qu’il mène avec le baron Andor Wodianer. Homme du métier, le diplomate sait qu’il convient de choisir ses mots – ils peuvent beaucoup engager l’avenir. Toutefois, et malgré toute sa bonne volonté, une lassitude un peu amère transparaît dans ce document.
« Les échanges de ces derniers jours avec le baron Wodianer sont fournis et extrêmement réguliers. Nous y voyons la preuve de la sincérité absolue du gouvernement hongrois et de son vif souhait de voir les négociations aboutir. Toutefois, et malgré les avancées significatives observées, je me vois contraint de constater que Budapest persiste à réclamer des garanties en termes de soutien militaire immédiat d’une part, en termes d’appui politique pour l’après-guerre d’autre part. En résumé, à l’heure actuelle, la Hongrie refuse de franchir la Leitha, sinon le Rubicon, et de rejoindre la rive des nations cobelligérantes.
Je ne peux évidemment que déplorer cette attitude, qui est vraisemblablement le fruit d’une mécompréhension de la nature profonde du pacte qui lie les Nations-Unies et des moyens dont disposent les Alliés occidentaux sur ce théâtre. Ainsi, lors des premières négociations, le baron semblait même persuadé que la libération complète de la Yougoslavie aurait lieu dès cet hiver ! L’entremise du comte Peter Pejacsevich, ambassadeur du soi-disant Etat indépendant de Croatie à Lisbonne (13), n’a pas encore réussi à dissiper complètement ce malentendu.
Je place toutefois de grands espoirs dans l’arrivée du colonel Francis Deak, officier américain d’origine magyare, pour ramener à la raison le gouvernement hongrois et le convaincre que son véritable intérêt est d’accepter nos offres dans les meilleurs délais. A cette fin, je me permets de solliciter l’envoi rapide à Lisbonne d’un représentant du gouvernement polonais, dont les liens d’amitié indéfectibles avec Budapest sauront vraisemblablement s’avérer utiles. »

Le diplomate relit une dernière fois son œuvre avant chiffrement et transmission. Il aimerait se garder de tout pessimisme. Pourtant, au fond de lui-même, il sent bien que le compte n’y sera pas plus dans deux mois qu’aujourd’hui.
………
Berne – L’ambassadeur français aurait encore moins de raisons d’être optimiste s’il savait que les Etats-Unis sont déjà en train de négocier avec les Hongrois en Suisse. En effet, appelé en renfort par un Sir Clifford Norton, qui paraît bien en peine pour imposer ses vues sans brusquer le baron Györy Bakach-Besseyey ou Győrgy Barcza, l’ambassadeur américain Royall Tyler dialogue depuis deux semaines par leur intermédiaire avec le gouvernement de Budapest afin de négocier la rupture avec l’Axe.
Durant ces tentatives de compromis, le diplomate fait preuve d’une patience inattendue et inusitée – en tout cas bien supérieure à celle dont bénéficia en son temps le royaume d’Italie. Les Magyars peuvent se féliciter d’avoir choisi comme interlocuteur un ancien délégué de la Société des Nations ayant séjourné dans leur pays assez longtemps et pour l’apprécier et même pour en apprendre la langue. Toutefois, et nonobstant les espoirs anglophiles de Barcza, les discussions piétinent là aussi. Et ce qui est en cause, ce n’est pas la présence éventuelle de l’Armée Rouge sur le territoire du royaume (qui, du point de vue des Américains, n’a jamais fait débat), mais bien l’avenir institutionnel de la Hongrie et personnel de ses dirigeants.
En effet, à Budapest, on paraît encore convaincu que la forme actuelle du gouvernement pourrait survivre au conflit ! Avec conviction sinon habileté, Győrgy Barcza vante « les vingt-cinq années de règne d’Horthy, qui sont une réalité que rien ne pourra effacer de l’esprit de la population. Horthy est devenue une légende. Là où il commande, les gens suivent. Il faut tenir compte de cet atout pour assurer la préservation d’un système qui aura des effets bénéfiques, et même par-delà les frontières de la Hongrie. » Le tout évidemment sans se demander si les voisins concernés seraient d’accord !
Un peu plus réaliste, mais pas moins maladroit, Bakach-Besseyey insiste assez lourdement auprès de Sir Clifford sur « l’anglophilie du régent, qui est à la base même de sa pensée. S’il a parfois agi en sens contraire, ce fut sur un mauvais conseil ou en l’absence d’alternative. » Et les Magyars de se plaindre à nouveau du dépeçage de la Hongrie autrefois voulu par les Alliés, et expliquant évidemment son alignement actuel. Les plénipotentiaires, catastrophés par tant de candeur, ne peuvent guère que décrire les positions hongroises à leurs hiérarchies… Preuve de leur bonne volonté, les Américains iront jusqu’à impliquer Allen Dulles, le chef de l’antenne de Berne de l’OSS, pour convaincre les Hongrois – en vain.


