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Résistance dans les Balkans (Yougoslavie Grèce Albanie) 1942
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patrikev



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MessagePosté le: Ven Jan 21, 2011 21:34    Sujet du message: Résistance dans les Balkans (Yougoslavie Grèce Albanie) 1942 Répondre en citant

Comme promis, voici la suite. La Grèce est encore bien calme en ce début d'année, mais du côté yougoslave, ça bouillonne.

EDIT - Chrono augmentée de l'Albanie

_______________

2 janvier 1942
Alger –
En fin de matinée, dans un petit café près de la gare de l’Agha, trois hommes vident une carafe de vin rouge, étonnamment bon marché à Alger, même si la qualité n’y est pas toujours. L’un, une figure rude au front bombé, porte un bleu de travail. Le second est un rouquin massif, de petites oreilles sur une grosse tête, un blouson de cuir pas tout neuf. Le troisième, un jeune élégant en chemisette de sport, un bouquet de jasmin à la boutonnière. Un yaouled, un petit vendeur ambulant, passe entre les tables en criant les journaux : « Grande bataille dans la Tonkin et la Cambodge. Le général Arthur défend à Philippeville, c’est pas le Philippeville des Constantinois, c’est un autre. L’Echo, la Dépêche, le Répu ! »

Le rouquin fixe l’élégant avec attention : « On s’est déjà vus, non ? »

L’élégant se balance sur sa chaise en sifflotant la Ronda de Boltaña, avant de dire d’un air malicieux (et avec une pointe d’accent est-européen) : « Du côté de Saragosse. Vous nous aviez fait une visite, très aimable, je dois dire. »

– Nom de Dieu, un des Brigades ! Charles ne m’avait pas dit ça… Charles, tu es sûr qu’on peut se parler tranquilles ?

– Tout à fait sûr. Tu as vu le yaouled ? Il connaît tous les flics du quartier, il les repère à cent mètres.

– Toujours bien organisé, hein ? Bien ! Alors, on peut se dire tu, brigadiste. Qu’est-ce que tu faisais, à Saragosse ?

– Je faisais ce que je pouvais. J’ai même eu des résultats. Et j’en aurais eu davantage si j’avais pu trouver des obus exactement du même calibre que mes canons… Aujourd’hui, toi, il paraît que tu travailles au ministère de la Guerre ?

– Pas vraiment, mais pas loin… C’est drôle, parce que j’ai commencé dans la vie en écrivant des articles contre les gueules de vache ! Alors, tu arrives de Serbie ?

– De Yougoslavie, camarade, de Yougoslavie.


C’est ainsi que dans la petite salle d’un café d’Alger, Charles Tillon, ancien mutin de la mer Noire, Sulpice Dewez, député ex-communiste et ancien journaliste antimilitariste, et Koča Popović, survivant des Brigades Internationales et envoyé spécial de Josip Broz, dit Tito, commencent à ébaucher un plan de libération de la Yougoslavie.

Sulpice Dewez, menuisier syndicaliste, élu en 1936 député communiste de Valenciennes (Nord), s’était fait auparavant une spécialité de dénoncer « la fascisation des cadres de l’armée ». Ce qui ne l’a pas empêché, dès son élection, de siéger à la commission de l’Armée de la Chambre du Front Populaire. Ayant désavoué le Pacte germano-soviétique et l’invasion de la Finlande, il a démissionné du Parti et échappé à la déchéance. Mobilisé, il a vécu deux évacuations, celle de Provence et celle de Sardaigne. Il est en permission depuis Pearl Harbor, car on estime en haut lieu que son travail à la commission de l’Armée, où il a retrouvé son siège, est plus important que sa modeste contribution de sous-officier.
Charles Tillon, lui-même représentant très officieux du PCF, sait que Thorez et Duclos n’aimeraient pas le voir fréquenter cet ancien camarade. Mais il lui fait confiance pour introduire Koča Popović auprès du gouvernement – encore un camarade qui ne doit pas être en odeur de sainteté à Moscou.
………
Entre Alger et nulle part, près de Djidjelli (Kabylie) –

Quelques heures après l’entretien évoqué ci-dessus.

– Allô ? Je voudrais parler au colonel Morel.

– De la part de qui ?

– Le colonel Morel.

– Oui, j’ai entendu. Mais de la part de qui ?

– Le colonel Morel voudrait parler au colonel Morel. C’est clair? Exécution.


L’existence de deux colonels Morel au 2e Bureau, l’un prénommé Henri et l’autre Georges-Henri, dit Gerry, est un inépuisable sujet de plaisanteries – y compris pour les deux intéressés.

– Le colonel Morel demande le colonel Morel.

– Je dirais même plus : le colonel Morel écoute le colonel Morel. Quoi de neuf à la Casbah ?

– Poisson-pilote a rencontré Ecrevisse et Crabe. Ils ne se sont pas parlés très longtemps, mais ils ont dû se dire du décisif. Crabe a tout de suite filé au Château. Il embête tout le monde pour avoir un rendez-vous en haut lieu. Pas facile en ce moment, mais il s’obstine. Il faut que j’envoie une note au Château pour leur dire que Poisson-pilote est bien ce qu’il dit. Avec tout ce qui arrive d’Europe, y compris des espions et des mythomanes, ils sont légèrement méfiants…

– Très intéressant ! Il y a aussi du mouvement chez les Royaux. Ils ont eu du neuf et eux, évidemment, ils ont leurs entrées officielles. J’y pense, ce serait drôle de discuter avec les deux en même temps.

– Malheureusement, on ne peut pas dire qu’ils s’entendent. Il faudra faire deux missions au lieu d’une.

- J’aimerais mieux une seule, et qu’ils soient d’accord entre eux. Mais c’est sûrement trop demander. Rappelle-moi dès que tu en sauras plus.


Tillon n’est pas le seul à bien s’organiser. Si le pouvoir civil commence seulement à s’activer, le renseignement militaire a déjà une petite longueur d’avance. A Alger, le colonel Morel, Henri, raccroche en souriant dans sa barbe. Il s’amuse à l’idée de revoir bientôt une ou deux vieilles connaissances.


4 janvier
Alger – « Jedan narod, jedan kralj, jedna država ! » (Un peuple, un roi, une patrie) - « Smrt Fašismu, sloboda narodu ! » (Mort au fascisme, liberté au peuple)


Pour recevoir ses visiteurs yougoslaves, le Conseil de Défense nationale a désigné une commission dont ne fait pas partie le général de Gaulle, car le Connétable est allé faire une tournée des popotes en Cyrénaïque. Mais le Conseil n’a pas perdu au change, au moins en centimètres de taille : en effet, le général Noguès, chef d’état-major général, absent pour raison de santé, s’est fait représenter par le général Giraud. Le « Héros de Macédoine » (dixit la presse) n’est pas fâché de l’absence de De Gaulle : général d’armée de plein droit, il est toujours agacé de se retrouver sous les ordres d’un jeune général de brigade, hier encore colonel…

Bien, songe-t-il, ces civils pompeux et brouillons vont voir ce que c’est qu’un véritable Grand Chef militaire. Paul Reynaud, par exemple… Le Président du Conseil n’est pas le pire de la bande. Ce petit homme trop nerveux ferait même un homme d’Etat convenable s’il ne cherchait pas à tout prix à être original.

Léon Blum… Ses élégances de vieux beau, ses idées aussi subtiles qu’incompréhensibles, ses perpétuels scrupules de conscience. Il avait mis un beau désordre dans les colonies, avec son projet Blum-Violette, et il a récidivé avec cette loi sur la citoyenneté, qui est de son cru, c’est évident. Ce n’est pas Lyautey qui aurait mis une salade pareille – "Nos frères, non pas inférieurs, mais différents" : lui comprenait ce qu’attendaient les indigènes. Comment parler d’égalité à des gens qui ne connaissent que leurs tribus, leurs cheikhs et leurs sultans ? Sous l’uniforme, c’est différent : ce sont de beaux combattants, tout le monde le sait, mais l’Armée, c’est la hiérarchie et la discipline !

Laurent Eynac… Tiens, il n’est pas mal, celui-là. Ministre de l’Air, Auvergnat comme on ne l’est pas, moustachu et bougon, l’air de compter ses avions comme son grand-père devait compter ses vaches.

Sulpice Dewez… Oh, lui, un matricule à surveiller. Un bolchevik, un saboteur qui avait tenu la rubrique des Gueules de Vache dans l’Humanité. Même s’il a fait mine de rompre avec la horde, c’est comme les pastèques : vert armée dehors, rouge coco dedans. Devrait être aux fers, ou chez les Joyeux à Tataouine. A la place, cet agitateur siège au Parlement, à la commission de l’Armée, excusez du peu !

Et puis, il y a ces deux Yougoslaves qui, on s’en doute, ne sont pas venus à Alger pour faire du tourisme. En général, des braves diables, ces Yougoslaves. Giraud les a suffisamment pratiqués pendant sa campagne des Balkans. Ils ressemblent aux Marocains : courageux, dévoués, insoucieux du lendemain, toujours à chercher bataille, ne connaissant que leur clan et leur faction. Hospitaliers et chaleureux avec leurs amis, mais toujours prêts à trancher la gorge et le reste à leurs ennemis. Gouverner ces gens-là doit être une rude affaire, et leurs deux délégués donnent une drôle d’idée de leur classe politique actuelle.

