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Le destin du Commandant-Teste
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 18:16    Sujet du message: Le destin du Commandant-Teste Répondre en citant

Ce texte de DMZ (merci DMZ !) a été soigneusement revu par Capu Rossu (merci Capu R). Wink


La triste histoire du Commandant-Teste,
le porte-hydravions qui aurait voulu porter des avions


L’amertume – 24 août 1940
Au large de Casablanca
– Le capitaine de vaisseau Henri Lemaire, pacha du Commandant-Teste, et son équipage sont partagés entre la joie, la fierté et l’amertume. Les Italiens ont été durement châtiés à Tarente lors d’une magnifique opération aéronavale franco-britannique… à laquelle leur navire n’a pas été convié à participer. Lui qui fut le seul porte-aéronef engagé dans une opération militaire entre les deux guerres – ce fut sur la Côte des Somalis (on ne peut compter les évacuations ni les patrouilles en Méditerranée lors de la Guerre d’Espagne comme des opérations militaires) ! Et pendant que les autres se battent, ils sont contraints de transporter des avions en caisse de Halifax à Casablanca.
Certes, le Commandant-Teste est officiellement un transport d’avions, certes les livraisons d’avions aux unités combattantes sont primordiales pour la victoire des armées alliées, mais utiliser tout le potentiel de ce magnifique navire, un des plus modernes de la flotte, dans une opération offensive aurait sûrement été bien plus profitable. Après tout, à quoi bon monopoliser un tel navire et ses cinq cents hommes d’équipage hautement spécialisés et entraînés (sans compter les pilotes et équipes d’aviation et leurs équipements, débarqués depuis décembre 1939) pour faire ce que cinquante civils sur un cargo standard réaliseraient tout aussi bien : transporter des avions ! Et même pas beaucoup plus vite puisque les 2 640 milles de la traversée ne peuvent être parcourus à plus de 12 nœuds [Le Commandant-Teste a une vitesse maximum théorique de 21 nœuds, mais ses chaudières sont victimes de coups de feu du fait de présence d’huile sur la paroi intérieure des tubes et, malgré un lessivage, il ne peut plus donner cette vitesse. Mais même à 18 nœuds, son autonomie, quand la coque est propre (ce qui n’est à ce moment plus le cas), n’est que d’un peu moins de 2 400 milles et la navigation en zig-zags pour éviter les sous-marins augmente considérablement la distance à parcourir.]. Bien sûr, un cargo peut surtout transporter des avions en caisse, alors que le Commandant-Teste peut plus facilement les transporter entiers…
Mais il faut dire que le Commandant-Teste est bien plus qu’un transport d’avions, c’est une véritable base flottante capable de mettre en œuvre deux flottilles de Latécoère 298, des hydravions bombardiers-torpilleurs très modernes, destinés à attaquer des navires ennemis à plus de six cents kilomètres. Et pour que la pilule soit encore plus amère, même ses flottilles n’ont pas été engagées lors du raid contre Tarente, reléguées qu’elles étaient aux tâches, elles aussi ingrates mais essentielles, de patrouille sur les routes du Grand Déménagement.
Le CV Lemaire avait initialement conçu la mission qui lui avait été confiée comme une reconnaissance de l’utilité de son navire, mais il s’est vite aperçu qu’il avait été relégué à une tâche subalterne. En bon marin et officier, il continue à accomplir son devoir, mais il n’en fait pas moins remonter ses doléances à l’État-Major Général de la Marine (EMG Marine), en soulignant les capacités de l’outil qu’on lui a confié. Il ne s’agit pas seulement de la gloire retirée de la participation à des actions offensives : il ne peut laisser ce gâchis se perpétuer. Las ! Si les arguments portent quant à la disproportion entre le besoin de transport d’avions et l’outil utilisé, il est considéré que les actions des hydravions en Méditerranée sont tout à fait envisageables et plus simples à mettre en œuvre à partir de bases côtières, Malte en est un bon exemple.
Les rotations continuent donc dans l’Atlantique Nord. Heureusement que le Commandant-Teste dispose d’un confort inégalé sur bien des navires de la flotte : machines à laver, à sécher, à repasser, à éplucher les pommes de terre… salle de récréation… Mais les journées restent monotones.