9 février
Pologne
L’ombre d’un doute
Ambassade d’URSS à Londres (6/7 Kensington Palace Gardens)
– Pendant ce temps, après une réunion des plus orageuses entre les membres “réalistes” du gouvernement en exil et d’autres beaucoup plus à cheval sur la légalité… et l’indépendance nationale – la République de Pologne sollicite officiellement l’Union Soviétique afin d’organiser une conférence conjointe entre son gouvernement et le comité de Lublin destinée à évoquer le rétablissement de l’autorité légale polonaise dans les territoires déjà contrôlés par l’Armée Rouge, selon un modus operandi à préciser.
En attendant, elle demande également – civilement, mais sans excès de gentillesse – une réunion d’état-major conjointe polono-russe afin de définir enfin « et au plus haut niveau » les modalités de coopération entre les combattants de l’Armia Krajowa et l’Armée Rouge, ainsi que d’éventuelles « autres formations » qui pourraient rejoindre rapidement le territoire national. Ces démarches sont évidemment « approuvées par les autres grandes puissances des Nations-Unies » – ce qui n’est que partiellement vrai : on comprendra donc que le gouvernement en exil ne précise pas lesquelles.
Le texte de cette missive – que certains pourraient estimer encourageante – laisse cependant percevoir tous les tiraillements et les ambigüités d’une institution mise à rude épreuve entre “pragmatiques” qui voient bien qu’il faudra traiter avec les Soviétiques et “jusqu’au-boutistes”, toujours en deuil de Sikorski mais certains de leur bon droit et de l’appui (à terme…) des Occidentaux.
Evidemment, cette offre ne saurait rester sans réponse de l’URSS – simple question de formalisme. Les deux gouvernements entretiennent d’ailleurs toujours des relations diplomatiques, tendues mais réelles. Moscou prendra cependant son temps pour répondre – la faute à la lenteur des communications… Et puis, la proposition polonaise ne tombe pas au bon moment, alors que de grandes choses sont en cours sur le front.