Ivan Šubašić (prononcer Choubachitch, paraît-il !), un politicien croate du Parti Paysan, mais qui a l’air de tout sauf d’un paysan. Plutôt l’air d’un Jésuite, pour tout dire. Et Koča Popović (Kotcha Popovitch), un joli garçon au regard de braise qui semble avoir fait le tour des boutiques de mode de la rue d’Isly. Tout à l’heure, dans l’antichambre, Giraud l’a surpris qui parlait de poésie avec Blum, en citant Breton et Eluard… Elle promet, la nouvelle Europe!

Heureusement, les deux Balkaniques s’expriment en excellent français. Un siècle et demi de présence française, depuis Napoléon et ses Provinces Illyriennes, aura servi à quelque chose !

Reynaud, par chance, a décidé de faire court. Il présente les deux invités:

- Monsieur Šubašić, ministre du royaume de Yougoslavie, et Monsieur Popović, représentant de… l’Armée Nationale de Libération… de Yougoslavie. Ils sont venus nous parler du sort de ce courageux et malheureux allié, que nous ne saurions oublier et pour qui nous nous devons de faire un effort décisif. Monsieur Šubašić ?


Le ministre du royaume, lui, a choisi de faire long. Au nom de Sa Majesté et du peuple yougoslave, il tient à exprimer, etc. Enfin, il arrive à l’essentiel. Les forces héroïques du colonel Mihailovic, que Sa Majesté a tenu à nommer général (encore un général accéléré), ont subi de lourdes pertes durant l’offensive d’automne des Allemands en Serbie. Mais ce n’est rien devant les souffrances de la population civiles, les paysans serbes fusillés ou chassés de chez eux, leurs maisons brûlées, leurs corps jetés dans les ravins. « Moi qui suis Croate, j’ai pleuré devant les souffrances du peuple serbe » (un Yougoslave ne peut pas passer un quart d’heure sans nous dire s’il est Serbe, Croate ou Slovène : est-ce que je me crois obligé de dire partout que je suis alsacien, moi ?). Enfin, il conclut :

- Notre Armée dans la patrie, dénuée de tout, réduite à se cacher comme les saints martyrs dans les catacombes, est pourtant prête à se relever et à reprendre le combat. De nouveaux volontaires remplaceront ceux qui sont tombés. Nous ne demandons que les armes et les ressources pour tenir le temps nécessaire, jusqu’au jour où nos alliés reviendront nous aider à libérer le sol sacré de notre patrie.


L’autre délégué se lève.

- Monsieur Šubašić vient de nous parler des souffrances du peuple serbe. Je partage sa douleur, et j’apprécie que le roi nous ait envoyé un Croate pour en parler, pour que personne ne le soupçonne de partialité. Moi qui suis un paysan de Belgrade, comme M. Aragon se dit un paysan de Paris, je dis : tous les peuples de Yougoslavie souffrent, et pas seulement les Serbes. Les Slovènes chassés de chez eux par la barbarie allemande, les Serbes et les Tziganes traqués par les bourreaux Oustachis et jetés au charnier de Jasenovac, les Monténégrins fusillés par les Italiens, les Juifs de Serbie exterminés en trois semaines par le boucher Böhme, les paysans, peu importe qu’ils soient d’une origine ou d’une autre, fusillés par villages entiers pour avoir donné l’asile ou du pain aux Partisans. Notre commandant Tito…

Ah, songe Giraud, enfin un qui n’a pas un nom en itch. Mais je parie que c’est un faux nom.

- … Notre commandant Tito est décidé à combattre les assassins fascistes et à leur faire payer leurs crimes, pas dans six mois, pas dans un an, pas quand tel ou tel allié viendra à notre secours. Lorsque nos Alliés viendront, nous les serrerons dans nos bras et nous leur donnerons notre dernière chemise pour panser leurs blessures, mais ce que nous voulons aujourd’hui, c’est nous battre ! Nous battre tout de suite ! Et pour cela, il nous faut des armes, des armes pour tuer les fascistes, pour les abattre comme des chiens enragés ! Monsieur Šubašić ne sait peut-être pas ce qu’est un hiver de guerre dans la montagne…

Šubašić rétorque aussitôt, sans élever la voix mais avec énergie :
- J’étais aux tranchées de Monastir pendant l’Autre guerre, au côté de nos amis français, et vous ne m’apprenez rien en fait d’hiver et de guerre.


Le Jésuite était à Monastir ? Il monte d’un niveau dans l’estime de Giraud. Mais le dandy de Belgrade ne se laisse pas démonter.

- Les fascistes nous ont attaqués avec une division entière, y compris cinq bataillons de bourreaux oustachis, 70 canons, trois trains blindés. Nous les avons repoussés ! Ils attaqueront encore, les Allemands enverront leurs troupes de choc pour soutenir celles des traîtres oustachis. Nous leur échapperons et nous continuerons à nous battre ! Je ne vous demande pas de troupes ni même de ravitaillement. Nous mangerons de l’herbe, l’écorce des arbres s’il le faut ! Mais il nous faut des armes !

Il faut reconnaître qu’il est persuasif, le dandy rouge. Presque trop. Cela sent l’agitateur professionnel. Lui et le député, Dewez, sont bien de la même farine, sauf que le député ne s’habille pas chez les tailleurs chics.

Le ministre Laurent Eynac prend la parole. Pour aider les Yougoslaves, à l’heure actuelle, il n’y a qu’une seule voie : celle des airs. Pour ce genre de vol, il y a très peu d’avions disponibles, de rares gros porteurs français qui n’ont pas été ménagés depuis ce fatal printemps 40, ou quelques Consolidated 32 du premier contrat qui ont échappé à la DCA de l’Axe et qui sont en cours de remplacement par des appareils neufs d’un nouveau modèle. Tous sont fatigués, la plupart en révision. Il est à craindre que le faible nombre d’appareils disponibles n’oblige à choisir : les combattants de l’Armée Royale ou, heu, les Partisans de l’Armée Nationale ?
Šubašić, toujours très calme, rappelle qu’il représente le gouvernement légal, engagé par des traités avec la France, et qu’il est donc prioritaire par rapport à un parti politique, «même si je respecte toutes les convictions de ceux qui se battent pour mon pays. »

- Parlons-en, de vos convictions !
réplique Popović. Quand vous étiez ministre à Belgrade, les prisons étaient pleines de détenus politiques, vous avez eu l’occasion de les libérer et vous ne l’avez pas fait ! Vous les avez laissés dans leurs cachots, à la merci des bourreaux oustachis!

La dispute s’envenime. Les deux Yougoslaves passent du français à leur langue, ils échangent des reproches et des injures. Popović lance un cri de défi : « Smrt Fašismu ! Pobjeda Komunismu ! » Šubašić l’empoigne par le veston ! Les ministres français sont incapables de maîtriser ce déchaînement balkanique. Giraud, alors, se lève, déplie son interminable taille et domine de très haut les deux hommes, surtout le petit Popović.

- Moi, Messieurs, je ne fais pas de politique. Monsieur Šubašić, sachez que je n’ai qu’un seul but, la victoire ! Mais cette guerre, Monsieur Popović, nous la faisons avec des armées et pas avec n’importe quelle bande de traîne-patins ! Si vos amis les saboteurs vous ont amené pour crier : Mort au fascisme, victoire au communisme ! Vous feriez mieux d’aller jouer à Moscou, pas ici !


Reynaud et Blum font de leur mieux pour calmer tout le monde et faire rasseoir le général. Reynaud a hâte de conclure : il est encore plus petit que Popović, et il a tendance à attraper un torticolis chaque fois qu’il est obligé de semoncer l’interminable Giraud (parfois, quand De Gaulle l’agace – ce qui n’est pas si rare – il songe que Giraud, par exemple, pourrait être à sa place, et il frissonne – pas seulement à cause de la taille du Cinq Etoiles). Bref, le Président du Conseil conclut sans conclure, en déclarant que "dans la perspective des futures opérations alliées", il attend un rapport complémentaire des services ad-hoc pour décider qui il faut soutenir en priorité.

Sulpice Dewez, les poings serrés, s’est retenu d’entrer dans la querelle pour ne pas empirer les choses. Mais avant de quitter la salle, il lâche d’un air sombre : « Si vous attendez trop, Monsieur le Président du Conseil, il n’y aura plus personne à soutenir ! »
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Dernière édition par patrikev le Mar Mar 15, 2011 21:25; édité 1 fois
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patrikev



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MessagePosté le: Ven Jan 21, 2011 21:41    Sujet du message: Répondre en citant

10 janvier 1942
Monténégro, Bosnie, Haute Serbie – Opération « Cœur renversé »


Trois vieux Consolidated-32, venus de Tripoli en Libye, survolent non sans mal les montagnes enneigées de Yougoslavie faiblement éclairées par le clair de lune. La mission a été largement improvisée, et, faute de contacts radio, il faut se contenter de disperser largement des conteneurs aux derniers endroits où l’on a signalé des maquisards actifs : près de Nikšic (Monténégro), de Rogatica (Bosnie) et de Ravna Gora (Haute Serbie). Pas d’émetteurs radio, ils seraient inutiles sans codes, et les codes et les opérateurs sont trop précieux pour les risquer ainsi. Surtout des munitions, des explosifs et des médicaments, en espérant qu’une partie au moins arrivera à ses destinataires. « Ils ont des fusils. S’ils ont des munitions, ils pourront se procurer le reste, et nous entendrons parler des résultats », commente le colonel Morel (Gerry).

L’opération « Cœur renversé » (Koča Popović a suggéré ce nom, emprunté à Eluard) est, au mieux, un demi-échec. Le lot envoyé au Monténégro est saisi par des maquisards royalistes, mais des « Verts », c’est-à-dire des indépendantistes monténégrins, partisans de la vieille dynastie locale des Petrovic-Njegoš. Ni les Partisans, ni les royalistes yougoslaves n’y trouvent leur compte ! Le largage en Haute Serbie est empêché par le mauvais temps. En Bosnie, les conteneurs deviennent l’enjeu d’une course effrénée entre les Partisans titistes, les Tchetniks et une milice musulmane pro-allemande levée dans la région par le major Muhamed Hadžiefendić.