Le besoin – 21 février 1941
Alger
« Mais où sont les Joffre et Painlevé ! » s’étrangle dans sa colère l’amiral Darlan, ministre de la Marine, à l’annonce de la destruction du Béarn par les avions allemands. Il reprend : « Nous avons perdu dix ans à discutailler de la meilleure formule, fait neuf pré-études de porte-avions pour les voir détruits sur cale alors que les Anglais, les Américains et même les Japonais en ont lancé une multitude dans le même temps ! Et l’opération Jugement a bien montré l’utilité de ces navires, à condition qu’ils soient suffisamment rapides et nombreux pour mettre en l’air une protection aérienne efficace ! »
Le ministre, tout partisan des porte-avions qu’il est récemment devenu, occulte tout de même un peu sa propre responsabilité, lui qui aurait pu faire pencher la balance à un moment ou à un autre depuis plusieurs années. Et puis il exagère un peu : le Painlevé n’a même pas été mis sur cale, à peine les approvisionnements ont-ils été faits. Mais personne n’ose lui en faire la remarque, pas besoin de l’irriter davantage.
« Il faut accélérer les études pour l’achèvement du Jean-Bart en porte avion ! Sa vitesse, sa protection de coque et des machines et sa capacité d’emport en feront enfin un navire à la hauteur de nos besoins. »
L’amiral Ollive et les membres de l’EMG Marine présents sont d’accord sur la nécessité des porte-avions en complément des navires de ligne – même si peu d’entre eux perçoivent la transformation radicale que cela entraînera dans les flottes. Et le porte-avions Jean-Bart est encore loin…

L’opportunité – 28 mars 1941
Alger
– Le CV Lemaire n’est pas le seul à penser que le Commandant-Teste pourrait être mieux utilisé. L’Ingénieur général du Génie maritime Léon Depralon avait suivi la construction du Commandant-Teste à Bordeaux et avait ensuite été affecté, en 1932, au service technique des constructions navales, à Paris, où il avait travaillé sur diverses études de porte-avions et sur les Joffre et Painlevé. Il estime que le navire pourrait facilement être transformé pour accueillir une vingtaine d’avions. Soutenu par quelques officiers supérieurs, il obtient l’autorisation de faire une pré-étude, qu’il présente fin mars à l’EMG Marine.
– Messieurs, notre étude montre que la modification du Commandant-Teste en porte-avions sera finalement relativement aisée. En voici les grandes lignes.
« Toutes les grues et catapultes seront déposées, les superstructures et mâts seront rasées ;
• les canons de 100 mm seront reportés par paires en encorbellement au niveau du pont supérieur, profitant des renforts des anciennes grues, plus une pièce simple de chaque côté à l’avant, ramenant leur nombre à cinq de chaque bord. Il y aurait lieu d’étudier leur remplacement par des pièces américaines pour ne pas risquer de problème d’approvisionnement en munitions.
• les pièces de 37 mm et de 13,6 mm subiront le même sort, mais elles seront remplacées par des 40 mm Bofors, des 20 mm ou des 12,7 ;
• un pont d’envol rigide solidaire du pont supérieur, se raidissant mutuellement, sera posé sur toute la longueur du navire au niveau du toit du roof du pont supérieur ;
• pour dégager le pont, les conduits de fumée seront dévoyés vers tribord entre le pont supérieur et le pont d’envol ; ceux d’aération le seront vers bâbord ;
• la drome de sauvetage sera placée en débord sur chaque bord, au niveau du pont supérieur ;
• l’îlot, regroupant les locaux des passerelles supprimées (passerelle de navigation, passerelle aviation, chambre des cartes, chambre de veille), sera situé en débord, à tribord, juste en avant de la cheminée, et portera les télémètres, les projecteurs et de la DCA légère ; les locaux plus techniques (TSF, chiffre, photographie, météo) et la salle des opérations aériennes seront situés à proximité, sous le pont d’envol ; le pigeonnier sera tout simplement supprimé
[Un certain nombre de navires de guerre, tels que le Commandant-Teste et l’USS Langley, avaient été dotés d’un columbarium dans les années vingt, mais l’usage des pigeons entre les appareils en vol et le navire avait toujours été décevant et les Américains avaient débarqué les leurs bien avant la guerre (en réalité, les pigeons du Langley s’étaient échappés dans la Chesapeake et n’avaient jamais voulu revenir à bord…).] ;
• les charpentes axiales séparant le hangar en deux seront supprimées, sauf au niveau des cheminées ; les bombes et torpilles stockées le long du bordé seront déplacées en hauteur pour augmenter l’espace ;
• les ascenseurs prendront la place des panneaux de hangar actuels, avant bâbord et arrière tribord – celui de l’avant fera 15 m par 10 m mais, du fait de la présence du moteur de la pompe d’assèchement arrière de 600 tonnes, qu’il serait très compliqué de déplacer, l’ascenseur arrière ne fera que 11,50 m par 8,50 m, ce qui reste suffisant pour tous les appareils, ailes repliées ;
• la machinerie des ascenseurs sera déplacée dans les cales aviation, situées juste en dessous, celles-ci étant reportées à l’arrière du navire, sous l’extension du pont d’envol ; les deux soutes à charbon transversales et deux des huit soutes à charbon latérales seront transformées en soutes à mazout, ce qui permettra d’augmenter significativement l’autonomie et donc la vitesse de croisière rapide soutenable
[Le Commandant-Teste marchait au mazout mais, comme tous les navires marchands étudiés dans les années 20, on avait considéré qu’il devait pouvoir être converti à la chauffe au charbon si celle au mazout ne donnait pas satisfaction. Le navire possédait huit soutes à charbon latérales ; six d’entre elles étaient remplies de coke métallurgique pour améliorer la protection des machines et chaufferies.] ;
• les machines seront révisées – en particulier, les fissures décelées dans les tubes de chaudières seront réparées pour rendre sa pleine capacité de vitesse au navire ;
• les emménagements ne seront que peu modifiés par les ascenseurs : le magasin et atelier d’armurerie, amputé d’un quart, sera transféré sous le pont d’envol, les quelques douches supprimées et les corneaux de l’équipage occuperont la place restante. »