Pierre II se tourne vers les USA
Cadeau empoisonné
Seher (Bosnie)
– Dans cette plaine située à une petite trentaine de kilomètres au sud-est de Tuzla, les Tchetniks s’affairent depuis plusieurs jours, avec l’aide contrainte (et au grand étonnement) de la population locale, à construire une piste d’atterrissage provisoire ! En effet, dans le cadre de sa politique étrangère visant à s’accommoder les Etats-Unis (à défaut des autres alliés occidentaux), le commandement royaliste unifié prévoit de frapper un grand coup : la remise à l’USAAF de 250 de ses pilotes et membres d’équipage, abattus au-dessus du territoire yougoslave durant les deux dernières années et cachés par les forces loyales à Belgrade depuis leur récupération après parachutage.
L’opération Halyard (14) bénéficie d’un soutien au plus haut-niveau : William Donovan, le patron de l’OSS, et l’ambassadeur américain Robert Daniel Murphy, l’ont mise sur pied en personne – en concertation, c’est vrai, avec l’attaché militaire yougoslave à Washington, Mirjana Vujnovich, mais sans prévenir personne hormis l’USAAF – et, en tout cas, certainement pas les Européens. D’ailleurs, Donovan et Murphy n’ont pas non plus demandé à leurs partenaires yougoslaves la raison d’une attente aussi longue avant la récupération des “boys”, ni si des aviateurs allemands ont un jour bénéficié d’un traitement équivalent : pour eux, seul le résultat compte.
Le résultat – mais aussi d’autres sinueux calculs. En effet, malgré les nombreuses incitations de son homologue Sir Stewart Menzies, du MI 6, ou du colonel Louis Rivet, du 2e Bureau, Donovan se refuse encore à dénoncer franchement les positions de Pierre II et l’action des milices tchetniks. Et ce, bien qu’il dispose désormais de nombreuses preuves montrant que ces milices ont par le passé versé dans la collaboration… et même que leur attitude ne soit pas toujours franchement amicale envers ses services. Pour le chef de l’OSS, il faut avant tout conserver un lien avec tous les intervenants du chaos balkanique sans s’aliéner personne – même ces fichus communistes de Tito. Ce n’est qu’à ce prix, pas trop excessif il est vrai, que Washington sera en mesure de peser dans les délicats équilibres de l’après-guerre dans la région – et vraisemblablement d’arbitrer selon son bon vouloir.
Quand la nuit est au plus noir, le travail paraît enfin achevé – on allume des feux de guidage puis chacun attend. Vers 03h00, deux douzaines de C-47 en provenance d’Italie arrivent un par un. Ils sont guidés par trois hommes au sol, parachutés deux semaines auparavant : le lieutenant George Musulin (un Serbe de New York, qui portait encore récemment une longue barbe), le sergent-chef Michael Rajacich et le radio Arthur Jibilian (15). Les robustes bimoteurs se posent l’un après l’autre sur la piste en terre. On amène une troupe d’aviateurs, bien nourris mais fatigués, qui embarquent en hâte, douze par douze (la piste est trop courte pour que les appareils puissent en emmener plus) après congratulations, larmes et embrassades. Le tout sous la protection de près de trois mille miliciens… et aussi sous l’œil des caméras de la propagande royale.
Le travail continue toute la matinée, sous la protection des P-47 du 324th FG. Vers midi, l’évacuation est enfin terminée – les avions s’en retournent vers Naples, et les miliciens vers leurs montagnes. Ils emmènent avec eux une équipe de six éclaireurs, descendus du premier avion et dirigés par le colonel Robert MacDowell, de l’OSS. Ce dernier vient en Yougoslavie « pour une mission strictement limitée aux renseignements, destinée à juger de la situation militaire sur le terrain et n’ayant aucun caractère politique. » Le colonel a pris la peine de bien le préciser à son correspondant, le Kapetan Larko Muzikravic : il n’est là que pour voir et organiser de nouveaux ponts aériens dans les jours à venir (16).
Pourtant – mais l’Américain l’ignore – à Belgrade, on imprime déjà des tracts très explicites se prévalant du nouveau soutien de Washington et précisant que « les délégués du gouvernement américain et les émissaires personnels du président Roosevelt, ami fidèle des petits peuples alliés et pacifiques, viennent d’arriver en territoire yougoslave libéré. » Et ce n’est pas tout : grâce à la complicité du lieutenant Musulin, le dernier avion n’est pas reparti qu’avec des aviateurs. Il a également emmené le député et président du Parti démocrate indépendant Adam Pribićević, le capitaine Zvonimir Vučković, l’ancien précepteur royal Ivan Kovač et l’ancien juge à la cour suprême Vladimir Belajči – en résumé, tout ce qu’il faut pour lancer outre-Atlantique une émouvante campagne de lobbying sans risquer d’interférence de la part des Anglais.
Un autre civil, particulièrement discret, est également du voyage : Ivan Popov, le frère de Dušan Popov, le fameux espion britannique. Ivan est lui aussi un agent double, travaillant tout à la fois pour les services secrets royalistes et pour la Gestapo – il a même failli être exécuté par les miliciens à son arrivée sur le terrain, du fait de sa présence passée à Belgrade, au siège de la police secrète du gouvernement de collaboration et en uniforme allemand ! Seule une lettre du défunt Mihailović attestant de son patriotisme lui a sauvé la vie… Mais tout cela n’a évidemment pas été expliqué aux Américains, loin s’en faut !
Alors que le dernier C-47 d’Halyard s’élève dans le ciel, son équipage ignore qu’il a donc à son bord, outre un certain nombre de leurs camarades de combat, tous les éléments nécessaires à créer un grave incident diplomatique entre Londres, Marseille et Washington – y compris un agent allemand plus ou moins repenti !