« Cœur renversé » a relevé le moral des maquisards, qui se sentent moins seuls, mais aussi attiré l’attention des forces de l’Axe, qui ne vont pas tarder à réagir. Allemands et Italiens se rendent compte que les forces de Pavelic ne suffisent pas, contre une guérilla qui renaît sans cesse de ses cendres.

12 janvier
Monténégro –
Le Governatore de l’ancien petit royaume, le général italien Alessandro Pirzio Biroli, ordonne de fusiller 50 otages pour un officier italien tué, 10 pour un soldat. C’est moins que le tarif hitlérien (100 otages tués par Allemand), mais ce sera un jour bien assez pour le classer comme criminel de guerre. A sa grande surprise, d’ailleurs : car Pirzio Biroli, ancien champion olympique d’escrime, n’est pas une brute sanguinaire. Il a même une certaine estime pour « l’esprit chevaleresque des Serbes et des Monténégrins ». Hélas, Krieg ist Krieg, comme diraient ses pénibles partenaires allemands.

15 janvier
Bosnie (Yougoslavie) - Opération "Süd-Kroatien I"


Les Allemands engagent une offensive contre les Partisans, qui durera jusqu’au 23.

Trois divisions d’infanterie allemande (la 342e et des éléments des 714e et 718e), le 202e Panzerregiment, le 3e régiment de Chasseurs alpins italiens de la 1e division alpine Taurinense, sept ou huit bataillons d’infanterie des Domobran croates, trois bataillons de la Légion noire oustachi, le bataillon musulman Hadžiefendić, plus cinq batteries d’artillerie, en tout 30 à 35 000 hommes et 19 chars montent à l’assaut des montagnes. Les Partisans, et les divers groupes indépendants qui les ont rejoints, échappent à l’encerclement.

Les combattants ont perdu relativement peu de morts, mais énormément de pieds gelés. Victime collatérale de l’opération : l’amour-propre des Italiens. Ils ont été si mal traités par leurs partenaires qu’ils s’en vont, skis sur l’épaule, en jurant qu’on ne les y reprendra plus. En effet, ils se tiendront à l’écart des opérations suivantes.

21 janvier
Voïvodine (nord de Belgrade)
- Opérations de l'armée hongroise contre les Partisans yougoslaves, qui durent une semaine. Les militaires hongrois emploient les mêmes méthodes que leurs partenaires de l’Axe : plus de 3 000 civils serbes sont abattus ou jetés dans le fleuve glacé. Fait inattendu : le régime hongrois de l’amiral Horthy étant nettement moins totalitaire que ses associés, il se trouvera un magistrat courageux pour inculper les auteurs du massacre. L’affaire sera encore pendante en 1943.

26 janvier
Benghazi (Libye) –
Venant de ses campements de l’Oranais, la 1ère DI yougoslave libre achève son redéploiement en Cyrénaïque, entamé depuis un mois par échelons. Les Yougoslaves, même leurs chefs, ont très peu d’informations sur l’opération qui se prépare. Seuls de rares initiés connaissent son nom : Croisade. Les nombreux exercices de débarquement ne laissent aucun doute : on va en Europe, mais où ? Les uns espèrent le Monténégro, les autres parient pour la Macédoine. Quelques-uns suggèrent le sud de la Grèce, mais leurs camarades éclatent de rire à cette idée : qu’irait-on faire dans ce pays de cailloux, à part baiser des chèvres ?
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MessagePosté le: Ven Jan 21, 2011 22:47    Sujet du message: Répondre en citant

28 février 1942
Péloponnèse (Grèce) – Opération « Crusader/Croisade »

Yougoslavie, Grèce du centre et du nord
- L’annonce du débarquement allié déclenche un grand remue-ménage chez les forces de l'Axe et une effervescence des populations occupées, car chacun s'attend à une série de débarquements et d'assauts dans l'ensemble des Balkans. Plusieurs groupes d'insurgés,mal armés, sans liaisons, tentent d'attaquer les positions de l'Axe et subissent de lourdes pertes. L'espoir d'une libération imminente a tout de même retardé l'affrontement qui couvait entre Partisans et Tchetniks.

1er mars
Voïvodine (nord de Belgrade) -
Création du bataillon SS Prinz Eugen, constitué d'Allemands de souche de Yougoslavie démembrée, sous le commandement du Brigadeführer Arthur Phleps, un officier allemand de Roumanie passé au service du Reich.

8 mars
Epire (Grèce) –
Les camions du 98e régiment de Gebirgsjäger peinent, grincent et ferraillent en projetant des paquets de boue sur la route criblée de nids de poule. Dans les véhicules, le fracas est tel qu’on entend à peine une série de chocs mous, comme un bruit de pastèques jetées contre un mur. Pourtant, un des camions sort de la route et va s’écraser contre un muret en contrebas. Une explosion plus forte retentit. Pas de doute, cette fois, c’est une grenade. Les « chasseurs de montagne » allemands sautent des camions et se déploient en tirailleurs. Ils abattent presque tout de suite un tireur attardé, un jeune homme en gilet civil armé d’un antique fusil Gras*.

Les hommes du 98e Régiment sont des professionnels : en moins de deux heures, en suivant les traces des fugitifs, ils sont parvenus au village de Kommeno, l’ont encerclé et ont fusillé plusieurs dizaines d’habitants, y compris le pope. D’autres civils se sont noyés en fuyant dans les eaux torrentielles de la rivière Arachthos.

Le colonel Napoléon Zervas et le professeur Komninos Pyromaglou, avec une poignée d’hommes, s’échappent à la faveur de la nuit. Le colonel gronde dans sa barbe : « Si nous avions eu un mortier et quelques mitrailleuses au lieu de ces vieux fusils de klephtes** , nous en faisions un carnage ! » Il se calme quand des aboiements de chiens signalent les premières maisons d’Arta. « C’est bon pour cette fois, professeur. Mais croyez-moi, il est temps de chercher des fournisseurs sérieux. »

Les embuscades de ceux qu’on traite de brigands ont quand même un peu freiné le déplacement de la 1ère Division de Montagne allemande vers le Péloponnèse.
_________

(*) Les détonations de cette arme, très répandue dans les Balkans depuis le début du siècle, sont caractéristiques.

(**) Klephtes : voleurs, brigands, hors-la-loi. Mais ce nom a aussi désigné les rebelles dressés contre l’occupant turc au XIXe siècle.

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MessagePosté le: Ven Jan 21, 2011 23:01    Sujet du message: Répondre en citant

21 mars
Héraklion (Crète) –
Sous la présidence du général Ritchie, commandant des forces britanniques en Grèce, le général Adrian Carton de Wiart, chargé des liaisons avec le gouvernement grec, le général Gubbins, chef du Special Operation Executive (SOE), le colonel Dudley Clarke, responsable des forces spéciales, et M. Panagiotis Kanellopoulos, ministre de la Défense de Grèce, font le point sur les derniers développements.

Gentlemen, commence Ritchie, j’ai le plaisir de vous féliciter du succès des récentes opérations en Grèce, conduites par les unités spéciales de… Leurs Majestés de Grèce et du Royaume-Uni.

– Et des Français, si vous permettez, Sir,
précise Clarke.

– C’est vrai, ajoute Kanellopoulos. Il faudra d’ailleurs les remercier de nous avoir rendu le colonel Christodoulos Tsigantes, après la campagne d’Ethiopie* . Il a fait du très beau travail à Limnos.

– J’en ai entendu parler. N’a-t-il pas été proposé pour une décoration ?
demande Ritchie.

Le ministre grec a un sourire embarrassé.

– Le colonel Tsigantes a ce qu’on appelle un fichu caractère. Il m’a dit, je cite : « Mes hommes sont tous des officiers qui ont accepté de servir comme simples soldats, ce n’est pas pour accepter des distinctions d’une autre espèce. » Je vous passe la suite…

– Soit,
fait Ritchie. Pas de décoration. Une forte tête, non ? Il était exilé pour cause de complot militaire, je crois ?

– Sa Majesté a, disons, assoupli sa position depuis l’année dernière. Elle ne voit plus d’inconvénient à rappeler au service de la Patrie les exilés qui n’ont pas eu d’activité politique depuis le début de la guerre.

– Bien. Le général Carton de Wiart va nous présenter la suite.


Le vieux et coriace général borgne – qui, lui, arbore sans scrupules sa Victoria Cross – s’éclaircit la voix et commence :

- Avec votre permission, Sir… Nos alliés français ont consenti à rester à l’écart de la politique grecque et à tenir en lisière le petit groupe rebelle du général Plastiras, qui s’agite à Beyrouth. Le général Giraud s’est montré compréhensif, je ne suis pas certain que les choses auraient été aussi faciles si nous avions négocié directement avec… hmm, disons avec Alger. Nous pouvons donc envisager, sans craindre de faire tort à la royauté grecque, une aide active à la Résistance dans le pays même, comme nous l’avons fait, à petite échelle, dans le Péloponnèse avant Crusader. Des soulèvements locaux ont déjà donné de sérieux soucis aux Huns et à leurs complices, notamment en Epire et dans le Pinde. Si nous leur fournissions des armes et des moyens de liaison, notre ami Rommel aurait une véritable guérilla sur ses arrières.

