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Ah, les Tropiques (Nouvelle-Guinée 2, Kokoda 2ème partie)

 
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Nov 10, 2006 14:26    Sujet du message: Ah, les Tropiques (Nouvelle-Guinée 2, Kokoda 2ème partie) Répondre en citant

J'oubliais de préciser que cette histoire est signée Mark (moins quelques minimes coloriages, pour lesquels je plaide coupable).
Mark connaît assez bien le pays.
Si vous voulez le connaître aussi, il y a des gens qui organisent des randos là-bas. Mais sans moi.

30 juin
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, Eora Creek)
En arrivant à Eora Creek avec la A/49ème, le Lt-Colonel Owen et ses vétérans du 39ème Bataillon découvrent un site à faire rêver tout défenseur. Le petit village d’Eora est installé sur une corniche plate au flanc d’un éperon baptisé Bare Ridge (la Crête Chauve). Le gros ruisseau (creek) d’Eora qui court vers le nord reçoit un affluent au pied de Bare Ridge, et le village est donc entouré d’eau sur trois côtés. La piste venant de Kokoda descend d’une crête élevée au nord du village, traverse le torrent à 1 200 mètres de celui-ci par un pont de souches, suit le torrent puis le retraverse par un second pont avant de monter jusqu’au village, tandis qu’une boucle contourne Eora par les jardins potagers du village et se dirige vers le sommet de Bare Ridge, plus au sud.
Le Lt-Colonel Owen dispose son 39ème Bataillon au village, en travers de la pente. La Compagnie A/49ème est placée un km plus loin, couvrant la piste qui contourne le village (piste “des jardins”). La Compagnie B/49ème est plus bas, couvrant le pont le plus proche. La Compagnie C/49ème est encore un peu plus loin, sur une pente raide qui domine la piste en un point où, suivant le torrent, elle traverse 400 mètres de terrain relativement plat (luxe rare dans la région). Disposé avec la C, le peloton de mitrailleuses du 49ème prend le premier pont en enfilade. Tous les mortiers disponibles sont concentrés derrière le village, sur le sommet plat de Bare Ridge. « Même moi, simple civil, je voyais bien que les Japonais allaient avoir un sérieux problème ! » racontera Shane Bradford, le photographe de presse, qui accompagne toujours les Australiens.

1er juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille d’Eora Creek)
Les Japonais approchent d’Eora. Une colonne descendant de la crête au nord du village est aperçue. Au moment où elle débouche en terrain plat, elle est prise sous le feu d’armes légères venant du côté opposé d’Eora Creek, que les pluies ont transformé en torrent. Les Japonais subissent quelques pertes et se dispersent dans la jungle.

2 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille d’Eora Creek)
Pour franchir le torrent, les Japonais ont déployé pendant la nuit 300 à 500 hommes sur le terrain plat devant le pont. Dans la brume froide du petit matin, cette force lance une attaque directe pour prendre le pont d’assaut.
Les Australiens leur font chèrement payer cet orgueilleux excès de confiance. Les attaquants sont taillés en pièces par les mitrailleuses, appuyées par les mortiers et les armes légères. Pris en enfilade alors qu’ils traversent le pont, hachés par les mortiers aux deux extrémités de celui-ci, harcelés par les armes individuelles, les Japonais sont repoussés avec environ 50% de pertes.
Stoppés net pour la journée, les Japonais font venir des renforts et en profitent pour faire monter de l’artillerie en première ligne. Ils installent une batterie de canons de 70 mm et quelques mortiers lourds sur une crête à 900 mètres environ d’Eora. Pendant ce temps, leurs reconnaissances se heurtent aux postes avancés de la Compagnie A/49ème, qui bloque la piste des jardins. Sachant ce que ces premières escarmouches annoncent pour le lendemain, le commandant de cette compagnie enterre ses deux mitrailleuses Vickers sur sa droite dans de vrais petits bunkers, solidement protégés et appuyés par des hommes abondamment équipés en grenades. Les servants ont des ordres stricts et des champs de tir prédéterminés. Le gros de la compagnie se déploie sur la gauche, dans la jungle, pendant que les éclaireurs des Papuan Volunteer Rifles repèrent les points où les Japonais se concentrent pour l’attaque du lendemain.