10 février
Pierre II se tourne vers les USA
Un Croate mécontent et des Serbes voyageurs
Environs de Sjenica (Bosnie occupée)
– Josip Broz Tito apprend la nouvelle de l’opération Halyard grâce aux agents d’Aleksandar Ranković disséminés en territoire royaliste – et il est furieux (sans trop songer que son ancien maître du Kremlin a pu lui aussi ressentir la même fureur quelques jours plus tôt, et par sa faute). Ainsi, les Etats-Unis capitalistes choisissent leur camp et font cause commune avec les assassins tchetniks pour une misérable affaire de prisonniers libérés ! Quelle bassesse, quel mépris pour le peuple yougoslave, quel… comportement prévisible. Par deux fois, Tito avait pris la peine d’écrire personnellement au Président Roosevelt pour tenter de le sensibiliser aux subtilités yougoslaves, malgré ses doutes sur la sincérité américaine. Il n’avait jamais eu l’honneur d’une réponse… A l’évidence, ses craintes étaient plus que justifiées !
Puisque les capitalistes traitent l’AVNOJ et le NKOJ en adversaires, ceux-ci vont répliquer de la même manière ! L’Armée de Libération Nationale suspend immédiatement et sine die sa collaboration avec les services secrets occidentaux. Ses ressources sont largement suffisantes pour la tâche qu’il ambitionne – et les troupes de Montgomery n’auront qu’à se débrouiller sans les précieux renseignements qu’il leur fournit ! Les correspondants alliés sur son territoire sont désormais consignés, surveillés et privés d’informations sur les actions envisagées par les Partisans.
………
Naples – La délégation tchetnik en provenance de Seher est bien arrivée en territoire contrôlé par les Alliés… mais pas exclusivement par les Américains. La présence à Naples de très nombreux soldats de Sa Majesté engendre la crainte d’une « amicale retenue » des représentants yougoslaves en route vers Washington. Adam Pribićević et ses complices, qui ne disposent pour ainsi dire d’aucun véritable contact au sein de l’USAAF, cherchent donc désormais le moyen de poursuivre leur voyage… mais dans une totale discrétion.