Il est à noter qu’un pont d’envol au niveau du pont supérieur aurait fait gagner du poids et aurait abaissé le centre de gravité, améliorant les qualités nautiques de la plate-forme, mais les modifications auraient été beaucoup plus lourdes et les calculs montrent que la hauteur métacentrique au-dessus du nouveau centre de gravité restera bonne (au moins 1,30 m contre 1,75 m actuellement), meilleure même que celle du Béarn (1,10 m). De plus, le système de stabilisation antiroulis dynamique a fait ses preuves, même s’il est d’un fonctionnement peu pratique, ce sera une occasion de le perfectionner.
Le déport des conduits de fumées sous le hangar ferait gagner beaucoup de place et de facilité de manœuvre des appareils, mais les modifications des emménagements deviendraient beaucoup plus considérables. Avec la transformation proposée, il peut tout de même accueillir 24 appareils ailes repliées.
L’installation d’une catapulte augmenterait les capacités opérationnelles du navire, mais c’est aussi beaucoup de travaux supplémentaires et l’idée est écartée.
Deux mois de travaux devraient être suffisants pour toute la transformation.
– Les corneaux à la place de l’armurerie, le Maître armurier va en faire une jaunisse !
– Il prend de la hauteur, ceci compensera bien cela.
« Si c’est le seul inconvénient qu’ils voient au projet… »
se disent ses promoteurs.
– Mais le pont n’est-il pas trop court pour les appareils actuels ? Il me semble que le V-156F ne pouvait décoller à pleine charge du Béarn, dont le pont faisait quinze mètres de plus.
– C’est une méprise qui vient du fait que les appareils étaient initialement dépourvus de leur lance-bombe à fourche d’évitement qui leur permet de les larguer en dehors du cercle de l’hélice en piqué, intervient le capitaine de corvette Kilian, commandant la flottille AT-4. Ils ont donc été initialement utilisés avec leurs seules bombes de voilure.

Au vu des caractéristiques du navire transformé, certains se mettent à rêver à ce qu’aurait pu être la Flotte si le Commandant-Teste avait été choisi comme modèle de porte-avions au début des années 30, en attendant la définition finale des PA d’escadre. Pour le prix d’un cuirassé, quatre ou cinq “Teste” auraient pu être construits avant même le début de la guerre. Avec des machines un peu plus puissantes, des diesels par exemple, comme sur le PA.7, ils auraient même pu manœuvrer avec les navires de ligne.
Mais on ne réécrit pas l’Histoire.
L’EMG Marine présente alors le projet au gouvernement, qui donne son accord pour prendre contact avec les Américains et étudier la faisabilité de la transformation dans leurs chantiers navals. L’espoir renaît.