3 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille d’Eora Creek)
Peu avant l’aube, les clairons japonais annoncent l’attaque, et la Compagnie A n’attend pas d’autres ordres. Les hommes jaillissent de leurs positions et se jettent sur le flanc droit des Japonais qui commencent à monter à l’attaque. Ces derniers, stupéfaits par la férocité de la charge, pris en sandwich entre les Australiens furieux et les tirs des mitrailleuses postées de l’autre côté du ruisseau, lâchent pied et s’enfuient. Mais ils sont alors fauchés par les Vickers nichées dans leurs bunkers. Un moment plus tard, deux fusées bleues sont tirées et les mitrailleuses cessent le feu, permettant à la Compagnie A de pourchasser sur 200 mètres les Japonais éparpillés, avant de se regrouper et de se replier. Cent morts japonais restent sur le terrain, alors que les pertes australiennes sont très légères. Aucun prisonnier n’est fait. Les blessés sont abattus ou passés au fil de la baïonnette comme les autres, car nul ne demande ni ne fait de quartier.
Cet échec n’empêche pas les Japonais de commencer à bombarder vigoureusement Eora et les positions le long du ruisseau. Ils continuent aussi d’acheminer des renforts et, dans la soirée, ils disposent de près de 2 000 hommes.
La nuit tombe, glaciale, sous une pluie continue et pénétrante, et c’est tout juste si le ruisseau ne charrie pas des blocs de glace. Sur tout le front, par petits groupes, les Japonais harcèlent les Australiens. Au début de la nuit, la pression augmente sur les positions de la A/49ème, que des infiltrations forcent à se replier vers le sommet de Bare Ridge. Plus bas, face aux positions de la Compagnie C, les Japonais traversent Eora Creek à la faveur de l’obscurité : grâce aux restes du pont et aux rochers qui émergent, un homme acceptant de risquer sa vie pour traverser, or les Japonais ne manquent pas d’hommes de ce genre. Owen réalise qu’il n’a pas assez d’hommes pour arrêter ses adversaires partout à la fois, et sait que plus le temps passe, plus il risque, au moment de l’inéluctable repli, d’avoir trop de blessés pour ses porteurs.

4 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille d’Eora Creek)
Au milieu de la nuit vers 01h00, les Japonais attaquent sur trois fronts.
Sur la piste du Jardin, la Compagnie A/49ème est meutrie par quatre heures d’un combat sauvage. Le 39ème doit alléger ses positions pour lui prêter main-forte.
La deuxième attaque tente de traverser le ruisseau au-dessous du village. Les Japonais grimpent vers les maisons, mais se jettent sur les positions du 39ème et sont pris de flanc par la B/49ème. Un brutal combat au corps à corps se prolonge jusqu’à l’aube, et à un moment, même Owen prend part à la lutte.
La troisième attaque remonte le ruisseau de son point le plus bas pour prendre la C/49ème par le flanc nord. Dans la nuit, le corps à corps est d’une terrifiante intensité – mais il n’y a rien à faire pour envoyer des renforts à la C. Cependant, tous les mortiers disponibles tirent pour l’appuyer, et l’attaque japonaise est plus ou moins brisée.
A l’aube, les Japonais (eux-même fatigués, souvent malades et commencent à être à court de munition) font une pause et prennent un peu de recul. Owen évalue la situation et conclut qu’il faut que ses hommes épuisés se replient de plus vers une nouvelle position défensive préparée quelques km à l’arrière. Même en l’absence de renforts, c’est une bonne position défensive et surtout, on y trouve une abondante provision d’obus de mortiers ainsi qu’une sorte d’objet d’art : un inestimable canon de 25-livres, laborieusement démonté, chargé dans l’unique Handley-Page Harrow du théâtre d’opérations, transporté par les airs et remontés sur place. De plus, les appels au secours répétés lancés par Owen ont fini par décider l’état-major à faire transférer les troupes disponibles (des éléments de la 18ème Brigade de l’AIF) à Myola, dont l’aérodrome démontre pleinement sa grande valeur stratégique.
Les troupes australiennes commencent donc à lever le camp. Le 39ème n’a plus que 180 hommes valides, et il n’en reste que 350 au 49ème. Celui-ci a payé son manque d’entraînement au prix le plus élevé et son moral est très bas. Fort heureusement, les survivants du 39ème, enchantés d’avoir repoussé les Japonais au milieu de la nuit, ont le moral assez haut pour tous, et redonnent le goût du combat aux hommes du 49ème. L’humeur de ceux-ci s’améliore encore quand ils apprennent que, non seulement les “Fuzzy Wuzzy Angels” vont aider à évacuer les blessés, mais encore qu’à Myola, un pont aérien emportera ces blessés.
Bien loin, à Port-Moresby, les hommes de l’AIF regardent les infatigables équipages des avions de transport emporter des munitions et ramener des hommes émaciés, épuisés, gravement blessés. Leur dédain pour les “soldats en chocolat” (Chocolate soldiers) de l’AMF s’efface rapidement, et disparaît tout à fait quand ils voient les blessés s’échapper de l’hôpital pour tenter de rejoindre leurs unités et quand ils écoutent ces hommes leur décrire les tactiques des combattants japonais dans la jungle et la montagne.
Les seules unités américaines dans la région sont des troupes du génie qui devaient à l’origine aller à Milne Bay, et dont certains sont restés près de Port Moresby pour prolonger la route (ou plutôt le chemin, praticable essentiellement en jeep) aussi loin que possible sur le trajet de la piste de Kokoda. Quelques-uns de ces Américains ont été envoyés, avec une poignée de collègues australiens et une provision de barbelés, jusqu’au “Crossing” pour y construire des retranchements de campagne. Ce lieu va bientôt être rebaptisé du nom de l’infatigable et très respecté Capitaine Sam Templeton…