Churchill en mission
Jusqu’ici, tout va bien
Aéroport de Tatoi
– L’Avro York Ascalon (l’un des prototypes de ce dérivé du Lancaster, dûment modifié pour servir de transport de VIP) se présente au-dessus de l’aéroport d’Athènes, couvert par les Spitfire du Squadron 250 au grand complet. Ceux-ci passent en vrombissant au-dessus des installations grecques, histoire d’annoncer l’arrivée du passager de l’Ascalon : nul autre que le Premier ministre de Sa Majesté George VI.
Le grand quadrimoteur est piloté (comme son prédécesseur le Consolidated B-24 modifié Commando), par l’Américain William J. Vanderkloot Jr. Il touche terre et va s’immobiliser au droit d’un tapis rouge, devant une fanfare qui commence à jouer L’Hymne à la Liberté de Dionýsios Solomós (mis en musique en 1828 par Nikólaos Mántzaros) sitôt les moteurs arrêtés. Puis, alors que la porte s’ouvre, la musique passe au God save the King, à l’instant précis où une silhouette ventrue et familière surgit de l’avion.
Winston Churchill salue, fait le signe de la Victoire vers les caméras avec son traditionnel cigare accroché à un grand sourire, puis descend la passerelle d’un pas assuré, en direction du régent Paul et du Premier ministre Papandréou – lesquels l’attendent avec un sourire… peut-être moins épanoui. En effet, si le Vieux Lion a rentré ses griffes en atterrissant à Athènes, ce n’est pas pour autant pour une visite de courtoisie : son programme est particulièrement chargé. Churchill a l’ambition assumée de stabiliser une fois pour toutes le chaos balkanique, pour permettre à Montgomery de marcher sur Vienne sitôt le printemps revenu… et accessoirement pour asseoir l’influence britannique sur toute la région, pour après le conflit. Tout le monde sait le goût que Sir Winston cultive pour la Méditerranée…
Il n’y a donc que les naïfs pour croire que Churchill va se contenter d’une « visite du front avec quelques rendez-vous diplomatiques de pure forme » – les Grecs ne sont à l’évidence pas de ceux-là. Leurs visages sont plus fermés qu’éloquents, et si Papandréou serre la main de son invité, Paul très raide, le salue militairement. La partie s’annonce serrée… Mais depuis la quasi-mise au pas du gouvernement argentin du général-président Ramírez (qui montre à présent de très nets signes d’instabilité…), il semble bien qu’il n’y ait rien que les Anglais ne puissent obtenir, en y mettant de l’énergie (ils n’en manquent pas) et de la patience (ils en manquent encore moins).
Pour l’instant toutefois, point de tension ou de reproches acrimonieux entre alliés. Après tout, le PM britannique est le premier dirigeant étranger de premier plan à visiter la Grèce depuis la conférence d’Athènes (hormis le cas particulier de Pierre II, mais ce dernier n’était pour ainsi dire qu’en transit). Et quelque part, cette tournée couronne la libération du Royaume.
La journée se passe entre Le Pirée et la capitale, à passer en revue des unités des marines royales grecque et britannique. Churchill conserve un fort intérêt pour la Marine, hérité du temps où il était Premier Lord de l’Amirauté. Il a ainsi l’occasion – entre autres choses – de remettre la Distinguished Service Order à Thomas M. Beach, le commandant du défunt HMS Terror, dont l’intervention s’est avérée décisive à Korinos.
Ce programme est épicé de quelques bains de foule – sous la surveillance attentive de la police militaire, certes, mais les dizaines de mains serrées par Winston, qui lâche de temps en temps quelques mots de grec (de grec ancien, certes, mais le cœur y est) font beaucoup pour rendre un peu le sourire à ce pays martyre. A son côté, le régent Paul sourit finalement de bonne grâce, désireux de se montrer l’égal de son invité. Son message est clair : la Grèce rejoint le concert des Nations et elle est très estimée de ses alliés… à défaut d’être encore pleinement rétablie et entièrement libre de ses choix. Lui et son Premier ministre ne le savent que trop bien.
Les entretiens bilatéraux de Churchill commenceront dès demain – évidemment par ses hôtes hellènes.


Notes
11- La famille des Raczyński z Małyszyna – nom complet de la dynastie – vient de la vieille noblesse de Wieluń et est apparentée aux Habsbourg.
12- Paul-Boncour est Haut-commissaire de la République et non Ambassadeur, mais comment s’adresse-t-on à un Haut-Commissaire ?
13- Mais surtout agent de l’Intelligence Service – le diplomate, qui ne l’ignore sans doute pas, évite de le préciser dans un courrier.
14- Halyard = drisse (cordage servant à hisser une voile).
15- Jibilian recevra plus tard la Medal of Honor pour ses actions.
16- Lesquels porteront finalement le total à 512 personnes évacuées.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Hendryk



Inscrit le: 19 Fév 2012
Messages: 3205
Localisation: Paris

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 10:49    Sujet du message: Re: Diplomatie-Economie, Février 1944 Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
La séance avait commencé sur le fameux appel à l’union slovaque « Hey Sloveni » interprété par le chœur du théâtre de l’Armée de Libération Nationale.