– Pensez tout de même aux représailles contre la population,
coupe Ritchie. Les Norvégiens nous ont demandé de ne plus intervenir sur leur sol après l’affaire des Lofoten, il y a un an.

– Général,
déclare Kanellopoulos d’une voix ferme, nous savons qu’il y aura des représailles. Il y en a déjà eu. Tous les Grecs se souviennent de Kommeno. Mais les Polonais acceptent des pertes civiles, et les Yougoslaves aussi. Les Français eux-mêmes en subissent ! Le gouvernement grec soutiendra toute action des Alliés qui rapproche le jour de notre libération.

– Fort bien, reprend Ritchie. Colonel Clarke, pensez-vous que nous pourrions fournir des officiers pour ce genre d’actions ?

– Avec votre permission, Sir, je suis d’accord pour envoyer sur n’importe quelle mission des soldats en uniforme, mais pas des hommes en civil. S’ils étaient pris, les Huns les fusilleraient comme espions, et ils en auraient le droit. Faire prendre un tel risque à nos hommes serait une folie.

– Je vous remercie, colonel. Gubbins, votre avis ?

– En vérité, Sir, ce serait une folie. Mais vous n’ignorez pas que les officiers des trois armes nous font l’honneur de considérer le SOE comme une bande d’échappés de Bedlam. Je crois avoir les hommes qu’il faut. Avec la permission de M. Kanellopoulos et pour apaiser les inquiétudes légitimes du colonel Clarke, nous pourrions les habiller en uniforme de l’armée grecque, n’est-ce pas ? Deux officiers adroits, capables d’initiative, qui connaissent la Grèce et en parlent la langue. Pour ne rien vous cacher, l’un d’eux est poète.

– Comme Lord Byron !
s’exclame Carton de Wiart. Eh bien, espérons que leurs aventures en Grèce se termineront mieux que les siennes **.

__________

(*)Christodoulos Tsigantes (ou Gigantes), officier républicain exilé après la révolte manquée de 1935, a servi dans la Légion étrangère française en Ethiopie.

(**) Rappelons que le poète a été tué à 36 ans, en 1824, en combattant contre la Turquie avec les insurgés grecs luttant pour leur indépendance.

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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Jan 22, 2011 15:10    Sujet du message: Répondre en citant

Un nouveau lord Byron, espérons que ce nouveau poète ne soit pas dans le même registre ( Byron est loin de m'enthousiasmer, en fait je ne me rappelle pas un de ces poèmes).
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Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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patrikev



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MessagePosté le: Sam Jan 22, 2011 20:46    Sujet du message: Répondre en citant

Pas du tout le même registre. Byron, c'est du style d'époque et on peut trouver qu'il a mal vieilli, mais il a tout de même eu une énorme influence sur le romantisme français et européen. Pour la génération de Carton de Wiart, ce devait être encore une référence flatteuse.
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patrikev



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MessagePosté le: Sam Jan 22, 2011 22:07    Sujet du message: Répondre en citant

23 mars
Herzégovine (Yougoslavie)
– Les troupes italiennes mènent l’Opération « K », rassemblant les 13e et 57e régiments d’infanterie, la 1e Division alpine Taurinense, des Chemises Noires et quelques chars légers pour dégager leurs unités encerclées par les maquisards (Tchetniks ou Partisans selon les endroits). Les services de renseignement notent avec intérêt l’absence de coordination entre les Italiens et leurs partenaires théoriques, Oustachis et Allemands.

25 mars
Athènes –
Tout rassemblement public est interdit. Mais que faire quand depuis l’aube, des passants de plus en plus nombreux convergent comme par hasard vers de la place de la Constitution ? L’état-major des forces de l’Axe, établi – ironie – dans l’Hôtel de Grande-Bretagne, est barricadé de sacs de sable. Les fusils-mitrailleurs sont pointés vers une foule qui compte maintenant deux cents mille personnes et chante de plus en plus fort : « Salut à toi, ô Liberté ! »

En ce jour de fête nationale grecque, les rumeurs les plus folles circulent. On raconte que l’armée de Rommel est en déroute dans le Péloponnèse, que la Luftwaffe a été détruite à Limnos, que des régiments de parachutistes alliés ont sauté sur le Pirée, qu’un jeune soldat, d’autres disent un ange, a hissé le drapeau grec sur le dôme de la cathédrale de Patras, là où l’évêque Germanos avait donné le signal de la révolte contre les Turcs cent vingt ans plus tôt…

Les soldats italiens tentent de faire reculer la foule. Des projectiles s’abattent sur eux : des petites oranges sauvages, comme il en pousse partout à Athènes. Puis des cris de guerre éclatent : "Aera!" Tempête ! La foule, prise de fureur, s’élance sur les mitrailleuses. Des corps ensanglantés s’abattent : des civils, mais aussi des soldats. Plusieurs dizaines d’occupants seront ramassés le soir, étranglés ou le crâne brisé. Mais les assaillants sont fauchés par centaines et la foule finit par refluer et se disperser.

Plus tard, un peloton allemand embarque les cadavres dans des camions pour aller les jeter honteusement dans une fosse à la nuit tombée. Au même moment, à l’Hôtel de Grande-Bretagne, l’archevêque Damaskinos, un géant barbu qui fait penser au Moïse de Michel-Ange, se présente au gouverneur allemand Altenburg et exige que les occupants déterrent les corps, pour qu’on puisse les identifier et leur faire des funérailles décentes. Sinon ? Sinon, le tocsin sonnera dans toute la Grèce. Les Allemands détruiront-ils tous les clochers ? Altenburg ne veut pas risquer un conflit avec le puisant clergé grec : il obtempère. Toute la nuit bourdonne de la prière des morts.

27 mars
Pinde (Grèce continentale) –
Le pauvre bourg de Metsovon, à la limite montagneuse de la Thessalie, de l’Epire et de la Macédoine, n’avait jamais songé qu’il deviendrait la capitale d’une principauté. Et aujourd’hui, il a lieu de maudire le plus ambitieux de ses enfants : Alcibiade Diamandi, un marchand qui, à force d’intrigues entre la Roumanie et l’Italie fasciste, est devenu prince autoproclamé des Valaques du Pinde.

Sept cercueils sont alignés devant l’église, sept jeunes Valaques crédules qui avaient cru aux promesses de Diamandi au point de s’enrôler dans sa « Cinquième Légion Romaine ». Le général italien Alessandro Gloria est venu assister aux funérailles de ses malheureux auxiliaires. Il a de quoi se faire du souci : depuis quelques semaines, il n’a pas affaire à une simple bande de brigands, mais à un groupe bien organisé, qui attaque les légionnaires valaques, les gendarmes grecs et les détachements italiens isolés. Ces hors-la-loi repartent à chaque fois en emportant le plus possible d’armes, de munitions et de provisions. On dit qu’ils portent comme trophées les toques de mouton noir prises aux légionnaires valaques. On dit aussi que leur chef se fait appeler Aris, c’est-à-dire Arès, le nom grec de Mars, le dieu de la guerre. Ridicule ! Mais un gros souci pour le général Gloria, dont la 37e division Modena est chargée de relever le Skandenberg Korps en Epire.

Au fait, songe le général, cet Aris attaque tout le monde sauf les Allemands. Ou il est prudent, ou il est communiste et observe rigoureusement le pacte Hitler-Staline.

29 mars
Vallée de l’Ibar (Yougoslavie) – La Semaine Sainte.
Les Tchetniks de Serbie, qui ont reçu plusieurs parachutages d’armes (cette fois réussis), tentent de forcer le passage vers le Kosovo, la « Jérusalem des Serbes », avec la ferme intention de célébrer le dimanche de Pâques (5 avril) dans les églises patriarcales de Peč et Gračanica. Pris en tenaille entre les Italiens et leurs auxiliaires albanais au sud, les Allemands (714e division d’infanterie et Bataillon SS Prinz-Eugen) et un régiment bulgare au nord, les Tchetniks sont décimés. Mihailovic, qui avait désapprouvé cette action téméraire, se voit reprocher son échec. Hitler seul continue de ne pas faire de différence entre les deux résistances : il a mis à prix la tête de Tito pour 100 000 marks-or, et celle de Mihailovic pour la même somme.

4 avril
Athènes –
« Camarade Thanasis, il faudrait être un peu plus sérieux. » Le camarade Thanasis Klaras baisse la tête comme un écolier réprimandé par le directeur. Les membres du Comité central du Parti communiste grec clandestin regardent d’un air sévère celui qui, une semaine plus tôt, était le chef redouté des montagnes du Pinde. Georgios Siantos, secrétaire général, enfonce le clou : "Tu voudrais qu’on t’envoie des volontaires, des munitions et je ne sais quoi ? Tes actions de hors-la-loi dans les montagnes, c’est de l’aventurisme petit-bourgeois et cela fait le jeu des capitalistes anglais et français. La paysannerie n’est pas politiquement mûre. La révolution se fera par l’action du prolétariat urbain encadré par le Parti et guidé par la glorieuse Union Soviétique, et l’Union Soviétique n’est pas l’alliée des Anglais. Tu as compris ?"»

Thanasis Klaras, dit Aris, représentant typique des Kapitanos, ces chefs de la guérilla des montagnes, rentre la tête dans les épaules et demande d’une voix presque timide : "Et si l’Allemagne entrait en guerre contre l’Union Soviétique ?" Mais il en faut plus pour décontenancer les apparatchiks formés à la dure école du Komintern du camarade Staline.

– Si jamais cela arrive un jour, nous recevrons des consignes claires. En attendant, Thanasis, tu vas rester à Athènes et ne plus en bouger ! Et envoie un message à tes hommes pour qu’ils rentrent chez eux !