5 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille de Templeton’s Crossing)
« Par une de ces ironies dont l’Histoire est coutumière, le Capitaine Sam Templeton, du 39ème Bataillon de l’Australian Militia Force, ne mourut pas à l’endroit qui immortalise sa mémoire. Né à Belfast avant 1901, Templeton fut refusé par l’AIF en 1941 sous prétexte qu’il avait les pieds plats et s’engagea dans l’AMF, se rajeunissant presque certainement de plusieurs années pour y parvenir. Surnommé dans le Bataillon “le Vieux” ou “Tonton”, il était partout, toujours le premier à reconnaître les positions ennemies, en pointe de chaque attaque, le dernier à se replier. Il ne laissa jamais un seul de ses hommes en arrière, mort ou vif. Son sort exact est inconnu, mais il tomba entre Eora et le Crossing, dans une des innombrables actions d’arrière-garde livrées contre les poursuivants japonais. Quand le 39ème et le 49ème atteignirent le Crossing, ses camarades donnèrent son nom au lieu de leur prochain dernier combat et le Lt-Colonel Owen émit son fameux “Ordre au 39ème Bataillon du Queensland” : “Le 39ème se formera en hérisson sur les retranchements avancés de Templeton’s Crossing. Le Bataillon restera sur ces positions, car, tant qu’elles seront tenues, Myola ne pourra être pris et Port Moresby ne pourra être menacé. C’est ici que le 39ème résistera. Le Bataillon tiendra cette position. Que ses hommes soient vivants ou morts est sans importance.” » (B. Marcus, Les Forces armées australiennes dans la Seconde Guerre Mondiale)
L’effectif du bataillon remonte à près de 200 hommes quand les blessés (relativement) légers attendant l’évacuation à Myola rejoignent spontanément pour aider à tenir la position, avec la plus grande partie du stock de grenades de Myola – environ 6 000 projectiles.
Le 49ème reçoit l’ordre de tenir une position à 1 500 mètres de là environ, avec les mortiers, le 25-livres et le reste du ravitaillement, au point d’où part la piste de Kagi, c’est à dire à Templeton’s Crossing même. C’est la dernière ligne de défense. Le 49ème doit détacher 80 hommes pour bloquer une piste latérale que la position avancée du 39ème ne couvre qu’en partie. Cette piste contourne Templeton’s Crossing et rejoint la piste principale à moins de 3 km de Myola 1.
En pratique, le 39ème garde le point qui permettrait de déborder et de prendre Templeton’s Crossing, pendant que le 49ème garde celui qui permettrait de déborder et de prendre le secteur de Myola et son aérodrome.
Il n’y a pas de réserves. Une météo atroce (mais typique) rend Myola impraticable et ce sera le cas pendant près de deux semaines, en dépit des efforts surhumains des Hollandais qui pilotent les Lodestar de transport.