La déception – Mai 1941
Alger
– La mission française aux États-Unis se met en quête d’un chantier naval apte à faire la transformation. Les chantiers Kaiser, en particulier, sont intéressés mais sont situés sur la côte ouest et surtout, ils voudraient pousser leur propre projet de porte-avions d’escorte. Ils étudient toutefois attentivement les plans du navire. Impressionnés par la qualité de la conception, ils sont tout particulièrement intéressés par le dispositif antiroulis. Ils confirment l’estimation du délai de transformation faite par l’EMG Marine et déclarent même pouvoir la réaliser encore plus rapidement. En somme, les discussions avancent, mais les plans de charge se tendent autant que la situation internationale et les multiples demandes de la Marine Nationale ne sont pas faciles à satisfaire. Kaiser propose toutefois un créneau en juillet.
Mais au gouvernement, la construction, décidée au même moment, des quatre porte-avions de la classe “Rio” (en fait une transformation de cargos) est considérée comme prioritaire, sans compter la transformation du Jean-Bart. Et le risque de s’éparpiller est réel. Une âpre discussion entre des représentants du ministère de la Marine et de l’EMG s’engage.
– Le Commandant-Teste est apte à ses missions et n’a pas vraiment besoin d’être transformé.
– Mais nous n’avons aucun porte-avions actuellement, cela nous manque cruellement, d’autant plus avec la perte de la Corse et de la Sardaigne ! Le
Commandant-Teste pourrait être prêt très vite.
– Les “Rio” le seront presque aussi tôt. Et ils seront similaires, la classe sera plus aisée à maintenir et soutenir opérationnellement que le seul
Commandant-Teste.
– Il s’en faut tout de même d’au moins trois mois, ce qui peut être vital, et le Commandant-Teste aura une meilleure capacité opérationnelle. La transformation va justement mettre le navire aux standards américains pour l’artillerie. Voilà de la rationalisation ! Et puis ce ne sont pas des navires comparables, les “Rio” ne seront que des PA d’escorte, le Commandant-Teste sera un vrai PA léger, plus résistant et avec plus de capacités opérationnelles. De plus, son emploi actuel n’a rien à voir avec ses capacités, pouvons-nous continuer à le sous-employer ?
– Nous ne pouvons pas non plus nous disperser, les Américains commencent à nous faire sentir que nos demandes partent un peu trop dans tous les sens et qu’ils ont leurs propres priorités. Et le Prêt-Bail n’est pas non plus une poche sans fond. Nous ne pouvons les fâcher, même pour ce navire, et surtout pas au détriment du
Jean-Bart. Nous allons voir si nous pouvons lui retrouver un emploi digne de lui.
– Il faudrait au moins faire quelques modifications indispensables : réviser les chaudières et transformer les soutes à charbon en soutes à mazout pour simplifier les opérations et augmenter l’autonomie, et remplacer les 37 mm par des 40 mm, qui sont plus performants en termes de cadence de tir et d’impact.
– C’est entendu, nous demanderons ça à nos amis américains.

Bénéficier de ces modestes, quoique appréciables, modifications, ne fut qu’une maigre consolation pour le CV Lemaire et son équipage après le rêve suscité par le projet de porte-avions. En juillet, les améliorations décidées furent réalisées lors d’une des rotations. On y ajouta une installation radar – de seconde main, mais bien mieux que rien !