8 avril
Est de la Bosnie (Yougoslavie) – Opération « Trio »

Les Italiens (éléments de trois divisions de montagne : 1e Taurinense, 5e Pusteria, 22e Cacciatore di Alpi, et le groupe Alpi Valle), soutenus par les forces du régime oustachi croate et par un seul régiment allemand de la 718e Division, tentent pendant deux semaines d’éradiquer les Partisans. Les Italiens se plaignent de la minceur du soutien allemand. Il est vrai que les Allemands ont fort à faire dans le Péloponnèse, et face aux Tchetniks en Serbie.

Les Partisans de Tito ont survécu à cette offensive, mais leurs rapports avec les Tchetniks se sont encore dégradés, chacun reprochant à l’autre de l’avoir abandonné dans le danger.

13 avril
Albanie –
Il pleut à verse sur la vieille citadelle de Krujë, qui a arrêté les Turcs cinq siècles plus tôt, et sur les maisons étroites aux allures de forteresse. Neil (« Billy ») MacLean*, natif d'Écosse, ne saurait s’émouvoir d’un peu de pluie. Il est beaucoup plus troublé par ce que lui dit son interlocuteur, Abaz Kupi, ancien colonel de la gendarmerie royale. Avec beaucoup de réticence et de demi-mot, Kupi doit admettre que ses efforts pour soulever l’Albanie contre la domination italienne n’ont pas produit beaucoup de résultats… Pour l’instant.

- Le problème, c’est que les Italiens ont acheté tous les notables en leur offrant des postes honorifiques. Vous avez pu le voir hier . Notre Laval, Mustafa Merlika-Kruja, est tout simplement natif de Krujë et il y dispose de sa gendarmerie personnelle. Il ne m’a pas encore fait arrêter parce qu’il sait que cela créerait une vendetta entre sa famille et la mienne. Tefik Mborja, qui est à la tête d’un soi-disant Parti Fasciste albanais, gouverne la province de Korçë. Et ainsi de suite… Nos partis soi-disant nationalistes ne sont que des factions d’ambitieux qui se demandent s’il vaut mieux se vendre aux Italiens, aux Allemands …ou à vous ! Le pire, c’est que Mussolini a pratiquement réalisé leur programme de Grande Albanie en y rattachant tous les territoires albanais du Kosovo et de la Macédoine. Quand les Tchetniks serbes veulent reconquérir le Kosovo, comme ils l’ont essayé il y a deux semaines, les Albanais marchent avec les Italiens : c’est désolant, mais normal. Ce que nous voulons, c’est notre indépendance, et pas nous battre pour le compte des uns ou des autres.

- Selon vous, il n’y a rien à espérer ?

- Je n’ai pas dit cela, capitaine. La surface est calme, mais je connais mes compatriotes. Dès que les Italiens donneront des signes de faiblesse, l’Albanie va se retourner d’un coup, commencera par leur prendre leurs armes et les rejettera à la mer. Ils l’auraient déjà fait il y a un an, quand les Italiens ont pris la fuite devant les Grecs, mais Rommel est arrivé et il a eu l’habileté de baptiser son armée le Skandenberg Korps ! Le nom de notre héros national fait toujours beaucoup d’effet chez nous, même avec une faute d’orthographe. Les Albanais respectent la bravoure, et les Allemands sont braves, quoi qu’on puisse leur reprocher par ailleurs. Si les Italiens prennent encore la fuite, il faudra que vos compatriotes débarquent très vite, sinon le pays risque de se rallier aux Allemands.

- J’espère bien que nous aurons l’occasion de le faire. Mais nous hésiterions moins si nous trouvions une révolte déjà commencée.

- Rien d’impossible. Quelques groupes sont déjà prêts à passer à l’action : mes fidèles compagnons à Krujë, les fidèles du roi Zog dans le Mati, sa région natale, les frères Kryeziu qui tiennent la montagne à la limite du Kosovo… Il y a aussi un petit groupe au sud, autour du commandant Spiro Moisiu, mais je ne vous le recommande pas : il refuse de faire allégeance au roi Zog. Et une poignée de communistes, dirigés par un patron de café de Tirana nommé Enver Hoxha. On peut les négliger. Si les Alliés voulaient nous parachuter des armes et débarquer quelques troupes, tous ceux qui en ont assez des Italiens et de leurs fantoches nous rejoindraient. Pourriez-vous faire cela ?

- Croyez-moi, nos généraux ne demandent qu’à débarquer dans les Balkans. Ils savent que c’est la grande porte de l’Europe centrale. Si vous pouviez m’arranger une visite dans le Mati et chez les Kryeziu…


__________

(*) A ne pas confondre avec Fitzroy MacLean, autre officier britannique détaché auprès des Tchetniks de Serbie en 1943.

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MessagePosté le: Sam Jan 22, 2011 22:23    Sujet du message: Répondre en citant

20 avril
Belgrade –
Le général Kuntze, chef de la 12e Armée allemande, s’efforce de réorganiser son dispositif. La valse des unités et du matériel vers le Péloponnèse, les récriminations continuelles des Italiens et des Croates, le harcèlement des Partisans et des Tchetniks lui compliquent singulièrement l’existence. Tout était plus simple il y a deux ans, au temps glorieux où, comme général du Génie, il jetait les premiers ponts sur la Meuse à Monthermé. Un succès qui avait bien failli venir à bout de la France, hélas… "Le prince Eugène, le noble chevalier, a fait jeter un pont devant Belgrade…" Ce vieil air de marche est de circonstance, puisqu’il reçoit aujourd’hui Artur Phleps, chef de l’unité Prinz Eugen.

- Félicitations, Phleps. Le Führer a été très satisfait de votre conduite sur l’Ibar. Nous ferons demain une belle cérémonie avec revue et levée des couleurs. J’ai le plaisir de vous annoncer que le Führer vous élève au grade de Gruppenführer, puisque les SS ne peuvent pas dire «général de division» comme tout le monde. Il a donné les ordres pour élargir votre recrutement aux Allemands de Roumanie et de Hongrie. Votre corps sera la 7e Division de montagne SS «Prinz Eugen». Peut-être qu’il faudra quelques mois pour réunir tous les éléments… Mais d’ici là, au nom du Führer, j’ai l’honneur de vous remettre la Croix de Fer de 1e Classe.

Phleps est modérément impressionné. Ce vieux chien de guerre au regard triste a servi tour à tour l’Empire Austro-hongrois, le royaume de Roumanie, et maintenant le IIIe Reich. Il collectionne une longue série de décorations, dont, ironie, l’ordre de la Couronne de Yougoslavie… Un royaume dont il est maintenant chargé de faire disparaître jusqu’à la dernière trace.

5 mai
Monténégro –
La fièvre des mois précédents est bien retombée. Depuis la stabilisation du front grec, personne ne s’attend plus à une grande offensive alliée en Europe. Le général Pirzio Biroli joue habilement de la lassitude de ses adversaires, et de la rivalité renaissante entre groupes résistants. Et il faut dire que la situation intérieure du Monténégro se prêt particulièrement bien à ces petits jeux.

Mettons d’abord à part Cattaro (Kotor), qui dépend du Commando Supremo de Slovenia e Dalmazia, Supersloda pour les intimes. Sur ordre de Rome, on y implante des colons italiens et croates, au grand chagrin de Pirzio Biroli qui déteste les Croates.

Podgorica et Cetinje, les deux capitales, et Plevlja, au nord du pays, sont tenues par Pirzio Biroli, qui s’y trouve bien et fera tout pour que sa tranquillité ne soit pas perturbée.

Le monastère d’Ostrog, un nid d’aigle entre Podgorica et Danilovgrad, est le QG de Bajo Stanisic, un des chefs du soulèvement de juillet 1941. Depuis l’échec sanglant de l’attaque de Plevlja, en décembre, il a commencé à prend ses distances avec les Partisans. En pratique, il s’est mis à son compte avec une petite troupe appelée “Armée nationale de libération du Monténégro et de l’Herzégovine”.

Kolašin, au nord-est, est le refuge des Tchetniks du colonel Pavle Djurisic, un lieutenant de Mihailovic.

Le sud du Monténégro, hors les villes citées, est le fief de Krsto Popovic, chef des “Verts”, les résistants monténégrins indépendantistes.

Le reste du pays est tenu par les “Blancs”, les résistants monténégrins favorables à l’union avec la Serbie. Leur chef est le général Blazo Djukanovic.

C’est avec tous ces clans que Pirzio Biroli va négocier, faisant preuve d’un talent digne d’une meilleure cause. En deux ou trois mois, il va réussir à conclure des accords avec tous ces chefs locaux. Ces accords lui permettront de tenir en lisière les Partisans fidèles à Tito ou les Tchetniks un peu trop royalistes et de jouir d’un calme parfait dans sa juridiction – du moins, si l’on considère comme un calme parfait une situation où les divers clans et factions s’entr’égorgent volontiers mais où l’autorité du Gouverneur italien et la vie de ses hommes ne sont jamais menacées. Sans doute, la dite situation ne tiendra-t-elle que jusqu’à la fin de l’année, mais la rupture de ce délicat équilibre ne sera en aucun cas la faute du général Pirzio Biroli !
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MessagePosté le: Sam Jan 22, 2011 22:37    Sujet du message: Répondre en citant

8 mai
Foča (Bosnie) -
Tito apprend, par ses informateurs urbains, que les Allemands rassemblent des forces (718e Division et Bataillon SS Prinz Eugen, plus toutes les unités croates disponibles) pour en finir rapidement avec les Partisans, en même temps que leur Luftwaffe donne l’assaut aux Alliés dans le sud de la Grèce. Pourquoi cette subite impatience ? Inutile de se poser la question : Tito va, une fois de plus, dérouter ses ennemis par un mouvement rapide, et transférer ses troupes de choc, les "Brigades patriotiques", en Monténégro. Il en profitera pour donner une leçon à ces Tchetniks qui pactisent avec l’ennemi fasciste !