6 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille de Templeton’s Crossing)
Les éléments de reconnaissance japonais arrivent dans la zone du “Crossing”.
Alors que la bataille va s’engager à Templeton’s Crossing, la 18ème Brigade de l’AIF (7ème Division) progresse à marche forcée le long de la Piste. Au départ, le Brigadier Wootten ne croyait pas les récits des blessés de l’AMF évacués sur Port Moresby à propos des difficultés de la marche dans la jungle des montagnes de Nouvelle-Guinée, mais il est vite détrompé. Les hommes de l’AMF n’exagéraient pas, c’est presque le contraire…
Pendant que les trois bataillons de la 18ème Brigade (2/9ème, 2/10ème et 2/12ème) s’étirent sur la piste, des éléments de la 3ème Division de l’AMF arrivent à Port Moresby, mais peu à peu, en raison du manque de transports dû aux dégâts commis par les sous-marins japonais dans la région. La plupart des troupes de cette grande unité doivent aller renforcer la faible garnison de Milne Bay.

7 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille de Templeton’s Crossing)
Les forces japonaises se rapprochent. Dans la soirée, le 39ème est encerclé dans ses retranchements. La suite des événements de ce côté est très mal connue car, dans les deux camps, très peu d’hommes ont survécu à la guerre. Les seuls récits cohérents dont nous disposons aujourd’hui sont le témoignage des hommes du 49ème qui, à ce moment, voient arriver vers eux d’autres troupes ennemies.

8 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille de Templeton’s Crossing)
Dans la nuit du 7 au 8, les positions du 49ème subissent quatre violentes attaques, mais les Japonais ne cherchent pas à effectuer d’enveloppement. Malgré leur brutalité, ces actions sont limitées et visiblement destinées à faire tenir tranquille le 49ème. Dans la journée, les Japonais font une tentative pour passer par la piste qui contourne le Crossing ; cette tentative est repoussée par le détachement du 49ème qui tient le secteur, il n’y en aura pas d’autre.
Mais le grondement du combat venant des positions du 39ème ne cesse pas, et ne cessera pas pendant près de quatre-vingts heures. Et le tir des armes lourdes que protège le 49ème ne cessera pas, lui non plus. Les seules communications entre les deux bataillons sont des fusées Very, mais c’est bien suffisant.

9 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille de Templeton’s Crossing)
La journée des hommes du 49ème est entrecoupée par les harcèlements ou les attaques en règle des Japonais. Mais le bruit de la lutte que livre le 39ème , les fusées qui s’élèvent de ses positions et les tirs des mortiers et du 25-livres qui leur répondent forment comme un fond de décor immuable.

10 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille de Templeton’s Crossing)
En début de matinée, près avoir repoussé deux nouvelles attaques nocturnes, les hommes du 49ème voient monter des positions du 39ème une fusée Very blanche. Suivie par une fusée d’une autre couleur qui correspond à un secteur des retranchements, la fusée blanche demande à l’artillerie de tirer sur les positions mêmes du 39ème. Le bataillon commence à être englouti. D’autres fusées blanches suivront dans la journée, associées à d’autres couleurs indiquant d’autres secteurs…
Les hommes du 49ème n’ont guère le temps d’y penser. Certes, leurs positions ne sont pas la cible de l’artillerie ennemie ; elles ne reçoivent qu’une pluie de petits projectiles tirés par les lance-grenades, ou mini-mortiers (knee-mortars). Mais les Japonais lancent contre le 49ème une attaque toutes les deux heures environ, et ce harcèlement rageur ne s’arrête pas avec la tombée de la nuit, pas plus que la pluie froide et continue, qui imprègne le sol sans parvenir à laver le sang. Car si ces attaques sont plus ou moins prolongées, toutes s’achèvent au corps à corps, et des luttes désespérées mettent aux prises des hommes qui s’affrontent à coups de baïonnette, de couteau, de massue, de pierre, de poings… de dents…