Le chant fera l'objet d'une reprise par un célèbre quatuor britannique, quoiqu'ils en modifieront le titre en "Hey Jude" Rasta

Casus Frankie a écrit:
– Notre collègue soviétique, précise Blum, avait tous les accents de la sincérité, voire d’une certaine inquiétude.

En effet, ça doit se remarquer quand Molotov est sincère, vu que ça arrive si peu souvent...
_________________
With Iron and Fire disponible en livre!
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
loic
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 8939
Localisation: Toulouse (à peu près)

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 12:54    Sujet du message: Répondre en citant

Au 1er février :
Citation:
Sans parler du corps d’armée du général Anders, qui perd son temps en Albanie alors que la Baltique est un lac allié…

Euh, la Méditerranée (ou l'Adriatique) peut-être, la Baltique, pas encore ! Think
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
demolitiondan



Inscrit le: 19 Sep 2016
Messages: 9253
Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 12:56    Sujet du message: Répondre en citant

Du point de vue des polonais, si. Avec un peu de mauvaise foi, allez une collaboration soviétique et quitte à prendre des risques.
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
loic
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 8939
Localisation: Toulouse (à peu près)

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 13:21    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Du point de vue des polonais, si. Avec un peu de mauvaise foi, allez une collaboration soviétique et quitte à prendre des risques.

Avec beaucoup de mauvais foi, tu veux dire ! Shocked
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Hendryk



Inscrit le: 19 Fév 2012
Messages: 3205
Localisation: Paris

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 13:23    Sujet du message: Répondre en citant

N'empêche qu'un parachutage de la brigade polonaise sur Varsovie au nez et à la barbe des Soviétiques, ça aurait de la gueule.
_________________
With Iron and Fire disponible en livre!
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
loic
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 8939
Localisation: Toulouse (à peu près)

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 13:27    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
A ce propos d’ailleurs, Churchill relance l’idée d’un débarquement en Norvège destiné à couper l’herbe sous le pied des Soviétiques en Scandinavie. Cependant, à cette date, même son état-major considère qu’il s’agit d’une lubie du même genre que le ventre mou de l’Europe (qui se révèle être plutôt un marécage).

Dans le contexte FTL, cette affirmation est à nuancer : l'URSS est aux portes de la Norvège beaucoup plus tôt qu'OTL, les forces allemandes sont réduites et les possibilités alliées meilleures suites à Dragon. Je pense qu'on reparlera d'un débarquement (limité) en Norvège après Overlord. Je propose qu'on enlève le mot "lubie", il n'a pas lieu d'être ici.

Citation:
Tout d’abord, le fait que les Etats-Unis ne seraient pas directement concernés par les conséquences d’une transformation de l’Allemagne en une sorte de pseudo-état agricole.

Je ne sais pas si c'est exact du point de vue des grandes entreprises américaines (GM, IBM, ...) qui avaient investi en Allemagne avant guerre. Les boys ont découvert que les Allemands utilisaient des matériels produits par des succursales de firmes US.

Citation:
Côté américain, la confiance dans la victoire sur l’Allemagne est telle que, sauf catastrophe (comprendre un échec d’Overlord), [...]

Un échec d'Overlord est-il seulement envisageable avec des forces à présent inamovibles dans le sud de la France ?

Citation:
6- En 1974, le (désormais) Premier ministre et maréchal Josip Broz fera lire à MacLean – en toute confidentialité – le projet de constitution établi par Kardelj afin de savoir si son estimé ami pensait que « cela fonctionnerait ». La réponse fut… britannique : « Je ne vois pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas. » Et Tito d’espérer que ce serait effectivement le cas – la suite devait gravement le décevoir !

On peut peut-être éviter d'anticiper ainsi ?