16 mai
Monts du Durmitor (Monténégro) –
Jour noir pour les Partisans yougoslaves. Ils voulaient marcher sur Kolašin, la « capitale » des Tchetniks dans la région : les « Blancs » (royalistes yougoslaves) et « Verts » (indépendantistes monténégrins), les uns et les autres solidement armés par les Italiens, ont uni leurs forces contre les hommes de Tito et les contraignent à revenir sur leurs pas. Un village leur refuse l’abri pour la nuit et les reçoit à coups de fusil : ils l’incendient et passent une sombre nuit dans la montagne.

17 mai
Monts du Durmitor (Monténégro) –
Rifka Atijas, infirmière chez les Partisans, racontera plus tard aux officiers de la mission française cette journée mémorable.

- Nous étions vraiment les damnés de la terre. Notre marche vers Kolašin avait été un désastre, nous n’avions plus de munitions, plus de vivres. Les paysans nous repoussaient et nous traitaient d’impies. Les Italiens nous attendaient au sud, les Allemands au nord. Nous n’avions plus assez d’hommes valides pour porter les blessés, et tout ce que j’avais pour les soigner, c’était un fond de bouteille d’eau-de-vie. Ceux qui avaient encore la force de parler maudissaient les Tchetniks qui nous avaient trahis, les Alliés qui nous avaient oubliés, et Staline qui nous avait vendus ! Le soleil se levait, et nous nous attendions à être encerclés et exterminés avant la fin de la journée, le lendemain tout au plus. Ceux qui avaient une grenade la gardaient pour se faire sauter. Alors, nos sentinelles nous ont signalé quelqu’un qui courait vers nous. Nous le connaissions, c’était un gamin qui cirait les bottes des Italiens à Pljevlja et qui nous informait sur leurs mouvements. Il s’est mis à crier, sans reprendre son souffle : « Les Allemands… Les Allemands attaquent la Russie ! La radio des Italiens l’a annoncé ! Les Allemands sont en guerre contre la Russie ! »

Il y a eu un silence, un de mes blessés s’est redressé sur sa litière, et il a dit : « Ils sont perdus ! La Russie sera leur tombeau ! »
Tout le monde s’est mis à crier : « Vive la Russie ! Vivent les Soviets ! Vivent les Alliés ! Mort au fascisme ! Liberté pour la Yougoslavie ! » Quelqu’un a commencé à chanter l’Internationale, et même ceux qui n’avaient jamais été communistes ont repris en chœur :
Ustajte svi na zemlji kleti,
Svi sužnji koje mori glad!

Les Tchetniks nous entendaient depuis l’autre versant, et ils croyaient que nous étions tous devenus fous !


Zagreb (Croatie) – Le “Groupe de Zagreb”, la fraction communiste restée fidèle à Staline, qui a conservé le nom de Parti Communiste Yougoslave, décide enfin de rejoindre la Résistance. Puisque Staline le veut ! Son chef, Andrija Hebrang, sera arrêté par la police croate le lendemain. Le PCY vote l’unité d’action avec "toutes les forces qui combattent le fascisme". Il ne jouera qu’un rôle mineur dans la coalition des Partisans – ses meilleurs éléments l’ont déserté l’année précédente pour rejoindre les titistes… Mais Tito tient à avoir les communistes officiels dans son camp, pour le cas où il faudrait négocier l’avenir de la Yougoslavie avec les Soviétiques plutôt qu’avec les Occidentaux.
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Dernière édition par patrikev le Dim Jan 23, 2011 21:45; édité 1 fois
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loic
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MessagePosté le: Dim Jan 23, 2011 19:21    Sujet du message: Répondre en citant

Quel sac de noeuds ... Shocked
Une petite coquille au 8 mai :
Citation:
Tito apprend, par ses informateurs urbains, que les Allemands rassemblent des forces (718e Division et Bataillon SS Prinz Eugen, plus toutes les unités croates disponibles) pour en finir rapidement avec les Partisans, en même temps que leur aviation donne l’assaut aux Alliés dans le sud de la Grèce.

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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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patrikev



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MessagePosté le: Dim Jan 23, 2011 21:42    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
Quel sac de noeuds ... Shocked
Une petite coquille au 8 mai :
Citation:
Tito apprend, par ses informateurs urbains, que les Allemands rassemblent des forces (718e Division et Bataillon SS Prinz Eugen, plus toutes les unités croates disponibles) pour en finir rapidement avec les Partisans, en même temps que leur aviation donne l’assaut aux Alliés dans le sud de la Grèce.


En effet, un beau sac de noeuds. Merci pour la coquille, je rectifie.
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Lun Jan 24, 2011 13:39    Sujet du message: Répondre en citant

Décidement, il y a du sport dans les balkans! Avec autant d'acteurs, pas étonnant que la Macédoine ait finit par donner son nom à un plat de légumes hautement symbolique.
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"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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MessagePosté le: Mer Jan 26, 2011 22:20    Sujet du message: Répondre en citant

24 mai
Epire (Grèce) –
Le petit bourg de Valtas, en ce dimanche de Pentecôte, accueille des pélerins inhabituels : une centaine d’andartes (guérilleros) aux tenues dépareillées, avec des fusils de trois ou quatre armées et d’âge parfois respectable – mais on aperçoit tout de même quelques Lee-Enfield récents, un fusil-mitrailleur Bren, cinq mitraillettes Sten et des chapelets de grenades. Le pope vient bénir le drapeau et la troupe, dont les deux chefs, l’un barbu et l’autre rasé, lui baisent la main avec respect. L’EDES (Ligue nationale républicaine grecque) sait accepter le cléricalisme quand il le faut .

Et elle s’accommode de bien autre chose. Le colonel Zervas, chef militaire et barbu de l’EDES, donne une bourrade amicale au professeur Pyramoglou, chef civil et rasé : « Allons, professeur, ne faites pas cette tête. Je vous avais promis que nous aurions des conseillers militaires alliés, et ils sont là. »

En effet, deux hommes en uniforme grec, mais d’allure subtilement étrangère, observent le pèlerinage avec grande attention. Les officiers anglais du SOE, Patrick Leigh Fermor – grand et pâle – et Xan Fielding – petit et brun – assistent à la première démonstration publique de l’EDES. Pyromaglou, républicain et francophile, aurait préféré des envoyés d’Alger plutôt que de Londres. Mais nécessité fait loi : ce sont les Anglais qui fournissent l’argent et les armes, et tant pis si George VI est l’éminent protecteur de son cousin Georges II de Grèce.

Vos hommes ont vraiment belle allure, observe Leigh Fermor. Comme s’il avait lu les pensées du professeur, il lui a parlé en français.

Je vous remercie. Grâce à vos fusils, ils commencent à ressembler à une véritable unité militaire. Si ce n’est pas indiscret, où avez-vous appris le français ? Vous avez un curieux accent qui ressemblerait assez à du roumain…

“Paddy” Fermor a un petit sourire et revient à sa langue natale pour énoncer une règle de la bonne société anglaise : "Professor, a gentleman don’t kiss and tell . *" Puis il enchaîne en grec : "Parlons plutôt de vos fusils. Combien pensez-vous avoir d’hommes à équiper le mois prochain ?"


(*) « Un gentleman ne dit pas qui il embrasse. » La princesse Balasha Cantacuzène pourrait peut-être expliquer le singulier accent de Paddy.


30 mai
La Résistance en Europe
Près de Gacko (Bosnie)
– Un hydravion Catalina vient troubler le reflet de la lune sur l’eau calme du petit lac. En l’absence de liaison radio et de terrain balisé, c’est la solution la plus sûre qu’aient trouvé les services français pour tenter d’établir une relation avec les Partisans de Tito. Quatre hommes descendent dans un canot pneumatique et l’hydravion décolle en hâte, avant même que le canot n’ait touché terre.

L’endroit est désert et nul coup de feu ne salue le débarquement des arrivants. « Vous voyez, Laurent, ce n’est pas encore pour cette fois. Comme disait Benjamin Péret : Mort aux vaches et au champ d’honneur ! » Lourdement chargés, les hommes se mettent en marche dans la montagne. Koča Popović, lieutenant de Tito, Laurent Ravix, officier de liaison français (voir appendice), et deux opérateurs radio yougoslaves formés en Algérie cheminent vers le nord, en espérant que les Partisans n’auront pas trop changé de place depuis cinq mois.


7 juin
Domnitsa (monts du Pinde, Grèce centrale)
– Une douzaine d’hommes à l’armement hétéroclite présentent les armes au drapeau grec. Ils sont coiffés de la toque de mouton noir qui était quelques mois plus tôt l’emblème des volontaires valaques armés par les Italiens, volontaires qui s’intitulaient sans modestie la « Légion Romaine ». Sauf que, depuis des mois, aucun de ces « légionnaires » n’ose plus se risquer dans ces montagnes. Le chef de la petite troupe salue avec le poing levé, avant de se retourner vers les villageois curieux.

- Camarades ! Je suis Aris Velouchiotis, colonel d’artillerie. Certains d’entre vous me connaissent déjà : c’est moi qui ai conduit la lutte contre les fascistes italiens et les traîtres valaques. Nos bonnets et nos fusils sont des dépouilles prises aux traîtres. A présent, il est temps de combattre ceux qui les arment et les commandent : les fascistes hitlériens. Tous les Grecs sont appelés à soutenir la lutte de l’Armée de Libération Nationale Grecque. Et si on vous demande ce que veut dire ce nom, c’est celui de notre patrie : ELAS !