Rédemption et sacrifice – Décembre 1941–Avril 1942
Oran
– La conquête du Dodécanèse en juin, juste avant la refonte restreinte du bâtiment, fit croire un instant que le temps des batailles avait enfin sonné. Mais ce ne fut qu’un simple transport de plus, le Commandant-Teste retournant à son labeur triste et sans gloire.
La nouvelle de l’attaque japonaise dans le Pacifique prit tout le monde par surprise et sema la consternation, seuls quelques hauts responsables s’attendant à une action de leur part. Mais la perspective, vite connue, de retrouver leurs flottilles d’hydravions de combat et de repartir avec elles au combat enflamma l’équipage d’enthousiasme.
Très vite, l’AT-4, récemment équipée de Northrop N-3PB, remplaçant les Latécoère 298 épuisés, et déployée à Lesbos, est mise en alerte.
Le 21 décembre, après avoir débarqué les appareils transportés et embarqué à la hâte bombes, torpilles et tout le matériel et les rechanges disponibles, le navire se joint au convoi “Long Sword” à destination de l’Extrême-Orient. La capacité de mazout permettant désormais de croiser à vitesse élevée à 18 nœuds, le canal de Suez est atteint le 25 et les îles Andaman le 8 janvier.
Les N-3PB, ne disposant pas d’ailes repliables, sont trop grands pour entrer dans les hangars. Ils feront le voyage par les airs en empruntant la route d’Air France à destination de l’Extrême-Orient (Tripoli du Liban, Boucherh, Jask, Karachi, Bombay, Madras, Port-Blair) en compagnie de cinq mécanos avec quelques pièces de rechange dans un Dewoitine 338. Le reste de l’échelon rejoindra un peu plus tard par cargo.
Port-Blair – Un travail intense commence dès le 8 janvier pour l’équipage du Commandant-Teste, les pilotes et les mécaniciens de l’AT-4, qui doivent se préparer à affronter l’avance japonaise.
Le 24 mars, Port-Blair est attaqué par l’aviation japonaise et, malgré une défense énergique de la DCA du Commandant-Teste, celui-ci est durement touché et doit s’échouer pour éviter une perte totale. Le navire continue cependant son travail de support aux hydravions basés à terre. Mais il est finalement détruit lors du bombardement de Port-Blair le 14 avril par une flotte japonaise. Ironie du sort, on sait aujourd’hui que les Japonais avaient été persuadés de détruire un “vrai” porte-avions.
Le navire fut cité à l’ordre de l’Armée de Mer : « Transport d’aviation Commandant-Teste – Sous le commandement du capitaine de vaisseau Lemaire (A.P.H.), étant le 24 mars mouillé dans la rade de Port-Blair, aux Andaman, a subi un bombardement aérien très violent auquel il a vivement répondu par sa DCA, touchant plusieurs appareils ennemis.
L’équipage a fait preuve d’un esprit combatif exceptionnel et a gardé un sang-froid très méritoire pendant le bombardement ; après avoir échoué le navire fortement endommagé, il a fait preuve d’un bel esprit de dévouement en portant secours, dans des nappes de mazout enflammé, aux marins survivants de deux cargos coulés dans la rade. »

Ainsi finit dans l’honneur un bien beau navire dont l’immense potentiel ne put jamais être pleinement exploité. Il avait toutefois bien nourri la réflexion sur l’aéronavale au sein de la Marine Nationale et nombre de ses enseignements ne furent pas perdu.

Ironie et revanche posthumes – 1945-1955
La destruction du Commandant-Teste ne marque pas vraiment la fin de sa tragique histoire. Le navire eut des successeurs “de la main gauche” : les porte-avions d’escorte sortis des chantiers Kaiser lui durent beaucoup, en particulier leur système de stabilisation qui en fit des navires particulièrement efficaces. En hommage, les Américains reprendront même son nom pour l’un d’entre eux, mis en ligne en 1945 (dans le même temps, un de ses sister-ships était baptisé Andaman Islands pour honorer la Royal Navy et la RAF). Une délégation française fut conviée à la cérémonie du baptême. Quelques rescapés du premier Commandant-Teste y participèrent. Le capitaine de frégate Paul-Marcel Teste, farouche promoteur de l’avion dans la Marine, était enfin entendu.
En 1955, pour marquer l’anniversaire de la fin de la guerre, l’USS Commandant-Teste (qui avait fort peu navigué et était en excellent état) fut offert à la France au titre du plan Marshall. La Marine allait-elle enfin mettre en ligne un porte-avions portant ce nom ?
Nouvelle ironie du sort ! Le bâtiment fut choisi pour expérimenter un nouveau concept, celui du porte-hélicoptères. C’était malgré tout une sorte de revanche pour Paul Teste, qui n’aurait certainement pas renié le potentiel du nouvel engin volant. Le Commandant-Teste devait défricher avec brio ce nouveau terrain au bénéfice du navire-école porte-hélicoptères Jeanne-d’Arc.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 18:28    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
« Mais où sont les Joffre et Painlevé ! »


Il ne s'en est pas non plus beaucoup préoccupé avant. D'ailleurs, c'était tout sauf des gros PA - des escortes au mieux !
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FREGATON



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 19:02    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Citation:
« Mais où sont les Joffre et Painlevé ! »


Il ne s'en est pas non plus beaucoup préoccupé avant. D'ailleurs, c'était tout sauf des gros PA - des escortes au mieux !