11 juillet
Papouasie - Nouvelle-Guinée (piste de Kokoda, bataille de Templeton’s Crossing)
A l’aube, il semble d’abord que rien ne doive changer, que la journée du 11 va reproduire celle du 10, comme dans un cauchemar sans fin. Puis, en fin de matinée, le lugubre fracas de la bataille s’affaiblit dans la direction où agonise le 39ème Bataillon du Queensland, et le cauchemar empire.
Or, c’est peu après, vers midi, que les premiers soldats du 2/9ème Bataillon de l’AIF entrent en trébuchant dans Templeton’s Crossing. Ils viennent de parcourir en cinq jours cinquante kilomètres à vol d’oiseau à travers le terrain le plus difficile au monde, en traversant des lignes de crête sans nombre, le tout alors qu’ils sont à peine acclimatés. En dépit de cette épreuve, ce qu’ils découvrent à Templeton’s Crossing les sidère. Sous la pluie, dans la boue, moins de 450 hommes émaciés, malades et blessés pour la plupart (250 fantassins et 200 artilleurs et autres), les accueillent avec des cris de joie . Tous, artilleurs compris, brandissent leur fusil, et tous ont mis baïonnette au canon.
Le Lieutenant-Colonel Morgan, du 2/9ème, est vite mis au courant. Des bruits de combat viennent encore du côté des bunkers du 39ème, et les officiers du 49ème savent qu’entre leurs propres positions et ces bunkers, les Japonais n’ont pas pris la peine d’établir une véritable ligne de défense – seulement une série de camps où ils se rassemblent. Le premier de ces camps est à 150 mètres.
Le deuxième bataillon de la 18ème Brigade de l’AIF n’est plus qu’à sept ou huit km, donc Myola ne craint sans doute plus rien. De toute façon, il n’est pas question d’attendre ces renforts, car les hommes du 49ème veulent désespérément aller secourir le 39ème. Si désespérément qu’ils ne laissent pas le choix au Lt-Colonel Morgan : l’AIF fera ce qu’elle voudra, mais si elle ne bouge pas, le 49ème attaquera seul. Morgan n’a besoin que d’un seul regard aux combattants squelettiques qui se préparent fiévreusement. Il se tourne vers ses hommes : « Sac à terre, les gars. Et baïonnette au canon. » Malgré la fatigue, tous l’acclament.
Les attaquants progressent par bonds, couverts par les mortiers et les mitrailleuses. La surprise est complète pour les Japonais, car la pluie incessante a masqué l’arrivée du 2/9ème et ils n’envisageaient tout simplement pas l’arrivée de troupes fraîches – ou de quoi que ce soit d’ailleurs. Comme un de leurs officiers l’avait écrit dans son journal personnel : « Nous sommes peut-être en Enfer, enfermés seuls avec l’ennemi dans ces montagnes, loin des états-majors, loin de toute intervention extérieure, condamnés à marcher inlassablement sous la pluie, sans pouvoir espérer d’autre rédemption que celle de tuer ou d’être tué. »
Le combat est d’abord très violent. Après avoir enlevé deux nids de mitrailleuse, une quarantaine d’hommes du 49ème, apercevant le premier camp japonais, se lèvent et chargent. Cela déclenche, non une charge générale, mais une série d’attaques de petits groupes cherchant le combat au contact. Après deux heures d’une lutte féroce et acharnée, les Japonais ont reculé de 800 mètres. Soudain, vers 15h00, ils craquent et beaucoup s’enfuient. La fureur de l’attaque australienne redouble, et le rythme de leur avance s’accroît tandis que l’opposition faiblit.
Vers 16h00, les premiers hommes du 49ème parviennent sur les positions que le 39ème avait occupées. Le terrain est couvert de cadavres japonais et australiens. L’artillerie du 49ème a fait un terrible massacre chez les attaquants, mais presque toutes les positions australiennes ont été prises d’assaut, et les signes des corps à corps les plus sauvages sont partout. Puis, aussi inespéré que cela paraisse devant pareil carnage, les secours découvrent deux petits bunkers, à la limite sud de la position, encore tenus par des hommes du 39ème. Trente-deux hommes, tous blessés, commandés par un sergent que le Lt-Colonel Morgan nomme immédiatement lieutenant. « Pourquoi n’avez-vous pas creusé de fossés autour de vos bunkers ? » demande le Lt-Colonel. Réponse : « Nous l’avons fait, Colonel. C’est juste qu’ils sont pleins, maintenant. » D’après les survivants, seule leur copieuse provision de grenades leur a permis de tenir aussi longtemps. Sur six mille, il leur en reste soixante-dix.
Les Japonais décrochent, laissant les Australiens enterrer les morts – et découvrir le sort atroce des rares Australiens assez malchanceux pour être tombés vivants aux mains de l’ennemi. Ces découvertes seront responsables de la pure sauvagerie de la suite de la campagne. En effet, ces quelques prisonniers ont été torturés à mort – puis mangés. Cette histoire va se répandre comme une traînée de poudre. A moins d’un ordre formel, il sera dès lors très rare que des soldats australiens considèrent que les lois de la guerre s’appliquent à leurs adversaires japonais et qu’il soit opportun de faire le moindre prisonnier.
« Le corps du Lt-Colonel Owen fut découvert dans les décombres de son bunker de commandement. Comme tout son état-major, il était tombé en combattant au corps à corps. Le journal du bataillon fut retrouvé sur lui. Il y formulait des recommandations pour l’attribution de cinq Victoria Cross (toutes posthumes) et de nombreuses autres décorations (presque toutes posthumes). Ces recommandations furent satisfaites, et Owen eut droit à la sixième “VC”, faisant de Templeton’s Crossing presque l’égal de Lone Pine (en 1915, aux Dardanelles), où l’AIF avait gagné sept Victoria Cross.
Sur les 550 hommes qui avaient quitté Buna avec Owen, on n’en comptait plus que 80 lorsque les restes du 39ème furent rassemblés à l’hôpital de Port Moresby. Le 49ème était passé de 550 hommes à 250, et aucun des survivants n’était considéré en état de combattre. Les deux bataillons furent considérés comme formant à eux seuls la 30ème Brigade, car ce qu’ils avaient accompli dépassait à tel point ce qu’avait pu faire le 53ème que ce bataillon ne fut plus jamais associé à la Brigade. Enfin, de ce jour, toute tentative d’utiliser avec mépris – voire d’utiliser tout court – le terme “Chocolate soldiers” ou “Choco” devint le plus sûr moyen de déclencher une bagarre, y compris entre des membres de l’AIF. Seuls les hommes de la 18ème Brigade de l’AIF pouvaient encore prononcer ces mots, mais ils ne le faisaient qu’avec affection, de façon laudative. » (B. Marcus, Les Forces armées australiennes dans la Seconde Guerre Mondiale)