Le nom de l’ALNG est en effet bien choisi, puisque son acronyme (en grec !) se prononce comme Hellas, la Grèce. L’homme qui parle ne s’appelle ni Velouchiotis, ni Aris, et il n’a jamais été colonel : c’est un ancien prisonnier politique communiste, Thanasis Klaras. Mais il a enfin l’accord de son parti pour prendre les armes, et il va tout faire pour mériter le prénom qu’il s’est donné : Aris, c’est-à-dire Arès, le dieu de la guerre.
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MessagePosté le: Mer Jan 26, 2011 22:39    Sujet du message: Répondre en citant

- edit - J'ai anticipé l'avancement de Stefanos Sarafis: en 1942, il n'est encore que colonel. -

19 juin
La Collaboration en Europe
Zagreb –
Un accord entre le général italien Roatta et le dictateur croate Pavelic institue la MVAC (Milice volontaire anticommuniste), encore appelée “Garde Blanche”, recrutée chez les Slovènes, Croates et autres en zone italienne.

29 juin
La Résistance en Europe
Bosnie –
Les Partisans yougoslaves ont une aviation ! Un Potez 25 et un Breguet 19, qui avaient appartenu à l’armée royale yougoslave puis à l’Etat indépendant de Croatie. Deux pilotes et un mécanicien croates, dégoûtés par la cruauté des Oustachis, ont choisi de changer de camp. Tito est enchanté. “Surtout, il ne faudra pas manquer de les faire voir à l’envoyé français. Alger ne pourra plus prétendre que nous ne sommes pas une vraie armée ! ” (Vladimir Dedijer, “Tito parle”, 1953)

30 juin 1942
La Résistance en Europe
Sparte – Message du général Adrian Carton de Wiart au général Neil Ritchie – Hautement confidentiel

Objet : apport possible des groupes armés de la résistance intérieure à la lutte contre les Italo-Allemands dans les Balkans.
Sir
Je n’ai pas voulu vous déranger pendant que vous vous expliquiez avec Rommel, mais croyez bien que nos services ne restent pas inactifs. Notre situation est la suivante :
1) Les Allemands sont entièrement absorbés par leur grande offensive de Russie et ne peuvent consacrer de nouveaux moyens aux Balkans, au moins dans l’immédiat.
2) Les Italiens, a priori le plus vulnérable des partenaires de l’Axe, sont loin d’être à bout de souffle, comme l’a confirmé la bonne tenue du corps Pafundi dans le Péloponnèse. Le Duce compte envoyer l’équivalent de deux divisons pour renforcer Pafundi. En Yougoslavie, le général Roatta joue sur l’anticommunisme et vient de former une milice native contre les Partisans. Il semble envisager une série d’attaques préventives contre eux.
3) Les Tchetniks serbes sont paralysés par leurs divisions et par des compromissions locales avec les Italiens. Les Partisans de Tito, malgré ou à cause de leur doctrine républicaine et révolutionnaire, sont la force de résistance la mieux structurée et la plus efficace dans l’ensemble des Balkans. Il n’est pas nécessaire que nous les soutenions : les Français s’en chargent. A terme, un rééquilibrage au profit des Tchetniks serait nécessaire.
4) En Grèce, le mouvement EDES de MM. Zervas et Pyromaglou connaît un certain développement, mais commence à être concurrencé par le mouvement ELAS, d’inspiration communiste. Il serait très gênant d’avoir un second Tito dans un pays de notre sphère d’influence. Dans l’immédiat, je propose de renforcer notre aide à l’EDES afin de fixer le plus possible de troupes italiennes.
5) Selon les rapports récents, le mouvement de résistance en Albanie, qui avait donné peu de résultats jusqu’ici, commence à se structurer. Une nouvelle défaite de l’Axe dans les Balkans et l’annonce, vraie ou fausse, d’un débarquement allié dans la région seraient de nature à y créer une situation insurrectionnelle. Ce pays montagnard, peuplé de tribus batailleuses, se prêterait merveilleusement à la guérilla.
.........
Au total, puisque M. Hitler a lancé sa campagne de Russie, les Balkans pourraient être son Espagne (*) . Mais il importe d’intervenir rapidement, car les succès passés et futurs de nos alliés français dans la région, s’ajoutant au romantisme qui s’attache au fait qu’ils continuent à se battre alors que leur patrie est entièrement envahie, pourraient incliner l’opinion de ces pays un peu trop en leur faveur, et avec toute l’estime que j’ai pour De Gaulle, je ne crois pas souhaitable pour l’Angleterre de retirer les Balkans à Rommel pour les donner à ce garçon.
………
Note manuscrite du général Ritchie : "Je me demande comment Adrian s’est retenu de commencer sa lettre par "Neil my boy"au lieu de "Sir" (**). Pour le reste, il n’a pas tort."



6 juillet
La Résistance en Europe
Bihac (Bosnie) –
Première séance du Conseil antifasciste de libération nationale de Yougoslavie (AVNOJ), l’assemblée provisoire de la République Yougoslave du Travail, présidée par le juriste croate Ivan Ibar. Ce libéral éclairé, président de la première Assemblée nationale yougoslave de 1920 à 1922, avait ensuite adopté une opposition modérée à la dictature royale. Il sert de caution démocratique à la “république de Tito”. Son premier discours souligne les succès des Partisans : une zone libérée de 50 000 km² et 2 millions d’habitants, avec sa poste, son téléphone, son chemin de fer, ses écoles, son aviation ! Les églises orthodoxes, fermées par les Oustachis, ont été rouvertes. Les premières élections ont amené des représentants de tout le pays, même si certaines représentations sont plutôt symboliques. Et parmi les élus, on remarque plusieurs femmes, ce qui n’est pas banal à cette date et dans cette partie de l’Europe (ou même ailleurs…).

Les applaudissements sont fracassants. Le plus heureux est peut-être Ivo Lola Ibar, qui se tient à côté du capitaine Laurent Ravix, officier de la mission militaire française. “Papa a été sensass, pas vrai ? ” Ivo Lola, chef des Jeunesses Travaillistes et officier de liaison avec la mission française, est toujours heureux de parler la langue de Paris. Et il est encore plus heureux que cette guerre lui ait permis de se réconcilier avec son père.

Un détail qu’Ivo Lola évite de mentionner, car il mettrait une ombre sur ce jour de fête, c’est que la première séance de l’AVNOJ a été retardée d’une semaine. Tito ne tenait pas à ce que les Français soient présents dans la ville au moment où les Partisans y entraient et se livraient à l’épuration des “traîtres à la Patrie Yougoslave”.

7 juillet
Le Pirée –
Un convoi de cargos aux couleurs de la Suède et de la Croix-Rouge entre dans le port. Le docteur Logothetopoulos, Premier ministre du gouvernement grec pro-allemand, accueille avec un soupir de soulagement ces 8 000 tonnes de vivres offerts par l’aide internationale, principalement par les États-Unis et le Canada. Soulagement partagé, une fois n’est pas coutume, par le gouvernement grec pro-allié du Caire : celui-ci, au début de l’année, avait menacé de démissionner en bloc si les Alliés n’assouplissaient pas leur blocus. Jusque-là, seules quelques petites cargaisons, convoyées par le Croissant-Rouge turc, avaient pu atteindre les ports grecs.

La Grèce continuera de manger maigrement, mais ne connaîtra plus la famine meurtrière de l’hiver 1941-1942. Les livraisons de nourriture se poursuivront au rythme moyen de 22 000 tonnes par mois, pour un coût mensuel de transport de l’ordre d’un million de dollars US. Les convois bénéficieront de la protection aérienne et navale qui couvrait aussi les cargos du prêt-bail soviétique : cette confusion du militaire et de l’humanitaire donnera lieu à une longue et assez vaine polémique.

La France, qui n’a pas d’excédents alimentaires, n’a guère contribué à cette aide. C’est cependant Elisabeth de Miribel, chargée de mission française au Canada, qui va attirer l’attention de la Greek War Relief Association sur un oubli embarrassant : les premières cargaisons ne contiennent pas de lait en poudre pour les nourrissons. Cet oubli sera réparé dès le convoi suivant.

12 juillet
La Résistance en Europe
Slovénie – Opération “Provincia di Lubiana”.
Les Italiens du général Roatta (1ère Division Alpine Taurinense, éléments de la 152e DI Macerata et de la 13e DI Re) tentent d’éliminer les Partisans slovènes autour de Ljubjana. L’opération se prolongera jusqu’au 7 août.

3 août
Zanthe (îles Ioniennes)

Les deux terrains construits à Zanthe sont opérationnels. Ils peuvent recevoir des chasseurs et des bombardiers légers.

7 août
La Résistance en Europe
Slovénie – Opération “Provincia di Lubiana”.
L’opération s’achève. Un millier de maisons ont été incendiées, 200 civils fusillés et 2 500 déportés. Les Partisans rescapés se dispersent ; une partie d’entre eux rejoint le camp de Tito à Bihač.