Les Joffre et Painlevé des PA d'escorte...?? Rolling Eyes

M'enfin... Bon, certes pas des Lexington ou des Hornet, mais avec 20 000 t, 236 m, 120 000 hp, 33 nds, 4 tourelles doubles de 130 mm et 40 avions ça fait quand même une jolie barque, avec en plus une protection pouvant aller jusqu'à 102 mm, excusez du peu!! Wink
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Archibald



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 19:05    Sujet du message: Répondre en citant

Génial ce texte. J'adore.
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Archibald



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 19:11    Sujet du message: Répondre en citant

FREGATON a écrit:
demolitiondan a écrit:
Citation:
« Mais où sont les Joffre et Painlevé ! »


Il ne s'en est pas non plus beaucoup préoccupé avant. D'ailleurs, c'était tout sauf des gros PA - des escortes au mieux !

Les Joffre et Painlevé des PA d'escorte...?? Rolling Eyes

M'enfin... Bon, certes pas des Lexington ou des Hornet, mais avec 20 000 t, 236 m, 120 000 hp, 33 nds, 4 tourelles doubles de 130 mm et 40 avions ça fait quand même une jolie barque, avec en plus une protection pouvant aller jusqu'à 102 mm, excusez du peu!! Wink


A 236 m ils auraient été plus long (et plus rapides aussi, a 33 kt) que les P.A d'après guerre OTL.

La bonne blague du jour.

Pourquoi la marine française a Suez en 1956 comme en 1963, volait elle toujours sur F4U Corsair alors qu'on avait des jets embarqués SNCASE Aquilon, c'est à dire des D.H Venom sous licence ?

Parce que, quand les Aquilons firent des essais sur le Lafayette et l'Arromanches en 1956, l'on s'aperçut de deux choses très... ennuyeuses.

- Le Lafayette avait pour lui la vitesse (31 kt) mais à 190 m, il était trop court !

- L'Arromanches, lui, avait la bonne longueur (210 m) mais pas la vitesse: 24 kt.

Donc les Aquilons pouvaient apponter en essais mais opérationnellement,c'était cuit.

Donc les Corsairs restèrent en service jusqu'en 1963... et l'année suivante, bond de 20 ans instantané avec l'entrée en service des Crouzes supersoniques ! Misère, le choc que ça a du être pour les pilotes !
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Dernière édition par Archibald le Dim Nov 24, 2019 19:12; édité 1 fois
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 19:12    Sujet du message: Répondre en citant

Moi je compare avec ce qui se faisait au même moment - Lexington, Ark Royal, Akagi ... Meme le Zeppelin me semble meilleur ! Ou l'Aquila, pourtant reconverti. Les PA des années 30 en France étaient l'exemple type du navire de support - ca rend le retournement de veste de Darlan d'autant plus mesquin !
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DMZ



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 21:14    Sujet du message: Répondre en citant

Les Lexington et Sarratoga sont des croiseurs de bataille reconvertis après le traité de Washington. Les Américains considéraient à l'époque que la taille optimum était 27.000 t : la classe Essex qui ne fut mise en chantiers qu'après l'abandon du traité de Washington. La classe Yorktown faisait 20.000 t, très proche des 18.000 t du Joffre. En revanche, la capacité d'emport d'avions était bien plus élevée avec 90 avions contre 40 mais nombre d'entre eux étaient des rechanges suspendues aux plafonds des hangars, non comptabilisées dans le cas des PA français me semble-t-il.

L'Ark Royal faisait 22.000 t et emportait 50 à 60 avions.

L'Akagi est aussi un croiseur de bataille transformé. Avec 36.500 t, il n'emportait que 66 appareils plus 25 en réserve.

Nous sommes donc bien dans les mêmes classes de navires même si les Joffre et Painlevé auraient été dans la tranche basse.
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Archibald



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 21:19    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai toujours dit qu'on aurait pas du s'arrêter au Béarn - il y avait quatre autres coques de cuirassés Normandie en chantier en 1920, et ce jusqu'en 1926 au moins.

Certes le Béarn était pour le moins raté et bancal mais justement, les deux ou trois conversions suivantes auraient pu améliorer le design, et renvoyer le Béarn au stade de P.A d'entrainement...