Le front se stabilise à cet endroit pendant quelques semaines, entre les sommets des monts Owen Stanley, pratiquement sur la ligne de partage des eaux. Les deux camps s’occupent d’acheminer leurs renforts et d’améliorer leur logistique.

(à suivre... quand Mark sera revenu de la pêche)
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Casus Frankie

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MessagePosté le: Ven Nov 10, 2006 16:47    Sujet du message: Répondre en citant

Superbe travail de Casus et de Mark.

j'espère simplement que l'office du tourisme de la papouasie-Nouvelle Guinée ne lit pas ce texte....
Je persiste et signe à dire que je prefère le froid russe.....

F

(PS: l'horible anecdote du cannibalisme japonais est hélas authentique).
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ladc51



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MessagePosté le: Ven Nov 10, 2006 17:33    Sujet du message: Répondre en citant

Quels talents de conteurs, messieurs le rédacteur et le traducteur !

Chapeau bas... Very Happy
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Laurent
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patzekiller



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MessagePosté le: Ven Nov 10, 2006 18:24    Sujet du message: Répondre en citant

c'est vrai qu'on sent qu'ils ont pas du rigoler tout les jours les jap, les chocolate non plus d'ailleurs...je trouve que c'est encore plus vivant que singapour

question : dans la mesure ou vous envisagez de faire une pause au 1/09/42, est ce que cela signifie que le 1er volume du livre en preparation sortira juste apres?
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MessagePosté le: Ven Nov 10, 2006 18:48    Sujet du message: Répondre en citant

Hmmm

En fait de pause, je viens de dire à mark qu'il pouvait embrayer sur de nouvelles aventures.
Dès que j'en ai terminé avec des annexes je passe à Torch et Rutter (Dieppe....).

par ailleurs, prière pressante pour SA SAINTETÉ

Mon Très Cher Père,
Quand aurais-je la réponse à mes humbles questions?

J'ai une OdB qui mijote.

Votre dévoué fils

F
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Nov 10, 2006 20:38    Sujet du message: Répondre en citant

Hmmm, oui, Pat', la pause est faite : c'était un arrêt pour permettre à au moins une partie des fronts de se rejoindre temporellement.

Par ailleurs, tu as remarqué que 1940 avait considérablement engraissé (va voir les fichiers en question sur la FTL si tu ne t'en es pas rendu compte) - et encore, c'était avant l'arrivée des Belges !
Bref, je pense pouvoir dire que la FTL en est, non à mi-chemin mais à 60%.

Jacques Lelong va bien ? Wink
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patzekiller



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MessagePosté le: Ven Nov 10, 2006 20:46    Sujet du message: Répondre en citant

pas trop progressé depuis notre dernier mail, les vacances avec mes gosses, puis l'iufm cette semaine m'ont pris pas mal de temps, mais ça murit... Wink
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