12 août
La Résistance en Europe
Bihač (Bosnie)
– Tito a obtenu la libération d'Andrija Hebrang, chef du Parti Communiste, en l’échangeant contre des chefs oustachis capturés. Hebrang, très éprouvé par sa captivité, n’est guère en état de contester le pouvoir de Tito. Mais celui-ci songe à l’avenir : la victoire soviétique de Smolensk lui donne à réfléchir. S’il veut, après la guerre, sauvegarder l’indépendance et l’unité de son pays… et son pouvoir personnel, il a intérêt à jouer un subtil équilibre entre l’Est et l’Ouest. Mais le même jour, sur son flanc sud, les Italiens lui jouent un mauvais tour.
………
Dalmatie – Opération “Alba”. Les Italiens (15e DI Bergamo, 59e Division d’Infanterie de Montagne Cagliari, éléments d’autres unités, auxiliaires tchetniks et croates) attaquent les Partisans aux confins de la Dalmatie et de l’Herzégovine. En trois semaines (l’opération va durer jusqu’au 2 septembre) dix villages seront brûlés. Dès le début de cette campagne, les Partisans perdent leurs deux avions, détruits au sol le 12 août par des Fiat G.50 utilisés pour l’appui au sol par les Italiens.

21 août
Albanie –
Quatre Britanniques du SOE sont parachutés dans une zone tenue par un groupe de la Résistance albanaise, mais le parachutage ne passera pas longtemps inaperçu. Il ne surprend pas les services de renseignements de l’Axe : depuis quelques jours, l’OVRA italienne, l’Abwehr de l’amiral Canaris et le SD de Kaltenbrunner ont noté que le temps d’émission en langue albanaise a doublé sur la radio du Caire. Il est clair que les Anglais et les royalistes en exil préparent une action en Albanie : les services de l’Axe renforcent leur surveillance du petit pays.

22 août
Albanie –
Les délégués de six petits partis albanais se réunissent dans la villa du bey Mehdi Frashëri, ancien premier ministre. Le bey s’est poliment (ou prudemment ?) absenté, et c’est son frère cadet Mid’hat qui préside la séance. Les récentes attaques aériennes sur Durrës les ont convaincus que l’Italie était de moins en moins en état de protéger l’Albanie. Il est temps d’assurer l’avenir de la nation albanaise en constituant un « Balli Kombëtar », un Front National (l’appellation est très bien portée en Europe à ce moment-là) et de s’armer pour toute éventualité. Le commandant Spiro Moisiu, le militaire le plus résolu du groupe, a déjà un plan pour désarmer les garnisons italiennes du sud du pays.
– Il faut faire vite, dit Mid’hat Frashëri. Sinon, les Alliés livreront l’Albanie aux Serbes et aux Grecs, et ce qui en restera, ils le restitueront au roi Zog, ce paon vaniteux.
– Mes hommes sont prêts, répond le commandant Moisiu. Ils se lèveront au premier signal.
Moisiu évite de dire à ses associés, issus pour la plupart de la classe des grands propriétaires, quel lieutenant il vient de recruter : un certain Mehmet Shehu, ancien officier des Brigades internationales d’Espagne, récemment échappé de France par l’Italie. Un Rouge, donc ! Sans doute, mais avec une précieuse expérience du combat.


28 août
Grèce

Charles de Gaulle lui-même participe au plan destiné à couvrir l’opération Torch. Le ministre de la Guerre entame une visite de trois jours des forces alliées en Grèce, en compagnie d’un aréopage d’officiers de haut rang. Son voyage commence à Héraklion et se poursuivra à Sparte (où il rencontrera les généraux Giraud et Ritchie) et Pyrgos.

A Héraklion, de Gaulle a une brève conversation avec le professeur Picard, chef du SR français pour la Grèce :

- Mon général, depuis la bataille de Limnos et à présent la prise de Zanthe, le prestige français a extraordinairement augmenté dans l’opinion grecque. Tous mes renseignements montrent que le moment est propice pour lancer un nouveau mouvement de résistance intérieure soutenu par la France. Le colonelSarafis, un très brave soldat et ami de la France, est prêt à partir en Thessalie pour en prendre la tête. Bien que le général Giraud ne soit pas d’accord…

– Giraud, je m’en charge. Dites au colonel Sarafis que la France n’abandonne pas ceux qui comptent sur elle.


Pour célébrer l’événement, (…).


29 août
(coupe)
Pendant ce temps, à Sparte, Donald Lincoln fait partie du groupe de journalistes qui accompagne le Général de Gaulle dans son voyage. « Nous avons été très touchés de l’amabilité du ministre (que presque tous les Français appellent “le Général”, tout court). Il semble avoir un certain goût pour les relations avec la presse, malgré un anglais épouvantable (encore que je le soupçonne d’avoir fait depuis deux ans de grands progrès, mais de les cacher avec soin). Lors de la petite conférence de presse qui s’est déroulée à l’état-major allié dans le Péloponnèse, il a répondu à nos questions avec la facilité d’un vieux politicien, avant, pour conclure, de faire semblant d’avoir entendu une question que nul ne lui avait posé, et d’y répondre, histoire de faire passer le message qu'il souhaitait…
Cette aisance avec la presse paraît agacer fortement le Général Giraud, qui l’appelle curieusement “Gaulle”[2]. Il pense sans doute qu’il aurait pu lui aussi faire un très bon ministre de la Guerre s’il n’avait pas été, aux heures dramatiques de juin 1940, en train de chercher à fausser compagnie aux Allemands qui l’avaient capturé. Ce n’est pas l’avis d’un jeune capitaine de l’état-major, qui m’a soufflé : “Le vieux Giraud est un très bon patron et il se bat comme un lion, mais si Pétain lui avait dit de mettre bas les armes, il aurait claqué les talons et obéi aux ordres, quitte à le regretter, peut-être, par la suite.” »


Giraud fait d’autant plus grise mine que “Gaulle” lui a fait savoir que son accord de non-ingérence avec les Britanniques était caduc, et qu’il devrait prévoir dans ses missions un soutien actif à la résistance intérieure grecque. Des civils, des subversifs, l’anarchie quoi !

________

(*) La référence aux guerres napoléoniennes est habituelle chez les Anglais de la génération du général Carton de Wiart, malgré l’Entente Cordiale !
(**) Adrian Carton de Wiart est né en 1880, Charles de Gaulle en 1890 et Neil Ritchie en 1897.

_________________
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Dernière édition par patrikev le Mar Mar 15, 2011 21:46; édité 2 fois
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patrikev



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MessagePosté le: Jeu Jan 27, 2011 21:43    Sujet du message: Répondre en citant

(Dans l'opération Herring, seul le dernier paragraphe est de moi)


4 septembre
Italie du Sud
(coupe)
Péloponnèse - Opération Herring

Sous le commandement de David Stirling, les 13 hommes du détachement L de la Brigade SAS débarquent près de Corinthe, après avoir été déposés par le sous-marin grec Nereus dans le Golfe Saronique. Leur cible: un QG allemand tout proche, où ils espèrent capturer ou tuer le Général Erwin Rommel. Le commando atteint le QG sans avoir été détecté. Cependant, Rommel et son état-major sont absents. Le détachement doit se contenter de capturer deux aides de camp et de saisir une masse considérable de documents. Alors qu’il se replie, trois hommes sont tués et deux blessés. Cependant, ce demi-échec n’empêche pas l’opération d’atteindre l’un de ses objectifs majeurs : détourner l’attention allemande de la Sicile.

Par ailleurs, Barracuda et Herring soulignent le développement de l’activité des Forces Spéciales alliées et notamment britanniques en Méditerranée.

Eddie Myers et Chris Woodhouse, officiers du SOE en Grèce centrale, se feront sévèrement réprimander pour n’avoir pas mieux préparé le repérage et anticipé les déplacements de Rommel. Par une fâcheuse circonstance, Jean Tsigantes, leur officier de liaison avec la résistance urbaine, avait été arrêté et fusillé par les occupants italiens quelques jours plus tôt. Jean Tsigantes était le frère du colonel Christodoulos Tsigantes, qui avait pris le commandement du Bataillon Sacré. Sa mort tragique aura au moins le mérite de réconcilier – très temporairement – les différentes composantes de la résistance grecque.

La Special Boat Section en Méditerranée (extraits de SAS – British Commandoes in WWII, par le Major Julius B. Alexander, OBE – Londres, 1953)


4 septembre
La Collaboration en Europe
Herzégovine (Yougoslavie) –
Dobroslav Jevdjevic, commandant des Tchetniks dans la région de Nevesinje, conclut un accord avec le général italien Roatta. En échange d’armes et de nourriture (la récolte a été très mauvaise), il s’engage à couvrir l’Herzégovine orientale contre les Partisans.

14 septembre
La Résistance en Europe
Herzégovine –
Une offensive des Partisans yougoslaves, commandés par Koča Popović et Arso Jovanović, ancien capitaine de l’armée royale, reprend aux Italiens la ville de Prozor. Le capitaine français Laurent Ravix apprécie en connaisseur le judicieux usage que font les Partisans de leurs quelques pièces d’artillerie (deux mortiers Brixia de 45 mm, un mortier Stokes-Brandt de 81 et un canon léger Böhler de 47). Les Yougoslaves, eux, complimentent le Français pour ses bonnes jambes de montagnard : il est vrai qu’il est fils de paysans du Vercors.

L’épilogue plaît moins à Ravix – après la prise de la ville, les officiers du régiment italien (de la 154e Division d’Infanterie Territoriale Murge) sont tous passés par les armes, en réponse aux exécutions massives effectuées par les Italiens les mois précédents, lors d’autres insurrections. Les titistes tiennent à montrer à leurs compatriotes et à leurs alliés que, contrairement aux Tchetniks, ils sont intraitables avec l’ennemi. Néanmoins, afin de calmer les scrupules de l’envoyé français, ils ont renoncé à massacrer la totalité de leurs prisonniers pour n’exécuter que les officiers.
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