Et voilà, 3 - 4 P.A pour la France.
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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 21:20    Sujet du message: Répondre en citant

À la relecture, je viens de me rendre compte d'une erreur : l'opération Jugement a lieu fin août, le GD est terminé depuis un moment, les Laté 298 ne sont plus nécessaires à la surveillance des routes entre la Métropole et l'AFN, un certain nombre étant basés à Malte à cette époque. Ce qui rend leur absence lors de Jugement un peu étonnante : ils avaient le rayon d'action pour le faire à partir de Malte mais tout juste, ceci expliquant peut-être cela. Raison de plus pour fulminer pour l'équipage du CT qui aurait pu les mettre en œuvre par catapultage avec retour à Malte.
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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 21:22    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
ce qui reste suffisant pour tous les appareils, ailes repliées

Justement, qu'aurait donné la hauteur sous plafond du hangar du Cdt-Teste ?
Mais attention quand même, en mars 1941 la nécessité de replier les ailes pour caser un maximum d'avions à bord n'est peut-être pas bien perçue par la MN. Personne à ce stade n'a été confronté à une bataille aéronavale d'ampleur imposant un grand nombre d'avions (Tarente aurait théoriquement pu être attaquée exclusivement à partir de Malte, l'avantage d'utiliser des porte-avions étant l'effet de surprise).
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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 21:24    Sujet du message: Répondre en citant

DMZ a écrit:
À la relecture, je viens de me rendre compte d'une erreur : l'opération Jugement a lieu fin août, le GD est terminé depuis un moment, les Laté 298 ne sont plus nécessaires à la surveillance des routes entre la Métropole et l'AFN, un certain nombre étant basés à Malte à cette époque. Ce qui rend leur absence lors de Jugement un peu étonnante : ils avaient le rayon d'action pour le faire à partir de Malte mais tout juste, ceci expliquant peut-être cela. Raison de plus pour fulminer pour l'équipage du CT qui aurait pu les mettre en œuvre par catapultage avec retour à Malte.

Les Laté 298 sont très utiles pour traquer les navires italiens qui ravitaillent la Libye ou assurent le trafic entre le continent et les différentes îles italiennes.
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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 21:27    Sujet du message: Répondre en citant

Archibald a écrit:
J'ai toujours dit qu'on aurait pas du s'arrêter au Béarn - il y avait quatre autres coques de cuirassés Normandie en chantier en 1920, et ce jusqu'en 1926 au moins.

Certes le Béarn était pour le moins raté et bancal mais justement, les deux ou trois conversions suivantes auraient pu améliorer le design, et renvoyer le Béarn au stade de P.A d'entrainement...

Il ne faut pas rêver, le Béarn était déjà un bel effort pour une Marine dont la plupart des chefs ne croyaient pas aux PA. De plus, la France n'avait plus les moyens de produire ces navires, elle s'est plaint des termes du traté de Washington mais n'a même pas pu construire autant de tonnage qu'autorisé...

Et puis le Béarn n'était pas si raté ; il était trop lent (ce qui eut été impossible à corriger sur les autres cuirassés de la classe Normandie) et ses ascenseurs manquaient de de rapidité mais pas tant que ça.

De toutes manières, il n'a jamais été vu comme autre chose qu'un porte-avions expérimental.
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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 21:30    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
Les Laté 298 sont très utiles pour traquer les navires italiens qui ravitaillent la Libye ou assurent le trafic entre le continent et les différentes îles italiennes.

Absolument mais mon texte n'en reste pas moins faux quand il fait référence au GD... Embarassed

Quand à les détourner une journée pour parfaire les dégâts de Jugement-Punishment, ça peut valoir le coup.
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MessagePosté le: Lun Nov 25, 2019 13:15    Sujet du message: Répondre en citant

Question peut-être passée inaperçue : quelle hauteur sous plafond pour le hangar du Cdt-Teste ?
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MessagePosté le: Lun Nov 25, 2019 13:38    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
Question peut-être passée inaperçue : quelle hauteur sous plafond pour le hangar du Cdt-Teste ?


D'après Navypedia,

http://www.navypedia.org/ships/france/fr_cv_commandant_teste.htm

Le dimensions du hangar sont de 84x27x7m

je suppose que les 7 mètres sont la hauteur de plafond...
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