Citation:
sans brusquer le baron Györy Bakach-Besseyey ou Győrgy Barcza

Pourquoi un accent différent ?
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
patzekiller



Inscrit le: 17 Oct 2006
Messages: 3940
Localisation: I'am back

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 13:52    Sujet du message: Répondre en citant

du coté des grandes firmes, à la limite elles s'en foutent, leurs usines sont par terre à grands coups de bombardement stratégique et il est d'ores et déjà prévu des compensations, elle les reconstruiront ailleurs.
En attendant elles continuent de faire sortir des dividendes par la suisse et ne peuvent que jouer la carte du patriotisme en approuvant leur administration. elles ne feront certainement pas de publicité sur le fait qu'opel est une filiale de GM
_________________
www.strategikon.info
www.frogofwar.org
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
houps



Inscrit le: 01 Mai 2017
Messages: 1812
Localisation: Dans le Sud, peuchère !

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 14:59    Sujet du message: Répondre en citant

7 février
Pologne
L’angoisse monte
Siège du gouvernement polonais en exil (Eaton Place, Londres)
– ...
Pour Mikołajczyk, il est évident que les Allemands sont désormais en pleine débandade – ils ont perdus 250 kilomètres en trois semaines, aussi rapides qu’en 1939 dans l’autre sens ! – et ne devraient sans doute pas parvenir à se rétablir avant la Vistule..."

Bah les Allemands ont perdu 250 km, mais s'ils les ont perdus, si vite, ce n'est pas grave, 250 perdus, 25000 de retrouvés...

Ceci dit, je tique un peu sur le "rapides", qui, certes s'applique aux Teutons, mais un "rapidement", faisant référence à la proposition précédente, ne serait-il pas plus judicieux ?

Churchill en mission
Jusqu’ici, tout va bien
Aéroport de Tatoi

"...La journée se passe entre Le Pirée et la capitale, à passer en revue des unités des marines royales grecque et britannique. Churchill conserve un fort intérêt pour la Marine, hérité du temps où il était Premier Lord de l’Amirauté...."

se déroule ? ou "Entre le Pirée et la capitale, les visiteurs occupent leur journée à passer en revue...."
_________________
Timeo danaos et dona ferentes.
Quand un PDG fait naufrage, on peut crier "La grosse légume s'échoue".
Une presbyte a mauvaise vue, pas forcément mauvaise vie.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
demolitiondan



Inscrit le: 19 Sep 2016
Messages: 9253
Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 22:38    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne spoilerais rien ... Cool
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
loic
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 8939
Localisation: Toulouse (à peu près)

MessagePosté le: Dim Oct 17, 2021 22:48    Sujet du message: Répondre en citant

patzekiller a écrit:
du coté des grandes firmes, à la limite elles s'en foutent, leurs usines sont par terre à grands coups de bombardement stratégique et il est d'ores et déjà prévu des compensations, elle les reconstruiront ailleurs.
En attendant elles continuent de faire sortir des dividendes par la suisse et ne peuvent que jouer la carte du patriotisme en approuvant leur administration. elles ne feront certainement pas de publicité sur le fait qu'opel est une filiale de GM

N'empêche que l'affaire avait provoqué un certain remous.
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
JPBWEB



Inscrit le: 26 Mar 2010
Messages: 4087
Localisation: Thailande

MessagePosté le: Lun Oct 18, 2021 03:31    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:

12- Paul-Boncour est Haut-commissaire de la République et non Ambassadeur, mais comment s’adresse-t-on à un Haut-Commissaire ?


A mon avis, s’adressant directement à un Haut-Commissaire, "Excellence". Si dans une phrase, "Votre Excellence", et si on parle du Haut-Commissaire, mais non a lui-même, "Son Excellence".

Donc:
« :Ah, messieurs, voici enfin Son Excellence Mr. Paul-Boncour. (…)
Bienvenue parmi nous, Excellence. Asseyons-nous, si Votre Excellence veut bien prendre place a ma droite… »

Donc, dans le passage plus haut :
Citation:
Songez, Excellence, que notre Nation se retrouve désormais, de fait, soumise à la merci de tous ses voisins.

_________________
"L'histoire est le total des choses qui auraient pu être évitées"
Konrad Adenauer
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Fantasque Time Line Index du Forum -> 1944 - Diplomatie, Economie Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Aller à la page 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7  Suivante
Page 1 sur 7

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum


Powered by phpBB © 2001, 2005 phpBB Group
Traduction par : phpBB-fr.com